6 novembre 2001


Salut,

nous t'envoyons ce texte que nous avons adressé à quelque
unes des personnes dont nous avons pris connaissance sur
Internet de l'analyse intéressante des événements de Gênes,
pour que nous puissions éclairer un peu notre lanterne sur
la suite à donner au merdier "antimondialiste". Comme tu en
fais partie...


Camarades,

nous nous adressons à vous comme ayant participé à quelques
uns des sommets qui se sont tenus cette dernière année en
Europe, en particulier bien sûr au sommet de Gênes. Auteurs
de l'"adresse aux révolutionnaires" que vous avez peut-être
eu l'occasion de lire sur Indymedia, nous avons considéré
les contributions au débat qui a suivi comme l'un des seuls
apports intéressants à la critique de la falsification des
événemenents et de leur sens.
Cependant, force est de constater que si quelques
témoignages avertis et analyses judicieuses ont fait
tomber, du moins chez ceux qui pensent, l'intérêt porté aux
insinuations quant à la prétendue "collaboration"
intentionnelle ou de fait entre les éléments radicaux et la
police, et permis d'approfondir la réflexion sur
l'événement, rien, ou pas grand chose, n'a été écrit pour
proposer des hypothèses quant à l'après Gênes.
Incontestablement, Gênes marque la fin d'une époque: tant
par l'étendue, la gravité et la radicalité de l'émeute que
par la brutalité de la répression, elle semble avoir
définitivement sabordé ce qui restait de précaire tolérance
entre les différentes composantes du mouvement dit
antimondialiste. La scission, désirée ou non, a eu lieu.
La présence dans l'émeute d'incontrôlables de la classe
dangeureuse, l'irrespect des consignes bureaucratiques par
une partie de la base de certaines organisations, la
démonstration par plusieurs milliers de personnes que
n'était pas seulement critiqué le monopole de 8
bureaucrates, de 8 banquiers, de 8 flics mais bien l'Etat,
la marchandise et leur contrôle social, tout a conspiré
pour que la scission devienne inévitable. Les appels à la
délation et à la calomnie ont cette fois été l'apanage de
toute la gauche légaliste, pas seulement de la partie la
plus radicale de ses "pacifistes".
De l'autre côté, les émeutiers ont dû convenir qu'ils
n'avaient plus en face d'eux que différents services de la
répression, différents visages à peine maquillés du vieux
stalinisme.
Les brebis galeuses ne sont donc pas rentrées dans le
troupeau, et il ne leur sera plus permis de contaminer la
militance immaculée, car la question sociale ne doit pas
être posée. Les nauséabonds intellectuels de toutes
chapelles réformistes sont dévoilés : ils ne sont que les
les théoriciens de cette interdiction, et le mouvement
révolutionnaire réel les a déjà condamnés.
Les attentats aux USA, puis la guerre, auront sans doute
rétabli artificiellement dans la rue la pseudo-unité
des "contestataires", mais sur une base si faible, si
ridicule au vu de la profondeur des débats posés sur le
monde par l'émeute génoise qu'elle ne peut faire longtemps
illusion.
D'ailleurs, ATTAC qui dit s'opposer aux privatisations veut
bien celles des manifestations : n'y seront alors conviés
que les militants et sympathisants. Demain peut-être leurs
seuls services d'ordre.
Dans ces conditions, devons nous continuer à nous inviter à
ces promenades, en sachant que l'ennemi portera peut-être
drapeaux et banderoles ? Plus profondement, pensez vous
qu'il y ait quelque intérêt à faire se survivre un
mouvement qui semble destiné à s'éteindre de lui même ?
Pour nous il va de soi que ce qui n'est pas dépassé
pourrit ; nous ne voulons pas d'une nouvelle alliance
contre-nature avec les délateurs, mais continuons qu'il y a
toujours là l'occasion de poser les vraies questions. Par
exemple, le 10 novembre, à Geneve, semble devoir se tenir
la plus importante manifestation contre l'OMC. Pensez vous
qu'il y ait quelque intérêt à s'y déplacer pour autre chose
que de la symbolique , Avez-vous le sentiments qu'un tel
mouvement puisse s'étendre, par rapport aux classes
dangeureuses et aux travailleurs, ou qu'il est voué à
s'endormir du bienheureux sommeil étudiant ? Nous sommes
assez sceptiques mais aimerions connaître votre avis. Merci
d'avance.
Des révolutionnaires anonymes.
P.S.
Naturellement, nous ne nions pas que le mouvement meurt
aussi de l'identification spectaculaire de certains au
mythe du "Black Block", mythe qui a servi à tout sauf à
l'approfondissement théorique et à la maturation
stratégique de la lutte. En outre, il va de soi que nous
attendons bien peu des sommets...juste une occasion, comme
il y en a beaucoup dans la vie, de penser en
actes.

