Attaque djihadiste meurtrière au coeur de Ouagadougou
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Samedi 16 janvier 2016 18h45
Deux Français ont été tués dans l"attaque djihadiste menée vendredi soir dans le centre-ville de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. L"attaque, qui visait l"hôtel Splendid et le café-restaurant Cappuccino, deux établissements prisés des Occidentaux, a fait entre 23 et 27 morts, de 18 nationalités, selon les bilans disponibles. /Photo prise le 16 janvier 2016/ REUTERS/Stringer
Par Mathieu Bonkoungou et Nadoun Coulibaly
OUAGADOUGOU (Reuters) - Les forces de sécurité du Burkina Faso ont repris samedi le contrôle d’un grand hôtel de la capitale, Ouagadougou, attaqué par un commando d’Al Qaïda vendredi soir dans une opération qui a fait entre 23 et 27 morts, selon les bilans disponibles.
Selon le ministère français des Affaires étrangères, deux Français ont été tués dans cette attaque, la première contre la capitale du Burkina Faso.
A la différence du Mali voisin, le Burkina Faso avait jusqu’à présent été largement épargné par les violences islamistes, bien que le pays ait connu des troubles politiques.
L’attaque djihadiste visait l’hôtel Splendid et le café-restaurant Cappuccino voisin, prisés des Occidentaux et des soldats français déployés dans le pays dans le cadre de l’opération Barkhane de lutte contre les djihadistes au Sahel.
Elle a été revendiquée par Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au nom d’Al Mourabitoune, le groupe du djihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar qui lui a fait allégeance. Ce groupe était déjà impliqué dans l’attaque au scénario similaire menée en novembre dernier contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako, au Mali, qui avait fait 20 morts de diverses nationalités.
L’attaque de Ouagadougou signale une expansion des opérations de la mouvance islamiste dont les groupes forgent de nouvelles alliances pour apparaître plus visibles, en écho à la montée en puissance de l’Etat islamique au Moyen-Orient.
"La situation que nous vivons depuis hier au Burkina Faso est une situation inédite", a déclaré le président burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, qui s’est rendu sur les lieux.
Le président Kaboré, qui a évoqué des "actes ignobles et lâches", a fait état de 23 morts de 18 nationalités tuées au Splendid et au Cappuccino.
Roch Marc Christian Kaboré, élu en novembre dernier, vient à peine de nommer son gouvernement.
L’ambassadeur de France dans le pays, Gilles Thibault, donne lui un bilan de 27 morts et de 150 otages libérés durant l’assaut mené par les forces du Burkina Faso appuyées par les forces françaises et américaines.
Les autorités du Burkina Faso évoquent 33 blessés et quatre assaillants tués, dont un "Arabe" et deux "Noirs africains".
"ILS REVENAIENT POUR VOIR SI LES BLANCS BOUGEAIENT"
Selon le récit d’une survivante du Cappuccino, ceux qui y dînaient ont d’abord pris les tirs et les explosions entendus pour des pétards, avant que deux hommes armés, entièrement vêtus de noir et brandissant des fusils d’assaut AK-47, ne fassent irruption sur les lieux vers 20h30 (20h30 GMT) en tirant au hasard.
"Nous avons entendu des tirs, des grenades, des détonations. Cela fait de l’écho et c’était extrêmement fort. Cela a continué pendant longtemps", a déclaré une survivante slovène, spécialisée dans l’anthropologie sociale.
"Ils n’arrêtaient pas d’aller et venir dans le Cappuccino. On pensait que c’était fini et alors ils revenaient et tiraient sur plus de gens. Ils revenaient pour voir si les Blancs bougeaient et alors ils tiraient à nouveau sur eux", a-t-elle ajouté.
"Mon amie avait une personne blanche morte au-dessus d’elle, qui saignait sur elle. Mais son corps l’a sauvée", a expliqué l’anthropologue qui a demandé à ce que son nom ne soit pas cité.
Un autre survivant, Ludovic, un architecte français, qui se trouvait à une terrasse de bar près du Cappuccino quand l’attaque a commencé, a dit avoir vu trois assaillants repérant les Blancs avant de s’engouffrer dans le Splendid.
Les attaquants ont incendié des voitures et tiré en l’air pour faire refluer la foule dans le bâtiment avant d’entrer dans l’hôtel et de prendre des otages.
Aux premières heures de samedi, les forces de sécurité du Burkina Faso, appuyées par les forces françaises et américaines, sont entrés dans le Splendid dont une partie du hall était en feu. Leur progression a été freinée, les djihadistes ayant piégé à l’explosif les accès aux étages supérieurs de l’établissement.
Selon un journaliste de Reuters, des affrontements les plus durs ont pris fin après une période de tirs nourris et d’explosions qui semble s’être centrée sur le Cappuccino samedi matin.
Les tirs sporadiques ont ensuite continué toute la matinée. Le dernier assaillant a été tué à l’hôtel Yibi, tout proche, ont indiqué les autorités.
D’après le Quai d’Orsay, un peu plus de 3.900 Français sont installés au Burkina Faso, dont un peu plus de 3.000 dans la capitale.
(Avec Myriam Rivet à Paris ; Danielle Rouquié, Tangi Salaün et Henri-Pierre André pour le service français)