14 avril 2005

NÉPAL - La chute de la maison Shah Dev

      Avant-propos : Les tigres parfumés de l'Empire

     Le massacre du palais royal, le 1er juin 2001, dénouait des milliers de langues dans le royaume du Népal, mais nul ne voulait les écouter.

      L'arbre du Bouddha bruissait de rumeurs...

     Les journalistes occidentaux présents à Kathmandou coupaient brutalement leurs micros et se comportaient comme les Trois singes de la légende chinoise : Ne rien voir ; ne rien entendre ; ne rien dire.

      Au Népal, la vérité est un puzzle qu'il nous faut reconstituer dans la peur et la nuit.

     La peur des maopatis (guérilleros maoistes) — comparés à tord aux Khmers rouges — et la mauvaise réputation des partis politiques, accusés de corruption, ont encouragé la violence royale et l'ont même normalisée.

      Le fascisme est un climat — une partition sur laquelle jouent à merveille "les tigres parfumés de l'imperialisme...(1)"

     Les meurtres du palais Narayanhity, le 1er juin 2001, le sacre de l'empereur hindou, à New York, devant le gratin de la finance et de la diplomatie (décembre 2003) et le rétablissement de la monarchie absolue, le 1er février 2005 (2), apparaîtront, au regard de l'historien, comme les bonds pitoyables du dernier fauve népalais.

 

     La chute de la maison Shah Dev

     "I will hang my mother ; I'll kill my father", jurent les soldats, en tenue bleu-léopard. (Serment d'allégéance du gurkha (mercenaire népalais) au roi, entendu dans une caserne de Bakthapur)

     Kathmandou, juin 2001.

      Un curieux tremblement de terre réveille la capitale la plus polluée d'Asie et les 23 millions d'habitants du royaume sans doute le plus pollué du Monde.

      Le roi Birendra Bir Bikran Shah Dev, 10eme du nom, au pouvoir depuis 1972, son fils Deependra, sa femme Aishwarya et toute leur famille — à l'exception du neveu Paras, sa femme Himani, sa sœur Preena et sa mère Komal, présents au palais Narayanhity — sont massacrés.

      À l'annonce de la nouvelle, les peuples de Kathmandou, Pokhara, Nepalganj, Dankhuta, sortent dans la rue et désignent immédiatement Gyanendra, le frère du roi, et son fils Paras, comme responsables de la tuerie.

     « C'est un secret connu de tous, sauf peut-être, des poissons crevés de la rivière Bagmati », sourit un lama.

     Un marchand de légumes qui tient un compte précis des méfaits de la famille brandit une photo de Praveen Gurung, un chanteur populaire, assassiné de sang-froid par Paras, à la sortie du casino "Yak and Yeti".

     — La brutalité de cette famille, qui règne sur les tripots, sur les bordels, et maintenant sur les casernes, n'est plus à prouver, s'emporte l'honorable marchand.

     — Paras est connu pour trois choses ici : ses excès de boisson, sa violence à l'égard des femmes et son amour immodéré de la faune sauvage.

     — N'a-t-il pas rendu leurs lettres de noblesse aux zoos et aux parcs naturels ? se gausse un humouriste sur une affiche.

     À l'hôpital Birendra de Kathmandou, le corps du prince héritier, Deependra, est séparé des autres et fait l'objet d'un étrange cérémonial : des swamis en toge orange et des brahmines aux crânes rasés marmonnent des mantras autour...

     Pour la première fois, dans l'histoire mouvementée du Népal, on nomme roi un cadavre !

      À l'extérieur, dans les ruelles étroites des quartiers Tahity, Thamel et Chettrapati, des rumeurs invérifiables circulent :

      Les officiers et soldats fidèles à Birendra ont été abattus ; l'Inde aurait déployé 25 000 hommes le long de la frontière, en principe ouverte (soit 25 bataillons des fameux Sahastra Seema Bal — des forces paramilitaires, crées après le blitzkrieg chinois sur l'Inde en 1962) ; les Américains et les Anglais protègeraient les assassins...

      « Depuis deux ans, écrit à chaud un correspondant Indien, les relations entre la puissance tutellaire, l'Inde, et le royaume népalais se sont considérablement refroidies ; en décembre 1999, des militants cachemiris détournaient, à l'aéroport Tribhuvan de Kathmandou, le vol IC814 de India Airlines vers Lahore au Pakistan puis Kandahar en Afghanistan, réclamant la libération de leaders emprisonnés et de l'argent. Le ministre des Affaires étrangères, Jaswant Singh (BJP) remettait personnellement les rançons aux pirates sur le Tarmac de Kandahar ; le gouvernement indien ne pardonnera jamais cet affront au roi Birendra et à son gouvernement qu'il juge responsables. Pour les services secrets indiens (Research and analyses wing), Kathmandou est devenu un repaire d'espions pakistanais, de maopatis et de truands. »

      Le journaliste doit quitter rapidement le Népal ; son article ne sera jamais publié...

      Pour la première fois depuis janvier 1952 — date à laquelle une armée de paysans, conduite par le Parti Communiste népalais, menaça de renverser le roi Tribhuvan (1911-1955), la Royal Nepal Army est engagée contre le peuple.

      « Lors même des mouvements étudiants de 1989-1990, on n'a pas vu une telle répression », note un manifestant, membre du Congrès népalais.

       Les partis politiques sont paniqués et ne savent comment réagir.

      Le Premier ministre Girija Prasad Koirala, 80 ans, surnommé par ses détracteurs "le fantôme de la liberté" lit à la radio un message d'une voix blanche :

      « Le prince Deependra, dans un accès de démence, a tué le roi, la reine et toute la cour (soit 10 personnes) ; puis s'est donné la mort... »

      L'arme du crime, un fusil d'assaut offert par le général pakistanais Musharraf au prince Deependra est montrée généreusement à la télé.

     Pas un reporter, pas une ONG, pas un gouvernement ne remettent en question la version officielle.

     Du reste, aucun hommage digne de ce nom ne sera rendu aux victimes ; le fait éminemment politique tombe dans la catégorie des drames familliaux et des potins mondains.

     Le seul éditeur publiant un texte écrit par le docteur Baburam Battarai, leader maoiste, qui explique sobrement le pourquoi du massacre, est arrêté.

     Selon un commentateur anonyme :

     « Ce n'est pas deux roitelets qu'on a tué le 1er juin 2001, mais la voix de tout un peuple. »

      Avant de s'emparer du trône, Gyanendra pose un instant la couronne sur le cadavre encore tiède du neveu, signifiant à tous que les rois peuvent être au-dessus des lois.

