Mumia Abu Jamal : Trump joue le jeu de la suprématie blanche et des extrémistes du Ku Klux Klan

À 71 ans, Mumia Abu-Jamal n’a plus de recours possible. Malgré les nombreuses preuves présentées, la Cour suprême de Pennsylvanie a définitivement écarté tout examen. /Marta NASCIMENTO/REA

Depuis la prison de Mahanoy en Pennsylvanie, le journaliste Mumia Abu-Jamal, qui a échappé au couloir de la mort en 2011, revient dans une interview exclusive à l’Humanité sur ce déni de justice. Et analyse la portée historique de la régression de la politique de Donald Trump.

Avec ses soutiens américains, son équipe de défense et le Collectif français « Libérons Mumia », le journaliste afro-américain emprisonné depuis 43 ans a accordé à l’Humanité un entretien exclusif depuis sa prison de Pennsylvanie. À 71 ans, Mumia Abu-Jamal n’a plus de recours possible. Malgré les nombreuses preuves présentées, la Cour suprême de Pennsylvanie a définitivement écarté tout examen.

Votre vue s’est brutalement détériorée depuis le début de l’année. Une campagne de mobilisation internationale a interpellé les autorités pénitentiaires sur l’urgence des soins à vous prodiguer, sans lesquels vous seriez exposé à une cécité irréversible. Qu’en est-il aujourd’hui ?

En premier lieu, je tiens à remercier les militants en France pour leur esprit combatif, leur détermination. Ils ont réagi avec une extrême célérité à mes problèmes de vision, même si je leur avais recommandé d’être prudents, convaincu que j’obtiendrais des soins rapidement. J’ai effectivement subi une intervention pour soigner ce qu’on appelle « cataracte secondaire » par laser.

L’opération pour ce premier œil a duré 5 à 6 secondes et m’a permis de récupérer une vision totale. En attendant l’intervention sur le deuxième œil, je travaille, je lis, j’écris, je fais tout ce qui doit être fait. Encore une fois, j’adresse mes remerciements aux camarades français pour leur fidèle amitié, leur vigilance et leur esprit militant.

L’année 2025 est aussi marquée par la décision de la Cour suprême de Pennsylvanie qui a définitivement refusé d’examiner les preuves de votre innocence présentées par votre défense. Comment qualifier ce nouveau déni de justice qui met un terme à tout recours possible ?

En vérité la justice à Philadelphie et en Pennsylvanie est catastrophique. Et c’est le cas pour de nombreux justiciables qui se battent dans des procès absurdes pendant de très longues années pour que leur cas soit jugé et obtenir une décision de justice. Ce sont des combats terriblement longs et complexes.

Il est possible que le déni de justice me concernant soit peut-être une volonté de revanche contre mes soutiens qui ont obtenu ma sortie du couloir de la mort. Mais en dehors de cela, le système est mauvais. Une politique d’incarcération de masse sous condition ne peut que refléter une justice de piètre qualité, qui ne répond pas aux demandes des prisonniers. Sur mon cas, nous allons continuer à nous battre, nous ne cesserons pas la lutte, nous choisirons notre terrain de lutte afin de pouvoir marquer des points.

Vous continuez malgré tout à vous exprimer régulièrement sur l’état du monde et les terribles conséquences pour les peuples, à l’exemple du génocide dont sont victimes les Palestiniens. Quel regard portez-vous sur la politique intérieure et étrangère du président Trump ?

La présidence Trump, pour moi, marque la fin d’un moment de l’empire américain. Jamais nous n’aurions pu imaginer une telle situation. Même le plus imaginatif des écrivains et des observateurs politiques n’auraient pu prévoir un changement social aussi négatif. Mao avait imaginé le grand bond en avant pendant la révolution chinoise. Ce que veulent Trump et ses affidés, c’est un grand bond en arrière. Ils sont déterminés à faire reculer les États-Unis non pas jusqu’aux années 1950, mais jusque dans les années 1850, je veux dire, avant la guerre de Sécession.

Jamais un président américain n’a si ouvertement, avec autant d’impudence, chanté les louanges des forces de la Confédération, les officiers et les soldats qui ont combattu contre les États-Unis. Mais Trump le fait ! Je pense qu’il joue le jeu de la suprématie blanche et des extrémistes du Klan. C’est une attaque contre l’histoire, et pour un retour avant 1860, avant l’abolition de l’esclavage. C’est aussi grave que ça, vraiment.

Vadim Kamenka
L’Humanité du 1^er novembre 25