Cannabis - 28 février 2015 - le Colorado est au septième ciel

États-Unis

Cannabis : le Colorado est au septième ciel

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Samedi 28 février 2015

Stéphane Bussard

Premier Etat à avoir légalisé la consommation et la vente de marijuana, le Colorado connaît un boom. Le marché noir persiste et les Etats voisins se plaignent

Il n’y a pas si longtemps, il était encore interdit d’acheter de l’alcool le dimanche à Denver. Plantée au pied des Rocheuses, la ville abrite désormais une soixantaine de points de vente de cannabis. Entre des boutiques Prada et Gucci, chacun peut s’acheter son joint pour un peu plus de 14 dollars. Premier Etat à avoir légalisé la consommation et la vente de marijuana, le Colorado compte plus de 500 commerces actifs sur le marché du haschich. Un an après l’entrée en vigueur de la loi perçue comme la « plus ambitieuse expérimentation sociale du XXI^e siècle », Denver et le Colorado sont en plein boom.

Dans les lounges et after-hours de la capitale du Colorado, on inhale sans gêne, avec des fumettes créées par des artistes locaux, du cannabis produit en quantités industrielles dans des entrepôts de la banlieue. Le must, c’est le Killer Queen, un vin infusé au cannabis au moyen d’un gaz injecté dans le verre à une température de – 12 degrés. Des entrepreneurs que les autochtones appellent désormais « ganjapreneurs » rivalisent d’inventivité pour créer les produits les plus innovants à l’image de la société Dixie, qui propose des sodas, chocolats, lotions infusées au cannabis. De contre-culture, la consommation et la vente de marijuana sont devenues la norme et le ciel n’est pas tombé sur la tête des Coloradiens. Des familles entières ayant des enfants affectés par divers troubles nerveux déménagent dans le Colorado pour profiter des effets bénéfiques de l’usage médical de la fumette. Des milliers d’emplois ont été créés. Aux Etats-Unis, ils sont 33 millions à avoir consommé du cannabis en 2013. Dans le Colorado, ils sont 485 000, ayant l’âge autorisé de 21 ans, à recourir au haschich, soit 9% de la population.

Même si le gouverneur du Colorado, John Hickenlooper, plutôt opposé au départ à la légalisation du cannabis, espérait pouvoir engranger 100 millions de dollars de recettes fiscales après un an, il a dû un peu déchanter, mais les revenus enregistrés restent substantiels. En 2014, ils sont estimés à 60 millions et proviennent de taxes diverses sur la vente se chiffrant au total à 27%. Le marché du cannabis au Colorado était évalué à 1,5 milliard de dollars en 2013. Il a bondi à 2,6 milliards un an plus tard.

Au plan social, il n’y a pas eu « d’apocalypse », comme le prédisaient les opposants à la loi. Selon la Drug Policy Alliance, la criminalité a diminué de même que le nombre d’accidents de la route. Les cambriolages sont en nette baisse. « Tsar du cannabis » nommé par le gouverneur Hickenlooper pour accompagner la légalisation de la marijuana, Andrew Freedman reconnaît que « le défi à relever demeure incroyable ». Le Colorado a été le premier à faire le grand bond, suivi récemment de l’Alaska, de l’Oregon et de la capitale, Washington. L’Arizona, la Californie, le Maine, le Massachusetts et le Nevada devraient voter sur la question en 2016.

L’un des défis relève du statut unique du Colorado dans la région. Seul Etat à avoir légalisé la consommation et la vente de cannabis, il cause des soucis aux Etats voisins. Des hangars de production sont destinés entièrement à l’exportation de marijuana dans d’autres Etats du pays où le stupéfiant n’est pas légal. Le Nebraska et l’Oklahoma ont mené d’ailleurs l’affaire devant la Cour suprême, estimant qu’ils subissent les retombées négatives du phénomène. L’attrait du Colorado est tel que cet Etat de l’ouest des Etats-Unis est en compétition avec le Mexique quand il s’agit de cannabis. La raison ? La légalisation n’a pas éliminé le marché noir, qui représente encore 40% du total. Il est toujours meilleur marché d’acheter de la marijuana au noir, car elle n’est pas grevée de 27% d’impôts. L’autre problème de l’économie du cannabis procède du financement. Comme l’Etat fédéral n’autorise pas la vente du produit, les banques demeurent très réticentes à entrer dans ce marché. Directrice de la société Mindful, dont les affaires sont juteuses, Meg Sanders l’avoue : elle paie les salaires, les factures d’électricité et l’équipement avec de l’argent liquide. Un facteur, craint-on, qui pourrait favoriser la corruption.