VIVE LA RÉVOLUTION
Accueil du site > Comment publier un article > Si Roman Polanski s’est fait arrêter, c’est de sa faute !

Si Roman Polanski s’est fait arrêter, c’est de sa faute !

samedi 27 mai 2017, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 10 octobre 2009).

http://www.slate.fr/story/11067/rom…

Si Roman Polanski s’est fait arrêter, c’est de sa faute

Son statut de célébrité lui a fait commettre l’erreur de trop.

2 octobre 2009

Pourquoi la justice américaine a-t-elle décidé de faire arrêter Roman Polanski le 27 septembre, soit plus de trente ans après que le célèbre réalisateur récompensé aux Oscars a fui les Etats-Unis en 1977, avant d'avoir pu être jugé pour le viol de Samantha Gailey, alors âgée de 13 ans? Cette décision peut sembler arbitraire, notamment parce que Polanski voyageait depuis des années entre la France et la Suisse, où il possède un chalet à Gstaad. Mais s'arrêter à ce constat empêche de comprendre que l'arrestation du réalisateur est en fait le résultat d'une longue succession de décisions dont la plupart  semblent avoir été inspirées par une certaine arrogance qu'il est impossible de dissocier de la célébrité de l'intéressé.

Nos sociétés ne traitent pas les personnes célèbres comme le tout venant. Pendant longtemps, cela a permis à Polanski d'échapper à la justice sans pour autant mener une vie de fugitif. Selon Kate Harding, qui écrit dans Salon, Polanski a pu continuer à faire des films à gros budget et à se reposer tranquillement dans son chalet parce que la loi ne s'applique pas de la même façon à tout le monde. Mais il ne devrait pas en être ainsi, explique-t-elle: «Droguer et violer une enfant, puis fuir le pays avant d'avoir été jugé, sont des comportements que notre société ne devrait pas tolérer, même si l'auteur des faits est célèbre, riche ou l'ami des puissants.»

D'autres célébrités ont bénéficié d'une indulgence similaire. Selon le O.C. Register, en 1988, pendant la Convention nationale démocrate à Atlanta, Rob Lowe a organisé, et filmé, ses ébats avec deux femmes, dont une n'avait que 16 ans. La mère de la jeune fille a engagé une procédure, mais l'acteur n'a jamais été poursuivi.

Selon Entertainment Weekly, le célébrissime producteur Dino DeLaurentis, ainsi que plusieurs autres «magnats d'Hollywood» auraient alors assuré Lowe qu'il se remettrait de «cette épreuve qui meurtrit l'âme.» Pour le rassurer, ils n'avaient qu'à lui rappeler les frasques d'Errol Flynn, qui, en 1942, fut accusé, puis acquitté, de détournement de mineur, malgré le fait que «personne ne doutait sérieusement qu'il avait bien couché avec Betty Hansen et Peggy Satterlee, toutes deux mineures au moment des faits», rappelle Entertainment Weekly. Leo Braudy, qui enseigne à la prestigieuse University of Southern California, explique dans son livre The Frenzy of Renown: Fame and its History qu'à l'époque, le détournement de mineur «n'était pas considéré comme un crime grave» et que la réputation de Flynn sortie même «grandie» du procès.

Le crime de Polanski échauffe davantage les esprits que ceux de Flynn ou Lowe pour plusieurs raisons. Tout d'abord, alors que le réalisateur a affirmé qu'il s'agissait d'une relation sexuelle librement consentie (ce qui atténue la gravité de l'acte, puisque l'on passe du viol au détournement de mineur), Gailey affirme au contraire avoir été violée. En lisant son témoignage recueilli par le procureur, où elle raconte comment Polanski l'a pénétrée par les voies vaginale et anale, on a tendance à la croire, et on comprend en tout cas qu'elle n'était alors qu'une enfant, qui ne savait même pas prononcer «cunnilingus».

Autre point qui joue en défaveur de Polanski, son image et sa réputation sont bien loin de l'aura de séducteur goujat mais irrésistible d'Errol Flynn ou Rob Lowe. Dans la catégorie prédateur sexuel, on penserait plutôt à Fatty Arbuckle, un personnage plus sombre et nettement moins sexy. Selon le New York Times Arbuckle projetait l'image «d'un plouc vaguement lubrique, dont les manières étaient aussi dévoyées que la libido.» Lorsqu'il se trouva accusé d'avoir violé et provoqué la mort d'une jeune actrice de 26 ans, Virginia Rappe, sa personnalité publique joua à fond contre lui et, même s'il fut innocenté, il resta banni des studios pendant de longues années. De façon assez semblable, comme l'explique Braudy, la fascination exercée par Polanski vient notamment du lien étroit qui semble exister entre son travail d'artiste, avec des films comme Rosemary's Baby ou Repulsion, et une vie personnelle marquée par le malheur. On se souvient que sa mère mourut à Auschwitz-Birkenau et que son épouse, Sharon Tate, fut assassinée en 1969 par des disciples de Charles Manson alors qu'elle était enceinte de huit mois.

