Facilitation de l’infection par des anticorps
https://fr.wikipedia.org/wiki/Facil…
13 mai 2021 à 19h30
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Il y a facilitation de l’infection par des anticorps quand des anticorps (ici représentés par des structures bleues en forme de Y) se lient à aux particules virales (étiquetées DENV) et aux récepteurs gamma Fc (étiquetés FcγR) exprimés sur les cellules immunitaires (ici représentées par les ovales orangés), augmentant la probabilité que les virus infectent ces cellules (justement chargées de défendre l’organisme contre les infections)
La facilitation de l’infection par des anticorps (Antibody-dependant enhancement ou ADE en anglais) est un phénomène se produisant lors d’une infection virale, quand des anticorps non neutralisants de l’hôte facilitent l’entrée du virus dans les cellules hôtes, et parfois aussi sa réplication1. Ce phénomène permet à certains virus d’infecter des cellules ne possédant pas le récepteur permettant l’entrée du virus. Il confère à certains virus une infectiosité et une virulence accrues. Pour rappel, les anticorps ont normalement trois fonctions immunitaires principales : se lier à l’antigène (virus notamment), activer le système du complément et recruter des cellules immunocompétentes.
L’existence du phénomène de facilitation de l’infection par des anticorps (d’abord très controversée)2 a été récemment observée et démontrée, d’abord en médecine tropicale, avec des flavivirus sources de maladies vectorielles transmises par des moustiques (virus de la dengue, virus de la fièvre jaune et virus Zika3,4) puis avec le virus de l’immunodéficience humaine, et il est soupçonné chez d’autres virus. Une question en cours dans la pandémie de COVID-19 est de savoir si - et si oui, dans quelle mesure - certaines formes graves de la COVID-19 sont induites par une ou plusieurs infections antérieures par d’autres coronavirus5.
Dans le cas de maladies virales « facilitées » par un ADE, ce phénomène peut entraver le développement d’un vaccin, car ce dernier peut justement provoquer la production d’anticorps qui, via l’ADE, aggraveraient ensuite la maladie contre laquelle le vaccin a été conçu. L’hypothèse de la facilitation implique, par exemple dans le cas de la dengue, que l’industrie pharmaceutique produise un vaccin tétravalent6, beaucoup plus difficile à concevoir7. Ainsi les candidats vaccins contre le virus de la dengue et contre le virus de la péritonite infectieuse féline (un coronavirus qui infecte le chat) ont dû être abandonnés car ils provoquaient une telle réaction8.
Mécanismes
Les mécanismes de la facilitation de l’infection par des anticorps ne sont pas encore totalement élucidés, mais plusieurs hypothèses ont été émises, probablement complémentaires et s’appuyant sur plus d’un mécanisme.
L’hypothèse générale est que certaines cellules du système immunitaire (monocytes/macrophages) ne disposent pas sur leur surface des récepteurs habituels que le virus utilise pour entrer dans ces cellules, mais qu’elles ont des « récepteurs Fc » qui se lient à une extrémité des anticorps.
Un virus capable de se lier à l’autre extrémité de l’anticorps pourrait ainsi utiliser cet anticorps comme une « clé » pour pénétrer et infecter la cellule immunitaire. Le virus de la dengue utilise, au moins dans certains cas, ce mécanisme pour infecter les macrophages humains de personnes précédemment infectées avec une souche différente du virus. Un virus, normalement bénin, et restant bénin chez ceux qui sont infectés pour la première fois, peut alors chez ces personnes causer une infection virale grave et potentiellement mortelle9.
Celles-ci impliquent notamment la formation de complexes « anticorps-virus, » ou de complexes « composant du système du complément-virus »10.
Il est supposé que, dans la majorité des cas, les anticorps impliqués dans ce phénomène sont des anticorps neutralisants d’un autre virus, ou d’un autre sérotype du virus, comme dans le cas de la dengue11.
