Sur le site du Cercle Communiste de Région Parisienne :
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Une "vague de suicides" qui cache un océan de souffrance au travail
Pour donner le change dans un climat social de plus en plus tendu, où voir grimper béatement la courbe trafiquée du chômage n'est plus suffisant, la presse a enfin mis à la Une la "vague de suicides" des derniers mois. Cette vague emporte pourtant de nombreux travailleurs depuis de nombreuses années, aussi bien dans des entreprises privées comme Thalès ou Renault, que dans des services publics menacés comme le Pôle emploi, ou même déjà détruits comme France Télécom. De plus, cette vague n'est que la partie visible d'un océan de souffrance au travail, de stress, de dépressions et d'accidents du travail.
Au cœur du rouleau compresseur
capitaliste, dans les entreprises privées, les causes de la souffrance des
travailleurs sont plutôt claires :
1) la répression syndicale ou simplement
le discrédit du combat syndical, l'évaluation individuelle des performances, la
mise en compétition et le flicage mutuel des collègues (avec en particulier les
enquêtes "360°" où chacun est invité à dire ce qui va et ce qui ne va pas chez
ceux avec lesquels il travaille): tout est fait pour que les mouvements sociaux
soient atomisés et que chacun soit isolé et motivé uniquement par son propre
intérêt immédiat.
2) la mainmise sur les entreprises du capitalisme
financier, fusion du capital industriel et du capital bancaire, rend
complètement secondaire le fait que l'on produise des automobiles, des
téléphones ou des radiateurs. Alors que l'économie ne croît au mieux que de 2 à
3%, les actionnaires imposent une croissance supérieure à 10%. L'entreprise ne
doit donc plus simplement dégager des bénéfices ou vendre de bons produits, elle
doit tous les ans tirer un peu plus de plus-value de ses employés, en faisant
travailler plus SANS gagner plus, pour pouvoir au final en licencier un maximum
ou délocaliser. Le jeu des dirigeants est alors de faire peser sur
tous les niveaux, de la hiérarchie jusqu'à la base, la pression d'objectifs de
plus en plus difficiles à atteindre.
3) dans cette période de crise, les
menaces de licenciement individuel, de plans sociaux ou de délocalisation
finissent de convaincre le salarié qu'il doit accepter son sort.
La détresse
sociale dans le secteur privé est donc une conséquence logique de cet ensemble
de contraintes. Mais ce qui apparaît avec cette vague de suicides, c'est la
conséquence d'un long processus de destruction qui touche aussi le secteur
public, semi-public, ou ex-public.
Arme fatale du capital: la liquidation des services publics
Au cours du 20ème siècle, sous la pression des luttes sociales et sous l'influence du modèle soviétique, les Français ont conquis de nombreuses et importantes avancées telles que la sécurité sociale, la retraite par répartition, l'éducation pour tous, le droit du travail, mais également des services publics forts et au bénéfice de tous. L'article 9 du préambule de la Constitution de 1946 précisait que "tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité."
Avec la disparition de l'URSS, le
déclin social amorcé quelques années auparavant a subi un coup d'accélérateur
brutal et la priorité des classes dirigeantes capitalistes est apparue très
clairement : liquider les services publics. Les raisons sont là aussi assez
claires :
1) Le service public brasse une énorme quantité d'argent et
représente donc un magot gigantesque que les ogres du capital ont bientôt fini
d'engloutir. Et c'est bien de l'argent public, notre patrimoine commun, qui a
été englouti par quelques gros actionnaires (Entre 1985 et 1995, on peut estimer
à environ 200 Milliards de dollars les recettes des privatisations en
Europe).
2) Le service public est financé par nos impôts, et c'est donc toute
la société qui se cotise pour que la fermière du Poitou ait autant que possible
le même accès à la santé, à l'éducation, aux transports, à la culture, aux
moyens de communication... que le cadre parisien. En détruisant le service
public, en fermant les hôpitaux, les écoles, les bureaux de poste... nous payons
toujours les mêmes impôts, mais c'est autant d'argent que les dirigeants peuvent
utiliser pour faire de gros cadeaux aux entrepreneurs et aux plus riches. Deux
exemples parlants : le bouclier fiscal, qui plafonne l'impôt des grosses
fortunes, nous a coûté 688 Millions d'Euros en 2 ans, soient les salaires
annuels de 28.500 fonctionnaires, et la suppression de la taxe professionnelle,
qui va coûter 11,5 Milliards d'Euros, représente les salaires annuels de 477.600
fonctionnaires !
3) La fonction publique est plus syndiquée que la moyenne,
elle a donc une plus grande capacité de mobilisation sur les mouvements sociaux
d'envergure. Casser la fonction publique, c'est casser à la foi la mobilisation
sociale, et le dernier refuge où l'emploi n'est pas menacé dans le monde du
travail (ce qui est d'ailleurs remis en cause par la loi « Mobilité »,
votée cet été au parlement).
4) En dernier ressort, en privant les classes
populaires de services publics, on dérégule les prix, on fait ainsi exploser les
tarifs (EDF, GDF, Poste, Santé...) et on rend les maigres salaires encore plus
vitaux, et les salariés encore plus dociles.
