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Doit-on pouvoir filmer la police ?

vendredi 20 novembre 2020, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 20 novembre 2020).

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Publié jeudi 19 novembre 2020 à 17:51
Modifié jeudi 19 novembre 2020 à 17:51

Yan Pauchard

Image d’illustration. — LAURENT GILLIERON/Keystone

Le buzz autour de la vidéo d’une arrestation musclée d’un fêtard récalcitrant à Lausanne repose la question de filmer les actions des forces de l’ordre. Alors que d’autres pays envisagent de restreindre ce droit, la Suisse adopte une approche pragmatique

Un jeune homme plaqué au sol par trois policiers, maintenu à terre et menotté. Des esprits qui s’échauffent autour de l’intervention de policiers lausannois pour mettre fin à une fête sauvage, dans la nuit de vendredi à samedi dernier, aux abords du Palais de Beaulieu. « On va tout filmer, frérot, t’inquiète pas », entend-on sur une vidéo qui sera ensuite postée sur internet. Relayée par le site du journal 20 minutes, elle fait le buzz, vue près de 100 000 fois. Violence injustifiée des forces de l’ordre ou arrestation légitime d’un individu récalcitrant ? Le débat a enflammé les réseaux sociaux durant plusieurs jours.

« Dans cette époque du tout à l’image, être filmé durant une intervention est aujourd’hui devenu une réalité », constate Emmanuel Fivaz, vice-président de la Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP), qui n’y voit pas de problème : « Par leur uniforme, les forces de l’ordre ont pour vocation à être visibles. » L’avis est partagé par Pascal Lüthi, le commandant de la police cantonale neuchâteloise : « Dès qu’un policier sort du poste et qu’il arrive dans l’espace public, il doit être conscient qu’il peut être filmé. » Il reconnaît que le fait de se retrouver avec des téléphones portables pointés sur soi peut parfois « provoquer de l’inconfort, voire de la nervosité », chez certains de ses collaborateurs. Il les enjoint toujours à demeurer « confiant en la formation et leur engagement ».

Pascal Lüthi s’interroge néanmoins sur les répercussions de ces vidéos, visionnées hors contexte et qui peuvent être tronquées : « L’image porte en elle un fort vecteur émotionnel et ne favorise pas la prise de recul. Bien sûr, il peut y avoir des dérapages et ils doivent être dénoncés avec vigueur. Mais des policiers font usage de la force tous les jours, de manière légitime. Il ne faudrait pas qu’on arrive à voir dans chaque intervention une potentielle faute. »

George Floyd : l’emblématique vidéo

Cette suspicion grandissante, pour Emmanuel Fivaz, est en grande partie due aux nombreuses images que l’on reçoit aujourd’hui du monde entier. Il pense en premier lieu à la vidéo de la mort de George Floyd, décédé suite à une arrestation le 25 mai dernier à Minneapolis, devenue emblématique des violences policières, plus particulièrement envers la communauté afro-américaine. « Ces images ont créé une onde de choc et interpellent », reconnaît le vice-président de la FSFP, qui met néanmoins en garde contre les raccourcis : « Il n’y a aucune comparaison possible avec les Etats-Unis, que ce soit en termes de formation des agents ou des méthodes d’engagement. »

Reste que la Suisse n’est pas épargnée et a connu plusieurs affaires suite à la diffusion d’images de violence policière, pas forcément prises par des téléphones portables. En 2013, par exemple, le scandale lié au tabassage d’un prévenu au sol par un policier, capté par une caméra de vidéosurveillance, finira par provoquer le départ du commandant de la police lucernoise. Si personne ne remet en cause la possibilité de filmer les actions des policiers, il en est autrement ailleurs. L’Espagne l’a ainsi interdit en 2015. En France, le débat est actuellement brûlant. Débattue depuis mardi à l’Assemblée nationale, la loi sur la « sécurité globale » veut restreindre ce droit, en pénalisant la diffusion d’images de forces de l’ordre « dans un but malveillant ».

Dans un contexte ultrasensible après les polémiques liées à la répression des manifestations des « gilets jaunes », la disposition engendre une vive levée de boucliers. « Cette loi qui prévoit des sanctions très lourdes – jusqu’à 45 000 euros d’amendes et 1 an de prison – vise surtout un effet de dissuasion », s’offusque Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer à Amnesty International France, qui défend le droit de filmer des agents. « C’est un acte citoyen, qui permet de documenter d’éventuelles violations des droits humains », argumente-t-elle, précisant que « plusieurs enquêtes ont été ouvertes par le parquet suite à la diffusion de vidéos de violence policière ».

Sortir de « l’isolement institutionnel »

S’il ne souhaite pas s’immiscer dans le débat français, Pascal Lüthi ne voit cependant pas d’un bon œil le fait de restreindre la possibilité de filmer les agents : « De telles mesures ne font que creuser le fossé entre une population et sa police. Alors qu’au contraire il est nécessaire de bâtir une confiance entre les deux. » De son côté, Frédéric Maillard, analyste et consultant pour différents corps de police, estime que ces évolutions de la société doivent inciter les différentes polices à mieux communiquer et à sortir d’une forme d’« isolement institutionnel ». « Il arrive que des agents doivent utiliser la force dans l’espace public. Cette force peut être brutale, très démonstrative. Elle va heurter, voire choquer. C’est aux policiers de l’expliquer – par exemple, l’individu arrêté était en possession d’une arme –, sur place, aux personnes présentes dans la rue ou a posteriori. »

« Les policiers suisses sont très bien formés sur le plan technique, mais insuffisamment sur le plan social, de l’argumentaire et du rendre compte », regrette encore Frédéric Maillard, qui tient également le blog « L’observatoire des polices » pour Le Temps. Il encourage plus généralement les forces de l’ordre à se montrer proactives : « Les policiers devraient par exemple aller davantage vers les jeunes, notamment dans les écoles, afin de leur expliquer leur métier. » Il conclut qu’il faut accompagner le phénomène : « Dans un Etat de droit, la police est au service de la collectivité. Elle a l’obligation de rendre des comptes et cela passe aujourd’hui par le fait d’être filmé. »

Note de do :

Photos - Films - Je suis pour le floutage de la flicaille qui nous massacre. Parce qu’ainsi, les gens prendront conscience que ce ne sont pas quelques flics qui sont pourris, mais la police elle-même en tant qu’institution. Et donc cette société toute entière.

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