1 mai 2002

 

La traditionnelle manifestation du premier mai s'est déroulée sous la
pluie à Dijon, et a malgré tout réuni un très grand nombre de
personnes (on parle de presque 20000) de divers partis, mais aussi de
nombreuses associations et collectifs. Un cortège anarchiste
conséquent avec banderoles et drapeaux était présent, au sein duquel
étaient distribués de nombreux tracts, dont certains sont reproduits
ci-dessous. Il y a peu à dire sur la manifestation en elle-même, qui
s'est limitée à un défilé dans quelques rues de la ville, mis à part
l'intervention théâtrale d'un groupe de personnes déguisées en flics à
moustaches. Armés de brassards, pistolets en plastique ainsi que
tracts et pancartes de "revendications policières" (telles que le
droit à la bavure, un flic par habitant, etc. - tract dispo sur
http://www.chez.com/maloka/infos/Flics221201.txt)
, ceux-ci s'en sont
pris symboliquement aux manifestant-e-s "gauchistes", incitant
notamment les "citoyen-ne-s" à "éveiller le flic se trouvant en
eux/elles" et à "voter policier". L'intervention visait à mettre en
avant la fonction répressive de la police dans un contexte ou
l'obsession de la sécurité fait tant recette.

Au delà du premier mai, les rendez-vous militants continuent et de
nouvelles initiatives voient le jour. Aussi diffusons-nous l'appel
suivant :

"La lutte contre le fascisme ne doit pas s'arrêter aux urnes

Les logiques répressives et xénophobes, la peur et la haine d'autrui,
les structures d'exploitation et de domination sont malheureusement
ancrées à divers niveaux de la société. Elles se sont nourries des
politiques institutionnelles des dernières décennies : précarisation
du travail et démantèlement des services publics, politiques
d'expulsion des sans-papiers lois xénophobes telles que la double
peine, la focalisation autour de la thématique sécuritaire.
Nous souhaitons que la prise de conscience et les mouvements nés des
résultats du premier tour puissent donner naissance à des réflexions à
long terme sur les structures sociales et politiques actuelles, et sur
les causes du fascisme.
Nous souhaitons qu'il puisse naître de ce mouvement de nouvelles
formes de lutte sociale et de concertation. Dans cet état d'esprit,
nous appelons à :
- projection à la tombée de la nuit place de la libération le samedi 4
mai
- une manifestation le dimanche 5 mai, 21h, place Darcy
- une nouvelle assemblée populaire le mardi 7 mai place Wilson"

Ci-dessous, quelques tracts distribués durant la manifestation. Le
premier provient de "Zanzara Athée et quelques complices", le second
du GRAFE (Groupe Radicalement Anti Fasciste Etudiant). A noter que
d'autres ont circulé, notamment un tract de la Croix Noire Anarchiste
sur le travail en prison et un du groupe libertaire dijonnais, qui
n'ont pu être reproduits ici. Ils seront probablement disponibles sur
le site maloka dans peu de temps.

Tract de ZA + complices :

À LA RECHERCHE DES RESPONSABLES DE LA MONTÉE DU FN...

Tout de suite après le premier tour, une opération de culpabilisation
des abstentionnistes a été menée, relayée par les médias comme jamais
auparavant. Une fois de plus, l'abstention a été assimilée à une
passivité apolitique. Mais cette fois, cela va plus loin : les
abstentionnistes sont accusé-e-s d'être les responsables de la
"catastrophe".

Ce ne sont pourtant pas les abstentionnistes qui ont mis un bulletin
"Le Pen" au premier tour. Ce ne sont pas non plus les abstentionnistes
qui ont cautionné les autres partis politiques ayant repris pour la
plupart des parties du discours lepéniste. Et puis soyons honnêtes,
qui est responsable de la chute de popularité des politiques de Chirac
et Jospin, sinon eux-mêmes ? Si un tiers des inscrit-e-s ont voulu ne
choisir personne, et pour la majeure partie d'entre elles/eux, ne pas
même prendre la peine de se déplacer, ce n'était pas pour approuver le
programme fasciste du FN. C'est plutôt le signe d'une
non-reconnaissance de cette pseudo-démocratie qui nous demande notre
avis une fois tous les deux-trois ans... Pour nous demander quoi ?
Choisis ton chef, choisis ton leader, choisis celui qui va te laisser
le nez dans la merde !

