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RDC - Congo - 21 novembre 2013 - un Premier Ministre plébiscité par par le bas, contesté par le haut… (Colette Braeckman)

mercredi 20 novembre 2013, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 20 novembre 2013).

Congo : un Premier Ministre plébiscité par le bas, contesté par le haut…

Kinshasa,

Les portiers, les gardiens, les chauffeurs, les mamans du marché, les employés qui attendent le bus, les étudiants… Ceux que l’écrivain Yoka appelle les « en bas d’en bas » sont unanimes : « laissez encore un peu de temps au Premier Ministre Matata Mponyo pour qu’il continue à travailler… Voyez, en 19 mois, tout ce qu’il a réalisé… »

A l’autre extrémité de l’échelle, ceux « d’en haut » comptent les jours, attendent avec impatience que le président Kabila sorte de son mutisme et annonce, enfin, la composition du « gouvernement de cohésion nationale », un vaste paquebot sur lequel tous, membres de la majorité présidentielle, opposants ralliés à la bonne cause, quelques membres de la société civile, et bien d’autres encore, espèrent trouver enfin une place au soleil.

Même les milieux d’affaires, qui devraient se réjouir d’un taux de croissance atteignant les 8,1%, -un record en Afrique-, et d’une inflation qui plafonne à 1% se montrent circonspects : « il ne paie pas la dette intérieure, tarde à rémunérer les entreprises qui travaillent pour l’Etat » disent les uns, tandis que d’autres, à mots couverts, regrettent le temps des petits arrangements entre amis et estiment qu’il ne prend pas toujours des positions favorables aux Belges…

Même s’il a peut-être trop tendance à vanter son action personnelle (en recourant à des services de relations publiques) et à laisser dans l’ombre le travail réalisé par son équipe, entre autres son vice premier ministre chargé des Finances, les succès de ce technocrate de 49 ans, qui fut chargé des Finances durant 26 mois avant d’accéder au poste de Premier Ministre, sont visibles à l’œil nu.

Kinshasa offre quelques exemples des changements intervenus au cours des derniers mois : la capitale est devenue une ville propre, où plus de 6000 anciens « enfants de la rue » ou adultes au chômage s’emploient désormais à nettoyer, balayer, ramasser les immondices. De nouveaux bus « Transco » sont apparus, assurant un transport rapide et confortable. Partout se sont ouverts des petites restaurants, self services ou simples « ngandas » trépidants de musique, qui accueillent une classe moyenne encore embryonnaire mais bien réelle.

La bouteille, c’est certain, est encore largement vide, avec ses quartiers populaires privés d’électricité et minés par les érosions, l’insécurité entretenue par les « kulunas », les 80% de chômeurs et les salaires trop bas de ceux qui ont la chance de travailler mais il n’empêche que les progrès sont indéniables et que chaque mois voit la bouteille se remplir davantage…

Outre l’amélioration du transport public (1000 véhicules neufs sont prévus en 2014), l’un des aspects les plus visibles de cette « révolution de la modernité » promise par le président Kabila est la bancarisation : désormais, les salaires des agents de l’État et des militaires sont payés sur des comptes individuels et les principales banques du pays ont été mises à contribution pour soutenir l’opération jusque dans les coins les plus reculés du pays. A Kinshasa seulement, la régularisation du salaire des enseignants a fait resurgir trois millions de dollars qui auparavant s’évaporaient entre les mains des intermédiaires…

Le Premier Ministre insiste « les économies réalisées en empêchant les détournements ont permis au Trésor Public d’investir 26 millions de dollars dans la construction d’écoles neuves, que nous réaliserons avec l’aide de l’Unicef. »

Par ailleurs, le versement ponctuel et régulier de la paie des militaires a été d’un des éléments des succès remportés à l’Est du pays, s’ajoutant à l’acquisition de matériel neuf et à la modification de la chaîne de commandement, moins corrompue et plus fiable.

Mais la bancarisation, s’ajoutant à l’identification stricte des agents de l’État et des militaires, n’a pas fait que des heureux : les chefs de service qui déclaraient des « travailleurs fantômes » et percevaient le salaire des morts et des disparus, les comptables de l’État qui prenaient leur pourcentage sur les traitements versés de la main à la main, les officiers qui détournaient le soldes de leurs soldats ont vu leurs revenus chuter de manière dramatique. Avec des effets en cascade : des immeubles qui permettaient de recycler l’argent « noir » demeurent inachevés, tous ceux qui, dès le matin, s’en allaient « chercher l’argent » auprès de parents plus fortunés trouvent désormais porte close, des « deuxième bureaux » (seconde ou troisième épouse) ne peuvent plus être entretenus…

En haut lieu aussi, l’« homme à la cravate rouge », (surnom donné à l’intraitable Premier ministre) a fait des mécontents, opposant une fin de non recevoir à tel dignitaire qui réclamait quatre millions de dollars au titre d’indemnité de sortie, à tel homme d’affaires très recommandé qui lui soumettait, sans justificatifs, une facture s’élevant à huit millions de dollars… En fermant ainsi de nombreux robinets par lesquels s’écoulait l’argent de l’État, en s’attaquant aux privilégiés du régime, sans épargner la « famille » présidentielle, Matata Mponyo s’est attiré de solides inimitiés au sein de la classe politique, d’autant plus que ce technocrate, même s’il appartient à la majorité, n’est pas issu du sérail et n’a pas de « base » autre que celle de l’assentiment populaire.

C’est au président Kabila qu’appartient la décision finale : soit il maintient en fonction un homme qui a réussi des réformes spectaculaires et, du même coup, fait croître sa propre popularité, soit il privilégie la perspective des élections de 2016, pour lesquelles il aura besoin du soutien de la classe politique, qu’il s’agisse de concourir pour un nouveau mandat en ayant modifié la Constitution, ou, tout simplement, de préparer sa sortie dans les délais impartis.

Mais si le seul souci du chef de l’Etat est de renforcer la cohésion, il devrait être rassuré : la mise en déroute du M23, chassé du Kivu par une armée réformée, plus efficiente et mieux encadrée, a ranimé le sentiment de fierté patriotique des Congolais, toutes origines et tous partis confondus. Sans le concours de la classe politique, c’est sur le champ de bataille que l’unité nationale s’est d’ores et déjà resoudée et que l’autorité de l’Etat a eu gain de cause.

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