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Commémoration - Aux obsèques d’Ambroise Croizat, un million de personnes

mardi 16 février 2021, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 16 février 2021).

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16 février 2021

Assawra

Le 17 février 1951, un samedi de pluie dans les rues de Paris. Ils étaient un million de tristes mines à suivre le cortège comme « un ruban de larmes et de fleurs qui s’étire jusqu’au cimetière du Père-Lachaise », accompagnant Ambroize Croizat. AFP

Il y a soixante-dix ans, un million de personnes participaient aux obsèques du ministre communiste. L’appel afin qu’il repose au Panthéon, lancé à l’initiative de l’Humanité, fait écho à cette adhésion populaire.

En ce début d’année 2021, qui voit célébrer à la fois les cent vingt ans de la naissance et les soixante-dix ans de la mort d’Ambroise Croizat, un appel a été lancé, le 28 janvier, à l’initiative de l’Humanité, par des élus, des syndicalistes et des intellectuels. Il a été signé depuis par des milliers et milliers de citoyens et de militants de tous horizons afin que la France fasse entrer le ministre communiste du Travail et de la Sécurité sociale, ancien syndicaliste et dirigeant CGT, au Panthéon et, par ce geste, reconnaisse l’apport du mouvement ouvrier à l’histoire de notre pays.

Il y a soixante-dix ans, la ferveur populaire à la suite de son décès en atteste. Il suffit d’en faire le récit en commençant par cette citation  : «  Jamais nous ne tolérerons qu’un seul des avantages de la Sécurité sociale soit mis en péril. Nous défendrons à en perdre la vie et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès…  » Ce sont ses derniers mots à l’Assemblée nationale en octobre 1950. Des mots prémonitoires.

Le soir même, le téléphone sonne dans l’appartement de la rue Daguerre, où vit le «  ministre des travailleurs  ». Au bout du fil, le docteur Hertzog Cachin. La voix d’Ambroise blanchit. «  J’ai compris quand j’ai vu son visage changer, raconte sa fille Liliane. Il a bredouillé quelques mots. Comme pour dire que la maladie avait gagné.  » L’opération est urgente. Elle aura lieu fin octobre, à la clinique chirurgicale du Parc, à Lyon. C’est là qu’officie le professeur Santy, brillant hématologue. Ambroise Croizat ne se souvient plus du professeur Santy. L’homme rappelle ce qu’il lui doit.

En 1946, il avait sollicité une entrevue au ministère du Travail. Croizat lui avait accordé ce que d’autres instances lui avaient refusé. Une bourse de recherche pour vaincre la «  maladie bleue  » des enfants. En 1950, les premiers résultats feront reculer celle que l’on appelait «  la mangeuse d’enfants  ». Quelques années plus tard, elle était vaincue définitivement… 10 février 1951, après une courte convalescence, Ambroise Croizat est transféré précipitamment à l’hôpital Foch de Suresnes, il décède le matin du 11. Il vient juste d’avoir 50 ans. Le 12, Paris apprend sa mort. Dans les rangs de la manifestation commémorant l’anniversaire du défilé unitaire du 12 février 1934, les ouvriers de Billancourt portent son effigie crêpée de noir. Paris a appris, la France sait. Manchettes barrées de noir à la une de la presse.

À la Maison des Métallos, son corps repose dans la grande salle Lacazette, où il avait tant de fois pris la parole. Au fond, un immense portrait. Près de la dépouille, des montagnes de roses. Des milliers de visages défilent pendant une semaine… 17 février, un samedi de pluie. Gris dans les rues mortes. «  Dans ce silence tombé comme un volet fermé, commence à travers ce Paris qu’il a tant aimé, ce Paris qui l’aime, son dernier voyage  », écrira Jean-Pierre Chabrol, dans l’Humanité, le 19 février 1951. La foule, dense, avance dans une marée de parapluies plantés de drapeaux. Ils sont un million. «  Regardez notre cher Ambroise, on dirait qu’il avance vers nous  !  » C’est un vieux qui parle. Il bat la semelle sur les trottoirs bondés de l’avenue de la République.

Il attend depuis trois heures le cortège qui mène en terre l’ancien syndicaliste et dirigeant de la CGT. Le silence s’épaissit. À peine troué par la pluie qui frappe le pavé. Boulevard Magenta, des enfants sur les épaules saluent de la main. Secoué par le vent, un portrait géant ouvre le brouillard. «  C’était comme un fleuve veiné de tricolore où tremblait la brume des cravates de crêpe, ajoute le journaliste. Œillets, couronnes sur toute la largeur de la rue. Par milliers sur des kilomètres. Comme si des parterres fleuris s’étaient mis soudain à marcher. Mineurs, métallos, élus barrés d’écharpe, la France entière s’était, ici, donné rendez-vous.  »

Place de la République. On voit la tête du cortège. Marcel Cachin, Jacques Duclos, André Marty, Benoît Frachon, Étienne Fajon… Hier encore, à la Maison des Métallos, ils entouraient le cercueil en garde d’honneur devant la ronde des anonymes qui a duré jusqu’à minuit. «  Je fais comme les autres, dit une vieille, je pleure. Ma retraite, la première de ma vie, c’était lui… Et pour moi, tout a changé depuis.  » «  Dans le silence empli de parfums, des fleurs encore. Fleurs porteuses d’amour, comme si le pavé était jardin  », poursuit Jean-Pierre Chabrol. Cimetière du Père-Lachaise. Piétinement mouillé comme une litanie. Devant la tribune dressée à l’entrée, des gerbes de tous pays. Celles des sidérurgistes de Milan ou de Rome, celles des métallos de Lorraine ou de Finlande, des ouvriers du bâtiment de Tunis ou d’Alger. La voix de Frachon, au loin, bien après les haies de roses  : «  La mort t’a enlevé, camarade. Écoute l’hommage qui monte. C’est ton peuple qui t’aime.  »

Se succéderont les discours de Jean Breteau, d’Alfred Lebidon, secrétaire de l’Union des vieux travailleurs, pour s’achever dans les mots de Marty, dirigeant du PCF  : «  C’est une promesse, Ambroise, au cœur du peuple qui t’accompagne, nous continuerons sans trêve la lutte qui fut la tienne…  » À quelques pas de la terre fraîchement remuée, les tombes du colonel Fabien, d’Henri Barbusse, de Pierre Semard et le mur des Fédérés, symbole des 27 000 fusillés de la Commune de 1871.

L’Humanité - Mardi 16 Février 2021
Michel Etiévent

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