Sous prétexte de "faire barrage à l'extrême-droite", on assiste à un
véritable bourrage de crâne au schéma simpliste : il n'y aurait pas
d'autres conceptions possibles de la "démocratie" que celle qui passe
par les urnes. Refuser de communier à cette grande messe fait de vous
un-e irresponsable voire un-e collabo du fascisme. Toutes les autres
modalités d'engagement et d'action sont ainsi discréditées, rendues
suspectes d'être de connivence avec l'"ennemi" (notamment toute
expression concrète de révolte contre la situation actuelle, il n'y a
qu'à voir par exemple comme les émeutier-e-s, les "casseurs" - et
casseuses ! - sont montré-e-s du doigt comme faisant soit disant le
jeu du fascisme).

On en oublierait presque que c'est justement avec de tels schémas
simplistes et réducteurs que l'on tue la réflexion, la capacité à
penser, donc que l'on fait le lit du fascisme. Contrairement à ce que
l'on essaie de nous faire croire, faire bloc autour de Chirac pour
défendre la "République", pour combattre le "mal" incarné par Le Pen,
ce n'est pas nécessairement faire reculer les idées
d'extrême-droite... Si nous refusons l'intolérance fasciste du FN,
nous n'allons pas pour autant nous plier à la tolérance libérale des
autres partis, cette "tolérance" qui ne cherche qu'à acheter la paix
sociale, autrement dit conserver le statu quo actuel et les rapports
de domination qui s'exercent sur une vaste majorité de la
population... Nous ne voulons pas utiliser l'épouvantail Le Pen pour
défendre un système dans lequel de moins en moins de monde se
reconnaît. Il nous semble que lutter contre le FN sans lutter contre
les politiques institutionnelles des gouvernements qui se sont
succédés depuis de longues années, c'est s'attaquer aux conséquences
en oubliant de s'attaquer aux causes. C'est éponger le sol quand
l'évier déborde au lieu de fermer le robinet...

La politique des urnes, c'est la politique de masse, la politique
spectaculaire : tout notre pouvoir sur un bout de papier. Face à une
telle déresponsabilisation imposée, nous affirmons notre volonté de
vivre autrement, dans une société organisée différemment, sur des
bases d'auto-organisation, de responsabilisation individuelle et
collective. Nous n'attendrons pas les prémices d'une révolution pour
démanteler les logiques autoritaires. Nous savons que c'est en mettant
en pratique dès aujourd'hui l'entraide et l'autogestion que nous
faisons obstacle au fascisme.

Si le FN a gagné en popularité, c'est parce que quasiment tous les
politiciens de droite ET de gauche ont fait de l'insécurité leur
programme électoral, en étant bien sûr complaisamment relayés par les
mass-media, et parce que nous vivons dans une société de concurrence
et de repli sur soi : chacun-e devant sa télé, seul-e ou en famille,
avec une vie quotidienne plus que morose, sans autres perspectives. On
voudrait nous faire croire que les responsables de cette vie de merde
sont celles et ceux qui en souffrent. Pourtant, les responsables de la
misère sociale sont forcément celles et ceux qui ont le pouvoir
politique, économique et social. Est-il possible de lutter contre le
ressentiment réactionnaire qui s'exprime par le vote FN sans lutter
contre l'ensemble du système étatique, capitaliste et patriarcal ?
Tout cela va bien au-delà du 5 mai... Continuons de réfléchir et
d'agir dans les semaines et les mois à venir pour révolutionner
joyeusement ce monde décrépit !

