Avec la métaphore de la ligne de partage des eaux il faut donc néanmoins comprendre la différence de dialectique entre l’histoire et la géographie… !
Les eaux qui se séparent entre deux bassins versants cessent complètement de pouvoir se mélanger, d’une manière ou d’une autre, au moins jusqu’à leur arrivée à la mer…
Les époques historiques se séparent radicalement également en fonction de la dominance de tel ou tel mode de production économique, mais la séparation de ces modes eux-mêmes n’est évidemment pas aussi radicale que la séparation de leur dominance.
Les modes esclavagistes et féodaux ont coexisté, et le plus souvent, sur les mêmes territoires, durant plusieurs siècles. Vraisemblablement du VIIe au XIIe siècle, mais le milieu du IXe siècle semble situer le point de bascule entre les deux dominances. Les modes féodaux et capitalistes ont également coexisté durant de longs siècles, depuis l’apparition des premières bourgeoisies embryonnaires, au XIIe siècle, également, jusqu’à l’intégration des « aristocraties d’affaires » au début du XXe siècle.
Dans la dialectique sociale humaine tous les modes de production continuent, peu ou prou, de coexister, même si dans des proportions significativement inégales. Les « chasseurs-cueilleurs » sont quasiment en voie de disparition, l’ « esclavagisme » fait un retour remarqué, profitant du chaos actuel, sans pour autant avoir une chance de redevenir dominant, la féodalité semble avoir disparu mais imprègne encore, localement, pas mal de mentalités et de rapports sociaux, y compris en France, et le capitalisme, qui paraît encore dominant et même écrasant, est en réalité déjà en train de céder sa place au banco-centralisme, dont il n’est plus que la face apparente et dépourvue de toute autonomie en dehors du cycle de la dette.
Pour comprendre le monde actuel, et surtout « post-covid », (ou plus exactement « covidé-confiné » !), il faut donc déjà comprendre le cycle de la dette.
De manière très simplifiée :
__Les États-nations s’endettent « publiquement » et lourdement auprès des banques d’affaires, mais à un taux dérisoire et non-rentable pour les dites banques…
__Qu’à cela ne tienne, les Banques Centrales rachètent l’essentiel de ces titres de dette…
__Ce qui permet aux banques d’affaires, ainsi renflouées en liquidités de racheter des titres boursiers et donc d’alimenter la spéculation financière…
__Spéculation qui permet aux bourses, non seulement de ne pas s’effondrer, mais même de battre, en pleine « crise économique du covid », des records de capitalisation, surtout pour les plus grandes entreprises…
__Et donc, par voie de conséquence directe, cela permet aux monopoles Gafam et autres de survivre à la crise et de continuer d’écraser le monde…
__Alors même qu’ils ne sont pas, autrement et globalement, par eux-mêmes, créateurs de suffisamment de valeur, même spéculative, pour compenser leur endettement, sans même parler de celui des États.
__Tesla, fondée pourtant depuis 2003, en est l’exemple le plus frappant, qui bat des record de capitalisation toutes catégories sur la base d’un bilan comptable chroniquement et durablement déficitaire, autrement.
Actuellement, même en battant des records de capitalisation boursière, son bilan ne peut encore être « consolidé » qu’à cette condition, en revendant ses propres actions !
https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2021/01/doc-tesla.pdf
https://www.bilan.ch/entreprises/tesla-va-vendre-jusqua-5-milliards-de-dollars-dactions
__Sans ce circuit Dette privée-Dette publique-banques d’affaires-Banques Centrales-banques d’affaires-Spéculation-Dette privée, tout le système s’effondrerait donc en quelques jours, à commencer par les marchés financiers et les monopoles Gafam et autres…
__Au centre du système se tiennent donc les Banques Centrales qui permettent cette circulation de la dette et son cycle de renouvellement perpétuel en « encaissant » toujours plus au passif de leur bilan, indéfiniment couvert par leur propre création monétaire.
__Cette « création monétaire permanente » représente donc à la fois la dette globale du système et son déficit en matière de « création de valeur ».
__Comprendre le fonctionnement du cycle de la dette est une chose, et comprendre quelle en est l’origine réelle en termes de déficit de valeur créée, une autre. Mais c’est évidemment l’essentiel, quant au fond du problème, car c’est ce qui est précisément la base économique et sociale du banco-centralisme, et, évidemment, la raison pour laquelle il prend inexorablement le pas sur le capitalisme « classique » !
