Le conflit en Syrie a ramené la guerre au Liban
Par Joseph Confavreux
Publié par Mediapart le vendredi 14 octobre 2016
Faire un clic droit sur le lien ci-dessous, puis "enregistrer sous" pour obtenir le PDF :
http://mai68.org/spip/IMG/pdf/Mediapart_Hezbollah_article_649916.pdf
Liban - 15 août 2006
Aujourd’hui, tout le monde il est Hezbollah !
Bonjour à toutes et à tous,
Je n’ai pas de grosses contradictions à apporter à ce PDF de Mediapart sur le Hezbollah où l’on apprend beaucoup de choses. Mais, il me faut tout de même dire que, contrairement à ce que dit son auteure, Hassan Nasrallah, le secrétaire du Hezbollah, n’est pas un "libéral", il est bien au contraire très proche du socialisme. Il dit lui-même : « Allez donc parcourir nos rues ; vous verrez que notre peuple porte Chavez et Ernesto Che Guevara dans son coeur. » La preuve est ici dans une interview intitulée "Hassan Nasrallah et le socialisme" :
http://mai68.org/spip/spip.php?article11506
Par ailleurs, en lisant la description du Hezbollah faite par Lara Deeb, vous verrez que le Hezbollah se comporte comme un État providence très généreux :
http://mai68.org/spip/spip.php?article11505
Ce qui manque surtout dans ce PDF, c’est le contexte historique.
Il faut remonter jusqu’en 1917 et les accords de Sikes Picot avec le partage du moyen-orient, les Anglais prenant la Palestine et l’Égypte, et la France la Syrie et le Liban. Il faut savoir aussi qu’originellement, le Liban est une partie de la Syrie. Et qu’il ne faut donc pas s’étonner qu’il soit très touché par la guerre en Syrie.
Il manque aussi à ce PDF l’histoire de la Naissance du Hezbollah. Israël a envahi le Liban en 1982 alors que les troupes de l’OLP de Yasser Arafat, présentes au Sud-Liban, pourtant bien armées, notamment avec des chars d’assaut, n’ont offert aucune résistance à l’ennemi. Yasser Arafat et l’OLP ont ainsi reculé jusqu’à Beyrouth, où la marine française de François Mitterrand a été les chercher pour les sauver du désastre absolu.
Cette avancée israélienne en territoire libanais jusqu’à Beyrouth s’est terminée par un massacre signé Ariel sharon ; le massacre de Sabra et Chatila. Les commandos du Mossad commencèrent par intervenir dans ces camps de réfugiés palestinien pour assassiner les résistants palestiniens les plus dangereux d’après leurs renseignements.
Puis, le Mossad se retira très vite et envoya les phalangistes terminer le massacre en tuant à peu près n’importe qui dans ces camps. Il y eut 1500 morts. Les medias occidentaux occultent toujours le fait que c’est le Mossad qui commença le sale travail du massacre de Sabra et Chatila et ne parlent que des phalangistes afin d’éviter d’accuser Israël. De toute façon il faut bien savoir qu’au Liban, les phalangistes sont un peu comme la milice en France pendant la deuxième guerre mondiale : des collabos en arme au service de l’occupant.
Comme l’OLP de Yasser Arafat n’avait en rien résisté à l’invasion du Liban par Israël, ce furent les habitants du Liban qui se mirent à résister d’eux-mêmes ; et c’est ainsi que se fonda le Hezbollah, comme une organisation de résistance face à l’ennemi sioniste ; et pas à l’appel de l’ayatolah iranien Khomeiny, mais par nécessité.
Comme après diverses pressions, Israël se retira du nord du Liban, mais conserva le Liban-Sud jusqu’au fleuve Litani, incluant celui-ci parce que l’eau est une ressource précieuse, ce sont surtout les habitants du Sud-Liban qui se mirent à résister pour chasser Israël de leur sol. Et comme au Sud du Liban, 90% de la population est chiite, c’est ainsi que l’organisation de résistance antisioniste, le Hezbollah, est composée essentiellement de chiite.
La première grande victoire du Hezbollah date de l’an 2000, quand Israël dut se retirer du Sud-Liban, perdant ainsi le Litani, mais conservant toutefois les fermes de Sheba, placées au point triangulaire frontalier Syrie-Liban-Israël que le Hezbollah n’a de cesse de vouloir reprendre.
En 2006, le Liban fut à nouveau envahi par Israël qui espérait conquérir à nouveau le sud-Liban. Il fut vaincu en quelques semaines par le Hezbollah, exactement comme l’avait promis Hassan Nasrallah ! Ce fut un désastre total pour Israël.
Il faut bien comprendre qu’une telle victoire du Hezbollah sur Israël n’aurait pas été possible sans son alliance avec la Syrie antisioniste des Assad. Aussi, il paraît évident que le Hezbollah ne pouvait pas laisser L’impérialisme américano-sioniste conquérir la Syrie. Chose qui n’est pas vue comme essentielle dans le PDF de Mediapart ; alors que, pourtant, tout est là. D’ailleurs Hassan Nasrallah, le valeureux dirigeant du Hezbollah avait fait une vidéo pour expliquer que la Syrie était la "colonne vertébrale du Hezbollah" et qu’il n’était pas question de la laisser être brisée par l’ennemi.