Dijon, fin avril 2002,
Zanzara athée et quelques complices

Il est possible de contacter Zanzara athée ET ses quelques complices
en écrivant à : zanzara@squat.net

Zanzara athée c/o Maloka, bp 536, 21014 dijon cedex, france


Tract du GRAFE (Groupe Radicalement Anti Fasciste Etudiant) :

La lutte continue

Ca y est tout le monde le pense mais personne n'oses le dire trop fort
: on va gagner !!! oui, et encore peut être, mais quoi au juste ???
Certes nous avons réveillé l'opinion qui sommeillait, bienheureuse...
Le 5 mai au soir on se dit que Chirac va passer, dans une logique de
moindre mal : l'escroc plutôt que le facho. Regardons cette démocratie
qui nous fait choisir entre un homme qui devrait être en prison et un
adepte de la croix gammée. Pathétique. Et cela serait une victoire ??
Amère alors.. Et quand bien même ce serait Chirac, que se passera t'il
?? Allons nous reprendre le train-train quotidien, retomber dans cette
torpeur médiatique qui nous abreuve de tout mais surtout de vide
intellectuel. La machine à bêtir. Passons, que restera t'il de ce
mouvement ?? Des traces dans les mémoires et les images d'archives,
sur les murs des villes. Trop facile.

Revenons un peu sur le candidat Chirac : s'il est élu, peut on parler
de président démocratiquement élu, dans la mesure où 40% des votants
n'ont pu s'exprimer pour une différence de quelques dixièmes de point.
Et la ferveur qui a gagné une partie importante de la gauche, est
assez inquiétante dans la mesure où l'on fait de Chirac un candidat
champion des valeurs démocratiques. Or quelle est la démocratie de
Chirac : celle de l'ultra-libéralisme, des négations des acquis
sociaux, l'acceptation des "immigrés" bien propres et montrant
pattes blanches, le bruit et l'odeur, l'impunité zéro... Alors c'est
pour "ça" que les organisations de gauche appellent à voter. Certes,
nous dit on, il faut défendre notre démocratie et pour ce faire il
nous faut la politique du moindre mal.

Mais la démocratie tient elle à la seule élection présidentielle ? Le
5 mai si Chirac gagne aurons nous, nous aussi gagné ?? Je ne crois
pas. D'abord parce que Chirac ne représente à nos yeux qu'un candidat
qui permet de stopper pour un temps la vague brune, mais aussi parce
qu'après les présidentielles, il y a les législatives. Dans cette
lutte politique qui s'annonce, où l'on peut craindre que le FN et le
MNR vont se ménager une place importante, nous devons rester lucides :
qui peut croire un instant que les gens de droite vont rester sourds
aux tentations des frontistes ?? Oui, c'est sûr, les pontes
politiciens appellent à la résistance mais on sait très bien que cette
position si elle est celle des chefs n'est pas suivie au niveau local.
Parce que nous avons affaire à des barons, des notables qui, de droite
comme de gauche n'ont qu'une envie, celle de conserver un pouvoir
acquis au nom d'une légitimité dite démocratique. Lors des régionales
diverses expériences d'alliances ont été effectuées entre la droite et
l'extrême droite. Si certains ont du capituler devant la pression de
la rue, d'autres sont restés en place, comme en Bourgogne.

Parce que la démocratie, telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui dans
ce pays, favorise la confiscation du pouvoir par une minorité qui
gouverne en son nom et sans aucune consultation du reste de la
population, sinon ponctuelle. Si les élus recherchent le pouvoir pour
le pouvoir nous devons nous passer d'eux et nous organiser sans eux à
différentes échelles. Nous devons rechercher les différents formes
d'organisations qui existent dans le monde, là où la représentativité
a été dépassée, ou du moins où elle est au moins contrôlée par le
principal intéressé : le peuple. C'est dommage qu'il nous ait fallu un
électrochoc pour nous réveiller, mais si aujourd'hui un mouvement est
né, il ne peut s'arrêter le 5 mai, car ce jour là aucuns des problèmes
ne seront réglés. Un répit sans doute, mais en aucun cas une issue.
C'est pourquoi nous appelons tou-te-s les personnes se sentant
concerné-e-s à poursuivre ce mouvement.

Le GRAFE
29/04/02


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