Sur les hauteurs d’Izyum, près de Kharkov, le drapeau de la Victoire soviétique contre le nazisme
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Les tremblements de terre, éruptions volcaniques et autres joyeusetés de notre mère la Terre sont dues au mouvement des plaques tectoniques. Elles se poussent les unes contre les autres et les zones de frictions entre elles créent des tensions qui s’accumulent jusqu’au point où l’une doit passer sur l’autre en faisant craquer la croûte terrestre sur laquelle nous vivons.
Tout le monde est contre les tremblements de terre… Mais ils continueront tant que le magma restera en fusion, c’est à dire tant que la planète sera encore vivante et habitable par les humains, dans des conditions par ailleurs "normales".
On ne peut pas empêcher les tremblements de terre, et même difficilement les prévoir.
On peut choisir, à la rigueur, de ne vivre que loin des zones sismiques et volcaniques. Mais cela réduirait de beaucoup l’habitat humain…
En un sens, la société humaine est faite de blocs géoéconomiques et géopolitiques très inégaux, en plus d’être différents par leurs valeurs sociales et culturelles. Ces blocs se comportent comme des plaques "tectoniques" géoéconomiques et géopolitiques qui ont inévitablement tendance à se pousser l’une contre l’autre dans tous les domaines et parfois jusqu’au point de tension tel qu’un conflit ouvert apparaît.
Il est parfois possible de réduire les points de tension par la négociation, à condition que les deux parties aient une motivation pour aboutir à un résultat.
Dans le cas contraire l’une des deux doit se soumettre à l’autre ou combattre pour repousser l’autre.
Dans le cas du Donbass, on était donc sur une ligne de fracture ouverte entre deux blocs depuis 2014, au moins. Et huit ans de négociations n’ont pas suffit à réduire la tension. Alors que des accords avaient été signés et ne demandaient plus qu’à être mis en œuvre.
Officiellement, personne ne veut la guerre, mais si l’une des deux parties refuse de mettre en œuvre les accords qu’elle a signé, c’est clairement celle là qui est responsable de la guerre. Dans l’histoire des négociations concernant l’application des accords de Minsk, c’est très nettement la responsabilité de l’Ukraine et de ses « sponsors » qui est en jeu.
L’Ukraine se trouve sur la ligne de fracture entre les blocs et son rôle dans le bloc occidental US-centré n’est pas de défendre sa propre indépendance, qui est juste une fable pour manipuler son peuple, mais de servir de tête de pont à la poussée de la plaque US-centrée contre la plaque russe.
La Russie n’avait donc pas d’autre choix que la soumission ou la guerre.
La soumission ne fait pas partie des valeurs culturelles russes, contrairement à ce que l’Occident s’imagine.
Si les Russes rejettent notre système politique basé sur des Jeux de combinaisons changeantes et sans capacité à se projeter dans la durée, c’est par désir de pragmatisme et non par esprit de soumission.
En deux décennies Poutine a réussi à reconstruire une bonne partie de ce que la décennie postsoviétique avait détruit, ainsi que permis à la Russie de retrouver sa place sur la scène internationale.
C’est manifestement ce que l’Occident US-centré ne lui pardonne pas et entend bien détruire par tous les moyens.
Le peuple ukrainien se trouve simplement au mauvais moment au mauvais endroit, mais cela ne l’empêchera pas indéfiniment de réfléchir.
C’est pourquoi les enjeux médiatiques sont au moins aussi importants que les affrontements armés. C’est ce que l’ont voit avec cette affaire de Boutcha et bientôt d’autres qui sont en "préparation" dans les officines de propagande occidentale.
L’affaire de Boutcha ne résiste pas à un examen attentif des faits allégués, mais elle était nécessaire pour tenter de justifier de nouvelles sanctions US et UE.
La communication intense et ultra-« réactive » sur le sujet permet, en outre, de faire barrage à toute tentative sérieuse d’examen des faits réels à Boutcha et ailleurs.
Il y a inévitablement des "bavures" tragiques possibles du côté des Russes, mais pas de politique systématique de la "terre brûlée". Alors que les Azoviens bombardent systématiquement, d’après les témoignages directs du terrain, les zones qu’ils laissent derrière eux en quittant les terres russophones qu’ils méprisent, en réalité, et qu’ils n’ont donc pas de scrupule à détruire avant de reculer ou de capituler, et encore moins, avant de mourir, comme cela semble être le choix de la plupart à Marioupol, ce qui rend la fin de cette bataille particulièrement difficile.
