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Gaza 2024 : l’acte de décès de l’ordre mondial multilatéral

mardi 31 décembre 2024, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 31 décembre 2024).

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31 décembre 3024

Assawra

Une vie ne vaut pas une autre, nous le savions déjà ; désormais, cela nous est prouvé quotidiennement.

Alors que s’achève l’année, les récits des horreurs vécues par les Palestiniens à Gaza en 2024 se font plus rares dans les gros titres, au profit des sapins de Noël et des conseils culinaires sur les huîtres et le foie gras à acheter pour le réveillon. Les otages israéliens sont toujours détenus, et Gaza est détruite et 2024 restera à jamais le symbole poignant du désespoir, du cynisme, de l’injustice et de l’impuissance des grands de ce monde, l’acte de décès d’un ordre multilatéral établît après la seconde guerre mondiale.

Depuis 15 mois le désespoir d’un peuple de réfugiés, vivant dans une prison à ciel ouvert désormais décrite comme un cimetière d’enfants, l’un des lieux les plus proches de l’enfer sur Terre, Gaza.

Le cynisme des pays donneurs de leçons qui affichent de manière ostentatoire, à la moindre occasion, leur attachement aux droits humains aura des conséquences qui dépassent d’ores et déjà la sphère géographique du Moyen-Orient.

L’injustice de cette guerre asymétrique entre une puissance nucléaire surarmée et un peuple colonisé depuis plus de 75 ans nous rappelle une amère vérité : Gaza est la conséquence de conflits historiques et de luttes de pouvoir politiques. Elle met en lumière une cruelle réalité : les droits humains et la justice ne sont que des variables d’ajustement, dépendant de l’origine de la victime et de celle de l’agresseur.

Une vie ne vaut pas une autre, nous le savions déjà ; désormais, cela nous est prouvé quotidiennement.

Un racisme insidieux, bien enrobé dans des discours bien ficelés et pas toujours politiquement corrects, est distillé à longueur de journée dans des médias aux ordres.

Gaza a été l’occasion pour certains issus de familles politiques au passé antisémite de parler de leur obsessions, l’immigration, l’insécurité, l’islamisme. Ils ont momentanément changé de cible mais la haine est toujours leur moteur.

Malgré les condamnations sincères, répétées et affirmées haut et fort des atrocités du 7 octobre et de la situation des otages, quiconque appelle à un cessez-le-feu est catalogué comme un soutien aux terroristes.

Israël est actuellement dirigé par des suprémacistes racistes. Leur objectif déclaré est l’expulsion des Palestiniens de leurs terres ancestrales. Comment le dire autrement ?

L’impuissance des plus hautes instances internationales à freiner ces criminels de guerre est manifeste. Les enquêtes de prestigieuses institutions comme le New York Times ou Le Monde sont qualifiées d’antisémites. Des ONG respectables, des politiciens, des artistes et des mouvements d’étudiants pacifiques sont accusés des pires maux. Les rapports d’Amnesty International et des Nations Unies sont clairs : les intentions génocidaires sont évidentes et les habitants de Gaza semblent être des oubliés de l’humanité.

Les équipes de Médecins Sans Frontières n’ont jamais observé un tel nombre d’enfants et d’adolescents tués ou mutilés au cours des cinquante dernières années. La poursuite de cette tragédie soulève des questions cruciales sur l’impuissance des institutions onusiennes à faire respecter les droits de l’homme et à protéger les plus vulnérables.

Le droit de veto au Conseil de sécurité des grandes puissances est devenu un blanc-seing pour les plus forts. Les États-Unis l’ont utilisé des dizaines de fois pour bloquer une résolution condamnant Israël. L’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency) est attaquée, certains craignant qu’il n’alimente des groupes extrémistes parce qu’une dizaine d’agents sur les plus de 30 000 employés ont exprimé des sympathies envers les Palestiniens. Un vieux rêve des Israéliens se réalise enfin : arrêter de financer l’UNRWA.