     Les dépouilles sont brulées rapidement sans examen post mortem.

      « Un grand capitaine ne perd pas de temps », écrit Sun Tsu dans "L'Art de la Guerre".

     Dans les heures et les jours qui suivent, Gyanendra s'accapare des biens, terres, et fortunes — au pays comme à l'étranger — de toute la famille Birendra. Et ce, avec la complicité des banques et gouvernements.

      Hormis quelques voix timides, émanant du Congrès et des partis communistes, au courant de la succession, nul ne proteste.

     Girija Prasad Koirala connaît la vérite et démissionne.

      Le Bharathaya Janata Party, dirigé par Atal Bihari Vajpajee et Lal Advani, tout-puissants à Dehli, et leurs séides à Kathmandou, orchestrent le Grand Silence.

      Peu de gens savent, parmi les "lettrés", que Gyanendra Shah Dev fut déjà roi, lors d'un autre moment extraordinaire de l'Histoire — et ce contre la volonté de sa propre famille et, bien sûr, de celle du peuple...

      (L'information est livrée à la sagacité du public indien, le 2 février 2005 ; le BJP n'est plus aux affaires)

      En 1950, à l'âge de 4 ans, Gyanendra est choisi par les Rana, des barons féodaux qui ont toujours disputé le pouvoir aux Shah Dev et qui forment, avec les descendants du kazi Amar Singh Thapa, l'aristocratie militaire du royaume hindou.

      La future femme de Gyanendra, Komal, sera "naturellement" une Rana et, plus tard, son chef d'état-major se nommera Pyar Jung Thapa !

      Les pairs spirituels de Gyanendra, les frères Judha, Padma et Mohan Shamsher, et leur grand-oncle Jang Bahadur Rana, gouvernent le Népal de 1846 à 1951. En fait depuis le "Massacre de Kot", lors duquel le général-Premier ministre tua quelques 55 nobles et plusieurs centaines de leurs serviteurs...

      Pour des historiens qui n'osent s'exprimer : « Le massacre royal du 1er juin 2001 a été conçu et réalisé sur le modèle du Massacre de Kot, fondateur de la lignée héréditaire des généraux-Premiers ministres Radja Rana. Le peuple appelait ces grands fauves : les tigres parfumés de l'empire britannique. »

      Important : la succession chez ces prédateurs ne se fait pas de père à fils mais de frère à frère ou de
neveu à cousin. Ce qui élargit le socle du pouvoir parmi les aristocrates hindous.

     Les pairs spirituels de Gyanendra, Judha, Padma, Mohan Shamsher et leur grand-oncle Jang Bahadur Rana, fondateur de la lignée, après le Massacre de Kot, en 1846, sont très proches de la Couronne britannique et des intérêts de la John's company (c'est ainsi qu'on appelait la Compagnie Est des Indes).

      Lorsque la révolte des Sepoy éclate, en 1857, à Dehli et Lucknow, le maharadja du Népal Jang Bahadur Rana envoie 6 régiments gurkha (mercenaires népalais), sous commandement anglais, mater la mutinerie ; les bataillons aux noms évocateurs Sri Nath, Purano Gorakh, Sher Bataillon, Kali Bahadur, Mahadra Dal et Shamsher Dal existent toujours, et constituent encore le Cœur des intérêts britanniques sur le continent indien.

      Ces bataillons et d'autres ont participé à toutes les campagnes coloniales, guerres mondiales — Tibet (1789, 1855, et la dernière expédition du Colonel Youghusband, 1905), Waziristan, Afghanistan (1814, 1914), Birmanie, Assam (1939-1944) - et à la Partition en 1947…

      Ce sont eux qui, sous commandement britannique, escortent les populations déplacées, au Penjab, de l'Ouest vers l'Est ; qui, au Bengale, orchestrent l'apartheid entre musulmans et Hindous !

      Le Népal doit sa relative indépendance à la vaillance de son armée, dirigée par le Conquérant Amar Singh Thapa, lors des guerres contre les Britanniques en 1768, 1807, 1814, et, plus tard, à d'infâmes traités signés entre Jang Bahadur Thapa et la John's Company.

     Dès la Seconde moitié du XIXe siècle, le roi ou les barons féodaux livrent à la Compagnie des milliers de travailleurs pour les plantations de thé à Darjeeling dans l'ouest Bengale et autorisent sur leur propre sol le recrutement de mercenaires.

      Durant presque 100 ans, les sergents-recruteurs sillonnent le Népal, un royaume fermé aux étrangers, et divisent le pays en 4 zones d'enrôlement, correspondant aux territoires et ethnies Magar, Gurung, Sunwar, Rai, Limbu et ignorent curieusement les peuples vivant entre les rivières Mahakali et Karnali.

      Ces régions à l'ouest seront le berceau de toutes les rebellions, en particulier, aujourd'hui, de l'insurrection maopati.

     Magar, Gurung, Sunwar, Rai, Limbu sont classés parmi les races martiales et ont le droit de porter le nom de Gurkha.

      Les régiments sont construits sur un mode colonial et racial : par exemple, le Purano Gorakh n'accueille que des Magar ; le Kali Bahadur, des Gurung, etc.

      Les autres ethnies Bhote, Lepcha, Newar, Sherpa… sont quelque peu méprisées et classées comme trader, porteurs, bergers cueilleurs, et paysans.

      Les officiers, dans la Royal Nepal Army, sont choisis chez les Brahmines et Shatrias, proches des familles régnantes Shah Dev ou Rana (Thakur, Chhettri, Uday et leurs subdivisions Adhikari, Basnet, Pandey, Katri, Thapa, etc.)

     Les Britanniques ont peaufiné et sophistiqué à l'extrème le système des 4 castes (brahmine, Shatria, Vaishia et Sudra), introduit au Népal par le fondateur de Pashupatinath (lieu sacré de la vallée de Kathmandou), le mythique empereur Dharma Datta.

      Leur regard raciste et ethnique sur les populations colonisées est le socle sur lequel a pu se déveloper au XXe siècle le fascisme hindou !

