4 février 2002

 

Le refus de 52 réservistes de servir dans les territoires ébranle Tsahal
Ces réfractaires sont accusés de traîtrise et de lâcheté par les colons et les militaires


Frappée de l'intérieur, l'armée israélienne ne pouvait encaisser le coup sans réagir. C'est chose faite depuis vendredi 1er février. Tsahal a "temporairement relevé de leurs fonctions" les deux officiers de réserve qui, le 25 janvier, ont rendu publique une pétition signée par cinquante de leurs camarades, officiers et soldats, affirmant leur refus de servir plus longtemps dans les territoires palestiniens occupés par Israël. "Nous déclarons que nous ne prendrons plus part à la guerre engagée pour la sécurité des colonies. Nous ne combattrons plus au-delà de la Ligne verte [qui délimite les frontières de 1967] avec pour mission d'occuper, de déporter, de détruire, de bloquer, de tuer, d'affamer et d'humilier tout un peuple." Rejoints par cinquante réservistes supplémentaires, ils ont réitéré leur engagement ce vendredi 1er Février 2002 dans la presse israélienne.

Entre-temps, ces écrits, étayés par des témoignages choquants, ont secoué la société israélienne dans son ensemble, nourri de nombreuses réactions dans la presse, provoqué, mercredi 30 janvier, un débat au Parlement et suscité des contre-offensives au sein de l'armée. Depuis la création du pays, l'institution militaire constitue l'un des piliers de la société israélienne. La plupart des hommes politiques en sont directement issus. 60 % des jeunes filles et garçons d'une même classe d'âge y consacrent trois ans de leur vie. Jusqu'à 49 ans, les réservistes sont susceptibles d'être appelés un mois par an. En laissant entendre que l'armée se comportait dans les territoires de manière indigne, les réservistes, qui ont, selon leurs propres termes, "le courage de refuser", s'en sont donc pris à un mythe. "Lorsque l'on organise une telle campagne sur des bases idéologiques, cela va plus loin que le refus de servir. C'est de l'incitation à la rébellion", a tranché le chef d'état-major de l'armée, Shaul Mofaz.

Accusés de traîtrise et de lâcheté par les colons et nombre de militaires, les signataires de la pétition, qui pour beaucoup ont servi au Liban, se définissent pourtant comme des "sionistes", désireux de continuer à servir "la défense de l'Etat d'Israël". Mais ce qu'ils ont vu aux check-points et dans les territoires, "l'occupation et l'oppression", ne sert en rien cet objectif, estiment-ils.

L'un d'entre eux a raconté au quotidienYedioth Aharonot sa colère en découvrant, durant son mois de réserve effectué aux abords du camp palestinien de Khan Younès, dans la bande de Gaza, "la procédure de tirs de semonce" appliquée aux enfants : "S'ils approchent à 100 mètres de notre position, nous devons tirer à 50 mètres sur leur droite ou sur leur gauche, même s'ils veulent juste jouer ou poser un piège à oiseaux. Une fois, un soldat a touché un enfant alors qu'il se trouvait à 150 mètres." "Dans les territoires, a assuré un autre, les habitants sont qualifiés de "cibles légales"." A la télévision, un lieutenant a affirmé avoir vu de ses propres yeux des soldats israéliens ordonner à un Palestinien de retirer de la route un objet suspect, sans attendre les démineurs. Les soldats pétitionnaires ont refusé de rencontrer la presse étrangère, estimant qu'il s'agissait d'une affaire intérieure et que leur but n'était pas de faire du tort à leur pays.

Dans les quarante-huit heures qui ont suivi la publication de la pétition, 200 officiers de réserve ont adressé une lettre au ministère de la défense, qualifiant l'initiative de leurs camarades "de dangereuse et d'antidémocratique". Ils s'élèvent "contre les tentatives de présenter les opérations de maintien de la sécurité en Israël et dans les territoires comme des crimes de guerre ou des ordres illégaux". Intitulée "Le droit de servir", cette pétition a également été publiée dans la presse, vendredi 1er février.