Il faut savoir aussi que jusqu’en 1990-91, il y avait la guerre civile perpétuelle au Liban. Lors de la guerre US contre l’Irak en 1990-91, les Américains cherchèrent la neutralité des pays voisins de l’Irak. Pour obtenir celle de la Syrie, L’impérialisme US promit un État palestinien et permit à la Syrie de revenir militairement au Liban, ce qui stoppa net la guerre civile dans ce pays. La paix et la prospérité revint aussitôt, peu de libanais au fond reprochant la présence militaire syrienne, puisqu’historiquement le Liban n’était qu’une région de la Syrie.
Mais, la présence syrienne au Liban déplaisait fortement à Israël, qui fit une propagande terrible sur le sujet, une propagande dont l’apothéose fut atteinte en 2005 par l’assassinat par le Mossad de Rafic Hariri, le premier ministre libanais. Le Mossad faisant croire que c’était la Syrie et le Hezbollah qui avaient assassiné Rafic Hariri. Cette opération israélienne sous faux drapeau fut un succès ; et, devant la pression internationale, la Syrie dut se retirer du Liban en 2006 — Le 26 avril 2006, le dernier soldat syrien quittait le Liban — , ce qui permit aussitôt à Israël d’envahir ce pays (juillet 2006).
Comme Israël perdit malgré tout sa guerre de 2006 à plate couture — en 33 jours — grâce au soutien indéfectible de la Syrie au Hezbollah, Israël veut maintenant détruire la Syrie afin de supprimer tout soutien efficace au Hezbollah. D’où l’actuelle guerre de Syrie, et le fait que le Hezbollah y participe à fond.
Bien à vous,
do
21 octobre 2016
http://mai68.org
Voici quelques compléments ou anecdotes :
Après la défaite israélienne au Sud-liban, en mai 2000, quand les Libanais sont venus reprendre possession de leur territoire, il y avait des filles en maillot de bain et lunettes de soleil, cheveux au vent, qui conduisaient leurs voitures elles-mêmes et qu’elles avaient enjolivées d’un drapeau du Hezbollah ! (confert un article de Libé paru à cette époque).
En 2006, après la victoire contre Israël, un Libanais très gai, interviewé par un journaliste français, faisait l’apologie du Hezbollah. le journaliste lui répondit : « Mais pourtant vous n’êtes pas du Hezbollah ! » il répondit, toujours aussi joyeux : « Aujourd’hui, tout le monde il est Hezbollah ! »
J’ai en fait connu un membre effectif du Hezbollah qui était parfaitement athée (il ne le disait qu’aux amis), qui buvait de la bierre (beaucoup) et qui baisait avec toutes les filles qui le souhaitaient !
Il était serveur (ou servant, je ne me souviens plus comment il disait) dans les mortiers. Il est mort sous un bombardement israélien à Saïda.
Mon ami du Hezbollah avait deux sœurs. Un jour, un soldat israélien entra dans la maison, où elles étaient seules. Le soldat commença à violer la grande sœur de 16 ans. Ce fut la petite sœur de 8 ans qui sauva la grande en s’emparant de la mitraillette que l’Israélien avait posée par terre pour avoir les mains libres, ne se méfiant pas de la trop petite fille qui était là. Mais, la petite sœur s’empara de la mitraillette et tua le soldat. La haine naît ainsi, dès le début de la vie. Ne pas s’étonner que les enfants participent au combat.
J’ai rencontré cet ami du Hezbollah à l’occasion des luttes de 1986, il était étudiant en France, il était Libanais d’origine palestinienne.
Quand il se présentait, il répondait par son nom au complet et complétait par "terroriste". Par exemple, quelqu’un se présentait à lui : « Machin-chose, facteur » et lui : « Engin-truc, terroriste ».
Un jour, il prend en main un livre de recettes pour fabriquer des bombes, il tournait les pages et nous disait : « Ça, ça marche pas, ça c’est pour se faire soi-même sauter la gueule, ça ça marche pas, ha ! enfin un truc qui marche ! ça ça marche pas, etc. »
Nous l’aimions beaucoup.
Quelques années après, il est retourné au Liban.
Nous lui disions : « Reste en France, là-bas tu vas te faire tuer ! »
Un jour il nous a répondu : « Oui, mais là-bas, c’est les miens qui crèvent ! je retourne au combat ! »
Deux ou trois ans plus tard, nous apprenions sa mort sous un bombardement israélien à Saïda.
Je rajoute que les personnes vivant en France peuvent en fait rencontrer facilement des Palestiniens ou des Libanais dont certains seront au Hezbollah. Il suffit d’aller distribuer un tract vraiment pro-palestinien dans une faculté quelconque à l’entrée du restaurant universitaire au moment où tout le monde va manger. Certains viendront pour discuter. Et ceux qui le mériteront pourront se faire quelques amis de plus. Et apprendre beaucoup de choses…