Ce que révèle une fois de plus la supposée « bavure de Boutcha », comme thème de manipulation médiatique, c’est la stratégie de non-négociation de la part de la plaque US-centrée : le retrait des troupes russes de la région de Kiev fait partie de la tentative russe de faire avancer les négociations directement en cours avec la partie ukrainienne. Or on a déjà vu que différents responsables ukrainiens qui avaient pris des initiatives positives dans ce sens ont été soit écartés soit carrément éliminés. La « réactivité médiatique ultra-rapide » du camp US-centré à présenter ce retrait russe comme une « victoire ukrainienne » dont les russes se seraient en quelque sorte « vengés » à Boutcha montre bien que toute concession qui est faite en termes de rapport de force est en fait une erreur stratégique qui se paye comptant.
En résumé, et avant d’aller plus loin, il faut donc déjà constater qu’il y a trois plaques géostratégiques d’importance mondiale :
La plaque US-centrée, la plaque chinoise, la plaque russe.
La place de la plaque russe est depuis plusieurs décennies déjà la plus instable. Depuis l’effondrement de l’URSS, en fait.
A la suite de cet effondrement, durant la décennie Eltsine, la plaque US-centrée a considéré la Russie comme une puissance vassalisée et définitivement amarrée à l’Europe elle-même en voie de vassalisation complète, ce que l’on a appelé, à l’époque, la supposée « Fin de l’Histoire ».
Avec l’arrivé au pouvoir de Poutine la Russie a commencé à rompre quelques amarres avec les USA et à dériver lentement vers la Chine.
En fait, la Russie est clairement devenue l’enjeu géostratégique essentiel des frictions entre les USA et la Chine. La Russie, c’est le plus grand pays du monde et celui qui détient une partie essentielle des ressources naturelles à l’échelle planétaire, ainsi que le plus grand stock d’armes nucléaires.
Mais, économiquement, avec l’effondrement de l’URSS, c’est toute l’économie russe qui s’est effondrée et ne constitue plus qu’une puissance économique secondaire dans la plupart des domaines. D’une importance comparable à l’Italie ou à l’Espagne, voire même, au Portugal, selon certains ! Autrement dit, une proie potentielle pour les deux autres plaques importantes, n’eut-ce été la reconstitution de sa puissance militaire, en dépit d’un budget limité, supérieur à celui de la France de 30% seulement, et ne représentant pas même le dixième du budget militaire US.
Du point de vue géoéconomique la plaque russe est donc partagée entre ses capacité d’autonomie, sa dépendance à l’égard de ses débouchés à l’Ouest et en Chine, également, et sa dépendance à l’égard des ses fournisseurs chinois, en termes de produits industriels dans de nombreux domaines.
A partir de 2014 et du coup d’Etat « Maidan » en Ukraine, c’est donc une guerre économique systématique que la plaque US-centrée a entrepris pour faire rebasculer la plaque russe complètement dans son camp, et sinon, la ruiner pour la laisser comme proie exsangue entre les griffes de la Chine, faute de mieux en termes de conquête. La stratégie de la plaque US-centrée est toujours la stratégie du tout ou rien, telle qu’on l’a vu au Vietnam ou en Afghanistan, plus récemment. Ecraser et soumettre, ou détruire.
La stratégie chinoise est plus subtile, du fait de la dépendance de la Chine à son commerce extérieur, et de son retard en termes d’armement nucléaire, également.
Avec sa stratégie des « Routes de la Soie » il s’agit, ni plus ni moins, que de faire rentrer ses « partenaires » dans sa propre dépendance. Pour survivre en tant que puissance industrielle exportatrice la Chine a besoin de pomper les ressources naturelles d’un grand nombre de pays, et y compris sur le plan alimentaire, du reste, faute d’une agriculture chinoise autosuffisante.
Sur le plan géoéconomique, les plaques US et chinoises sont entrées, depuis quelques années, dans une phase de confrontation directe, mais qui fait suite à une phase d’interdépendance, en termes de commerce extérieur et de circulation de capitaux. Avec les « Routes de la Soie » la Chine a donc entrepris un mouvement géoéconomique radical mais de longue haleine pour se détacher de son interdépendance avec l’économie US et US-centrée. C’est un mouvement dans le temps qui laisse encore une ou deux décennies aux USA pour aviser et tenter d’adapter leur riposte stratégique.
Le destin de la plaque russe est donc un enjeu majeur de cette phase qui peut voir basculer le leadership mondial entre les deux puissances dominantes, USA et Chine.
Mais l’évolution géopolitique du monde n’est pas un éternel recommencement du jeu d’échec des empires. Elle est essentiellement conditionnée par l’évolution technologique des forces productives et la capacité des nations à s’y adapter plus ou moins.
