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Les neutrinos ont une masse

vendredi 19 mars 2021, par visiteur (Date de rédaction antérieure : 19 mars 2021).

Les physiciens apportent une preuve définitive sur la masse des neutrinos

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Mardi 29 mai 2018 à 19:02

François Mange

Détecteur d’ondes gravitationnelles au Japon. — Shohei Suzuki/The Yomiuri Shimbun

Des scientifiques dressent le bilan du projet Opera, chasse à la particule élémentaire la plus insaisissable : le neutrino. Ils apportent une preuve définitive que ce dernier a une masse, ce que le Modèle standard de la physique des particules n’a pas prévu

Les geeks fans du Guide du voyageur galactique de Douglas Adams le savent : « La réponse à la grande question sur la vie, l’Univers et le reste est 42. » La physicienne Giuliana Galati répondrait plutôt… les neutrinos, d’énigmatiques particules qui renferment bien des secrets sur notre Univers.

« Insaisissables et rendant les physiciens fous depuis près d’un siècle », selon les propos de la chercheuse, elles remettent en question les fondements de la physique des particules. Le 22 mai a été publié le rapport final du projet Opera, lancé conjointement en 2006 par l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) à Genève et le Laboratoire national du Gran Sasso, près de L’Aquila en Italie. Les quelque 170 physiciens de cette collaboration dressent le bilan de leur traque entamée il y a 80 ans. Ils répondent définitivement à une question qui depuis taraude la science : oui, les neutrinos sont bien pourvus d’une masse.

Fantômes de la taille d’un moustique

Leur traque a démarré dès l’hypothèse de leur existence, formulée en 1930 par le physicien autrichien Wolfgang Pauli. Cette théorie permet que soit respecté le principe de conservation de l’énergie dans certains phénomènes de désintégration nucléaire, par exemple lorsqu’un neutron se désintègre en proton, développement à l’œuvre dans les étoiles. Son collègue italien Enrico Fermi les a aussitôt baptisés « neutrinos », littéralement les « petits neutres », car minuscules et de charge électrique nulle. Problème : ils étaient indétectables à l’époque. « J’ai fait une chose terrible : j’ai inventé une particule qu’on ne peut pas détecter », ironisa un jour Pauli.

Il existe trois types ou « saveurs » de neutrinos : les neutrinos électroniques, les muoniques et les tauiques. Des expériences de première génération datant des années 2000 ont laissé entendre que les neutrinos se transformaient ou « oscillaient » d’une saveur à une autre. « Ce qui suggère qu’elles ont une masse, explique Giuliana Galati, auteure de l’étude. Le problème, c’est que le Modèle standard de la physique des particules suppose que les neutrinos en sont dépourvus. » Le projet Opera visait ainsi à amener une preuve directe et irréfutable qu’un neutrino pouvait osciller d’une saveur à une autre, quitte à contredire le Modèle standard, pour ensuite l’affiner.

Mais leur détection n’est pas une mince affaire. Bien qu’elles soient les deuxièmes plus abondantes dans l’Univers après les photons, ces particules sont en effet insaisissables. Elles n’interagissent pratiquement jamais avec la matière, qu’elles traversent à une vitesse proche de celle de la lumière. Des milliards de milliards de neutrinos traversent la Terre chaque nanoseconde, sans qu’aucun interagisse avec quoi que ce soit. Bon courage pour les détecter…

Les physiciens ont toutefois relevé le défi et construit des instruments colossaux : des cuves de dizaines de mètres de haut construites sous la montagne. Elles sont remplies de dizaines de milliers de tonnes d’eau et leurs parois sont garnies de miroirs photomultiplicateurs. Le principe ? Si un neutrino passe par là et interagit par chance avec le noyau d’un atome d’une molécule d’eau, il émet un infime flash lumineux qui sera détecté et amplifié par les miroirs…

« Autant essayer d’attraper un moustique avec un filet de pêche, s’enthousiasme Giuliana Galati. Si un électron faisait la taille d’un ours, un neutrino ne serait pas plus gros qu’une mouche, quelle que soit sa saveur », ajoute-t-elle.

Une preuve irréfutable

Le projet Opera vise à mettre en évidence la transformation d’une saveur de neutrinos à une autre. Mais pas de manière indirecte comme lors des expériences de première génération, qui consistaient à déduire l’apparition de certaines saveurs à partir de la disparition d’une autre. La détection d’Opera est directe : elle mesure véritablement l’apparition de saveurs. C’est la preuve non pas par disparition, mais par apparition.

Propulsés dans les profondeurs de la croûte terrestre, 100 millions de milliards de neutrinos muoniques ont été envoyés chaque jour par l’accélérateur de particules du CERN, le Super Proton Synchroton, en direction de la cuve du Gran Sasso, située à 730 km de là. Si les neutrinos muoniques oscillent bien, alors des neutrinos électroniques ou tauiques devraient avoir été décelés. Ce fut le cas. « Nous avons pu déceler dix neutrinos tauiques, explique Giovanni De Lellis, professeur à l’Université de Naples. La preuve est ainsi faite avec un très grand degré de certitude que les neutrinos peuvent osciller d’une saveur à une autre et ont donc une masse », conclut-il.

La naissance de l’Univers

Alors, faut-il jeter le Modèle standard à la poubelle ? Non, répondent les physiciens : il faut simplement prendre en compte cette nouvelle donnée qui apportera peut-être de nouvelles réponses, par exemple quant à savoir pourquoi l’Univers est majoritairement fait de matière et non d’antimatière. « Cela pourrait être dû à un phénomène similaire à celui des neutrinos qui oscillent, explique Stavros Katsanevas, directeur de l’Observatoire gravitationnel européen.

Le problème est simple, on ne peut pas faire apparaître une particule sans son antiparticule, ou son opposé. Le Big Bang aurait donc dû créer autant de matière que d’antimatière. Seulement, ce n’est pas le cas et les neutrinos pourraient nous aider à mieux comprendre cette asymétrie », conclut-il.

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