      Le journal Blitz du 14 mai 1949 donne à ses lecteurs indiens un aperçu du royaume népalais sous le règne éclairé des généraux-maharadja Jang Bahadur Rana :

      « La nuit, le couvre-feu y est installé depuis 100 ans !
     « Un homme a été pendu ici pour le seul crime d'avoir connu Gandhi.
     « 13 millions de Népalais, dont beaucoup ont combattu Hitler, Mussolini et Hiro-Hito sont prisonniers dans leur propre pays d'une famille.
     « Toutes les réunions et rencontres de plus de 3 personnes, même autour d'un kiosque à journaux, y sont interdites ; toutes les prières collectives au temple également.
     « Aucun sujet népalais — excepté les proches du maharadja — ne peut posséder en son nom une voiture voire un cheval !
     « Le Népal connaît le plus monstrueux des systemes pénitentiaires : les prisonniers sont torturés, affamés, fouettés et entravés d'énormes chaînes aux jambes, bras et cou.
     « Certains sont muselés et forcés à prier chaque jour pour la longévité et le bonheur de leurs tortionnaires ! »

      Et c'est à ce régime que le général Mac Arthur a demandé l'autorisation de construire un aéroport et des bases militaires !

      Le 1er octobre 1949, la République populaire de Chine est proclamée ; avant la fin de l'année 1949, la région musulmane du Turkestan est libérée et intégrée sous le nom de Xingshiang.

      Le 1er janvier 1950, Mao tse toung déclare la libération imminente de 3 millions de Tibétains.

      Le 7 janvier 1950, L'A.P.L. entre au Tibet.

      Au Népal, un enfant de 4 ans, Gyanendra, petit-fils du roi Tribhuvan, est élu roi et dernier avatar du dieu Vishnou par les pouvoirs séculiers et les autorités spirituelles, en l'occurrence les ambassades anglaise et américaine.

      Le 6 novembre 1950 le grand-père Tribhuvan, craignant pour sa vie, s'envole vers Dehli, et rejoint son fils Mahendra et son petit-fils Birendra en exil, sous la protection de Nehru et du Congrès népalais.

      Sadar Patel, ministre de l'Intérieur, chargé des relations avec les États princiers, dénonce publiquement à la Lok Sabba (parlement indien), à New-Dehli, la mascarade et le coup d'État.

      Trois ans auparavant, le 6 novembre 1947, avec l'approbation du roi Tribhuvan (sans l'aval de Mohan Shamsher Jang Bahadur Rana, chef des armées) est signé entre Nehru et lord Mountbatten "A tripartite agreement" qui prévoit, à la suite d'un référendum parmi les officiers et soldats népalais, le partage des régiments gurkha.

      Le roi et Nehru essayent de libérer, un instant, sur territoire indien, l'armée royale de l'emprise des Ranas…

      70 000 officiers et soldats votent pour la jeune Union indienne ; 5 000 seulement pour la Couronne britannique.

      De mémoire de Gurkha, c'est la première et, sans doute, la dernière fois, que des soldats votent.

     50 ans plus tard, cette problématique, armée républicaine ou royale (conseillée par l'impérialisme) sera l'enjeu principal de la guerre civile.

      Fort de ce soutien, le Congrès népalais, dirigé par un des frères Koirala, Maneshwar Prasad, tente de libérer le Népal de la tyrannie des Rana…

      Le 18 février 1951, un accord sera signé entre les Rana, Tribhuvan, le Congrès népalais et l'Inde.

      Tout le monde convient, pour l'heure, d'une monarchie constitutionnelle.

     Quant à l'incarnation joufflue du dieu Vishnou, on peut trouver en chinant dans les marchés de Durbar Square des pièces de monnaie à son effigie...

      50 ans plus tard la tête de veau, devenue adulte, risque de rester un peu plus longtemps sur les billets de 25 roupies (une particularité du Népal ; le chiffre 25 porte bonheur selon les astrologues hindous qui orientent la vie des habitants et celle du roi...)

      Les Quatre revendications majeures du mouvement maopati sont aux yeux de l'État indien, du roi et des impérialismes proprement inacceptables :

      1°) Création d'une armée républicaine, sous l'égide d'une Assemblée élue, indépendante de la personne du roi.

     2°) Séparation de l'église et de l'État ; reconnaissance à parité des autres religions avec l'hindouisme.

     3°) Révision des traités internationaux signés par le roi ou les maharadjas.

     4°) fermeture des centres de recrutement mercenaire et rapatriment des soldats.

     Nepal : Au grand dam des gens raisonnables qui hurlent "Il n'y a qu'une arme de destruction massive, ici : la pauvreté !", l'aide militaire ne cesse d'affluer.

      L'unique geste politique de Gyanendra Shah Dev et de ses condottieri est d'envoyer, encore et encore, la troupe contre les bastions tenus par les maoïstes. Sans grand succès.

     Selon les mots mêmes de l'ONU, le Parti Communiste Maoïste népalais est devenu le plus grand land lord du pays ; et, peut-être, à l'heure où j'écris, l'armée légitime — combien héroïque ! — de la république du Népal.

      Entre le 1er juin 2001 et le 1er février 2005 (date de l'ultime coup d'État), 40 millions de dollars de matériel militaire sont fournis à la Royal National Army par l'Inde ; les Américains versent 29 millions ! Le chiffre de l'aide britannique n'est pas connu — peut-être par pudeur.

      À l'occasion de cette guerre contre les pauvres, beaucoup de pays et de personnes se déshonorent : la Belgique — entre autres — qui vend des mitraillettes aux escadrons de la mort ; ou cet ambassadeur américain, un certain Malinovsky, qui visite "régulièrement" le front, c'est-à-dire de pauvres hameaux dont les champs d'orge sont incendiés aux lances-flammes.

      Pendant cet "Apocalypse Now", la dissolution des 2 chambres parlementaires (Pratidhini Sabha et Rashtrya Sabha) et l'éviction des députés, à Kathmandou, passent presque inaperçues.

     Les souffrances du peuple népalais, notés cliniquement par Amnesty International, culminent entre 2003 et 2004. Selon les techniciens des droits de l'homme, on atteint un pic mondial, en matière de disparitions et d'exécutions extra-judicaires.

     « L'espérance de vie a chuté de 52 à 32 ans ! »

     Le Vatican des droits de l'homme n'engage aucune campagne d'envergure pour dénoncer le phénomène ; ses adhérents francais ne savent même pas que l'honorable dame est présente au Népal… C'est tout étonnés qu'ils apprennent que Irène Khan, leur secrétaire-générale, rencontre le 16 février dernier, le tyran Gyanendra et lui remet un message de l'ONU.

      Le Népal n'entre sous le soleil de l'actualité que lors du jubilé de la Conquête du mont Everest — voir le forum sur www.Liberation.con (mai 2003).