Les attaques contre l’ONU (Organisation des Nations Unies), symbole de l’ordre international établi après 1945 sont quotidiennes. L’ONU est régulièrement le théâtre de scènes ubuesques. Les résolutions votées par 90% des pays restent lettres mortes. Et attention ne dites surtout pas que la résolution 181 adoptée le 29 novembre 1947 par l’Assemblée générale des Nations unies a rendu la création d’Israël possible. Lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies le 27 septembre 2024, Benyamin Netanyahou a osé qualifier de « plaisanterie » les 174 résolutions condamnant Israël depuis 2014. Selon lui, l’ONU ne serait plus qu’« une farce méprisable ».

La Cour Pénale Internationale (CPI), après avoir émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour crimes de guerre, a fait de même pour Netanyahou et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, recherchés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité liés à la guerre à Gaza. Cette décision a été qualifiée d’« antisémite » par Netanyahou et jugée « scandaleuse » par le président américain, Joe Biden.

En janvier, la CIJ (Cour Internationale de Justice) a mis en garde Israël contre un « risque réel et imminent » de génocide et a appelé à « empêcher toute action relevant de la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide ».

Le gouvernement français, dans une démarche où le ridicule dispute le grotesque, a accordé une immunité à Netanyahu et continue à vendre des armes à Israël. Le Premier ministre hongrois, quant à lui, s’est empressé de l’inviter, le Congrès et le Sénat américains, quelques jours auparavant, lui avaient offert une ovation debout.

La censure et l’autocensure entourant le génocide en cours à Gaza reflètent l’état de l’information en France. La droite et l’extrême droite se sont emparées d’importants médias. Les regroupements impressionnants de médias entre les mains de fortunes qui affichent ouvertement des positions réactionnaires font peur. Désormais, chaque prise de position en faveur des Palestiniens est qualifiée d’antisémitisme ou d’un islamo-gauchisme supposé. Des médias entre les mains de richissimes personnes aux idéologies réactionnaires affichées adoptent une ligne éditoriale partisane non dissimulée.

Tout cela se déroule sous le regard complaisant de l’Union européenne (UE), y compris de la France, qui confère à un État pratiquant l’apartheid envers ses propres citoyens arabes, un État qui affiche ouvertement une distinction entre ses citoyens en fonction de leur religion, une légitimité démocratique à travers des accords commerciaux et la vente d’armements.

L’engagement de la communauté internationale, notamment de l’Union européenne et de la France, soulève des questions. Bien que ces entités reconnaissent l’importance de protéger les droits des Palestiniens, leurs actions semblent souvent en contradiction avec leurs discours.

Les critiques envers Israël sont rapidement étiquetées comme antisémites, instaurant un climat de peur et d’autocensure qui restreint le débat public sur la guerre actuelle et les injustices historiques. Ce faisant cette attitude alimente la montée de l’antisémitisme qui est une réalité indéniable et c’est bien le drame des conséquences incalculables de cette guerre.

Pour Anthony Samrani, corédacteur en chef du quotidien libanais L’Orient-Le Jour : « Gaza n’est pas qu’une guerre de plus. C’est un point de rupture. C’est le dernier clou dans le cercueil de l’ordre international, déjà affaibli par les événements du 11 septembre 2001. »

Il est légitime de se défendre et de dénoncer les attaques contre des civils et les prises d’otages mais l’Occident s’est objectivement rendu complice de la tragédie à Gaza en oubliant de rappeler que le droit à la défense revient à l’occupé, et que la colonisation est illégale. Gaza a rendu visible la fracture qui existait entre le sud et le nord ; le double standard est devenu évident. L’Europe et la France en particulier sont les plus grands perdants, mais elles ne réalisent pas encore l’ampleur des dégâts. Il faudra peut-être des décennies pour reconstruire l’enclave palestinienne, mais il faudra bien plus que du temps et de l’argent pour rebâtir un ordre multilatéral crédible, que les grandes puissances ont piétiné à travers ce conflit.

Et finalement, il est clair que cette dynamique destructrice est entretenue pour empêcher l’émergence d’un dialogue constructif sur la paix. Dès lors il devient urgent de se poser la question fatidique à qui profite cette guerre ? Qui a intérêt à ce que la paix ne s’installe pas au Moyen-Orient ?

Tribune
Par Mohamed Salah Ben Ammar, médecin.
L’Humanité du 30 décembre 2024

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