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La Tunisie et la social-démocratie

vendredi 21 janvier 2011, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 21 janvier 2011).

15.01.2011 sur le blog d’Henri Goldman

http://blogs.politique.eu.org/La-Tu…

e 13 janvier – la veille du jour où Ben Ali quitta la Tunisie sous les cris de haine de tout un peuple –, l’Internationale socialiste publia la déclaration suivante :

« Les développements en Tunisie, où des manifestations publiques continues sont violemment réprimées causant de nombreux morts, sont un sujet de grande préoccupation pour l’Internationale Socialiste. La crise qui a pris son début dans la ville de Sidi-Bouzid, où Mohamed Bouazizi s’est immolé après la confiscation de son stand de légumes, s’est propagée à travers le pays, s’appuyant sur les frustrations d’une large partie de la population souffrant du chômage, des prix alimentaires élevés, d’un sentiment d’impuissance et d’un écart croissant entre les riches et les pauvres dans le cadre d’une marginalisation sociale et politique et d’exclusion. (…)

L’IS fait appel au gouvernement tunisien d’agir immédiatement pour répondre de manière constructive et positive aux exigences du peuple dans les rues pour les libertés, les opportunités et d’être maître de leur destin, ainsi que de saisir ce moment pour établir les bases d’une société plus inclusive et juste pour tous les Tunisiens. L’Internationale Socialiste se tient prête à collaborer avec toutes les forces politiques et sociales en Tunisie dans cet effort. »

On croit rêver : la veille du départ du dictateur, l’IS n’a pas un mot de critique contre lui et en appelle encore à son gouvernement pour résoudre la crise. Et c’est logique : le Rassemblement constitutionnel démocratique du désormais ex-président Ben Ali est de toute éternité « membre de plein droit » de l’Internationale socialiste. [1]

Évidemment, aujourd’hui, les langues se délient, et de nombreux socialistes, de bonne foi, tentent de rattraper le coup en se transformant en anti-benalistes de la 25e heure. Reste à comprendre pourquoi ce régime a pu bénéficier de telles faveurs des forces politiques européennes, gauche et droite confondues ?

La réponse vaut en fait pour les quatre principaux pays du Maghreb arabe (Maroc, Algérie, Tunisie et Libye) : tous les quatre ont fini par accepter de jouer le rôle que l’Europe attendait d’eux, à savoir blinder sa frontière sud en empêchant les migrants africains de passer et démanteler les bases arrières du terrorisme islamiste. Cela valait bien toutes les complaisances à l’égard des turpitudes de leurs régimes. Pour l’Europe des droits de l’Homme, la démocratie ne s’exporte qu’à géométrie variable.

Mais, parmi les quatre, la Tunisie bénéficiait d’un traitement de faveur. Seul son président avait été intronisé comme grand démocrate et progressiste par la gauche européenne. À mettre à l’incontestable crédit du régime tunisien : le code de statut personnel de 1956 qui abolit la plupart des dispositions inégalitaires du droit musulman. Cette singularité progressiste, qu’on a pu qualifier de « féminisme d’État », fut habilement instrumentalisée par Ben Ali toutes les fois que son autoritarisme était épinglé par les organisations de défense des droits humains [2].

Mais dans une société où les inégalités sont devenues abyssales, les bienfaits de l’émancipation finissent par devenir un attribut des classes dominantes et une manière de se distinguer de la populace arriérée. Ici comme partout, l’accès à l’éducation et à un minimum d’aisance économique constitue la précondition de la possibilité d’échapper au poids de la tradition. Bref, l’égalité hommes-femmes qui à juste titre constitue un marqueur des sociétés apparaissait en Tunisie comme le privilège des élites. Mais la gauche de gouvernement, habituée aux grands hôtels, n’y voyait que du feu.

Comme le relevait opportunément Jean-François Kahn dans Le Soir, « N’importe qui fréquentait, non pas une piscine privée, mais une plage populaire, voyait bien que 90% des femmes y étaient voilées et que l’immense majorité se baignait en robe. » Une réflexion à méditer.

[1] Il y a pire, puisqu’en Israël, le Parti travailliste d’Ehoud Barak, qui participe au pire gouvernement que cet État s’est donné depuis 1948, est toujours membre de l’IS.

[2] Voir Sophie Bessis, Le féminisme institutionnel en Tunisie


Post-scriptum (18 janvier 2010)

Quatre jours après la déclaration précédente, l’Internationale socialiste s’est fendu d’une nouvelle déclaration : « Une décision a été prise par le président en accord avec le secrétaire général, conformément aux statuts de l’Internationale Socialiste, de faire cesser l’adhésion du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) de Tunisie. Cette décision, dans des circonstances exceptionelles, est conforme aux valeurs et principes qui définissent notre mouvement et à la position de l’Internationale sur les développements dans ce pays. »

C’est tout ? C’est tout.

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