R.A.

______

RÉPONSE de do:

Salut,

Avez-vous reçu mon dernier courrier où je vous indiquais ce lien vers un article du Figaro tendant à confirmer ma thèse sur les attentats de NYC :

http://www.lefigaro.fr/ (<—cliquez, ça tombe directement sur l'article en question !)

J'aurais bien aimé savoir où vous en êtes, sur ce thème...

Ne croyez pas que mon analyse sur NYC n'ait rien à voir avec le dernier courrier que vous m'avez envoyé. Bien au contraire, en sous-entendu, ma thèse contient une part essentielle de la réponse que je me dois de vous faire. Je ne me souviens plus si vous avez lu mon journal sur Gênes ; en tout cas, j'ai oublié ce que vous m'en avez dit. Bien sûr, en réunissant ces deux textes que j'ai écrit, on obtient facilement ma réponse à vos questions.

Vous dites : « rien, ou pas grand chose, n'a été écrit pour proposer des hypothèses quant à l'après Gênes. »

Il me semblait tout de même que mes " réflexions personnelles sur Gênes " avaient été écrite dans une perspective historique ; en utilisant ce terme, je ne veux pas faire dans la grandiloquence, mais parler d'histoire, et donc aussi du futur. Une analyse qui n'a pas un tel but ne sert à rien, n'a pas lieu d'être et se trompe forcément ! Je vous rappelle que le dernier titre de ce journal sur Gênes était : « Que faire après Gênes ? »

Mon analyse avait pour but de défendre certaines idées quand à ce qu'il pourrait se faire après Gênes. Surtout que je concluais en invitant les gens à lire mon journal 55 dont les trois titres sont : « VIVENT LES ÉMEUTIERS D'ALGER ! », « VIVENT LES ÉMEUTIERS DE GÖTEBORG ! » et « VIVE LA VIOLENCE RÉVOLUTIONNAIRE ! » Et dont le post scriptum me semble des plus importants. L'avez-vous lu ? Qu'en pensez-vous ?

Bien sûr, j'ai de la suite dans les idées. D'ailleurs, ça fait des dixaines d'années que je me bats pour la révolution.

Vous dites 1 : « [Gênes] semble avoir définitivement sabordé ce qui restait de précaire tolérance entre les différentes composantes du mouvement dit antimondialiste. La scission, désirée ou non, a eu lieu. »
Puis 2 : « l'irrespect des consignes bureaucratiques par une partie de la base de certaines organisations »

Vous ne vous en êtes pas rendu compte ; mais, quelque part, ces deux thèses sont contradictoires au sens dialectique. Dans la première ce sont les chefs des diverses tendances "antimondialistes" qui se sont engueulées. Et dans la deuxième, c'est la base de chacune de ces tendances (mise à part la tendance Black Bloc qui n'a en théorie pas de chef(s)) qui s'est engueulée avec ses chefs.

Dans mes réflexions sur gênes, j'ai tout fait pour éviter une quelconque scission entre les diverses bases contestataires, et j'ai tout fait pour souligner la scission au sein de chacune des tendances entre les chefs et la base.

Bien sûr, le pouvoir appelle chaque base à obéir à ses chefs respectifs, et chaque chef à se faire obéir par sa base, à la contrôler. Bien sûr, le pouvoir veut une scission ("Diviser pour mieux régner") entre les diverses bases (il y a une base par tendance) afin de tuer le renouveau de la révolution né à Seattle. Par exemple, le pouvoir a tout fait pour diviser le mouvement entre "violents" et "non-violents" ! J'ai tout fait pour montrer que cette division était artificielle. Sérieusement, vous devriez relire mon journal sur Gênes. Je ne vais pas le réécrire ici !

