« Je trouve que c’est un mélange des genres extrêmement malheureux, pour le moins. » Le député LR va plus loin, et affirme qu’« un tel système peut être interprété comme un pacte de corruption ». Pour être bien sûr d’être compris, il précise sa pensée : « Le pacte de corruption, c’est si vous considérez que ce système est un système organisé. Or, ce n’est pas juste l’affaire Alstom, puisqu’il y a eu un nombre de ventes qui ont été un peu précipitées, organisées, accompagnées, pour que tout ça se fasse très vite, de manière extrêmement fluide, sans que jamais l’État lève le petit doigt, avec des conséquences désastreuses. À aucun moment vous n’avez tant de ventes de boîtes de ce type, qui font entre 5 et 10 milliards d’euros ; or vous en avez plusieurs qui apparaissent à ce moment-là. Sur la place de Paris, normalement, vous en avez une tous les cinq, sept ans, pas plus. Là, vous en avez eu quatre en deux ans ! Donc, tout ça donne quand même un peu le sentiment qu’à son arrivée à Bercy, le ministre de l’Économie s’est dit : “Qu’est-ce qu’on a en portefeuille ?”, et : “Qu’est-ce que je peux faire ?”… D’ailleurs, c’est le métier de banquier d’affaires : “Qu’est-ce que je peux faire matcher, où est-ce qu’on peut créer du business en proposant à des gens de faire des acquisitions ?”… ». Inarrêtable maintenant qu’il est lâché sur ce sujet qui l’obsède et le scandalise, Marleix conclut : « Quand je me suis rendu compte que le rôle personnel joué par Emmanuel Macron dans la cession d’Alstom et dans les autres ventes était, de manière évidente, susceptible de poser un certain nombre de questions au regard du financement de sa campagne, j’ai saisi le parquet sur ces deux sujets : un éventuel pacte de corruption sur les ventes et la campagne, et pourquoi il n’y a jamais eu de poursuites en France sur les affaires qui ont donné lieu à un plaider-coupable aux États-Unis. »
« Des gens qui ont bénéficié grâce à Macron d’honoraires considérables et qui ont mobilisé leurs réseaux pour donner de l’argent. » Dénonçant un conflit d’intérêts « très gênant », Marleix observe enfin que « le collaborateur du cabinet de Macron à Bercy en charge des dispositifs de contrôle des investissements à l’étranger, celui qui maniait la signature du ministre sur ce genre de dossiers, c’était Julien Denormandie, directeur adjoint du cabinet. Or, on retrouve ensuite Julien Denormandie comme président de l’association de financement de la campagne présidentielle de Macron. Je trouve que c’est un mélange des genres extrêmement malheureux, pour le moins ». Un « mélange des genres » dont le député Marleix ne désespère pas qu’il trouve, in fine, une traduction pénale, tout comme les autres faits dénoncés à la justice. Il n’est pas le seul. Sa collègue de l’Assemblée, la patronne de Génération écologie, Delphine Batho, a soulevé un autre lièvre en marge de cette tentaculaire affaire Alstom. En juin 2019, la députée des Deux-Sèvres a saisi à son tour le procureur de Paris, au titre de l’article 40, des faits portés à sa connaissance au cours de ses activités de parlementaire. En l’occurrence, il apparaît qu’une aide de 70,3 millions d’euros a été accordée à General Electric Energy Product pour l’achat de quatre turbos alternateurs destinés à une centrale en Irak, au premier semestre 2016. Or, selon des révélations de L’Obs, le conseiller en affaires industrielles et financement des exportations au cabinet d’Emmanuel Macron au ministère de l’Économie était, jusqu’en septembre 2016, un certain Hugh Bailey. Ce haut fonctionnaire a donc supervisé l’attribution de cette aide conséquente à GE ; or, constate Delphine Batho, « bien qu’il n’ait probablement pas pris cette décision seul, il apparaît qu’il est devenu, un an et deux mois après, successivement directeur des affaires institutionnelles de General Electric France, depuis novembre 2017, puis directeur général depuis avril 2019 ». Plus gênant, l’ancienne ministre de l’Écologie (2012-2013) relève que la commission de déontologie de la fonction publique, saisie du placement en disponibilité de Bailey en novembre 2017 pour exercer chez GE, n’avait pas été informée de « la garantie export accordée à General Electric début 2016 alors que Bailey était conseiller en charge de ce dossier ». Dans le jargon administratif, on appelle cela du « pantouflage » ; mais, en termes pénaux, cette pratique peut relever de la « prise illégale d’intérêts ».