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L’identité numérique, ou la question de la souveraineté étatique en ligne

vendredi 15 janvier 2021, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 15 janvier 2021).

Note de do : Avec l’e-ID, vous ne serez plus qu’un code barre et l’État saura tout sur vous.

En plus, en Suisse, elle sera peut-être gérée par des privés. Et, comme elle ne sera pas obligatoire, l’État (et peut-être le privé) aura une liste de bons citoyens, ceux qui se seront inscrit pour avoir une e-ID.


L’identité numérique, ou la question de la souveraineté étatique en ligne

https://www.letemps.ch/suisse/liden…

Publié jeudi 14 janvier 2021 à 09:56
Modifié jeudi 14 janvier 2021 à 14:40

Boris Busslinger

Les Suisses seront appelés à se prononcer le 7 mars 2021 sur un projet de loi déterminant : les modalités d’un passeport en ligne. Il est prévu que celui-ci soit émis et géré par des entreprises privées, ce qui est combattu par référendum

Les particuliers pourront utiliser le passeport web pour faire un achat, commander un document officiel ou encore signer un contrat. — DR

Le 7 mars 2021, la Suisse se prononcera sur le référendum contre la loi sur l’identité électronique. Si vous n’en avez jamais entendu parler, c’est probablement parce que l’initiative « Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage » a accaparé toute votre attention. Ou le nouvel accord de libre-échange avec l’Indonésie. Ou le coronavirus. Pourtant, ce premier objet ne manque pas d’intérêt, puisqu’il concerne les modalités futures de l’identification en ligne de tout citoyen suisse, qu’il s’agisse de ses engagements contractuels privés (ouverture d’un compte bancaire, assurance, demande de subside), de ses relations avec l’administration (commande d’un document officiel, fiscalité) ou de ses achats en ligne, selon les politiques mises en place par chaque entreprise.

Qu’est-ce que l’identité électronique ?

Pour faire des achats ou obtenir des services publics ou privés sur internet, il est nécessaire de s’identifier. Cette procédure se fait généralement par l’intermédiaire d’un nom d’utilisateur et d’un mot de passe. Nous en possédons tous d’innombrables, identiques ou différents de quelques caractères, dispersés aux quatre coins du web et de notre mémoire. Souvent peu sûrs, ils sont facilement falsifiables, susceptibles d’être hackés, revendus ou encore usurpés par autrui. Certaines identifications passent encore par des démarches artisanales, comme une photo de documents d’identité. Comme aucune loi suisse n’encadre jusqu’ici ces procédures, le Conseil fédéral a décidé de clarifier la chose et, « soucieux que seul l’Etat puisse vérifier et confirmer officiellement l’existence d’une personne et les éléments de son identité », il a enjoint au parlement de légiférer sur une sorte de nouveau « passeport numérique » individuel comprenant les données personnelles de chacun : nom, prénom, lieu et date de naissance, état civil, sexe, nationalité(s) et une photographie.

En quoi consiste le projet suisse ?

Le projet de loi prévoit la chose suivante : le secteur privé fournit les identifications électroniques et l’Etat surveille le processus. Si aucun fournisseur ne se présente, l’Etat peut intervenir et délivrer lui-même les e-ID. Cela paraît toutefois improbable, puisque SwissSign (consortium formé de sociétés proches de l’Etat, d’établissements financiers, de compagnies d’assurances et de caisses maladie dont les CFF, La Poste, Swisscom, Credit Suisse, UBS, la Bâloise, la Vaudoise et Helvetia) s’est annoncé prêt à remplir ce mandat. La loi prévoit en outre la possibilité d’avoir plusieurs fournisseurs différents – tenus de se reconnaître les uns les autres et de garantir une interopérabilité – dont les prix et prestations pourraient potentiellement varier. Pour s’assurer que le secteur privé remplisse sa mission correctement, deux nouveaux organismes devraient voir le jour : le service d’identité, rattaché à l’Office fédéral de la police (Fedpol), qui sera chargé de contrôler l’exactitude des données d’identification personnelle avant l’établissement de l’e-ID. Et la Commission fédérale indépendante des e-ID (Eidcom), qui devra reconnaître les fournisseurs d’identités numériques et leurs systèmes et surveiller la bonne application de la loi.

Concrètement, comment fonctionnera l’e-ID ?

Tout citoyen désirant obtenir une identité numérique – elle n’est pas obligatoire – devra contacter le fournisseur privé chargé de leur émission. La demande reçue, ce dernier la transfère aux autorités, qui demandent confirmation auprès du citoyen avant de faire parvenir ses données au fournisseur. Qui peut alors établir le précieux sésame. Une fois la clé d’identification en possession de l’usager, l’Etat sort de l’équation. Dès cet instant, à chaque fois qu’un particulier utilise son passeport web pour faire un achat, commander un document officiel ou encore signer un contrat, il revient uniquement à l’entreprise privée chargée de l’émission du justificatif de confirmer son identité. La loi prévoit que les nouvelles e-ID puissent être délivrées selon trois degrés de garantie différents : « faible », « substantiel » et « élevé ». Les différents degrés de prestations privées ou publiques auxquelles ces derniers donneront accès, ainsi que leur prix, ne sont pour l’instant pas connus. A noter que les données générées par l’utilisation de l’e-ID devront être détruites après six mois.

Pourquoi un référendum, et qui le soutient ?

A l’instar du vote de novembre sur les entreprises responsables, les 50 000 signatures nécessaires au référendum ont été récoltées par un comité citoyen formé de l’association Public Beta, qui gère notamment la plateforme WeCollect, portail soutenant l’aboutissement d’initiatives et de référendums en ligne, et de l’association Société numérique, qui vise la protection des internautes. Huit cantons, Vaud, Genève, Neuchâtel, Schwytz, Zoug, Bâle-Ville, Obwald et Soleure sont également opposés au projet de loi. Le référendum a aussi les faveurs du Parti vert’libéral, des Verts, du Parti pirate et du PS.

Si le Conseil fédéral et les partis bourgeois y sont officiellement opposés, plusieurs membres de l’UDC, du PDC et du PLR y ont également apporté leur soutien. Ces différents acteurs déplorent tous la même chose : que le secteur privé se voie confier l’une des tâches publiques « les plus fondamentales » – délivrer des documents d’identité – « tout en lui permettant d’en tirer du profit ». Ils dénoncent un projet « à contre-courant de la prise de conscience mondiale de la toute-puissance des entreprises sur le web », qui « menace la souveraineté de l’Etat » et pourrait introduire de « graves discriminations entre citoyens » du fait des divers degrés de protection prévus – vraisemblablement disponibles à des prix différents. L’e-ID doit absolument être la même pour tout le monde et son émission doit revenir à l’Etat et à l’Etat seul, soulignent les référendaires. D’autant, disent-ils, qu’elle pourrait un jour servir à voter en ligne.

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