L’AIEA ne dispose pas de pouvoir d’interdiction directe, mais le Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) et les accords de garanties visent à dissuader et contrôler toute utilisation militaire ou clandestine des matières nucléaires, rendant le bombardement d’un site nucléaire contraire aux engagements internationaux et à la réglementation de l’AIEA.
Guerre Israël-Iran : viser les sites d’enrichissement iraniens crée-t-il un risque nucléaire ?
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19 juin 2025
Assawra
« On constate à la fois une contamination radiologique et une contamination chimique » à l’intérieur de la centrale de Karaj, a prévenu Rafael Mariano Grossi. / 2021 Maxar Technologies / AFP
Parmi ses multiples violations du droit international, Israël s’assoit sur les règles inhérentes au ciblage des installations nucléaires dans sa guerre contre l’Iran. Cette fuite en avant, qui pourrait avoir de graves conséquences, illustre l’hypocrisie de ses soutiens occidentaux.
Aveuglés par leur désir d’une chute du régime des mollahs, les partisans du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, en oublieraient presque les risques que les bombardements israéliens sur les sites nucléaires iraniens font peser sur le Moyen-Orient et, in fine, sur le monde entier. S’agissant de telles cibles, le droit international est très clair. La convention de Genève, en vertu de l’article 56 du protocole additionnel numéro 1, interdit de cibler les ouvrages ou les installations contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les centrales nucléaires ou encore les digues. Il en va de même pour les infrastructures situées à proximité.
« L’attaque israélienne est un tabou franchi par Israël », analyse pour l’Humanité Jean-Marie Collin, directeur France de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (Ican). L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) suit en temps réel l’état des installations iraniennes visées par l’armée israélienne et le niveau de rayonnement sur site, en lien avec Téhéran. Lundi, son directeur général, Rafael Mariano Grossi, a assuré que les équipes de l’organisation onusienne se tiennent prêtes « à réagir à toute situation d’urgence nucléaire ou radiologique en moins d’une heure ».
Dans son bulletin d’information publié mercredi, l’agence rapporte la destruction par des missiles israéliens de deux bâtiments situés à Karaj, près de Téhéran, au sein desquels « étaient fabriqués des composants de centrifugeuses » utilisés pour la production d’uranium enrichi. Un troisième édifice à l’usage identique a été partiellement endommagé. Après avoir subi de lourds dégâts en surface depuis le 13 juin, les halls d’enrichissements souterrains de l’installation de Natanz auraient été également touchés, d’après une analyse satellitaire de l’AIEA. « On constate à la fois une contamination radiologique et une contamination chimique » à l’intérieur, a prévenu Rafael Mariano Grossi. Pour l’heure, il n’y a pas « d’incidences radiologiques externes pour la population ou l’environnement ».
Pour Jean-Marie Collin, « une explosion (sur un des sites, NDLR) provoquerait un vrai risque de dispersion d’émanations radioactives localement, mais n’aurait pas d’impact plus large ». Il ajoute qu’une catastrophe à la Tchernobyl ne serait rendue possible que si Israël envisageait de cibler directement la centrale nucléaire iranienne de Bouchehr, située en bordure du golfe Persique.
Dans sa logique jusqu’au-boutiste d’annihiler le régime islamique, Benyamin Netanyahou pourrait-il franchir le Rubicon ? Quelle que soit la suite des événements, le représentant de l’Ican constate qu’il existe chez les pays occidentaux « un deux poids, deux mesures en fonction du régime ciblé ». Il suffit d’écouter le chancelier allemand Friedrich Merz qui a affiché son soutien à Israël, en osant déclarer que Tel-Aviv « (faisait) le sale boulot pour nous tous », mais n’a pas soufflé mot des risques engendrés par des bombardements sur des sites nucléaires. Pour mémoire, le ciblage par les Russes de la centrale ukrainienne de Zaporijjia en Ukraine avait, à juste titre, suscité de vives inquiétudes en Europe, et un appel à la désescalade.
Antoine Portoles
L’Humanité du 18 juin 2025