__Cela demande une analyse détaillée des processus complexes de création de valeur dans le contexte du développement des forces productives modernes, et ne peut se résumer en quelques lignes.
__Pour illustrer ne serait-ce qu’un aspect extrêmement partiel et limité du problème on prendra comme exemple celui de la création d’une ligne entièrement robotisée de production automobile, (ce qui, pourtant, n’est pas encore tout à fait le cas de Tesla) : un bureau d’étude embauche des ingénieurs qualifiés pour cette création… Leur projet réalisé est donc mis en œuvre le jour d’une grande inauguration où tout fonctionne à merveille, et les bagnoles commencent à être produites et à se vendre comme des petits pains, ou presque… Pas comme chez Tesla, donc, le coup s’avère tout de suite rentable…
Mais par malheur ou par un sale coup de la concurrence, il se trouve qu’un terroriste débile fait presque aussitôt sauter le bureau d’étude avec tout le personnel des ingénieurs qui ont conçu techniquement le projet…
Cela n’empêche en rien le ou les propriétaires et/ou actionnaires de l’usine de continuer à la faire tourner… Les bagnoles continuent d’être produites et de se vendre toujours au même prix, et donc, supposément, à la même valeur, également.
La valeur, bien réelle, du travail créatif des ingénieurs n’est aucunement intégrée dans la valeur de chaque voiture autrement que par l’intermédiaire de la machinerie robotisée, c’est-à-dire par la valeur d’usage (…amortissement !) du capital fixe représenté par cette machinerie robotisée.
__C’est donc, comme disait le barbu, et malheureusement ici, littéralement, du « travail mort » !
C’est donc essentiellement du travail de création subjectif, même si avec dépense d’énergie mentale (et physique relative), qui est entièrement et directement objectivé dans le capital fixe, la machinerie, et ne reproduit pas plus de valeur que n’en a coûté au départ, le salaire des ingénieurs, amorti et intégré, de fait, dans la valeur d’usage du capital fixe, soit absolument zéro en termes de plus-value issue de la production elle-même.
La plus-value de la production, c’est-à-dire la valeur créée par la production en plus de la valeur d’usage du capital fixe ne peut venir que de la valeur d’usage d’une force de travail additionnelle éventuellement indispensable au processus productif lui-même, ce qui n’est donc pas le cas ici.
Ce n’est que par un quantum de travail directement objectivé dans le processus de production que peut se former une plus-value, comme quote-part de ce temps de travail moyen socialement nécessaire à la production particulière de chaque voiture, ce que l’on résume par un « quantum de travail »…
La notion de « travailleur collectif » producteur de plus-value, intégrant ingénieurs et personnels d’encadrement, n’a de sens que lorsque cette plus-value existe, selon l’évidence et M. de La Palisse…
Même dans une usine automatisée où il reste une part de personnel ouvrier, dans la mesure où il n’exerce plus que des fonctions de contrôle technique, de surveillance et d’entretien de la machinerie automatique, son rôle est assimilable à un travail d’encadrement de la production robotisée, sans qu’il n’y ait réellement de quantum de travail absolument et nécessairement indissolublement lié au processus productif.
Même s’il reste encore quelques postes de travail où le geste stéréotypé, répétitif, et, peu ou prou, chronométré, de l’ouvrier est indispensable à l’avancement de la chaîne de production, la plus-value réelle totale, relative et absolue, créée "collectivement" par l’usine, est en fait limitée à la somme des valeur absolues et relatives crées par ces postes spécifiques résiduels, c’est-à-dire un total de plus en plus dérisoire, en proportion de la masse du capital fixe mis en œuvre.
Cela solutionne, en fin de compte, le paradoxe du dernier ouvrier sur la ligne de production, qui a occupé une partie des débats avec le camarade Gérard Bad. Il est donc clair que la notion classique et marxiste de productivité du travail, ainsi que de plus-value relative et absolue, n’ont cours que tant que se développe encore la notion de quantum de travail directement objectivé dans la production, (genre taylorisme ou fordisme), au cours du processus productif lui-même, et non dans le développement du capital fixe, ni même dans sa valeur d’usage, bien que réalisée au cours du processus productif.
