VIVE LA RÉVOLUTION
Accueil du site > Comment publier un article > Avec la mort autour du ventre

Avec la mort autour du ventre

mardi 29 juillet 2014 (Date de rédaction antérieure : 29 juillet 2014).

En plein centre de Jérusalem dans la foule matinale, Wafa Idris, 27 ans, fait détonner la charge d’explosif de 10 kilos qu’elle porte autour de la taille. Sydsvenskan (le quotidien du sud de la Suède) a rencontré la famille survivante de la poseuse de bombe suicide dans un camp de réfugié au-dehors de Ramallah en plein territoire occupé de Cisjordanie.

Texte : Göran Engström

Photo : Ola Torkelsson

Traduction : Dominique

Cet article est paru en suédois le dimanche 14 décembre 2003 dans le quotidien Sydsvenskan, pages B8 à B11.

Avec la mort autour du ventre

La mère de Wafa

Le matin du 27 janvier 2002 Wafa Idris, 27 ans, prépare son petit sac à dos noir.

Elle dit adieu à sa maman et à ses frères.

Il est environ huit heures et demie. Wafa ne raconte pas où elle va.

Elle se promène dans les ruelles étroites et détruites jusqu’à la sortie du camp Am’ari, le camp de réfugiés palestinien où elle vit avec sa famille.

Mais à la place de se rendre à son travail à Ramallah, elle se rend à Jérusalem. À Jaffa Street, au milieu du dense trafic matinal, elle fait sauter la charge d’explosif lourde de dix kilos qu’elle porte autour de la taille. Elle emporte avec elle dans la mort un homme israélien de 81 ans. Une centaine de personnes sont blessées.

Wafa

Octobre 2003. La maman de Wafa Idris, Wassfieh, est assise en lotus sur le sofa avec une couverture sur les jambes. Elle a l’air vieille. Des traces de maladie et une longue vie comme réfugiée dans son propre pays, mais avant tout la peine.

  • Je pense à Wafa chaque seconde, la mémoire d’elle me rend malade. C’est comme un feu à l’intérieur du corps qui me consume morceau par morceau, dit-elle en mettant ses mains sur sa poitrine.

La maison est simple. Deux pièces, une petite cuisine et une toilette sans WC fonctionnels. Les petites fenêtres ne laisse rentrer qu’un minimum de lumière. Le plâtre sur les murs s’est craquelé et la couleur s’écaille. Des images de la famille sont suspendues partout, la plupart sont des portraits de Wafa et de ses frères. Une affiche géante couvre le mur intérieur de la chambre : "La martyre Wafa Idris - la première femme suicide poseuse de bombe. Camp Am’ari 27 janvier 2002."

attentat

Pourquoi a-t’elle fait cela ? demandais-je.

Wassfieh raconte.

Wafa travaillait comme volontaire à l’hôpital de Ramallah. Elle prît soin chaque jour des palestiniens blessés et mourants qui avaient été blessés pendant des combats avec les militaires israéliens. Quand elle rentrait le soir elle avait l’habitude de dire : Je suis si fatiguée aujourd’hui, maman. Je demandais : Pourquoi es-tu donc si fatiguée ? Elle me répondait : Je suis fatiguée de tout ce que j’ai vu.

Wassfieh se redresse sur le sofa.

  • Elle était une fille très intelligente qui pouvait s’introduire partout. S’il y avait une confrontation quelque part, elle y allait pour aider.Elle a été elle-même blessée trois fois pendant qu’elle prenait soin des blessés., malgré cela elle n’avait jamais peur. Et quand ses frères lui dirent d’être prudente, elle les traitât de lâches et leur dit qu’ils devraient la suivre.

Le combat de Wafa Idris pour une existence plus juste commençât quand elle avait l’âge d’aller à l’école. Quand les militaires israéliens accomplir leurs raids dans le camp, Wafa prit avec elle ses camarades d’école dans la rue pour protester. Elle tirât dehors ceux qui ne suivait pas volontairement. Elle était toujours en tête sur la route, se souvient Wassfieh.

Tout ce qui arrivait le plus souvent était que Wafa se faisait arrêter par les militaires qui l’emmenaient en jeep dans leur quartier général. Wassfieh rassemblait alors ses plus proches voisins et il s’y rendait pour aller la chercher.