Au-delà des dérives morales qu'elle dénonce au sein de l'armée, la fronde des réservistes pose une question éminemment politique au sujet des colonies. "Les territoires, ce n'est pas Israël ; le sort des colonies est d'être évacué",rappelle sans équivoque la pétition. Interrogé sur la signification de cette initiative dans le Yedioth Aharonot, le premier ministre israélien, Ariel Sharon, a reconnu qu'il s'agissait d'"un problème sérieux", tout en esquivant la question de fond."Je ne suis pas contre la critique, a-t-il déclaré, mais si les soldats ne suivent pas les décisions d'un gouvernement élu, ce sera le début de la fin de la démocratie."

La vice-ministre de la défense, Dalia Rabin-Pelossof, a également qualifié la démarche des réservistes de "dangereuse et d'antidémocratique. J'aurais souhaité de la part de ces officiers et de ces soldats qu'ils ne s'associent pas au chœur de ceux qui désacralisent l'armée, surtout à un moment où nous avons de sérieux problèmes avec les Palestiniens". Seule voix discordante parmi les personnalités israéliennes, celle de l'ancien chef du Shin Beth (sécurité intérieure), Ami Ayalon. Il a reconnu avoir de "la sympathie"pour ces réservistes. Selon lui, "trop peu de soldats refusent d'obéir à des ordres illégaux. L'ordre de tirer sur un enfant non armé est manifestement un ordre illégal. Je suis très inquiet du nombre d'enfants palestiniens tués au cours de la dernière année".

Le chef d'état-major s'est engagé à enquêter sur les plaintes soulevées par les réservistes. Ces derniers ne devraient pas être exclus de l'armée, mais des mutations ou des sanctions disciplinaires seront étudiées au cas par cas. L'armée devrait en outre lancer une campagne de relations publiques. L'un de ses porte-parole a aussi tenu à rappeler que cette semaine, pour la première fois depuis le début de cette deuxième Intifada, un soldat israélien avait été inculpé pour avoir tué une Palestinienne à un check-point. Il risque six mois de prison.

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Notes de do : 1°) Les signataires de cette pétition vont dans le bon sens. Mais il leur faut faire encore un effort pour devenir des justes ! Vous aurez noté qu'ils se définissent comme des " sionistes ", désireux de continuer à servir " la défense de l'Etat d'Israël ". Et en effet, ils sont sionistes : ils ne parlent que des " territoires occupés ". Quand on n'est pas infecté par le psycho-virus du sionisme, on sait que c'est tout israël qui est un territoire occupé ! Que l'État d'Israël est en soi une colonie !
                        2°) Sur les 651 Palestiniens tués entre le 28 septembre 2000 et le 29 septembre 2001, 173 étaient des enfants, la plupart touchés par balles dans la tête ! Pendant la même période, 6000 enfants ont été blessés. 160 enfants sont actuellement incarcérés et subissent la torture ! Comme vous savez, Israël prétend être un modèle de démocratie !
                        3°) Sur la torture des enfants palestiniens par Israël, on trouve la citation  : « Des centaines d'enfants palestiniens ont été arrêtés par l'armée israélienne, pour des infractions allant du jet de pierres à l'appartenance à une organisation illégale. Ces jeunes sont souvent détenus au secret et il s'écoule fréquemment plusieurs jours avant qu'ils ne soient présentés à un juge. Certains sont battus, privés de sommeil, de nourriture et d'eau, menacés et humiliés. Il arrive qu'ils soient condamnés sur la foi d'« aveux » extorqués sous la torture. » dans un rapport d'Amnesty sur la torture qu'on peut télécharger ici : http://www.ifrance.com/efai/DOC/ACT/ZIP/A4003800.ZIP
                         4°) Vous pouvez relire mon texte en AG intervention 103


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