Mais la plus grave erreur du réalisateur est d'avoir trahi la confiance du système judiciaire américain. En 1978, juste avant la tenue du procès, Polanski prend la fuite car il est persuadé que le juge n'acceptera pas l'accord de reconnaissance de culpabilité (plea bargain) proposé par la défense, qui devait se traduire par un séjour de 90 jours en prison pour «évaluation de l'état mental de l'accusé.» En 2008, Marina Zenovich, qui ne connaissait pas Polanski, réalise un documentaire, Roman Polanski: Wanted and Desired, qui vient corroborer les craintes de ce dernier selon lesquelles son plea bargain n'aurait pas été accepté par le juge. Polanski essaiera d'utiliser les éléments mis en avant par ce film pour faire ordonner un non-lieu, notamment parce que le procureur y estime que le juge en question, qui est aujourd'hui décédé, ne semblait pas avoir l'intention de traiter Polanski de manière équitable.

Pendant un temps, on a pu croire que la stratégie de Polanski allait porter ses fruits. Au début 2009, un nouveau juge se dit prêt à déclarer le non-lieu, à la condition que l'accusé se présente devant la justice américaine. Mais ce dernier refuse. Et c'est bien là son erreur, car les exigences du juge étaient plutôt raisonnables. Il avait donné trois mois à Polanski pour se présenter devant une cour à Los Angeles, tout en sous-entendant que le réalisateur n'aurait même pas à aller en prison.

Du point de vue de la justice américaine, le refus de Polanski est une provocation. D'autant que Gailey a elle aussi déclaré qu'elle souhaiterait qu'il revienne aux Etats-Unis afin de clore définitivement l'affaire, même si elle lui a pardonné depuis longtemps. «J'espère que son retour me permettra de ne plus jamais parler de cette histoire», déclarait-elle en 2003. «Parfois, j'ai le sentiment que nous avons tous les deux écopé de la perpétuité.»

Les amis de Polanski, dont Harvey Weinstein, estiment que le rapport sexuel que le réalisateur a eu avec Samantha Gailey «n'est pas un véritable crime» et demandent à «tous les cinéastes américains de faire pression pour qu'il ne soit pas extradé vers les Etats-Unis.» Mais plus Polanski nous obligera à revenir sur ce qu'il a fait, plus nous le verrons comme le sinistre individu qui a, un jour, violé un enfant.

Jessica Grose

Traduit par Sylvestre Meininger

2 Messages de forum

  • Jamie Foxx n’offrira pas son soutien à Roman Polanski

    « Si ça avait été ma fille à peine adolescente, elle a 15 ans, Roman Polanski serait porté disparu… point final. Ça ne ce serait même pas rendu en cours. Mais c’est moi et je ne veux pas que quelqu’un suive mon idée, il faut laisser la justice suivre son cours », a dit l’acteur au magazine Parade.

  • Roman Polanski a beaucoup d’amis

    http://lmsi.net/spip.php?article939

    Par Katha Pollitt, 12 octobre

    Alors que le rappel à la loi et la célébration de l’ordre sont les maîtres mots du régime Sarkozy, voilà que les amis se pressent autour d’un cinéaste inculpé pour viol sur mineure : devenu victime d’une « Amérique qui fait peur », selon Frédéric Mitterrand, Roman Polanski se voit magiquement exonéré – au nom de son âge, de son oeuvre, de sa vie – de toute responsabilité vis-à-vis de la justice. Quelques mois plus tôt, rappelons-le, c’est une autre victime de la « censure » que défendait le ministre de la culture français : Orelsan, un chanteur auteur de paroles d’une violence sexiste inouïe, dont la présence à des événements culturels subventionnés par la puissance publique avait suscité quelques remous. Voilà donc quels sont les individus qui, en France, bénéficient des indignations officielles, qui font naître les grandes causes nationales menées au nom de la « liberté » ! La suite française de l’affaire Polanski (le retour sur le livre de Frédéric Mitterrand dans lequel il raconte ses séjours sexuels passés en Thaïlande) illustre ce qui devient un fonctionnement structurel dans la France de Sarkozy : CRS et management pour la France d’en bas, toujours soupçonnée de paresse et de désobéissance, de sexisme et de racisme ; tolérance, compassion et impunité, au nom de leur « talent », pour les puissants, la jet set et les artistes de cour. L’actualité montre que la question des violences sexuelles suscite les doubles standards les plus hallucinants : ainsi, alors que pour les classes populaires on ne jure plus que par la « tolérance zéro », les « peines planchers », voire la « castration chimique des délinquants sexuels », Michèle Alliot-Marie estime, à propos de Frédéric Mitterrand, qu’ « il faut permettre à chacun d’avoir fait des fautes, de s’en repentir et d’avoir toujours une deuxième chance » ! Dans ce contexte, il nous a semblé particulièrement utile de publier l’article consacré par l’essayiste étasunienne Katha Pollitt à l’effrayante mobilisation des « ami-e-s » de Polanski. Traduit par Nellie Dupont, il est reproduit ici avec l’autorisation de l’auteure.