J’allais directement vers les soldats, donnait une claque à Wafa et faisait semblant de l’engueuler. Ainsi elle recevait la permission de s’en aller, raconte Wassfieh.

Le camp Am’ari fut établi par les nations unies en 1950. La famille Ali Idris arrivât dans le camp avec les premiers réfugiés la même année. Les premiers temps, des tentes furent la seule protection qui était offerte aux palestiniens sans domicile. Mais après, comme plus de réfugiés arrivèrent, la construction de logements commençât et tout le quartier pris naissance. Plus de 50 ans plus tard, le nombre officiel des habitants du camp d’Am’ari est de 8’500 palestiniens. Beaucoup d’entre eux ont vécu toute leur vie dans le camp.

Le camp d’Am’ari est un camp de réfugiés actif, raconte notre traducteur palestinien. En d’autres mots : les ruelles étroites et les maisons prêtes à s’écrouler abritent un grand nombre de personnes qui appartiennent ou soutiennent différents groupes militaires islamiques : le Hamas, le Jihad islamique ou la branche armée de l’OLP du leader Yasser Arafats, le Fatah, et la brigade al Aqsa.

Wafa Idris faisait partie de la brigade al Aqsa, ou tout au moins ce fut elle qui prit la responsabilité - et les honneurs - de l’attentat du 27 janvier 2002. Trois jours plus tard, après de considérables spéculations sur l’origine du poseur de bombe décédé, un canal de TV local de Betlehem révélât l’identité de la "première femme martyre palestinienne", selon la chaîne de TV.

Personne ne sait combien longtemps Wafa Idris fit partie de la brigade, ni combien de temps elle a planifié sa mort. Personne dans son cercle de relations ne se rendit compte de quoi que ce soit. Même pas sa maman.

  • Wafa ne parlait jamais de devenir martyre. Quand elle ne revint pas à la maison comme d’habitude, nous crurent d’abord qu’elle visitait quelques palestiniens blessés sur le chemin de la maison. Comme cela durait, nous nous enquérîmes auprès des voisins mais personne n’avait vu Wafa. Alors nous pensèrent qu’elle avait peut-être été à Jéricho saluer notre famille.

La famille cherchât Wafa pendant trois jours. Ils entendirent les rapports sur l’attentat à Jérusalem, mais ils ne pensèrent jamais que Wafa pouvait être impliquée.

Tard dans la soirée du 30 janvier les voisins vinrent frapper à la porte. La rumeur de l’identité de la femme poseuse de bombe suicide avait atteint le camp d’Am’ari. Wassfieh était couchée et dormait, mais elle se réveillât en entendant les voix devant la maison. Elle comprit que quelque chose de grave était arrivé. Un petit instant plus tard, ses fils rentrèrent et lui apprirent la mort de Wafa.

  • Je fut complètement catastrophée, se souvient Wassfieh.

Presque deux ans plus tard, la peine est toujours son compagnon fidèle. La chambre où Wafa avait l’habitude de dormir est restée inchangée. Wassfieh n’y a pas mis les pieds depuis la nouvelle de la mort de sa fille. Un peigne à cheveux que Wafa employait se trouve sous une penderie contre le mur. Ses habits pendent dans la garde-robe avec le matériel de soins médicaux et la veste rouge-orange avec l’emblème du Croissant rouge.

Le sac à dos que Wafa préparait le matin est le seul de ses effets personnels qui fut rendu à la famille. La police a conservé les habits et ce qui reste de son corps. Ils les emploient comme moyens de pression, raconte Wassfieh. Si vous collaborez avec nous, nous vous rendrons le corps, ont-ils déclaré.

Mais Wassfieh n’a aucun renseignement à leur donner, dit-elle. C’est pourquoi elle n’a aussi aucune tombe où aller.

  • Si seulement nous avions reçus le corps en retour, tout aurait été plus facile, croit Wassfieh.

Elle pleure chaque jour sur sa fille morte. Malgré que ses fils lui disent de ne pas s’en faire.

Personne n’a obliger Wafa à faire ce qu’elle a fait, elle a choisi elle-même de devenir martyre, soulignent-ils.

Malgré la peine et la perte, Wassfieh déclare que ce que fit Wafa fut juste. Elle est fier de sa fille, dit-elle. Elle n’éprouve aucune sympathie pour les victimes de sa fille, pour leurs frères et soeurs, mères et pères.