      De janvier à juin 2003, les conquérants de l'inutile imposent à coups de millions de dollars un cessez-le-feu aux belligérants.

      Les alpinistes sont accueillis à l'aéroport de Lukhla, dans le Solu Khumbu, par un graffiti lapidaire :

      « TOURISTE, TOI, TU GRIMPES ! NOUS ON CRÈVE ! »

      Le choix colonial de fonder l'économie du Népal sur le tourisme a divisé le territoire en parcs naturels et en no man's land, tenus au mieux par les maopatis, au pire par les Village Defense Committee — des gangsters à qui l'armée royale a donné carte blanche… Les Bérets verts et les SAS, présents dans la région, appellent ça "la guerre psychologique derrière les lignes".

     Les paysans insurgés pratiquent la guerre subversive avec une dignité que méconnaissent les officiers sortis des académies de West-Point, Sandurst ou Dehra-Dun ; les maopatis, en tenue vert-olive et insigne rouge, ne portent pas l'uniforme de l'ennemi pour terroriser les populations locales par le viol, le meurtre et le pillage !

      Ils distribuent simplement des tracts aux familles de soldats.

     Écoutez :

     « GURKHA, CROSSES EN L'AIR ! JETTE À TERRE LE FARDEAU DE TON OFFICIER ; CETTE GUERRE N'EST PAS LA TIENNE — C'EST CELLE DE L'ANGLAIS, DE L'INDIEN ET CELLE DU ROI USURPATEUR ET TRAITRE À LA NATION ! SOUVIENS-TOI DU 1ER JUIN 2001 ; GYANENDRA TUAIT SON FRÈRE ! »

     Les pourparlers de paix sont rompus entre les émissaires royaux et les maopatis, au début de l'été 2003, car les généraux refusent de rester dans leurs cantonnements et se moquent ouvertement de la trève.

     Les officiers supérieurs, le soir, autour d'un whisky, rigolent abondamment d'une proposition hilarante : « la fusion des milices communistes avec leurs troupes ! »

     (La chose s'est produite au Cambodge dans les années 90 : les Khmers rouges — comparés à tort aux maopatis — ont intégré de bon gré les forces gouvernementales, dirigées par le communiste pro-vietnamien Huen Sen — et ce avec la bénédiction de l'ONU)

     C'est mal connaitre la nature "mercenaire" de la Royal Nepal Army dont la devise est dans l'ordre décroissant d'intérêt : « Crown, Nation and People [Couronne, nation et peuple] » .

     Quelle couronne ? Quelle nation ? Quelle peuple ? À qui appartient donc cette Royal Nepal Army de bientot 100 000 hommes ?

     Les vieux régiments Sri Nath Bataillon, Purano Gorakh, Sher Bahadur, Kali Bahadur, Mahindra Dal, Shamsher Dal, dont les soldats sont enrôlés sur des critères ethniques, territoriaux, raciaux (codifiés par le Raj britannique), et qui forment le socle de l'armée gurkha, ont davantage combattu sous les ordres du commandement anglais que sous les ordres des rois Tribhuvan (1951-1955), Mahendra (1955-1972), Birendra (1972-2001) et Gyanendra (2001- ?) !

     Pour la première fois, lors des négociations avec l'ONU, l'armée, aux ordres de la Couronne, apparaît "politiquement" ; et peut-être avec elle le mobile majeur du massacre, au palais Narayanhity, le 1er juin 2001.

      Le Népal aux mains d'un gouvernement élu, souverain, serait pire que la rétrocession de Hong-Kong aux Chinois en 1997 ! Birendra n'a-t-il pas nommé brièvement, en 1995, un élu communiste Premier ministre ?

      Pour remettre le commandement des forces armées à un Premier ministre élu ne faut-il pas couper le lien avec la puissance tutellaire ?

      L'armée britannique… pardon, népalaise ! Et l'État indien, pour d'autres raisons, ne souhaitent pas le scénario cambodgien et encore moins la création d'une armée républicaine sous l'égide d'une assemblée élue.

      Ils ont d'autres projets.

     "La menace maoïste", au Népal comme en Inde, sert des ambitions à l'intérieur et à l'exterieur du pays qui visent, à terme, la fin de la monarchie et l'instauration d'une dictature militaire — l'équivalent hindou du régime pakistanais.

      Le passage de l'armée népalaise de 45 000 à 78 000 et à l'horizon 2006 à 100 000 hommes donne du poids à l'hypothèse.

      Un journal népalais, paru le 2 février 2005, a Darjeeling (West Bengal), précise le contexte régional de cette transition :

      DE LA MONARCHIE À LA DICTATURE SANS PASSER PAR LA RÉPUBLIQUE

     Le rétablissement de la monarchie absolue au Népal, le 1er fevrier 2005, est le fruit amer de la défaite électorale des fascistes hindous, le 13 mai 2004, en Inde, et du rôle de plus en plus proéminent des forces armées dans la région.

      L'Inde et le Népal partagent 1751 km de frontières ouvertes, depuis 1951, et sans doute davantage de prêtres, de militaires, de policiers et d'inquiétudes.

      Il y a 9 millions de Gorkha (nom donné aux Népalais de ce côté-ci de la frontière) vivant et travaillant en Inde — principalement à l'est, au Sikkhim et au nord-ouest Bengale ; à l'ouest, en Uttaranchal et en Himachal Pradesh…

       De la rivière Sujlet, au Penjab, à la rivière Tessta au Sikkhim, un espace appellé, autrefois, au XVIIeme siècle, le Grand Népal…

       Au Nord Est de l'Inde, les Gorkha sont organisés politiquement et jouent un grand rôle ; ils dirigent le council de Darjeeling ; le népali en est la langue officielle.

      C'est peut-être la seule force politique, en Inde, avec les naxalites, à soutenir les maopatis et leur projet républicain.

     C'est leur présence massive au Sikkhim qui a permis, en 1975, à l'union indienne d'annexer "démocratiquement" le royaume bouddhiste, dirigé alors par le Chogyal, une sorte de Dalaï-Lama local, marié à une Américaine…

      La peur de la Sikkhimisation a provoqué, dans les années 80, la déportation de 600 000 bouthanais d'origine népalaise (les Lothsampa) et une révolution nationale de caractère fasciste au royaume du Bouthan.

      Beaucoup de Bouthanais, survivant dans des camps de réfugiés, en Inde et au Népal, sous la protection de l'UNHCR, ont rejoint les maopatis et ont créé en décembre 2003 le Parti Communiste Maoiste Bouthanais.

