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Du Viagra pour enrayer la transmission du paludisme

samedi 9 mai 2015, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 9 mai 2015).

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/c09…

Par Olivier Dessibourg le vendredi 08 mai 2015

Le moustique anophèle, vecteur du parasite du paludisme (Wikipedia)

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La molécule de la célèbre petite pilule bleue pourrait servir à bloquer le cycle de développement du parasite responsable de la maladie, selon une étude franco-londonienne publiée dans la revue « PLOS Pathogens ». Si ces premiers résultats exploratoires sont encourageants, on est encore loin d’une distribution du Viagra comme médicament anti-malaria

Dans la masse des informations scientifiques diffusées chaque jour aux médias, certaines attisent la curiosité plus que d’autres. C’est le cas de cette étude publiée ce vendredi dans la revue PLOS Pathogens, qui montre que le Viagra pourrait permettre de lutter contre la malaria. Loin de l’aspect purement accrocheur de la nouvelle, il semble que certaines molécules composant la célèbre petite pilule bleue puissent bel et bien jouer un rôle pour enrayer le cycle de développement complexe du parasite Plasmodium falciparum, responsable du paludisme.

Ce cycle se déroule en partie à l’intérieur du corps de l’homme, et en partie dans celui du moustique anophèle, dont seule la femelle peut transmettre le paludisme. Il existe des médicaments pour traiter les symptômes de la maladie. Mais pour l’éradiquer complètement, il s’agirait de bloquer la transmission du parasite entre son réservoir d’« incubation », l’homme infecté, et un moustique piquant ce dernier, suçant son sang porteur du P. falciparum, et disséminant ensuite le microbe dans la population.

Pour se développer chez l’homme, le parasite va se lover dans les globules rouges (des cellules sanguines) alors que ceux-ci se trouvent encore dans l’organe qui les produit, la moelle osseuse. Une phase de latence qui dure une dizaine de jours.

Sur la fin de ce développement, le parasite acquiert la capacité de se déformer, de devenir malléable. Cette capacité permet au duo globule-parasite d’une part de s’extraire de la moelle osseuse pour se retrouver et circuler dans le sang. D’autre part, cette malléabilité lui permet de passer entre les mailles du filet que constitue la rate. « Cet organe a en effet pour fonction de filtrer le sang en retenant les globules rouges vieux ou anormaux, plus rigides, et ainsi de purifier le sang », explique Catherine Lavazec. Libres de toutes entraves dans le sang, les globules rouges parasités sont ainsi accessibles aux moustiques vecteurs de la maladie.

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L’équipe de cette chercheuse française de l’Institut Cochin, de l’Inserm et du CNRS, impliquant des scientifiques de l’Université Paris-Descartes, de l’Institut Pasteur et de l’Ecole de médecine et d’hygiène tropicales de Londres, s’est intéressée aux mécanismes moléculaires qui conduisent la paire globule-parasite à acquérir cette déformabilité. Leur ambition ? Pouvoir peut-être glisser des grains de sable dans ces infimes rouages cellulaires pour piéger les globules rouges infectés et les éliminer. Cette malléabilité découle de ce que les biologistes appellent des « voies de signalisation », autrement dit des cascades de réactions moléculaires internes à la cellule.

A l’aide d’un modèle in vitro reproduisant la filtration de la rate, les scientifiques ont identifié des substances pharmaceutiques qui permettent justement de perturber ces cascades, donc d’éliminer cette capacité de déformation et de rendre rigides les globules rouges et leur parasite. Conséquence : ceux-ci ne passent plus le filtre de la rate et, après y avoir été éliminés, ne se retrouvent au final plus dans le sang qui sert de repas aux moustiques anophèles. « Or nous avons observé, un peu par coïncidence, que l’une de ces substances est le sildenafil citrate, molécule plus connue sous son nom commercial de Viagra », explique Catherine Lavazec.

« Cette étude est très intéressante », commente Hans-Peter Beck, professeur de parasitologie=2016&cHash=65bfc6937b5b980621dd8896744d1d5f] à l’Institut tropical et de santé publique suisse, à Bâle, l’un des centres mondiaux de référence dans les recherches sur la malaria. Les cascades moléculaires en question impliquent notamment des enzymes inhibiteurs appelés « phosphodiestérases ». « On savait déjà depuis quelques années que le Viagra pouvait agir partiellement sur ces enzymes, poursuit le scientifique. Mais cette étude démontre désormais que ces enzymes jouent un rôle dans la capacité de déformabilité du duo globule rouge-parasite. C’est un changement de paradigme. Car, au-delà du simple traitement pharmacologique des symptômes de la malaria, cela nous donne désormais une piste d’étude pour, à l’aide de médicaments, enrayer aussi la transmission du parasite du paludisme. »

En notant que cette étude attire l’attention des médias grâce à la simple mention du médicament impliqué, le professeur espère que le message ne soit pas déformé, au risque que « le Viagra soit consommé dans un but autre que celui pour lequel il a été conçu ». Et d’avertir : « Nous sommes encore loin d’une recommandation d’utilisation du Viagra à tout va pour enrayer la malaria. »

Catherine Lavazec ne dit pas le contraire : « Il s’agit d’une première étude in vitro, une preuve de concept. Nous souhaitons mener une étude in vivo chez l’homme, mais son début ne surviendra pas avant au moins un an. »

Par ailleurs, la chercheuse souligne que si c’est la molécule composant le Viagra qui a été utilisée dans cette phase exploratoire, « il n’est pas impossible que nous utilisions dans nos prochaines études des molécules voisines, un peu différentes, pour éviter par exemple les effets normaux du Viagra sur le mécanisme qu’il cible, soit l’érection ». Ce d’autant que le Viagra ne peut être prescrit aux enfants, qui demeurent l’un des groupes les plus vulnérables touchés par le paludisme.

Selon les dernières estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) datant de décembre 2014, entre 124 millions et 283 millions de cas de paludisme ont été enregistrés en 2013. Ceux-ci ont causé 584 000 décès (avec une marge d’incertitude comprise entre 367 000 et 755 000), soit une diminution de la mortalité de 47% au niveau mondial par rapport à 2000 et de 54% dans la Région africaine de l’OMS, notamment grâce à la distribution massive de moustiquaires et de tests de détection rapide de la maladie dans le sang. La plupart des décès surviennent chez des enfants de moins de 5 ans vivant en Afrique, où chaque minute, l’un d’eux meurt du paludisme.

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