Les anticorps produits par des lymphocytes B mémoires réactivés (ou transmis par voie materno-fœtale)12,13, seraient non seulement parfois incapables de neutraliser un sérotype viral différent de celui d’une infection ultérieure, mais en outre ces anticorps « à réactivité croisée » se lieraient au contraire à la particule virale pour former avec elle un complexe facilitant l’infection de toute cellule portant le récepteur Fc, telles que les monocytes/macrophages14. La réplication virale, alors plus rapide et plus intense, pourrait alors aggraver la maladie (virémie et sévérité clinique accrues) 15,16,17,18,19.
En outre, le virus qui infecte des monocytes et macrophages pourrait induire une présentation d’antigènes viraux et l’activation de lymphocytes T mémoires à réactivité croisée20 (générés lors d’une primo-infection), qui prolifèrent alors à l’occasion d’une seconde infection 21,22 et sécrètent massivement des cytokines pro-inflammatoires (IFNγ et TNFα par exemple23,24, pouvant entraîner de graves dommages vasculaires (dont hémorragies et choc cytokinique).
Virus concernés
De nombreux virus sont potentiellement concernés par la facilitation de l’infection par des anticorps, mais souvent, c’est uniquement in vitro que les preuves d’une facilitation de l’infection par des anticorps ont été trouvées. Néanmoins, le phénomène est statistiquement en moyenne peu probable, car il implique que la nouvelle configuration protéinique formée par l’antigène et l’anticorps soit en mesure de correspondre à une porte d’entrée de la cellule.
Virus de la dengue
Le virus de la dengue peut entraîner des formes sévères de dengue hémorragique ; et il a été noté que l’histoire immunologique du patient influe aussi sur le déroulement clinique de l’infection : des études épidémiologiques ont mis en avant une incidence accrue d’un syndrome de choc de dengue (ou DSS pour « dengue shock syndrome ») en cas d’infection secondaire par un sérotype viral différent de celui ayant provoqué la primo-infection25,26,27. C’est dans ce contexte qu’a été avancé en 1970 l’hypothèse de la facilitation de l’infection par les anticorps28,29 ; c’était alors la première mention de ce phénomène.
Les quatre sérotypes existants de la dengue sont à l’origine de ce phénomène.
- Une première infection par un sérotype donné du virus de la dengue génère des anticorps neutralisants (monotypes), entraînant une protection vis-à-vis du sérotype de virus de la dengue concerné, et d’autres anticorps hétérotypes, potentiellement actifs pour les quatre sérotypes. Cette première infection cause une dengue « bénigne ».
- Une seconde infection, par un autre sérotype du virus de la dengue, utilisera les anticorps hétérotypes générés précédemment pour infecter plus facilement le sujet. Une dengue hémorragique, beaucoup plus grave, peut alors survenir30.
La facilitation de l’infection par les anticorps est suspectée dans les complications liées au vaccin contre la dengue (Dengvaxia, développé par Sanofi Pasteur)31.
Virus de l’immunodéficience humaine
La facilitation de l’infection par des anticorps est suspectée lors de l’infection par le VIH32. Dans ce contexte, des tests in vitro ont montré l’existence du phénomène. Cependant, cela n’a pas encore été démontré in vivo, et l’impact de la facilitation de l’infection du VIH par des anticorps reste peu connu. La seule existence de ce phénomène reste cependant préoccupante, notamment par rapport aux essais vaccinaux dirigés contre le VIH33.
Autres virus ?
La facilitation de l’infection par des anticorps a été décrite ou suspectée pour d’autres virus, mais généralement uniquement in vitro.34.
- Ce phénomène peut ainsi être observé in vitro lors d’infections à entérovirus. Il pourrait jouer un rôle dans la pathogénèse du diabète de type 135,36.
