VIVE LA RÉVOLUTION

LE CAPITAL FINANCIER

samedi 13 août 2016

Origine du capital financier (1)

À l’époque de l’économie mercantile, le capital commercial a donné naissance au capital industriel. Puis, le capital industriel et le capital commercial ont donné naissance au capital financier. Au début, le banquier, le gestionnaire du capital financier, n’assumait que des opérations techniques pour le compte des capitalistes industriels et des capitalistes commerciaux. Mais ce faisant (activités techniques telles que crédit, couverture de risque, conversion d’une devise à une autre, etc.) le rend « autonome » et devient la fonction d’un capital particulier ; le capital financier affirme Gérard Bad.

Au cours du procès de circulation, le capital global se fractionne, afin d’assurer certaines opérations pour l’ensemble du capital total. Une portion du capital global doit exister sous forme de trésor (de réserve – de garantie). Dès lors, la gestion du capital argent devient une branche particulière des services requis par la classe capitaliste dans son ensemble. Au début, la circulation de l’argent, sous sa forme simple – c’est-à-dire séparée du système de crédit – est purement technique et elle n’intervient que pour soutenir la circulation des marchandises dont la masse monétaire est la représentation.

« La circulation monétaire, pour ce qui est de son volume, de ses formes et de ses mouvements n’est que le simple résultat de la circulation des marchandises » écrit Marx (2). L’argent est donc la représentation de la circulation des marchandises, et ce faisant il est lui-même une marchandise particulière. Au sein du capital financier, la gestion de l’argent se subdivise en plusieurs branches, dont celle du capital productif d’intérêt, forme antédiluvienne du capital, et qui fut l’objet d’une polémique entre économistes bourgeois (Child, Culpeper, etc..) à propos de l’intérêt qui serait ou non une forme autonome de la plus-value.

Cette polémique n’était que l’expression de la lutte que la bourgeoisie industrielle naissante menait contre les usuriers, les chevaliers d’industries n’hésitant pas à faire appel régulièrement à l’État capitaliste (comme le fait aujourd’hui l’association ATTAC) pour limiter le pouvoir du capital argent et le maintenir sous leur dépendance.

Naissance du capital crédit

Avec le Capital portant intérêt, apparait le système de crédit tentaculaire. Sur cette base, la plus-value extraite du travail ouvrier devra être partagé entre le capitaliste actif (gestionnaire du processus industriel de production) et le capitaliste inactif (l’usurier prêteur et le rentier). Le capitaliste emprunteur devant rétribuer le capitaliste prêteur et partager la plus-value avec toutes les branches du capital (profit industriel, rente, bénéfice commercial, dividende).

Le système de crédit marque l’émergence de la domination réelle du capital (expropriation de la plus-value relative issue des hausses de productivité et donc de la surexploitation de la force de travail) sur l’ensemble de l’économie et il se manifeste surtout dans les pays industrialisés avancés et en premier lieu en Angleterre (et non pas dans l’exploitation du travail salarié élémentaire dans les colonies). Les transformations des moyens de production exigent des investissements si importants que seules les banques peuvent en assurer le financement. Dès lors, le capitalisme particulier (souvent familial) est supplanté par le capitalisme collectif qui agit à travers des sociétés anonymes (grandes sociétés multinationales par actions). Marx ira jusqu’à écrire que « c’est là la suppression du capital en tant que propriété privée à l’intérieur des limites du mode de production capitaliste lui-même » (3).

L’importance du rôle de la société anonyme par actionnariat dans le capitalisme n’est pas suffisamment soulignée comme forme de mutualisation du capital privé. Avec l’organisation du réseau international des sociétés par actions, « la fonction de gestion est séparée de la propriété du capital » (4) le mode de production capitaliste entre dans sa phase ultime – impérialiste. Il ne faut donc pas s’étonner de voir « l’exploitation des autoroutes séparées de la propriété des autoroutes, l’exploitation des lignes de chemin de fer séparée de la propriété du réseau ferroviaire, etc. » il en résulte que le propriétaire du capital (actionnaires, fonds de pension, compagnies d’assurance, fiducie) ne se préoccupe que de l’intérêt, qui est le loyer de l’argent, et non du processus de sa production concrète (en usine, en chantier où est extirpée la plus-value). Le capital devenant un simple titre de propriété facilitant ainsi les transferts internationaux de capitaux, autre caractéristique de la phase d’économie impérialiste. Marx à ce propos écrit :

« (…) il faut encore souligner cet aspect important du point de vue économique : comme le profit prend ici purement la forme de l’intérêt, de telles entreprises demeurent possibles si elles rapportent simplement l’intérêt et c’est une des raisons qui empêche la chute du taux général de profit, parce que ces entreprises, où le capital constant est immense par rapport au capital variable, n’interviennent pas nécessairement dans l’égalisation du taux général de profit » (5).