      Leur projet, comme celui de leurs camarades népalais, est l'instauration d'une république laïque, démocratique, et populaire.

     Au printemps 2004, le roi Jigme Wangchuk, qu'on présente par ailleurs comme un grand démocrate, craignant une insurrection prochaine, lance de concert avec l'armée et les forces para-militaires indiennes une opération d'envergure contre les camps de refugiés assamais, bodo, naga, etc. qui peuplent, depuis 1992, les jungles du Terai, à la lisière de la réserve naturelle Manas. Bilan du nettoyage : 200 morts ; et des centaines de femmes, enfants, vieillards, emprisonnés ou déportés. Cette opération "anti-terroriste conjointe" est montrée en exemple aux voisins népalais, pakistanais, birmans et bengladeshi.

      Opportunistes, les militaires népalais et le roi pirate se servent de cette opération exemplaire pour monter leur coup du 1er février et forcer les militaires indiens à une "immense chasse aux tigres…" de chaque côté des frontières.

      Le roi du Bouthan est l'invité d'honneur du Republic Day, le 26 janvier 2005.

      Cela sera le signal du coup d'État.

     Le 1er février 2005, l'armée prend le pouvoir à Kathmandou.

      Pour les amateurs de coïncidences historiques, le 1er février est le jour anniversaire, en 1951, d'une résolution passée à l'ONU, condamnant la Chine comme agresseur lors de la guerre de Corée.

      Le poignard népalais et la croix gammée hindou

      « We want Nepal to continue as hindu state in the face of 57 muslim and over 100 christian states in the world », déclare Acharya Giriraj Kishore, chef du Vishwa Hindu Parishad, le 2 février 2005.

      À l'époque de leur gloire, en décembre 2003, le vishwa hindu mahasangh, une filiale du VHP, choisit New York et un parterre de diplomates et de financiers pour sacrer empereur des Hindous (Vishwa hindu samrat) Gyanendra Shah Dev, 12eme roi du Népal.

      Curiosité de la globalisation : il y a plus d'étrangers et de Parvasis (Indiens et Népalais résidents à l'étranger) à applaudir l'empereur que d'humbles sujets de Sa majesté.

      Beaucoup de journalistes ignorent que le Vishwa Hindu Mahasang, dont Gyanendra est le saint-patron, est lié aux Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) ; ces boys scouts, en culotte beige et chemise blanche, qui participent aux viols, meurtres, massacres, en fevrier-mars 2002, de quelques 3 000 hommes, femmes, enfants, vieillards, qui ont eu le malheur de naître musulmans au Gujarat — le lieu même de naissance du mahatma Gandhi.

      Le Vishwa hindu mahasang est une émanation du Mahasabha, une organisation "culturelle", créée par Vinayak Damodar Savarkar, qui, en janvier 1948, arma le bras de Nathuram Godse, l'assassin de Gandhi.

      Les figures lugubres de Savarkar et de Gyanendra sortent des poubelles de l'Histoire lors "d'une divine surprise" : l'arrivée au pouvoir à New-Dehli en 1998 du Bharatiya Janata Party (BJP), dirigé par les ennemis intimes de la dynastie Nehru-Gandhi, Atal Behari Vajpajee et Lal Krishna Advani.

     Le premier geste de ces honorables fascistes est de faire péter, dans le plus grand secret, une bombe atomique (mai 98), à Pokhran, au Rajasthan ; puis de placer dans le hall du parlement indien le portrait géant de leur idole Savarkar face à celui de sa victime — Gandhi, le prophète de la paix.

      Leur rêve : interrompre le règne de la dynastie Nehru-Gandhi et subvertir la constitution indienne, éminemment démocratique, écrite par le dalit Ambedkar et le socialiste Feroze Gandhi.

      Leurs moyens : le complot, la haine, le pogrom et accessoirement les élections.

      Leurs laboratoires : le Gujarat et le Népal où les fascistes hindous, sous couvert de différentes ONG, construisent 300 gurukul (école royale), l'équivalent hindou et aristocratique des madrassa.

      Intérêt stratégique du Népal pour le Sangh Parivar : C'est le seul royaume à constitution hindou du monde.

      La dernière mouture de cette dernière date de 1990 et a été signée et approuvée par le congrès et les partis communistes révisionnistes népalais.

     Le missionnariat chrétien, formellement interdit, est passible de prison ; le bouddhisme, dans sa version lamaïste, sévèrement controlé ; le dalaï-lama, interdit de séjour.

      Lumbini, lieu de naissance du Bouddha, appartient au roi hindou, Gyanendra Shah Dev.

     Curieusement, l'Islam est toléré — pour mieux, de temps à autre, en exterminer les représentants. Voir les pogroms qui ont lieu à Kathmandou après le massacre de 12 travailleurs népalais en Irak...

      Historiquement la famille Shah Dev, à laquelle appartient Gyanendra, plonge ses racines (1743) dans l'un ou l'autre des Rajputanat (Bikaner, Djesalmer, Ajmer, etc.) qui constituent le Rajasthan et a partie liée avec les quelques 565 principautés, de droit divin, qui occupaient le continent indien avant l'Indépendance (1947).

      Au reste, ce sont des princes et des princesses, reconvertis dans la politique tel le chief minister (BJP) du Rajasthan, Vasundhara Raje, qui plaideront, le 2 février 2005, la cause de Gyanendra auprès du docteur Mahmohan Singh, premier ministre indien.

      En 1971, lorsqu'Indira Gandhi, au fait de sa gloire, abolit les pouvoirs résiduels laissés à l'Indépendance aux maharajas, ces derniers entrent en politique et forment avec les fascistes hindous, plébéiens, cantonnés dans des activités "culturelles" depuis l'assassinat de Gandhi, le Janata Sangh.

      Les 19 mois d'État d'Urgence (1975-1977), imposés par Indira Gandhi, pendant lesquels Vajpajee, Georges Fernandes (ministre de la Défense sous le règne du BJP), entre autres, sont emprisonnés pour "sédition", durcissent la haine des fascistes hindous à l'égard de la dynastie Nehru-Gandhi.

      À cette époque, le Népal, sous le roi Birendra (1972-2004), est un havre de paix et une terre d'asile pour les bannis de la politique indienne.

      À la fin de l'année 1984, Rajiv Gandhi et sa femme visitent Pashupatinath, un lieu saint fondé par l'empereur mythique Dharma Datta qui introduisit le système des castes au Népal. Les Brahmines interdisent l'entrée à Sonia Gandhi.

