France : la grève des cheminots (18 décembre 1986 - 15 janvier 1987)
La pétition ayant recueilli l’approbation d’une large majorité, un tract fut alors rédigé au début décembre par quelques-uns des agents de conduite. Parmi ceux-ci il y avait des militants syndicalistes, mais c’est toujours hors des cadres syndicaux qu’il se fit. Il ne portait d’ailleurs - et c’était évidemment voulu - aucun sigle syndical. Bien plus il contenait même une menace à peine voilée contre les syndicats, les agents de conduite y écrivant en effet qu’ils « demandent aux différentes organisations syndicales, CFDT-CFTC-CGT-FGAAC-FO, de soutenir leur mouvement ». Mais ils ajoutaient « les agents de conduite sauront prendre leurs responsabilités vis-à-vis des organisations syndicales qui ne leur apporteraient pas leur soutien ».
C’est au milieu de la deuxième semaine, au bout de six ou sept jours de grève que les journalistes et commentateurs de tout poil, ont commencé à s’interroger ouvertement sur la faiblesse des syndicats, exactement au moment où ils ont découvert que s’étaient mis en place, ici et là, des comités de grève, élus par les grévistes, contrôlés par eux et qui avaient pris la direction de la grève dans leur secteur, et même qu’existaient des coordinations de ces comités de grève. Alors on a vu, non seulement Le Monde, ce porte-parole des bourgeois prétendument de gauche, mais Le Figaro lui-même qui n’est pourtant guère coupable, habituellement, de tendresse à l’égard des syndicats, déplorer cette faiblesse. « Quelque soit le désarroi des syndicats qui n’ont à aucun moment maîtrisé le mouvement et qui se sont laissés déborder par des "coordinations" créées de toute pièce » écrivait son éditorialiste du lundi 29 décembre, « ils restent les seuls interlocuteurs de la direction SNCF ».