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USA - Guantanamo est pire que le goulag

mercredi 12 janvier 2022, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 12 janvier 2022).

États-Unis. Vingt ans d’enfer à Guantanamo

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11 janvier 2022

Assawra

Le 11 janvier 2002, la base militaire accueillait les premiers «  combattants ennemis  » soustraits à la justice, soumis à la torture, détenus en dehors de tout cadre légal.

Le nom de cette baie paradisiaque n’évoque plus rien de ses eaux turquoise  : il est devenu synonyme de limbes contemporains, un bagne symbolisant à lui seul l’arbitraire dont est tramée la guerre américaine contre le terrorisme décrétée par George W. Bush en 2001, au lendemain des attentats du World Trade Center. Le 11 janvier 2002, une vingtaine de prisonniers en provenance d’Afghanistan, vêtus de combinaisons orange, têtes couvertes de sacs noirs, membres entravés, arrivaient sur la base navale de Guantanamo Bay pour être incarcérés dans les enclos grillagés du camp X-Ray. «  Ils pourraient être détenus jusqu’à la fin du conflit en Irak et en Afghanistan  », prédisait alors le vice-président Dick Cheney.

Un centre de détention militaire obscur  : le camp Delta

Décatis, cernés de barbelés, les baraquements et les hangars de cette base états-unienne établie à Cuba depuis 1903 (le gouvernement cubain refuse, depuis 1960, d’encaisser le «  loyer  » annuel de 4 000 dollars offert par Washington pour occuper cette enclave de 121 km2) abritent toujours un centre de détention militaire obscur  : le camp Delta. Il a pris la place des cages originaires, connues pour la torture et les traitements inhumains et dégradants infligés à des prisonniers soustraits à la justice, détenus au secret, longtemps privés de contacts avec les avocats chargés de leur défense.

Ces «  combattants ennemis  », selon la nomenclature américaine, sont longtemps restés anonymes  ; finalement, sous la pression, l’administration Bush avait fini par concéder la publication des noms de certains d’entre eux. Mais, en 2005, l’ONU avait dû annuler une visite préliminaire à un rapport sur les conditions de détention dans le camp, ­Washington ayant refusé que ses représentants puissent s’entretenir librement et sans témoins avec les détenus. Le 16 février 2006, dénonçant des actes de torture et des violations des droits à la santé et à la dignité humaine, cinq experts indépendants de la Commission des droits de l’homme des ­Nations unies appelaient les États-Unis à fermer immédiatement ce centre de détention. «  Les tentatives de l’administration américaine visant à redéfinir la “torture”, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, afin de permettre certaines techniques d’interrogatoire qui seraient autrement interdites au regard de la définition internationale de la torture sont extrêmement préoccupantes  », mettaient en garde ces experts onusiens.

Au total, 780 prisonniers sont passés par là. Ils sont une quarantaine à y croupir encore, sous la surveillance de 1 800 militaires et 200 civils. Neuf y ont péri. La plupart d’entre eux ont été capturés aux antipodes puis ont enduré, avant leur transfert vers cette base, la torture dans les prisons secrètes de la CIA.

Des «  crimes de droit international  »

Dans un rapport publié voilà un an, Amnesty International évoquait à propos de Guantanamo Bay des «  crimes de droit international  ». Outre l’absence de soins médicaux et de procès équitables, ce document recense les atteintes aux droits humains perpétrées contre les personnes détenues pour une durée indéterminée dans ce camp où même les prisonniers libérables demeurent incarcérés depuis des années. «  Il s’agit de détentions inexorablement liées à de multiples strates de conduite illégale du gouvernement au fil des ans – transferts secrets, interrogatoires au secret, alimentation forcée de grévistes de la faim, torture, ­disparitions forcées et absence totale de respect de la légalité  », résume Daphne Eviatar, directrice du programme sécurité et droits humains à Amnesty International États-Unis.

Avant d’entrer à la Maison-Blanche, Barack Obama avait promis de tourner la page de ce bagne militaire illégal. Il n’en a rien fait. Son successeur Donald Trump jurait de le faire perdurer encore vingt ou trente ans  : il rêvait même de le remplir à nouveau, si les coûts n’étaient pas si lourds – 13 millions de dollars par an (11,5 millions d’euros) et par prisonnier. Joe Biden, alors vice-président, estimait incontournable sa fermeture lors de la conférence de Munich sur la sécurité, en 2009  : «  Nous respecterons les droits de ceux que nous traduisons en justice. Et nous fermerons le centre de détention de Guantanamo Bay.  » Promesse réitérée au lendemain de son investiture.

Abdellatif Nacer a été remis aux autorités de Rabat

Depuis le mois de mai, son administration a donné le feu vert au transfèrement de onze prisonniers qui ont reçu leur bon de sortie. Selon les conclusions de la Commission de révision de Guantanamo, un organisme gouvernemental créé par Obama pour réduire la population carcérale du camp, ces détenus présenteraient «  un certain niveau de menace au vu de leurs activités passées, mais (…) cette menace peut être atténuée  », à condition qu’ils demeurent sous surveillance. La procédure devrait bientôt être étendue à dix-sept autres détenus, et cet été, Abdellatif Nacer, un Marocain capturé en 2001 en Afghanistan, a été remis aux autorités de Rabat, où il fait l’objet d’une procédure judiciaire pour «  son implication présumée dans la perpétration d’actes terroristes  ».

Pour les ex-détenus réinstallés dans des pays tiers, le cauchemar n’a pas toujours pris fin. Selon l’organisation de défense des droits humains Reprieve, 30 % de ceux qui ont été réinstallés dans des pays tiers dans le cadre d’accords bilatéraux négociés par les États-Unis restent dans le brouillard juridique. Sans statut légal, dans l’impossibilité de travailler et de reconstruire leur vie, parfois exposés à la menace d’une expulsion vers leur pays d’origine, où les guettent la prison, la torture, la peine de mort. Sur les centaines de prisonniers passés par Guantanamo, douze seulement ont été traduits devant une justice d’exception. Pour quatre d’entre eux, les condamnations prononcées par des tribunaux militaires ont été annulées en appel par des juridictions ordinaires. Un désastre politico- judiciaire qui ne dissuade pas le Pentagone de réfléchir à la reconversion du camp en prévision des «  conflits futurs  ».

Rosa Moussaoui
L’Humanité du 11 janvier 2022

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