    Si un violeur échappe à la justice assez longtemps, le monde doit-il lui donner les moyens de ne pas passer par la case prison ? Si vous êtes le célèbre réalisateur Roman Polanski, beaucoup de gens talentueux et très connus vous répondront que oui. En 1977 à Los Angeles, après avoir drogué et violé une jeune fille de 13 ans en la sodomisant, Polanski avait plaidé coupable d’un crime requalifié en « relations sexuelles avec mineur » pour fuir en Europe juste avant que la peine ne soit prononcée.

    Aujourd’hui, 32 ans plus tard, il vient d’être arrêté en Suisse alors qu’il se rendait au Festival du film de Zurich, et cela suscite l’indignation d’une communauté de célébrités internationales telles que : Salman Rushdie, Milan Kundera, Martin Scorsese, Pedro Almodovar, Woody Allen (on ne ricane pas au fond), Isabelle Huppert, Diane de Furstenberg, et beaucoup, beaucoup d’autres. Bernard Henri-Lévy, qui a joué un rôle essentiel dans l’organisation de ce comité de soutien, a déclaré que Polanski avait « peut-être commis une erreur de jeunesse » (il avait 43 ans au moment des faits).

    Arborant un badge rouge sur lequel on pouvait lire « Libérez Polanski », Debra Winger, présidente du jury du Festival de Zurich, qualifia l’action des autorités suisses de « complot philistin ». Frédéric Mitterand, le ministre français de la Culture et de la Communication, déclara que l’arrestation « montrait le visage d’une Amérique qui nous fait peur » et présenta Polanski comme « jeté en pâture pour une histoire ancienne ». Le ministre des Affaires Etrangères Bernard Kouchner, co-fondateur de Médecins sans Frontières, déclara l’affaire « sinistre ».

    Plus près de chez nous, Whoopi Goldberg expliqua dans The View que son crime n’était pas à proprement parlé du « viol-viol » mais, juste, vous savez, un viol. Ah, ça ! L’éditorialiste Anne Applebaum minimisa le crime dans le Washington Post. D’abord, elle ne prend pas en compte les véritables circonstances du crime (les drogues, le non consentement, la sodomie, etc), mais ensuite elle affirme qu’ « il n’y aucune preuve que Polanski connaissait vraiment son âge ». Dans le genre argument désespéré… Polanski, qui devait ensuite entretenir une liaison avec Nastassja Kinski alors âgée de 15 ans, a pourtant ouvertement parlé de son penchant pour les très jeunes filles.

    Le rédacteur en chef du Nation Katrina vanden Heuvel, qui d’abord admit avec surprise sur Twitter être d’accord avec Applebaum, a revu sa position : « Je renie mon soutien à Applebaum. Je pense que Polanski ne devrait pas bénéficier d’un traitement de faveur. La question qui se pose à présent est de savoir ce qui doit être fait pour que la justice soit rendue au mieux. Doit-il rentrer pour purger sa peine ? Y a-t-il d’autres moyens envisageables ? En même temps, je pense que les erreurs de procédures invoquées par la défense doivent être prises en compte dans cette affaire ».

    Dans une contribution au New York Times, l’écrivain de pacotille Robert Harris rendit hommage à son grand ami Polanski, qui vient juste de terminer le tournage d’une adaptation d’un de ses romans : « Son passé ne m’intéresse pas. » Ceci nous en dit long sur ce que pense Harris des crimes sexuels, mais en quoi est-ce un argument dans l’affaire Polanski ?

    Y’a un truc que je ne saisis tout simplement pas. Je comprends que Polanski a connu bien des tragédies au cours de sa vie, qu’il a fait des films magnifiques, qu’il a 76 ans, qu’un documentaire de 2008 a semé le doute quant à l’impartialité du juge (voyez en revanche l’article de Bill Wyman dans Salon, pour une convaincante mise au point sur cette affaire). Je comprends aussi que sa victime, qui a maintenant 44 ans, dit qu’elle a pardonné Polanski et voudrait que l’affaire soit classée parce qu’à chaque fois qu’elle refait surface, elle est à nouveau traînée dans la boue. Et c’est sans doute ce qui est en train de se passer en ce moment.