Avec le développement actuel la « productivité du travail » est donc devenue essentiellement un mythe lié aux tentatives de survie du capitalisme « classique » dans le contexte de la crise qui le condamne, et non lié à ce développement des forces productives lui-même.
La prétendue « productivité du travail » n’est plus, pour l’essentiel, que celle du capital fixe, en tant que sa simple reproduction par le cycle de la dette, et n’est aucunement dans un rapport inverse des effectifs ouvriers encore en fonction…
La présence des derniers ouvriers sur les lignes de production n’est en rien le reflet d’une prétendue « amélioration (…exponentielle ???) de la productivité du travail », mais simplement le dernier obstacle sur la voie de l’extension du capital fixe et de la robotisation…
Leur élimination progressive et finale est précisément l’antithèse bien concrète de la notion de « productivité du travail », et l’expression concrète de sa fin déjà actée entre la fin des années 70 et la fin du siècle dernier.
Bien entendu, ce processus est nécessairement inégal, à la fois selon les secteurs d’activité et les zones géographique de développement, mais il est néanmoins globalement déjà prégnant et irréversible, et c’est bien ce qu’on compris les banco-centralistes… !
Il est d’autant plus prégnant qu’à mesure qu’il s’étend géographiquement aux zones de développement encore relativement arriérées, il s’accélère également dans le temps, comme le montre l’exemple chinois, ne laissant même pas, finalement, une marge de développement suffisante aux nations émergentes pour parcourir complètement tous les cycles « classiques » du développement capitaliste, les précipitant, souvent prématurément, dans le cycle infernal de la soumission au banco-centralisme, sans avoir eu réellement le temps de s’affranchir du joug impérialiste et néo-colonialiste !
La reproduction du capital fixe n’en génère donc pas moins la production d’une masse de valeurs d’usage, qui sont donc introduites directement, en tant que telles, sur le marché, pour répondre à la demande solvable, sinon aux besoins sociaux réels, de façon marginale et incomplète, ce qui n’est qu’un effet évidemment gravement insuffisant de ce processus.
Cela ne signifie pas non plus que ces valeurs d’usage ne sont pas aussi des valeurs d’échange, mais évidemment d’un genre bien différent de celles issues du travail humain productif.
Une voiture sortant d’une chaîne de production entièrement automatisée a bien une valeur d’usage, qui est celle de la part d’amortissement du capital fixe (machinerie automatique) dont elle est le produit, visant également à le reproduire.
Cette valeur d’usage est aussi sa valeur d’échange réelle, et donc dépourvue de tout potentiel de réalisation de plus-value, qui n’existe tout simplement pas. La « marge bénéficiaire » que s’octroie éventuellement, et même, généralement, le ou les propriétaires et/ou actionnaires de l’usine est tout simplement, d’entrée de jeu, une marge fictive, un bénéfice et un profit fictifs, qui ne viennent que grossir le capital fictif déjà en circulation, et non « enrichir » l’économie d’une valeur nouvelle réellement créée.
Bien au contraire, c’est même l’un des processus par lesquels le capital fixe absorbe de plus en plus, et notamment, via la consommation, ce qui reste de valeur-travail en circulation et la transforme de plus en plus en capital fictif, et l’intègre ainsi au cycle de la dette, qui est donc, fondamentalement, celui de la reproduction du capital fixe, au lieu de contribuer à le solutionner. Ainsi on voit bien que le banco-centralisme n’est pas l’effet d’un « complot » d’une minorité de pervers narcissiques, mais bien l’effet d’un développement irréversible des forces productives modernes.
On voit aussi que la solution réside d’abord et avant tout dans une maitrise démocratique et collective du crédit, qui seule peut permettre une maitrise du cycle de développement des forces productives modernes en fonction des besoins sociaux réels, et non pas en fonction de la survie d’un capitalisme « classique » d’ores et déjà moribond, ni de la survie, en tant que nouvelle classe dominante, d’une poignée de banquiers centraux mondialistes et parasitaires extrêmes, actuellement en train de tisser la toile du cyber-fascisme planétaire.
Luniterre
« Merveilleux » Monde d’Après : face à l’émergence du banco-centralisme, quelle forme de Résistance ?
https://tribunemlreypa.wordpress.com/2020/06/11/merveilleux-monde-dapres-face-a-lemergence-du-banco-centralisme-quelle-forme-de-resistance/
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