- La facilitation de l’infection du SRAS par des anticorps a été également suspectée dans les années 201037, de même en 2020 pour le SARS-CoV-2 (responsable de la COVID-19 et donc de la pandémie de COVID-19), mais, selon Anuj Sharma (Uniformed Services University of the Health Sciences, Bethesda), en mars 2020, il était encore trop tôt pour en être certain34. Sharma note que divers coronavirus ont une réactivité croisée, avec donc des réponses d’anticorps réactifs croisées38. Hormis pour les sérotypes du virus de la dengue, qui a démontré l’existence d’une facilitation de l’infection par des anticorps dans le modèle animal (voir plus haut), pour d’autres virus la preuve des niveaux d’anticorps sous-neutralisants a essentiellement été faite in vitro sur des cultures cellulaires. Or dans le domaine de l’étude des virus, notamment chez les coronavirus, les démonstrations in vitro (pour la recherche d’efficacité de médicaments par exemple), fréquemment, n’ont pas été confirmées in vivo. In vitro, un manque de réponse immunitaire innée/adaptative des cellules cultivées peut induire une réduction des niveaux d’anticorps neutralisants, qui avec l’absence de réponse immunitaire innée d’autres cellules peut entraîner une « facilitation de l’infection par des anticorps » artificielle qui n’aurait éventuellement pas lieu in vivo. Le diabète et les maladies cardiovasculaires se sont montré prédicatrices d’un risque de forme grave de la COVID-19, or ces deux maladies sont connues comme causes de dysfonctionnement de la réponse immunitaire39,40. Telle que rapporté par Channappanavar et al., la dérégulation immunitaire peut faciliter une pneumonie atypique létale par le SRAS-CoV41.
Limites
L’hypothèse de la facilitation par les anticorps est cependant parfois contredite ou questionnée (même pour la dengue) :
- des études épidémiologiques ne confirment pas son universalité selon S Devignot et al. en 2010 42, citant Devrais & al. (2009)43 ;
- en zone d’endémie de dengue, les anticorps maternels semblent plutôt protéger l’enfant que faciliter l’infection44 ;
- des chocs DSS se manifestent parfois lors de primo-infection45,46 ;
- des infections secondaires non compliquées de syndrome de choc existent47.
Bibliographie
- Deutsch S (1975) Études sur la spécificité des anticorps produits par des cellules isolées, en réponse à des stimulations secondaires hétérologues (Doctoral dissertation).
- (en) Juthathip Mongkolsapaya, Wanwisa Dejnirattisai, Xiao-ning Xu et Sirijitt Vasanawathana, « Original antigenic sin and apoptosis in the pathogenesis of dengue hemorrhagic fever », Nature Medicine, vol. 9, no 7, juillet 2003, p. 921–927 (ISSN 1078-8956 et 1546-170X, DOI 10.1038/nm887, lire en ligne [archive], consulté le 13 juin 2020)
Notes et références
Out of the frying pan and into the fire ? Due diligence warranted for ADE in COVID-19
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/ar…
Published online 2020 Jun 24. doi : 10.1016/j.micinf.2020.06.006
Jeremia M. Coish∗∗ and Adam J. MacNeil∗
Version PDF : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/ar…
Sauvegarde : http://mai68.org/spip2/IMG/pdf/ADE_…
Abstract
Antibody-dependent enhancement (ADE) is an atypical immunological paradox commonly associated with dengue virus re-infection. However, various research models have demonstrated this phenomenon with other viral families, including Coronaviridae. Recently, ADE in SARS-CoV-2 has emerged as one hypothesis to explain severe clinical manifestations. Whether SARS-CoV-2 is augmented by ADE remains undetermined and has therefore garnered criticism for the improper attribution of the phenomenon to the pandemic. Thus, critical evaluation of ADE in SARS-CoV-2 vaccine development will be indispensable to avoid a global setback and the erosion of public trust.
Antibody-dependent enhancement (ADE) of SARS-CoV-2 infection has recently emerged as one hypothesis to explain the severe clinical manifestations associated with COVID-19 [1]. Simply put, ADE is an immunological phenomenon whereby a previous immune response to a virus can render an individual more susceptible to a subsequent analogous infection [5]. Rather than viral recognition and clearance, the prior development of virus-specific antibodies at a non-neutralizing level can facilitate viral uptake, enhancing replication ; a possible immune evasion strategy avoiding intracellular innate immune sensors, or pattern recognition receptors [6,7]. Contributing to pathology, ADE can be driven by antibody-dependent complement activation resulting in exacerbation of the virus-mediated disease in the presence [8] and absence of significantly enhanced viral replication [9,10]. ADE has been extensively studied in flaviviruses and is associated with 90% of Dengue virus (DENV) hemorrhagic fever and DENV shock syndrome cases [11]. ADE is thought to have contributed to the severity of the Latin American Zika virus (ZIKV) epidemic via DENV sero-cross reactivity [12,13]. Furthermore, in vivo ADE of Murray Valley encephalitis virus has been demonstrated in mice that have been passively immunized with Japanese encephalitis virus serum [14].