L'Europe : bras armé de cette liquidation
La casse du service public était
inscrite dans les gênes de l'Europe : le traité de Rome qui institue la
Communauté Economique Européenne en 1957 précise déjà à l'article 90.2
que "Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt
économique général [...] sont soumises aux règles du présent traité, notamment
aux règles de concurrence [...]".
Appuyés par l'Accord Général sur le
Commerce des Services (AGCS ou GATS) imposé par l'OMC en 1995, les différents
traités qui ont suivi, de Maastricht en 1993, au Traité Constitutionnel en 2005,
et enfin au traité de Lisbonne imposé actuellement le revolver sur la tempe aux
peuples européens, ont tous permis de légaliser, d'organiser, puis d'imposer
cette liquidation.
Depuis la fin des années 80, la
mécanique de privatisation des services publics industriels est bien rodée, et
France Télécom en est l'exemple le plus typique :
1) on découpe, on démantèle, on
divise : Pour répondre à une directive européenne obligeant la
mise en concurrence, le gouvernement socialiste vote la loi Quilès en 1990 et
divise les PTT en deux : La Poste et France Télécom,
2) on change de statut en jurant la main sur le
coeur qu'on ne privatisera pas : Pour préparer l'ouverture à la
concurrence le 1er Juillet 1998, Fillon vote une loi
en Juillet 1996 transformant France Télécom en Société Anonyme dont
l'état est le seul actionnaire,
3) le
gouvernement change, on s'assoit sur ses engagements : La
Gauche plurielle de Jospin fait entrer FT en bourse et cède 20 à 25% de son
capital,
4) le gouvernement rechange, on
appuie sur l'accélérateur : Le gouvernement de Raffarin cède
une grosse partie du capital, et l'Etat passe en dessous de 50%, FT est une
entreprise privée, les requins de la finance et de la commission européenne se
frottent les mains !
5) l'Etat finit de
revendre ses parts et de déréguler : Les cabines téléphoniques
disparaissent, les tarifs augmentent, la qualité des services baisse, on
supprime 49.000 emplois, on impose des plans pour écraser les salariés sous la
pression du chiffre, et surtout, on rétribue grassement les actionnaires (4
Milliards en 2008, soit 85.000 emplois que l'on aurait pu créer ou 6,5 millions
de prises de fibres optiques que l'on aurait pu installer pour moderniser le
réseau).
C'est cette même recette qui a été appliquée à toutes les grandes
entreprises publiques industrielles ou commerciales : ELF absorbé par Total, EDF
et GDF divisés et redivisés entre réseau et distribution, GDF marié à Suez, SNCF
amputée de son réseau ferré RFF, La Poste amputée de la banque
postale, les sociétés de péages, Air France...
Le premier objectif de goinfrer les
actionnaires étant atteint, reste à s'attaquer aux services publics dits
"providentiels" (santé, éducation, protection sociale), en taillant brutalement
dans les finances et dans le personnel :
- après avoir supprimé des lits
d'hôpitaux, on supprime maintenant des hôpitaux entiers à travers toute la
France, et à ceux qui restent, on greffe des cliniques pour pomper toutes les
opérations rentables et laisser le reste à la charge de la collectivité,
-
après avoir supprimé et précarisé tous les postes d'encadrement dans les écoles
publiques, on laisse les écoles privées rafler la mise, et on transforme les
universités en entreprises commerciales (Loi LRU relative aux libertés et
responsabilités des universités),
- on démantèle le CNRS pour transférer tout
ce qui est rentable à des laboratoires ou des instituts privés,
- on organise
le chaos en fusionnant, en pleine explosion du chômage, Assedic et ANPE, pour
que le Pôle Emploi naissant ne puisse plus gérer les dossiers et cède une grosse
partie de son activité aux sociétés d'Interim, poussant les chômeurs dans l'étau
de la flexibilité
- on baisse les prestations de la Sécurité
Sociale pour transférer progressivement cette activité à des mutuelles
privées, idem pour les caisses de retraite...
Même les missions dites "régaliennes"
de l'Etat (défense, justice, police) ne sont pas épargnées par cette grande
liquidation du service public : suppression de 207 tribunaux sur 473,
suppression de 83 casernes et 54.000 hommes, fusion DST / Renseignement
Généraux...
Public, ex-public ou privé, tous unis pour la contre-offensive !
C'est donc aussi sur tous ces
fronts qu'il faut lutter pour retrouver une dynamique de progrès social
!
C'est notre intérêt à tous, en tant que travailleurs :
- de
défendre le statut de la Poste et de reprendre la main sur nos
entreprises et services publics tels qu'EDF, la SNCF, France Télécom, les
hôpitaux, l'éducation nationale, le CNRS...
- d'oublier cette illusion d'une
Europe sociale, impossible par nature, et de se mobiliser pour sortir de
l'Europe et se dégager de ce rouleau compresseur social,
- de rompre
l'isolement en luttant dans un cadre collectif, syndical et
politique,
- de rejeter fermement les divisions public / privé sur
lesquelles jouent nos dirigeants, et de s'unir dans un grand mouvement de lutte
sociale.