Il faut comprendre par-là, que les capitaux investis dans les grandes entreprises industrielles ne produisent, déduction faites de tous les couts de production, que des intérêts plus ou moins élevés. Ceux-ci n’entrent pas dans le calcul du taux de profit moyen et très souvent ils ne fournissent qu’un profit inférieur au taux de profit moyen (en France, il est présentement de 16 pour cent). Si les intérêts industriels – dividendes corporatifs – devaient être pris en compte, le taux de profit moyen serait encore plus bas. Mais à l’époque de Marx l’entrepreneur privé s’attribuait 10 % de profit sur les 15 % qu’il récoltait et en cédait 5 % au capitaliste préteur (au parasite financier). Il n’en est plus ainsi aujourd’hui, le capital financier est devenu hégémonique, et exige que le loyer de l’argent soit au minimum de 15 % et plus, de ce fait, il entre directement par la grande porte de la baisse générale du taux de profit. L’association ATTAC fait de ce changement organisationnel au sein du capital global l’axe principal de sa critique du capital financier et demande d’« euthanasier le banquier » voulant ainsi « réguler » le capitalisme en liquidant son côté « usurier et spéculateur » afin de valoriser son côté « promoteur ». Cette réforme du mode de production capitaliste par la porte du capital financier est pourtant impossible, car elle s’inscrit à l’encontre de l’évolution du capital dont l’État ordonnateur, législateur, organisateur est le pilier central, le plus endetté vis-à-vis du capital financier (6).

De la classe régnante formelle à la classe dominante réelle

Pour Marx le capital financier dans sa constitution est relié à la création des sociétés anonymes (par actions) et à la transformation du capitaliste actif en rentier passif (en tondeur de coupons écrira Lénine), ainsi qu’à la métamorphose du propriétaire privé-individuel en capitaliste financier collectif mutualisé ce qui le constituera non plus seulement formellement en classe capitaliste, mais réellement en classe sociale dominante dans et par l’État capitaliste, son bras séculier. Une question qui se pose ici est celle de la formule révolutionnaire prolétarienne proclamant « l’abolition de la propriété privée des moyens de production, d’échange et de communication. » En effet, la propriété capitaliste de tout ceci est de plus en plus anonyme et collective. Elle se réduit à la propriété sur des titres (actions, obligations) cherchant en permanence la meilleure valorisation possible. Ce qu’il faut observer à travers ce processus c’est que ce ne sont pas les capitalistes qui forgent le mode de production à leur image, mais le mode de production capitaliste qui forgent cette classe à son image.

« Transformation du capitaliste réellement actif en un simple dirigeant et administrateur du capital d’autrui et des propriétaires de capital en simples capitalistes financiers. Même si les dividendes qu’ils touchent incluent l’intérêt et le profit d’entreprise, c’est à dire le profit total (car les émoluments du dirigeant sont ou devraient être un simple salaire pour une sorte de travail spécialisé, dont le prix est réglé sur le marché du travail comme pour n’importe quel autre travail), ce profit total ne sera plus perçu que sous la forme de l’intérêt, c’est-à-dire comme simple rémunération pour la propriété du capital qui est ainsi complètement séparé de sa fonction, dans le procès réel de reproduction, tout comme cette fonction, dans la personne du dirigeant, est séparée de la propriété du capital. Le profit se présente comme simple appropriation de surtravail d’autrui (il ne s’agit plus d’une partie du profit, l’intérêt, qui tire sa justification du profit de l’emprunteur) ; il résulte de la conversion des moyens de production en capital, c’est-à-dire leur aliénation, vis-à-vis des producteurs effectifs, de leur opposition, en tant que propriété étrangère, à tous les individus réellement actifs dans la production depuis le directeur jusqu’au dernier journalier » (7).

L’hégémonie du capital financier sur toutes les autres formes du capital marque la fin du cycle d’évolution-transformation du capital global, le passage de sa domination formelle à sa domination réelle, sans partage, sur l’ensemble du mode de production et du corps social (classes sociales et rapports de production) qui en sont issus, y compris sur l’appareil d’État qui est désormais pleinement l’État bourgeois capitaliste dans toute son omnipuissance. Aucune réforme de cet ensemble, tissé serré, n’est possible sans détruire l’ensemble fragilisé. Il en est ainsi dans les pays capitalistes classiques et dans les pays capitalistes sous bannières « socialistes » (sic) prouvant par-là qu’il est impossible d’avoir un pied dans le mode de production capitaliste et l’autre pied dans le mode de production communiste – ce que les pays du bloc soviétique appelaient la coexistence pacifique entre deux systèmes sociaux différents – (sic).

Au-delà de l’abolition de la propriété privée des moyens de production c’est la destruction des rapports sociaux de production capitalistes, y compris de l’État le verrou de protection que la classe prolétarienne révolutionnaire doit accomplir. Un tel programme ne laisse place à aucune réforme du système.

CET ARTICLE EST DISPONIBLE SUR LE WEBMAGAZINE http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-capital-financier/

(1) À partir d’un texte de Gérard Bad, Paris, blogue Spartacus. http://spartacus1918.canalblog.com/

(2) Karl Marx. Le Capital. Tome 1, Chapitre III. Édition de Moscou.

(3) Voir à ce propos Critique du programme d’Erfurt, Engels à Kautsky, 29 juin 1891.

(4) Le système de crédit comme « construction destructrice du capitalisme ». Rosa Luxemburg.

(5) Karl, Marx. Le Capital. Tome 3. Chapitre XXVII. Page 461. Édition de Moscou.

(6) Robert Bibeau (2016) L’État au service de la classe dominante

http://www.les7duquebec.com/7-au-fr…

(7) Karl Marx. Le Capital. Tome 3. Chapitre XXVII. Pages 460 et 461. Édition de Moscou.

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