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Le manifeste des sans-dents par Michel Santi

mardi 9 septembre 2014, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 9 septembre 2014).

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Michel Santi | 08/09/2014, 10:25

Michel Santi est directeur financier et directeur des marchés financiers chez Cristal Capital S.A. à Genève. Il a conseillé plusieurs banques centrales, après avoir été trader sur les marchés financiers. Il est l’auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience" et "L’Europe, chronique d’un fiasco politique et économique".

Augmenter les revenus des plus pauvres serait le meilleur moyen de soutenir la croissance. par Michel Santi

Pour les chanceux qui bénéficient encore d’un emploi, l’évolution de leur salaire s’est révélée pathétique ces dernières années. En fait, le revenu des salariés subit, depuis 2008, le tassement le plus spectaculaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au même moment, par le jeu des licenciements, à la faveur de la réduction de leurs charges et de leurs coûts de production, par l’artifice du rachat de leurs propres actions cotées en bourse et enfin grâce à la générosité des subventions et autres crédits prodigués par les États, les entreprises n’ont jamais autant gagné.

Que ce soit en valeur nominale, ou en rapport avec le P.I.B. de leur pays de tutelle et de domicile, les grosses et moyennes entreprises enregistrent des records de bénéfices, tandis que leur Direction Générale a désormais achevé sa mue, délaissant la bonne vieille gouvernance au profit d’une ingénierie financière bien plus lucrative. Au passage, le petit groupe d’heureux élus - les « bien dentés » - s’accaparent et monopolisent un pourcentage toujours plus important de la richesse nationale.

Stagnation des revenus et régression de l’activité

Pour autant, la juxtaposition de bourses atteignant et dépassant jour après jour des records de hausse, pendant qu’une proportion toujours plus importante de la population subit chômage et précarité, est choquante, contre-nature, au minimum incompréhensible pour le commun des mortels. Toutefois, à question complexe, réponse élémentaire. Le consommateur - qui est un salarié dont le revenu stagne, quand il ne régresse pas - est en effet contraint de réduire ses dépenses avec, pour conséquence directe et immédiate, une érosion supplémentaire de l’activité économique, et donc du P.I.B. Ne soyons donc pas étonnés de sombrer dans la récession si - en termes réels - les entreprises paient leurs salariés toujours moins, tandis que, pour leur part, patrons et actionnaires sont toujours gagnants au grand jeu schizophrène de la spéculation boursière, du rachat d’action et du dividende en constante amélioration.

Aucune raison de sous payer ses salariés

Autrement dit, pendant que l’obsession du profit rapide affame l’économie, assèche la misérable croissance résiduelle et sacrifie allègrement la création de valeur au long terme, le pouvoir d’achat du consommateur et les salaires des « vrais gens » déclinent et sont comme aspirés dans une irrésistible spirale baissière. Eh oui : la fameuse déflation n’a pas encore affecté les nantis ! Et pour cause : les 500 compagnies composant l’indice boursier S&P n’ont-elles pas dépensé 1.500 milliards de dollars depuis 2010, non pour investir ni pour majorer les salaires, mais juste pour racheter leurs propres actions ?

Il n’y a, pourtant, aucune loi sacrée du capitalisme qui prescrit de sous-payer ses salariés. Le capitalisme ne signifie pas non plus, ni n’induit systématiquement, qu’il soit impératif d’augmenter encore et toujours plus ses bénéfices. Là aussi, pas besoin de s’égarer dans des raisonnements complexes, ni dans des prétextes politiques : le cercle très restreint qui contrôle capital et entreprises garde prosaïquement les richesses pour lui, tant et si bien que la gigantesque « armée de réserve » - c’est-à-dire nous - co-existe à côté - en fait : plutôt en-dessous - d’une infime minorité.

S’intéresser aux "sans dents"

Pour autant, l’accent a été systématiquement mis, et l’attention toujours attirée ces dernières années, sur ce que les riches ont, sur ce qu’ils possèdent et sur ce qu’ils font (ou ne font pas), alors qu’il est désormais vital de s’intéresser de très près à ce dont la masse des « sans-dents » et des « peu-dentés » est privée. En d’autres termes : à ce qu’ils n’ont pas. A cet égard, il va de soi que la pauvreté peut être combattue, et efficacement jugulée, en réduisant la richesse des plus nantis. Et prenons garde à ne pas tomber dans le piège sempiternellement tendu, et à ne pas se laisser abuser par les grosses ficelles toujours invoquées, selon lesquels la réduction d’impôts en faveur des entreprises et des riches secrète naturellement la croissance. Car, en un certain sens, c’est la richesse des plus riches qui cause la pauvreté des plus pauvres !

Pour une redistribution efficace

De même, ce n’est pas la création de nouvelles richesses - c’est-à-dire la croissance - qui améliorera nécessairement la condition des plus pauvres, qui sont le plus souvent privés de participer à ce festin ne profitant qu’à une infime minorité. Car, « repeat after me » : seule l’augmentation de son revenu permettra d’améliorer la condition du moins chanceux et du moins aisé. La progression de la production et la relance de la croissance ne bénéficient en effet pas systématiquement aux pauvres. Seule une redistribution efficace - voire agressive en certaines occasions - est à même de reclasser les membres les moins favorisés de notre société, et du même coup d’assurer une croissance stable et saine. Ne nous focalisons donc pas trop sur les statistiques d’une croissance qui reste un terme abstrait - et vide de sens - pour majorité toujours plus nombreuse.

Savoir qui sont les riches

Voilà pourquoi il est fondamental de savoir précisément aujourd’hui qui sont les riches, et quel est le vrai montant de leur fortune. A travers les organismes gouvernementaux, grâce aux lois - voire en faisant appel à la police -, nous devons évaluer ces richesses et clairement en identifier les détenteurs. Afin de procéder à des transferts, afin de taxer - voire dans certains cas extrêmes de confisquer - et, ce, pour promouvoir la croissance, pour casser la spéculation et pour sortir les plus riches de leur bulle.

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