      Ce sont les mêmes, 20 ans plus tard, qui intimideront Sonia Gandhi, pourtant élue par le peuple, aux portes du pouvoir !

      Le Premier ministre Rajiv Gandhi joue un très grand rôle dans le mouvement démocratique citadin de 1989-1990, conduit par le congrès et les partis communistes, au Népal.

      Il impose un blocus de la frontière et force le roi Birendra à accepter les doléances du peuple népalais ; à savoir le multipartisme, des élections, deux chambres parlementaires et un premier ministre nommé par le souverain. Bref ! une presque monarchie constitutionnelle... Si ce n'était que le commandement des forces armées reste entre les mains du roi et que la nouvelle constitution est hindou...

      Jamais la maxime de Saint-Just n'a été aussi vraie : « Ceux qui font des révolutions à moitié ne font que se creuser un tombeau ! »

      Le mouvement démocratique de 1990 laisse intact le trident acéré de la Réaction :

      1. La religion d'État, l'hindouisme et l'intouchabilité, dont le roi est le symbole.

     2. l'armée royale, dont le roi est le quasi-propriétaire et loue les régiments à l'impérialisme.

      3. Les vieux traités coloniaux, qui réduisent le peuple népalais à être un peuple mineur au sens kantien du terme, livré aux mercenariats civils et militaires et réduit à mendier son pain aux ONG.

      4. La présence sur le sol national des camps de recrutement gurkha, tenus par des officiers et Britanniques.

     C'est sur cette faillite des partis politiques de Kathmandou que commence la longue marche au pouvoir des maopatis...

      En février 1996, au confin des vallées de Rukum, ouest du Népal, le Parti Communiste Maoïste Népalais déclare la guerre populaire aux lands lords, policiers et autorités, et proclame la libération prochaine de 23 millions de Népalais du joug des rois et des féodaux.

      Armés de pierres, de couteaux, de faux, de mousquets, parfois même à mains nus, ils attaquent la police, étranglent les lands lords et dévalisent les banques.

     Leur épopée reste à écrire.

      Il faut à peine 10 ans et près de 10 000 morts pour que les soit-disant "bandits" deviennent une armée crédible et disciplinée de quelque 70 000 hommes et femmes ; car la caractéristique majeure du mouvement maopati est qu'il est constitué de 60 pour cent de femmes !

      Certains accusent les maopatis d'avoir été armés par les services secrets indiens (Research and Analyses Wing) ; peut-être, au début... Comme l'ont été les Tigres Tamouls du Sri-Lanka (Tamil Elaam). Il est notoire qu'Indira Gandhi, à la fin des années 70, a aidé Prabhakaram à construire son mouvement ethnique, chrétien et secessionniste, face aux bouddhistes du sud. Mais la comparaison s'arrête là : le mouvement maopati est du type Front de Libération Nationale vietnamien ; il est dirigé par des ingénieurs et des architectes en rupture de banc ; il regroupe 60 ethnies et peut-être davantage de dialectes. Le mouvement se nourrit autant des écrits de Lénine et Staline que de ceux de Robespierre, Saint-Just, Vallés, etc.

      Les nationalistes népalais ont compris que pour combattre la féodalité et le colonialisme anglais, rien de mieux que les idées de la Révolution francaise !

      Leur stratégie militaire est celle de Mao, Guevara et Giap.

     Face à eux le Tigre parfumé de l'empire britannique : Gyanendra, dont on aurait tort de sous-estimer les qualités de stratège...

     Gyanendra est un opportuniste, un pirate du pouvoir. Il a compensé l'absence de soutien populaire par celui du fascisme international, en particulier hindou.

      Le Grand capitaine est un créateur, un prince moderne dont la devise est : « Nul besoin du peuple pour gouverner » !

      Il détourne à son profit les concepts de "guerre au terrorisme", de "lutte contre la corruption" qui hantent les cénacles de l'ONU et du Pentagone.

     Plus dangereux, pour lui, il joue avec les idées "d'Hindutva" et d'Hindu Samrat ; et se retrouve redevables des thugs hindous qui le cernent de très près.

      Son aide de camps n'est autre que le général Bharat Kesari Simha, un illuminé du VHP, qui croit dur comme fer que son patron est le dieu Vishnou... Et son chef de cabinet, l'ex-instructor des RSS, le vieux Tulsi Giri...

     De plus, la plupart des officiers de son état-major ont "travaillé" à l'étranger...

      Avec des amis pareils on n'a pas besoin d'ennemi...

     Les minutes du complot du 1er fevrier 2005

      Le rétablissement de la monarchie absolue est une fiction pour rassurer la vallée de Kathmandou et ses proches. Sur les 75 districts du Népal, 60 sont aux mains des maopatis. Récemment, le roi a voulu se rendre dans une ville de l'ouest ; pour revenir à Kathmandou, il lui a fallu franchir la frontière indienne, escorté par les forces para-militaires indiennes, la longer, et entrer par Sunauli. Le coup d'État spectaculaire du 1er fevrier n'est vraisemblablement pas une idée personnelle ; il s'aliène la sympathie de ses amis d'outre-mer.

      Le roi n'a nul besoin de ça au moment où les Chinois et les Indiens signent un très important accord stratégique, qui vise — pas moins — à redessiner les zones d'influence et à chasser — à terme — les Américains de la région.

      D'un point de vue technique, le coup d'État du 1er février est construit sur la déclaration de l'État d'urgence d'Indira Gandhi, le 25 juin 1975 ; le pronuciamento royale plagie le programme de 20 points de la dame de fer indienne en y ajoutant un zeste de programme de Sonia Gandhi.

      Le Premier ministre indien, le dr Manmohan Singh n'est pas très sensible à cet humour ; et déclare, de manière sybilline (seuls les hindous, qui ont lu le Mahâbhârata, peuvent comprendre) : « Gyanendra a franchi le Laxman Rekka ».

      Cette méthode qui singe l'autorite du Congrès ne trompe personne : le coup vient des fascistes hindous !

      Selon les analystes indiens, il serait la réaction brutale de l'arrestation, le 11 novembre 2004, du pontife hindou le Kanchi Shankacharya Jayendra Saraswati, au Tamil Nadu.

      Le Sheer est un ami commun de Gyanendra et de L.K. Advani, le président du BJP.

      Le Saint est accusé de meurtres d'un de ses collègues, de détournement de fonds et de viols ; il s'apprêtait à s'enfuir au Népal lors de son arrestation.