However, suggestions of ADE of COVID-19 have garnered justifiable criticism due to little evidence and the lack of a robust demonstration in animal models, as in vitro evidence for coronaviruses are not indicative of disease pathology in the absence of ongoing and comprehensive innate and adaptive immunity in the dish [15]. This is of course a rational and appropriate concern that spans all in vitro research. However, in vitro research is a fundamental pre-requisite for animal models and an ethical checkpoint. In fact, without cell culture experiments exploring ADE in arboviruses, we would lack a critical understanding of the fundamental molecular interactions contributing to ADE. Additionally, in vivo evidence for ADE is not limited to flaviviruses and has been demonstrated in coronavirus animal models as well. New Zealand white rabbits exposed to a primary single intranasal MERS-CoV infection lacked neutralizing antibodies, were not protected from re-infection, and showed enhanced pulmonary inflammation [16]. The investigators concluded that people exposed to MERS-CoV who fail to develop neutralizing antibodies may be at an increased risk for severe lung disease. Feline infectious peritonitis, a disease caused by coronaviruses, has also been enhanced by vaccines that fail to induce a robust level of protective antibodies [2]. ADE of SARS-CoV has also been described through a novel FcγRII-dependent and ACE2-independent cell entry mechanism [20]. The authors state that this warrants concern in the safety evaluation of any candidate human vaccines against SARS-CoV, though their intervention did offer protection. This also illustrates that ADE is not always indicative of disease pathology but raises concern for the immunocompromised. It should also raise concern for the improper attribution of ADE in the absence of robust demonstration in animal models, as clearly articulated by Sharma recently in, “It is too soon to attribute ADE to COVID-19” [15], which could certainly hinder the development and/or uptake of any SARS vaccine. However, a double-inactivated SARS-CoV vaccine has also been shown to provide incomplete protection in aged mice and induce an increased eosinophilic pro-inflammatory pulmonary response [21]. A clear demonstration of the importance for critically evaluating safety across demographics.
Immunization is arguably the greatest medical advance in the history of civilization. In the face of the COVID-19 pandemic, a vaccine that elicits robust SARS-CoV-2-specific neutralizing antibodies will be the most effective way to produce herd immunity, minimizing COVID-19-related deaths. We agree with Sharma [15] that improper attribution of ADE in the absence of a robust demonstration in animal models would undoubtedly slow progress in the development and implementation of effective vaccines against SARS-CoV-2. However, we caution that fundamental cellular and molecular mechanisms are ascertained through in vitro research and should not be considered extraneous to our understanding of COVID-19, but rather leveraged appropriately and in context. If there is any reason to suspect ADE from a COVID-19 vaccine, it should be met with a critical eye rather than irrational exuberance for a fast-tracked vaccine rollout. Dengvaxia, the first live-attenuated vaccine for DENV, was shown to protect previously infected DENV children, but put DENV-naïve individuals at risk for disease [22,23]. This later resulted in vaccine hesitancy and a lack of trust in public health in the region where Dengvaxia was administered [3]. Clearly, vaccine administration without time to fully understand resultant health implications would cause an even greater global setback to the current pandemic [27]. As the entire world sits on the edge of a knife watching the scientific community race toward a solution, delivery of a suboptimal COVID-19 vaccine would significantly contribute to erosion of public trust in scientific pursuit and public health [24,25,27], and jeopardize the integrity and success of immunization programs around the world, especially in this era of mis/disinformation. As others have suggested [28,29], ADE should be given full consideration when evaluating the safety of any candidate SARS-CoV-2 vaccine.
Declaration of Competing Interest
The authors declare no competing interests.
Acknowledgement
We thank Brock University for support of this work.
References