25 février 2002

 

Communiqué du Parti communiste du Québec:

Attention à la désinformation sur la Colombie !

"La première victime de la guerre est la vérité". Voilà comment le journal Le Devoir concluait un de ses éditoriaux de la fin février à propos de ce fameux scandale sur cet organisme occulte du gouvernement américain, l’OSI, chargé d’assurer la désinformation dans les médias à travers le monde.

En même temps, et de manière plutôt naive, Le Devoir, comme la plupart des autres journaux, se félicitait du fait que cette affaire semblait désormais terminée puisque le secrétaire d’État à la défense, Donald Rumsfeld, jure maintenant qu’il n’a jamais été question de chercher à manipuler l’opinion publique internationale.

Un tel degré de naiveté est d’autant plus désolant, que Le Devoir continue, comme tous les autres grands médias d’ailleurs, à reproduire des nouvelles soi-disant "objectives" dont la teneur est pourtant hautement questionnable et qui ressemblent bien plus à de la désinformation orchestrée à partir d'une officine du gouvernement américain qu’à n’importe quoi d’autre.

Prenez cette nouvelle à propos de l’enlèvement récent de la candidate des Verts aux prochaines élections présidentielles en Colombie, madame Ingrid Betancourt. Cet enlèvement s’est produit quelques jours seulement après la rupture, sous la pression de Washington, des négociations entre les FARC et le gouvernement colombien. Rien ne va plus dans ce pays où l’armée colombienne vient d’ailleurs d’entreprendre une offensive majeure contre les FARC. C’est le retour à la guerre totale et cela cadre totalement avec les projets de George W. Bush.

Certaines dépêches font état du fait que le mouvement de guérilla des FARC serait à l’origine de cet enlèvement contre madame Betancourt. C’est la 2e fois en à peine une semaine qu’on accuse ainsi les FARC d’enlever des personnalités politiques connues. La fois précédente, il s’agisait d’un sénateur. Pour votre information, l’enlèvement du sénateur fut utilisé par le gouvernement colombien comme l’une des principales raisons pour rompre toutes les négociations avec les FARC.

Aucune preuve n’a été apporté jusqu’ici, dans un cas comme dans l’autre, pouvant incriminer les FARC. Les accusations contre les FARC, dans le cas de l’enlèvement de madame Betancourt, représente cependant une nette escalade dans les efforts visant à isoler, tout au moins sur la scène internationale, les FARC. Madame Betancourt est en effet une personnalité très connue en France où elle vient de faire publier un livre.

Le fait qu’elle soit elle-même contre l’offensive militaire actuelle, contre la corruption flagrante qui existe dans ce pays, au sein des plus hautes sphères du gouvernement, et ait à maintes reprises appelé à un dialogue avec la guérilla, fait de cette personne et du mouvement qu’elle représente, bien plus un allié des FARC qu’un ennemi.

Entre temps, toutes les dépêches récentes en provenant des FARC font état de l’importance de ne pas céder aux provocations et de poursuivre les efforts pour développer le maximum de pressions sur le gouvernement colombien, de manière à forcer celui-ci à retourner à la table des négociation.

Dans un tel contexte, il serait plutôt surprenant que les FARC aient consciemment décidé de s’attaquer à madame Betancourt. On voit mal comment cela servirait leur intérêt. À l’opposé, le fait de prétendre qu’une telle action serait le fait des FARC profite objectivement à Washington qui a absolument besoin d’accumuler le maximum d’arguments, même s’ils sont farfelus, pour justifier l’ouverture de cet autre front dans la prétendue guerre tout azimut de Bush contre le terrorisme. Plusieurs centaines de conseillers militaires sont d’ores et déjà en Colombie. La Colombie est une véritable poudrière.

À la limite, on pourrait même penser que madame Betancourt ait, en fait, été enlevé par un des nombreux groupes paramilitaires d'extrême-droite qui sont violemment contre toute forme de négociation avec les FARC et qui aurait organisé cette action dans un but double: d'une part s'attaquer à une personnalité jugée trop "modérée" face aux FARC et, d'autre part, chercher à faire reporter la responsabilité de l'action sur les FARC eux-mêmes. Tout cela n'est bien sûr qu'une supposition mais ce ne serait pas la première fois qu'une telle chose se produirait. Dans tous les cas, cela démontre à quel point il peut être dangereux de tirer des conclusions trop vite...

Préalablement à la rupture complète des négociations avec les FARC, le gouvernement colombien avait déjà laissé courrir la rumeur que les FARC avaient violé l’espace aérien de l’Équateur en envoyant une quinzaine d’hélicoptères mitrailler, aux abords de la frontière, la population civile équatorienne. Or les FARC n’ont pas d’hélicoptères. L’objectif visé par cette opération très claire de désinformation consistait à essayer d’obtenir de l’Éqateur, un pays voisin, le bouclage de ses frontières. À peu près au même moment, les rumeurs de coup d’État contre le président Hugo Chavez se multipliaient également au Vénézuela, un autre pays voisin. Finalement, un sénateur colombien était kidnappé et le gouvernement colombien annonçait qu’il rompait tous ses contacts avec les FARC. C’est comme si tout avait été calculé...

La guerre psycologique a toujours été un élément important de toute offensive militaire. Et, de toute évidence, la CIA, l’OSI, et toutes les autres officines du gouvernement américain, utilisées pour la prétendue guerre au terrorisme, n’ont pas l’intention d’abandonner cette règle de base dans l’art de la guerre. Ils s’en sont abondamment servi durant la guerre contre l’Irak; ils s’en sont aussi servi durant la guerre contre la Yougoslavie, et ont peut être assuré qu’ils continueront de le faire en Colombie, ainsi que partout ailleurs où ils décideront d'intervenir, que se soient aux Phillipines, où 1000 militaires américains viennent également de débarquer, en Corée, ou une fois de plus en Irak, un pays contre lequel des menaces d'agression de la part des E.U. pèsent toujours.

Quelque soit les subterfuges utilisés, l’objectif reste le même: détourner l’attention de l’opinion publique face aux dangers de la campagne actuelle menée par les États-Unis soi-disant pour combattre le terrorisme, désamorcer les appels à la mobilisation pour la paix et miner les bases du mouvement anti-impérialiste actuel.

Il revient à chacun et chacune d'entre nous de ne pas tomber dans le panneau. À nous de poursuivre nos efforts pour dénoncer le néolibéralisme et faire valoir, ensemble, qu’un autre monde est effectivement possible.

André Parizeau
Président du Parti communiste du Québec (PCQ)
25 février 2002

Tél: 514-731-4391
Couriel: pcqympatico.ca


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