Conférence de presse du 4 février 1965
Conférence de presse donnée au palais de l'Elysée le 4 février 1965. Dans le décor et avec le cérémonial habituel, le général de Gaulle prononce une courte formule de bienvenue, puis aussitôt il invite l'assistance à l'interroger. Après une boutade sur la santé du chef de l'Etat, les questions posées portent sur quatre grands chapitres : la politique des revenus, la réforme du système monétaire international, la crise de l'ONU, la question du devenir de l'Allemagne et de son éventuelle réunification, enfin les relations avec la Grande Bretagne.
- "La guerre enfante tout" disaient les Grecs.
- Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Il ya longtemps que, sans le dire, nous avons commencé de faire de la politique des revenus.
- Nous ne nous soumettrons jamais à la tyrannie écrasante du communisme totalitaire.
- Je ne vais pas mal, mais rassurez vous, un jour je ne manquerai pas de mourir.
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Éclairage
La guerre d'Algérie terminée, les conférences de presse du général de Gaulle ont désormais pour objet d'exposer à l'opinion française comme à l'opinion internationale les vues de la France sur les grands problèmes du moment, sans que ceux-ci revêtent le caractère d'urgence nationale qu'avait revêtu la guerre d'Algérie. Chacune d'entre elles apparaît donc comme la réponse du Général aux grands débats nationaux et internationaux. La conférence de presse du 4 février 1965 aborde ainsi quatre questions importantes
La première porte sur la "politique des revenus" annoncée par le général de Gaulle dès le "Plan de stabilisation" de 1963 et dont il définit le sens et la philosophie. Récusant à la fois le "laissez faire" du capitalisme libéral et le totalitarisme de l'économie étatisée, il caractérise la "politique des revenus" comme le contrôle exercé par l'Etat, dans le cadre du Plan, sur la répartition des richesses nationales entre la consommation, l'investissement, les dépenses de fonctionnement et d'équipement et sur la répartition des revenus entre les divers secteurs d'activité et les diverses catégories sociales, sans viser à la parité, mais en tentant d'atteindre l'équité. C'est donc un modèle social qui ne remet pas en cause l'initiative individuelle et la liberté d'entreprise, mais qui, au nom de l'intérêt général, entend corriger à la marge les inégalités sociales, sans aboutir à un nivellement autoritaire, que propose le général de Gaulle.
Le second sujet abordé porte sur les critiques françaises du système monétaire international et sur le rôle qu'y joue le dollar. En effet depuis 1964, la France a commencé à convertir en or une partie de ses réserves en dollars, ébranlant ainsi la fiction d'un système monétaire fondé sur la convertibilité d'une monnaie américaine valant en théorie 35 dollars l'once d'or et permettant aux Etats-Unis d'émettre des dollars pratiquement sans contrôle, acceptés au même titre que l'or dans les échanges internationaux. Or, revenant sur l'historique du système monétaire international, de Gaulle montre que la convention sur laquelle il était fondé ne possède plus de réelle validité depuis que le stock d'or des Etats-Unis est désormais inférieur à la quantité de dollars qu'il est supposé garantir. Aussi considère-t-il que les Etats-Unis s'endettent gratuitement vis-à-vis de l'étranger en comblant leur déficit par l'émission de dollars non gagés. La France préconise donc le retour à un système monétaire international fondé sur l'or, ce qui aboutirait à minorer la prépondérance des Etats-Unis dans l'économie internationale.
La troisième question est l'occasion pour le général de Gaulle de préciser sa position à l'égard de l'ONU qui subit une véritable crise du fait du refus de certains pays (dont l'URSS et la France) de participer au financement des opérations militaires à Chypre et au Congo votées par l'Assemblée générale des Nations-Unies, à la suite de quoi les Américains ont proposé que l'URSS soit privée de son droit de vote à l'Assemblée générale. Après avoir brossé un large tableau historique des origines de l'Organisation internationale, de Gaulle expose que la Charte de l'ONU a été violée par le fait que la décision d'intervention militaire relevait du Conseil de sécurité et non de l'Assemblée générale, que le secrétaire général (il s'agit du suédois Hammarskjöld) s'est attribué un pouvoir excédant ses compétences et que l'ONU est intervenue dans les affaires intérieures du Congo. Ainsi justifie-t-il par ces entorses le refus de la France de payer sa part des dépenses d'une opération qu'il juge illégale. Et pour mettre fin à la crise, il ne voit pas d'autre solution que le retour aux principes de la Charte des Nations-Unies.
Enfin, interrogé sur la question allemande en rapport avec les relations Est-Ouest, de Gaulle plaide pour qu'elle soit résolue dans un cadre européen afin de faire en sorte qu'elle devienne un élément de paix et de progrès, permettant ainsi sa réunification autour de la République fédérale, grâce à une évolution de la Russie renonçant à la contrainte totalitaire qu'elle exerce sur son peuple comme sur ses satellites. C'est donc dans le cadre d'une Europe allant de l'Atlantique à l'Oural où les Six du Marché Commun joueraient un rôle moteur que le Général voit l'avenir allemand, tout en admettant que la réalisation de ce dessein est renvoyée à un avenir lointain.