  • Comment pourrais-je me soucier d’eux ? De ceux qui tuent nos enfants et détruisent nos maisons quotidiennement ? Crois-tu qu’ils pensent à nous ?

La maison

Un frère et une soeur de Wafa, 2 et 5 ans

Seulement deux jours avant notre visite chez la mère de Wafa Idris, un autre attentat suicide a été commis. Cette fois contre un restaurant dans la ville portuaire de Haifa. Vingt personnes moururent quand la cinquième femme palestinienne poseuse de bombe suicide se fit exploser en mille morceaux. Wassfieh a vu les images d’individus détruits à la TV. Des parents qui avaient perdu leurs enfants, ou des enfants ayant perdu ses parents ou peut-être un frère ou une soeur. Mais pas un instant elle ne considère qu’il s’agit d’une tragédie.

  • Je ressent uniquement de la joie quand j’entends parler des attentats. Qu’avait cette femme palestinienne à perdre ? Elle avait déjà perdu tout dans le conflit : son frère, son fiancé.

À la question de savoir où se trouve Wafa maintenant, Wassfieh répond :

  • Près de dieu au paradis.

Crois-tu que tu la reverras ?

  • Je la vois chaque nuit dans mes rêves. Elle était ici une nuit. Elle vint de dehors et se tint dans l’ouverture de la porte de la cuisine. Quand je l’appelât, elle vînt et s’asseyât près de moi sur le sofa. Je lui parlait mais elle ne me répondit pas. Elle disparut d’un seul coup.

Wafa la martyre

Blanche-Neige et la folie de la vérité

En 2004, l’ambassadeur d’Israël en Suède fut au centre d’un incident diplomatique entre les deux pays. Deux artistes, Dror Feiler et Gunilla Sköld-Feiler, avait, dans le cadre de la conférence "Prévenir le génocide" du Forum International de Stockholm, avaient fait une exposition au musée National des antiquités de Stockholm, exposition appelée Blanche-Neige et la folie de la vérité.

Blanche-Neige et la folie de la vérité

Cette exposition montrait une piscine remplie de sang avec un bateau sur lequel figurait un portrait stylisé et souriant de Blanhe-Neige avec des cheveux noirs, en fait Hanadi Jaradat, une palestinienne qui se fit exploser dans un restaurant du nord d’Israël en octobre 2003, tuant 21 israéliens et elle-même.

Apparemment, l’ambassadeur d’Israël n’a pas supporté que Blanche-Neige montre la vérité sur son pays. : 66 ans de crime contre l’humanité aujourd’hui.

Snövit och sanningens vansinne

Pour Dror Feiler, les gens qui qualifient son exposition d’antisémitisme essaient de réduire au silence la critique de la politique d’Israël dans les territoires occupés.

Il ajoutât qu’"il est incroyable et inacceptable que le représentant officiel d’un état qui se prétend être une démocratie se conduise comme un hooligan du football."

Feiler, qui habite en Suède depuis 1973, a expliqué qu’il est non seulement né en Israël, et qu’il a servi 3 ans dans la division des parachutistes de l’armée du pays, mais aussi que ses parents sont tous les deux des survivants de l’holocauste.

Il déclarât : "Quand (des critiques) m’accuse d’antisémitisme, elles désacralisent la mémoires de tous les membres de ma famille qui ont été exterminés par de vrais antisémites pendant la deuxième guerre mondiale, et de tous mes camarades qui sont morts en servant dans les rangs de l’armée israélienne.".

Dror Feiler et Gunilla Sköld-Feiler

https://sv.wikipedia.org/wiki/Sn%C3… http://www.aljazeera.com/archive/20…

Note : Aujourd’hui, nous avons largement dépassé les 1000 morts dans le massacre de civils que font les forces sionistes à Gaza. La seule bonne nouvelle est que les palestiniens ne se suicident plus, et qu’ils donnent plus de fil à retordre aux sionistes qu’avant.

En attendant la chute finale de l’entité sioniste, n’oublions pas de boycotter Israël. Le moyen le plus rapide n’est pas de ne boycotter que les produits israéliens mais de boycotter toute société capable de vendre ou de représenter quelque produit que ce soit venant d’un pays coupable de 66 ans de crimes contre l’humanité.

Pour télécharger l’article complet au format pdf :

PDF - 1.8 Mo
Avec la mort autour du ventre
Avec la mort autour du ventre & Blanche-Neige et la folie de la vérité
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0