    Dans le Huffington Post, une expatriée, admiratrice de Polanski, Joan Z. Shore (qui se présente comme co-fondatrice d’une organisation féministe belge pour l’égalité) écrit : « C’est la mère de la jeune mannequin de 13 ans "séduite" par Polanski qui avait poussé sa fille dans les bras du réalisateur parce qu’elle voulait qu’elle fasse une carrière dans le cinéma. La fille allait fêter son 14e anniversaire quelques semaines plus tard, elle n’était donc pas très loin de l’âge la majorité sexuelle fixée à 14 ans en Californie. (A présent ça doit même être 13 !) » Sauf qu’en fait, en 1977, en Californie, la majorité sexuelle était fixée à 16 ans. Aujourd’hui, elle est fixée à 18 ans sauf dans le cas où le partenaire n’a pas trois ans de plus. Pourtant, on retrouve l’argument de Shore (selon lequel Polanski fut la victime d’une nymphette et des manœuvres de sa mère) partout sur internet.

    Les faits : Ce qui s’est passé n’est pas juste une vague et sordide affaire de cul dans laquelle deux versions s’affrontent. Un homme de 43 ans s’est débrouillé pour se retrouver seul avec une jeune fille de 13 ans, la faire boire, lui a fait prendre des sédatifs puissants, et après avoir vérifié où elle en était avec ses règles, l’a violée en la sodomisant, à deux reprises, alors qu’elle protestait ; elle s’est finalement laissée faire comme elle l’a dit devant un grand jury « parce que j’avais peur. » Ces faits sont avérés, ils ne sont contestés que par Polanski qui a cherché à dédramatiser plusieurs fois. On lui a permis de plaider coupable pour des faits requalifiés en délit, comme c’est le cas pour beaucoup de violeurs, pour éviter à la victime le traumatisme d’un procès et sa médiatisation. Mais cela ne doit pas pour autant nous laisser croire qu’il ne s’agissait que d’une affaire de libertinage. La victime mit des années à s’en remettre.

    Les faits : En février 2008, le juge de la Cour supérieure de Los Angeles, Peter Espinosa reconnut à Polanski le droit de contester le jugement. Pour cela il doit tout simplement revenir aux Etats-Unis et se soumettre à la procédure. En quoi est-ce injuste ? S’il n’était pas ce réalisateur connu de part le monde et entouré d’une pléthore d’amis influents, mais un criminel sexuel lambda, penserait-on que c’est trop lui demander que de se soumettre à la procédure comme n’importe qui ?

    C’est vraiment rageant de voir des superstars littéraires qui n’arrêtent pas de parler de dignité humaine, de droits humains et même de droits des femmes (surtout quand celles-ci sont Musulmanes) qui, ou bien ne considèrent pas que ce que Polanski a fait soit un viol, ou s’en moquent parce qu’après tout, il s’agit de Polanski : un artiste comme eux. Que des personnes qui le soutiennent soient des femmes est encore plus décevant.

    Ne voient-elles pas qu’elles acceptent des arguments qui accusent la victime, minimisent le viol, et même, tirés par les cheveux, servent à exonérer le coupable. Une erreur de jeunesse, une mauvaise appréciation de l’âge de la jeune fille, une petite salope, une mère calculatrice, est-ce à ce genre de choses là qu’on doit penser quand des hommes s’attaquent à des gamines de collège ?

    Le large soutien qu’a reçu Polanski nous donne à voir une élite culturelle bien-pensante sous son pire jour : pleine d’auto-suffisance et de bêtise. Ils font peut-être de grands films, écrivent de grands livres, créent de très beaux objets, ont sans doute de grandes idées humanistes et se soucient certainement de toutes les grandes causes justes (comme l’égalité devant la loi). Mais en l’occurrence, ils ne sont que le pendant blanc et cultivé des fans de R. Kelly [1] et Chris Brown [2] et autres supporters sportifs qui soutiennent d’emblée leurs athlètes préférés dès qu’ils sont accusés d’avoir frappé leur femme ou d’avoir violé des employées d’hôtel.

    Pas étonnant que l’Américain moyen les déteste.

    Post-scriptum :

    L’article original a été publié aux Etats-Unis dans The Nation (01/10/2009).

    Notes :

    [1] En 2002, une bande vidéo montre le chanteur de R’nB, R. Kelly ayant des rapports sexuels avec une jeune fille de 14 ans. Il plaidera non coupable. Il sera finalement acquitté en 2008. NdlaT.

    [2] Chris Brown, chanteur de R’nB et de Hip Hop, s’est excusé publiquement d’avoir battu sa compagne la chanteuse Rihanna. NdlaT.

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0