Vous semblez penser qu'il faut accentuer la scission entre les diverses bases, ce qui serait bien sûr une erreur grossière qui ferait le jeu du pouvoir. Les diverses bases devraient plutôt s'unir contre le pouvoir, en commençant par s'unir contre les chefs des diverses tendances contestataires.

Vous parlez des récents attentats de NYC, mais vous ne semblez pas les relier à Gênes !

La différence entre une partie d'échec et le combat entre les classes sociales, c'est qu'aux échecs, chacun des adversaires joue un seul coup à la fois, à un seul endroit du terrain, et chacun à son tour, tandis que dans la lutte de classes, il peut arriver que l'un des adversaires joue plusieurs coup à la fois et à divers endroits. Il arrive souvent que le prolétariat ne se rende pas compte que la bourgeoisie a répondu à son dernier coup. Justement, je crois que vous n'avez pas bien compris que "New-York" est la réponse à "Gênes". "NYC" n'est pas seulement la réponse à "Gênes" ("NYC" répond aussi à d'autres coups portés par la révolution contre le pouvoir), mais essentiellement ça l'est en ce sens que Gênes symbolise la lutte contre la mondialisation de l'impérialisme américain et que les attentats de New-york sont une tentative de coup d'État mondial du même impérialisme. Un titre essentiel à mon journal sur les Attentats de NYC est : « New-York a effacé Gênes ». Pour résumer et en sachant que c'est très simplifié, mais c'est suffisant et y'a pas besoin se se faire chier plus quand on est clair dans sa tête : le précédent coup joué par le prolétariat était "Gênes" et la réponse fut "New-York " (et ce qui s'en est suit...).

En fait, dans votre courrier, vous demandez s'il faut répondre à ce coup ! (à "NYC")

Bien sûr, qu'il faut répondre. On ne va pas perdre sans s'être battu alors qu'à Gênes on a effrayé l'ennemi au point qu'il réponde par un "New-York" !

La meilleure réponse, le coup que la révolution DOIT jouer, c'est de montrer à la population ce qu'est "New-York".

Mais pour ça, il faudrait l'avoir compris soit-même !

Alors, aller à Genève ? Pourquoi pas ? L'important est aujourd'hui de répondre au précédent coup joué contre nous par la bourgeoisie ! Et puisque bien des gens sympas vont se réunir à Genève, pourquoi pas aller leur expliquer les règles du jeu ?

Amicalement,
do
do@mai68.org
http://mai68.org

PS) Je ne suis pas d'accord avec votre expression : « devons nous continuer à nous inviter à ces promenades » Dans mon journal sur Gênes j'explique que le pouvoir veut que ce soit cette expression qui soit utilisée, et je dis que : « Quand des chefs pseudo-contestataires " organisent " une manifestation, c'est pour éviter qu'elle s'organise toute seule ! C'est pour la récupérer, la canaliser. C'est pourquoi ils ont peur d'être débordés. Alors, ils fabriquent un SO (Service d'Ordre : quel nom !) qui va surveiller la manif et tenter de l'empêcher de faire ce qu'il lui plaît : le SO est la police interne à la manifestation ! » (chapitre "SO").
PPS) Vous dites : « l'ennemi portera peut-être drapeaux et banderoles » Si les Black Bloc vont à Genève, on verra bien si c'est les chefs d'ATTAC ou les BB qui feront le mouvement !
PPPS) Réponse à la question : « Avez-vous le sentiments qu'un tel mouvement puisse s'étendre, par rapport aux classes dangeureuses et aux travailleurs » : À Seattle, les pauvres (ou leurs enfants) s'étaient déplacés pour participer aux émeutes et du coup cette réunion de l'OMC a dû être annulée ! À Gênes, seule la petite bourgeoisie est venue. Et la petite réunion des maîtres ou de leurs représentants a pu se tenir. Mais les maîtres ont eu une peur bleue. C'est en particulier pour éviter que les fil(le)s de pauvres ne viennent au prochain rendez-vous "antimondialiste" qu'il y a eu "NYC". Car si les enfants des banlieues viennent, ils iront où, à votre avis ? chez ATTAC ou, comme à Seattle, avec les émeutiers ? Une réponse plus précise à cette question est le post scriptum du journal 55 sur la violence. (regarder pour voir que c'est bien une réponse à votre question le premier paragraphe du 2° du post scriptum)


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