      Le chief minister du Tamil Nadu, Jayalalitha, déclare : « Les rois et les dieux ne sont pas au-dessus des lois. »

      En fait, depuis la victoire électorale du Congrès et de ses alliés, le 13 mai 2004, ces derniers cherchent à nationaliser le temple hindou, source inépuisable de fonds pour le fascisme hindou.

      Le BJP, au creux de la vague, est incapable de mobiliser les masses pour sauver "le délinquant".

     Le coup d'État royal lui permet de rebondir "dignement" dans le champs politique et de contre-carrer Sonia Gandhi et Manmohan Singh au sein même d'institutions tels l'armée, le Foreign Affair et les services secrets, qui ont des liens intimes avec l'état-major népalais.

     Le général Pyar Jung Thapa, au lendemain du coup militaire, n'invite-t-il pas son homologue indien le général JJ Singh afin d'évaluer la justesse de leurs mesures face au danger maopati ?

     À noter que cette invitation n'est en rien protocolaire ; elle est donnée au-dessus des têtes du roi et du Premier ministre indien.

      Bien sur le général JJ Singh refuse.

      La menace maoïste et naxalite, de part et d'autre des frontières, est un moyen (une excuse) pour les fascistes hindous de reconquête du pouvoir.

     Avec succès le Sangh Parivar a réussi en Andra Pradesh à pourrir le cessez-le-feu entre les naxalites et le nouveau gouvernement congressiste.

      Au moment même du dialogue, les agents infiltrés du Sangh Parivar dans la police organisent une série d'exécutions extra-judiciaires de militants maoïstes.

     Leur stratégie, au Népal comme en Inde, est de forcer les forces armées, nonobstant le pouvoir exécutif, à suivre la politique du Sangh Parivar.

      Comme toujours chez les fascistes hindous, l'opération est decidée lors d'un moment religieux.

     En décembre 2004, à Janakpur, dans le sud du Népal, le roi Gyanendra reçoit pendant le mariage de Ram et de Sita (vivah Panchami) les hommages des leaders fascistes Acharya Giriraj Kishore et, plus inquiétants, ceux du mahant Nitya Gopal Das, responsable en chef de la destruction Babri à Ayodya, le 6 novembre 1992.

      Le compte-à-rebours de l'opération est lancé ; elle aura lieu le 1er février — jour anniversaire d'une résolution passée en 1951 par l'ONU, condamnant la Chine comme agresseur lors de la guerre de Corée.

      Ce coup d'État népalais sonne comme un avertissement aux oreilles des impérialistes : « Ne laissez pas tomber vos amis hindous ; nous sommes avec vous dans votre guerre contre les forces pan-islamiques ; et aussi, si d'aventure, un conflit intervenait avec la Chine... »

      Alerté par les services secrets, le premier ministre indien téléphone directement à Gyanendra. Le grand capitaine se fait renard et ment effrontement sur ses intentions.

      Le coup d'État du 1er février prend par surprise le gouvernement indien, mais peut-être pas les Anglais et les Américains au chevet de Gyanendra — ni même l'ONU...

      L'armée, comme à la parade, bloque les communications (internet, poste, téléphone, etc.) ; interne les opposants et même les membres du gouvernement Gyanendra comme Deuba... Et semble, à bien y regarder, le maître de la situation.

      C'est cette possibilité d'une transition entre une monarchie jugée "incompétente" et un fringant général décoré par l'ONU, qui tranquillise l'establishment.

      Pour mieux comprendre l'enjeu actuel des forces en présence sur le continent indien, il y aura bientôt sur le site mai68.org un petit texte sur les liens historiques du mouvement fasciste hindou avec l'empire britannique, au moment de l'Indépendance et de la Partition de 1939 à 1951.

     Grâce à des gens comme Savarkar, les anglais sont partis d'Inde non sur une défaite mais sur quatre victoires qui ont d'énormes conséquences pour les peuples de la région, jusqu'à aujourd`hui ; les voici succintement :

      1. En 1945, dissolution de l'India National Army, construite sur le modèle républicain de l'IRA — la bête noire de la Couronne ; ses officiers ont été jugés pour haute trahison ; ses soldats pendus ; et le Grand leader Chandra Subrash Bose volatilisé dans un accident d'avion à Formose. Pensez qu'en 1943, en pleine Seconde guerre mondiale, Bose tenait un discours à la radio, à... Berlin à l'adresse des indiens ! commencant : « Vous avez versé votre sang, je vous donnerai la liberté ». Quelque soit ses alliances opportunistes avec Hiro Hito, Hitler et Staline, les historiens indiens disent qu'avec lui et son armée, la Partition eut été impossible... La dissolution de l'INA, en 1945, s'est faite avec l'aval de Jinnah (le chef de la ligue musulmane) et Nehru ; les deux espéraient naïvement un transfert des pouvoirs, dans le calme, avec l'occupant. Jamais bévue politique ne fut aussi énorme.

      2. La partition et les guerres du cachemires. L'inde de Nehru est complètement désarmée et n'existe que grâce aux bataillons Gurkha ; l'essentiel des forces, sous commandement britannique, ONT CONSTITUÉ LE PAKISTAN ! Les premiers combats au Cachemire, d'après les recherches que j'ai pu faire, sont l'œuvre de troupes et de bandes tribales de quelques régions du Nord-ouest (les Pathans étaient pro-Gandhi), sous commandement d'officiers americains !!!!!!!!!!! Je peux donner s'il le faut les noms et les bio data des officiers de l'OSS (ex-CIA) qui conduisaient les opérations. Au même moment, dans le pays, se dechaînaient les chiens fascistes du RSS et ceux de la league musulman qui se dechiraient le pays. L'armée des Indes reçoit l'ordre criminel de ne pas intervenir. Ensuite, ce sont les bataillons gurkha loués au maharadja du Népal, Mohan Shamsher Jang Bahadur Rana, qui escortent les trains des populations deplacées et orchestrent la Partition.

      3. janvier 1948 assassinat de Gandhi par Godse, un membre du Mahasabah, tout le monde connaît l'histoire.

      4. 18 fevrier 1951 fête nationale du Népal et accord à Dehli entre les Rana, le roi Tribhuvan, le congrès népalais, Nehru et les Anglais. Les camps de recrutement gurkha tenus par les British demeurent aux portes de la Chine ; ses Gurkhas se distingueront dans toutes les opérations anticommunistes en Asie et seront les gardes- frontières à Hong Kong, Macau, Singapour.

