CEUX DONT ON PARLE VOLONTIERS...


CEUX DONT ON PARLE VOLONTIERS sont les révoltés plus heureusement spectaculaires, « les révoltés que l’on aimera haïr ». Mais ils font peu d’usage. On a la malhonnêteté de paraître déçu, après trois ou quatre ans, par l’évidence de leur conformisme, sans lequel justement on n’aurait jamais accepté de les constituer publiquement en novateurs. Ainsi la culture dominante joue avec sa contradiction centrale : le besoin et la terreur d’une nouveauté, qui est sa mort.

« Comme elle a été brève, la folie des jeunes Anglais en colère… Le mouvement des « angry young men » faisait trembler les vitres bourgeoises de crainte, et les cœurs d’espérance. Il allait arriver quelque chose. M. Osborne est arrivé — et déjà il s’installe. C’est vers 1956-1957 que l’on commença à parler de ces jeunes écrivains qui refusaient bruyamment tous les conformismes, protestaient contre les conditions de vie inhumaines qui sont faites à l’homme moderne… Le groupement, toutefois, était disparate, la dénomination commune « angry young men » correspondait davantage à une facilité journalistique qu’à un programme commun… C’était sans doute insuffisant : dès aujourd’hui, le groupe ne semble plus avoir de signification, ni même d’existence. Les talents individuels s’en dégagent… Colin Wilson, autodidacte simplet, verse dans un mysticisme fumeux, etc. Mais ils sont parfaitement récupérés par la société littéraire de leur pays. »

R. KANTERS, L’Express, 13 juillet 1961.

« L’odeur d’œufs pourris que répand l’idée de Dieu, enveloppe les crétins mystiques de la « beat generation » américaine, et n’est même pas absente des déclarations des « angry young men » (cf. Colin Wilson). Ceux-ci, en général, découvrent avec trente ans de retard un climat moral subversif que l’Angleterre leur avait complètement caché entre temps, et pensent être à la pointe du scandale en se proclamant républicains… Les « angry young men » sont même particulièrement réactionnaires en ceci, qu’ils attribuent une valeur privilégiée, un sens de rachat, à l’exercice de la littérature ; c’est-à-dire qu’ils se font, aujourd’hui, les défenseurs d’une mystification qui a été dénoncée vers 1920 en Europe, et dont la survie est d’une plus grande portée contre-révolutionnaire que celle de la Couronne britannique. »

Notes éditoriales d’Internationale Situationniste 1, juin 1958.

 


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Mise en ligne des 12 numéros de la revue internationale situationniste.