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La crise grecque, un camouflet pour l’euro et la BCE

samedi 20 février 2010 (Date de rédaction antérieure : 20 février 2010).

La Grèce n’est pas dans une situation très différente des autres pays de l’Union. Pour l’économiste Jacques Sapir, la solution est ailleurs. Il faut un contrôle des mouvements de capitaux et une réforme de la Banque Centrale Européenne.

L’Euro est en crise. Cela n’étonnera guère ceux qui me lisent. Cette crise était prévisible du fait même du fonctionnement de cette zone, ainsi que je l’ai établie il y a quelques années. L’hétérogénéité des niveaux de l’inflation structurelle dans les pays de la zone ne pouvait que mettre à mal une construction à laquelle manquaient des pans entiers pour en assurer la cohérence.

La crise grecque a donc constitué un avertissement et non un véritable test pour la zone Euro. La faiblesse de la réaction européenne, en revanche, pourrait bien laisser préjuger de ce que sera la capacité de résistance de cette zone quand la véritable crise arrivera : c’est-à-dire très faible. En effet, la situation de la Grèce sur le plan budgétaire est sérieuse, mais elle n’est pas la seule.

La faute à un Euro trop fort

On voit bien sur ce tableau que le niveau de la dette en Italie et en Belgique est pratiquement équivalent. L’Espagne, si elle est encore aujourd’hui à un niveau raisonnable, risque de les rejoindre dans peu de temps, en raison d’un taux de chômage qui atteint les 19%.

Le discours dominant veut isoler la Grèce, qui paierait ainsi son attitude laxiste. Ce n’est qu’en partie – une petite partie d’ailleurs – de la réalité. Les ressources fiscales du gouvernement grec dépendent du niveau d’activité. Ce dernier dépend à son tour de trois facteurs, l’affrètement de la flotte maritime, le commerce avec les pays du Moyen-Orient et le tourisme.

Or, avec la hausse de l’Euro et la crise actuelle, ces trois facteurs sont à la baisse. Mais, pour autant le niveau des dépenses est peu flexible. Le déficit était inévitable, et ce serait produit même avec un gouvernement plus rigoureux.

Les travailleurs grecs qui ont protesté le 10 février dans tout le pays n’ont donc pas tort. Ce n’est pas à cause de salaires trop élevés que la Grèce est en déficit. Les causes de ce dernier sont beaucoup plus structurelles et, dans une large mesure, sont le produit de la politique menée par la zone Euro. On comprend alors l’amertume des syndicats qui voient cette même zone vouloir amputer le pouvoir d’achat des Grecs pour combler une crise dont elle porte, via l’Euro fort, une large responsabilité.

Aujourd’hui, le plan d’assistance annoncée par la France et l’Allemagne est conditionné à un retour rapide à l’équilibre des comptes publics. Ce n‘est tout simplement pas réaliste, et la dette de la Grèce exprimée en pourcentage du PIB va continuer de monter.

La Grèce doit emprunter à 6%

Par ailleurs, pour aider la Grèce, il faudra bien que l’Allemagne et la France s’endettent un peu plus, et ce au moment ou l’on nous promet un nouveau tour de vis de rigueur budgétaire. En fait, ce sont les conditions de financement de la dette publique qui sont, aujourd’hui, l’une des causes principales de son augmentation.

Il faut en effet savoir que son augmentation est pour une large part due à ce qu’il nous faut emprunter à plus de 3% (3,45% en moyenne) alors que l’on n’attend pas, même dans les rêves les plus fous de Mme Lagarde, une croissance au-dessus de 2%.

Or, dans le même temps, les banques se refinancent auprès de la BCE (comme d’ailleurs auprès de la Réserve Fédérale américaine et des autres Banques Centrales des pays développés) à des taux oscillant entre 1% et 0,5%. Serait-ce du fait de la meilleure qualité des dettes privées par rapport à la dette publique ? Poser cette question, c’est y répondre, et par un immense éclat de rire.

Les dettes qui sont dans les banques sont en général de très mauvaise qualité, et le FMI lui-même estime à plus de 3 trillions de dollars les mauvaises créances dans ce secteur. C’est avant tout un choix qui, pour certains, s’explique par des raisons idéologiques et pour d’autres par leurs intérêts privés.

Assurément, il y a des pays qui sont bine plus mal lotis que nous. La Grèce, en particulier, doit emprunter à 6%. Son gouvernement devra bientôt choisir entre un appauvrissement généralisé de la population et une sortie de l’Euro. D’autres pays connaîtront le même sort d’ici 2012, du Portugal à l’Espagne en passant par l’Italie et l’Irlande.

Non seulement l’Euro ne protège pas de la tourmente monétaire, ce que l’on constate aujourd’hui avec les écarts grandissants des taux sur la dette publique (les « spreads ») mais aussi sur les credit default swaps sur la dette souveraine (figure 1). Mais les règles de financement de la BCE transforment en un problème social en apparence insoluble ce qui serait, sous d’autres règles, parfaitement maîtrisable.

La Grèce, première victime des marchés financiers

Montant des spreads sur les Credit Default Swaps sur la dette souveraine

On voit sur ce graphique que si la Grèce a bien été la première victime des marchés financiers, elle ne sera pas la seule. Ces marchés ne demandent qu’à répéter les opérations spéculatives dont la Grèce a été la victime ces dix derniers jours sur l’Espagne, l’Italie le Portugal ou l’Irlande. Si l’on peut envisager d’aider la Grèce, les ressources seront saturées dès que le problème se posera à l’échelle de l’Italie ou de l’Espagne, voire de plusieurs pays à la fois.

Il faut dès lors se rendre à l’évidence. Seul, un contrôle sur les mouvements de capitaux à court terme, accompagné d’un changement radical des règles de la Banque Centrale Européenne en ce qui concerne le financement des dettes souveraines sera en mesure de stopper cette spéculation. Mais, on voit mal se mettre en place pareille politique. Ce n’est pas la réunion d’aujourd’hui à Bruxelles et son compromis boiteux qui plaident en ce sens.

La crise de l’Euro est donc à venir, et de ce point de vue, la crise grecque n’est qu’un avertissement. Mais nous savons déjà qu’elle sera grave, et sans doute terminale pour la zone Euro, en raison de l’inadaptation des politiques.

Faute de ne pas avoir voulu en modifier à temps les règles, et passer du principe de la monnaie unique à celui de la monnaie commune, les dogmatique et fanatiques de l’Euro auront eu sa peau.

Va, lis et reviens
La crise : un an… et toutes ses dents (1/3)
Les banques sont trop grosses pour être mises en faillite ! (2/3)
L’illusion de la reprise (3/3)

Source : Marianne2

Lundi 15 Février 2010

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