      Stratégiquement, ces bataillons sont l'enjeu de la guerre civile qui a lieu en ce moment même au Népal. Les Britanniques et les Américains refusent de perdre cette position au Népal ; elle est centrale dans leur dispositif stratégique, et dépend directement du Commandant en chef yankee de la zone pacifique...

      Les Indiens et les Chinois viennent ces jours-ci de remettre en question cette hégémonie. Lire la presse américaine au sujet des accords entre Wen et Mohmahan Singh signés hier à Dehli.

     Les Cents jours du Napoléon népalais

     La philosophie qui sous-tend les concepts de "lutte anti-terroriste" et de "guerre préventive" — à savoir "tout est permis" — convient à merveille au psychopathe, Gyanendra Shah Dev, roi du Népal...

     Lors de son entretien avec Irene Khan, secrétaire générale de Amnesty International, le 16 février dernier, à Kathmandou, l'empereur des Hindous demandait "100 jours" pour restaurer — je cite — "la paix, la prospérite et les droits de l'Homme".

     "The King will be judged not by his promises, but by how thoses promises are put into action by his gouvernment" [Le roi sera jugé non pas sur ses promesses, mais sur la façon dont elles seront tenues par son gouvernement], répondait l'ambassadrice des Droits de l'Homme, originaire du Bengladesh.

     On peut déjà juger sur pièce...

     3000 personnes emprisonnées (3000 connues !) dont 30 journalistes et 45 activistes, indique le docteur Arjun Khatri, président de la fédération des ONG.

     Renseignements certifiés par Amnesty International.

     amnesty@ccsl.com.np        http://www.amnestynepal.org/

     Souriants, les officiers de la Royal Nepalese Army donnent à voir leur tableau de chasse, à Kathmandou, lors d'une conférence de presse inspirée du théatre de guerre irakien.

     "195 maoïstes liquidés" ; les brutes galonnées n'ont à déplorer que la perte de 15 gurkhas... Il suffit d'entrevoir la tronche porcine de Deepak Gurung, le porte-parole de l'armée, pour subodorer ce qu'endurent les populations", note en silence un journaliste.

     Walter Kalin, le représentant de l'ONU, spécialiste des Droits des personnes déplacées, tient lui aussi une conférence et déclare à voix haute  :

     « Le nombre de personnes deplacées, à l'intérieur de la zone de conflit, est beaucoup plus important que celui annoncé par le gouvernement (8 000 disent-ils) ; nous l'estimons, nous, à plus d'un million ! Beaucoup d'entre elles ont déjà franchi en catastrophe la frontière indienne... »

     Lors d'un meeting, à Kulu, en Himachal Pradesh (Inde du Nord), le syndicat des travailleurs népalais, Ganga Podal (1) ajoute :

     « La tyrannie au Népal met en péril la démocratie indienne (...) »

     Des gouvernements de l'Union indienne, en l'occurrence ici The Himachal gouvernment, dirigé pourtant par le Congrès, violent l'esprit du traité de 1950 qui fonde les relations entre le royaume du Népal et l'Inde. (Traité qui accorde la quasi citoyenneté aux résidents népalais vivant et travaillant en Inde.) "À Solan et ailleurs dans les Himalayas, on refuse le droit au travail aux gorkhas ; on les harcèle ; on les menace quand ils manifestent leur solidarité avec leur famille sous le joug du tyran Gyanendra au Népal. La police et l'armée ont recu la consigne de nous surveiller !"

     Les représentants de l'ONU, au Népal, condamnent, dans leurs derniers courriers "L'émergence de groupes antimaoïstes (Village Defence Committee, ou VDC) qui ont l'appui du gouvernement royal et qui sèment la terreur dans les campagnes, provoquant un incommensurable exode."

     À Kapilvastu et à Nawalparasi districts, les exactions des VDC ont même été filmées et montrées à la télévision d'État.

     À cette occasion, les autorités "royales" ont applaudi l'empalement, le lynchage et le massacre de présumés maoïstes, et ont félicité leurs auteurs.

     La stratégie des forces de répression à l'égard de l'insurrection maopati est très simple :

     1. Éviter le contact des troupes avec les rebelles ; les risques de fraternisation étant trop grands. La moitié des soldats de la Royal Nepal Army n'ont été recrutés que très récemment (moins de 4 ans). De plus, L'ONU souhaite que les gurkhas qui travaillent, sous leur commandement par ailleurs, aient des états de service irréprochables.

     2. Donner carte blanche à des bandes armées pour terroriser les populations, soit sous l'uniforme des maopatis (en se déguisant en maopatis pour tenter de les faire passer pour des salauds !), soit sous celui des Village Defence Committee. Les conseillers militaires qui regardent mourir les hommes à la jumelle appellent ça "La guerre psychologique".

     3. Provoquer, par l'incendie des récoltes et le crime organisé, le chaos dans les campagnes admnistrées par les maopatis ; et pousser les populations locales à l'exode, hors des frontières, afin de forcer l'Inde à une politique répressive à l'égard des migrants. Il y a 7 à 9 millions de gorkhas (Népalais résidant en inde, à ne pas confondre avec "gurkha", mercenaire népalais) travaillant et vivant en Inde. Le problème majeur de Gyanendra et de ses supporters indiens est : « comment museler cette population ? »

     4. Recomposer, sous la terreur, des villages modèles (panchayat) afin d'y organiser des élections gagnées d'avance par les royalistes. Gyanendra coupe ainsi les partis politiques citadins de leur légitimité rurale et impose à tous son visage de buffalo et celui de son veau, Paras.

     Les Cents jours demandés par le Napoleon népalais à la communauté internationale, qui s'achèvent officiellement le 11 mai 2005, seront-ils suffisants ?

     Qui arrêtera le psychopathe Gyanendra, assassin de son frère et de tout un peuple ? Interpol ? ou les maopati ? Le serial killer est, à l'heure ou j'écris, à Djakarta et doit rencontrer le 23 avril le docteur Manmohan Singh (premier ministre indien)...

          Himalove

1. Jadis les républicains indiens appelaient les maharadjas "Les tigres parfumés de l'empire britannique".

2. Le 1er février est la date anniversaire d'une résolution votée par l'assemblée des Nations unies, en 1951, accusant la République populaire de Chine d'être l'agresseur lors de la Guerre de Corée... La référence historique serait pur hasard, si une équipe de 6 experts d'Amnesty international, conduite par Irène Khan, la secrétaire générale de l'ONG, quelque peu mandatée par l'ONU, n'avait pas rencontré, le 16 février dernier, le tyran Gyanendra et son gouvernement — lui accordant ainsi une reconnaissance inattendue.

 


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