La première mondialisation, au milieu du XIXe siècle, est celle qui a vu l’émergence des nations industrielles, puis la transformation de certaines en empires industriels coloniaux et néocoloniaux, ce qui est, en fait, la deuxième mondialisation, opérée au début du XXe siècle, et qui s’est prolongée tout au long de ce XXe siècle, même si avec différentes phases.
Cette phase, basée sur l’exportation et la rentabilisation de capitaux à investir dans les pays dits « en voie de développement » a donc connu une dernière « apothéose », en quelque sorte, avec la « compradorisation », sinon la quasi-néocolonisation de la Chine maoïste finissante par l’Amérique de Nixon et prolongée avec succès sous Deng Xiaoping et ses successeurs immédiats.
Avec l’ère de l’informatique et de la robotisation apparaît un nouveau processus de développement des forces productives, basé essentiellement sur le capital fixe, c’est-à-dire sur la machinerie automatisée et robotisée, et non plus, principalement, sur le développement du prolétariat industriel, partout en recul, de fait, dans les pays les plus avancés en termes de technologies modernes.
C’est l’ère où les investissements productifs cessent d’être par eux-mêmes la principale source de rentabilité des capitaux, remplacés par les investissements de plus en plus spécifiquement spéculatifs et déconnectés de la valeur économique réelle de la production. C’est l’ère qui s’ouvre vraiment avec la crise de 2007-2008, à partir de laquelle il apparaît aujourd’hui nettement que le renouvellement des investissements en capital fixe, indispensable au renouvellement et au développement des forces productives, ne peut plus se produire en dehors de la création monétaire banco-centralisée nécessaire au renouvellement de la spéculation qui les soutient à travers les marchés financiers.
C’est le passage de l’ère du capitalisme « classique », basé sur la rentabilité de l’investissement productif, à l’ère du banco-centralisme, basée sur le contrôle de l’économie par la création monétaire banco-centralisée et la prééminence de la dette publique et privée sur la survie et le développement de l’économie.
Ce ne sont plus les empires industriels qui décident des zones d’investissement en fonction de leur rentabilité, mais les banques centrales qui orientent les crédits et l’endettement nécessaires au contrôle des ressources naturelles et de l’appareil productif, par le contrôle de l’investissement en capital fixe.
Les « Routes de la Soie » sont une excellente illustration de cette évolution. La lutte d’influence entre plaques géoéconomiques modernes ne se fait plus en termes d’exportation de capitaux productifs rentables mais en termes de domination des zones monétaires banco-centralisées. L’enjeu des « Routes de la Soie » n’est pas tant la rentabilité des capitaux investis que l’autonomisation, par rapport au dollar, de l’emprise monétaire du yuan sur les ressources, le commerce et l’industrie des pays concernés.
Ce qui avance avec les « Routes de la Soie », c’est le monde orwellien du « crédit social à la chinoise », le monde le l’emprise totale de la Banque Centrale sur les moindres aspects de la vie des citoyens. Un contrôle absolument nécessaire à la survie d’un système banco-centraliste basé sur le contrôle du cycle de la dette par une caste bureaucratique ultra-concentrée, et réduite au gouvernorat des Banques Centrales, en dernière analyse, et non pas sur le développement d’une société libre permettant l’épanouissement équilibré des citoyens.
Le monde dollarisé et euro-dollarisé, de son côté, subit, et notamment grâce à la dite « crise du covid » une évolution orwellienne et banco-centraliste exactement parallèle, même si plus discrète et progressive. Le système chinois est le modèle qu’envie secrètement, ou pas très secrètement, du reste, bien souvent, l’élite banco-centraliste US et européenne.
Entre ces deux géants le monde russe apparaît comme une sorte de zone économiquement « neutre », et même de « no mans land » en terme de banco-centralisation, dans la mesure où son économie, très faible, bénéficie au moins d’une force : celle de n’être quasiment pas endettée, au-delà d’un minimum qui est nécessaire à son développement annuel. Même avec le surgissement de la guerre et des nouvelles sanctions en rafales quasi-quotidiennes, Poutine à réussi à réorganiser son crédit intérieur sans faire appel à une intervention de création monétaire supplémentaire spéciale de sa propre banque centrale.
De sorte que le Rouble, malgré la tentative de mise à mort dont il est quotidiennement l’objet, apparaît bien comme le vilain petit canard que l’on attendait pas sur le marché des changes, et, avec le paiement du gaz et du pétrole immédiatement convertissable en Roubles, permet à l’économie russe de résister à l’épreuve du feu, c’est le cas de le dire, et partant de là, se soutenir aussi son effort militaire en Ukraine.
C’est déjà, en fait, et aussi inattendue que possible, la première grande victoire géoéconomique et géostratégique obtenue par la Russie depuis le début de cette nouvelle phase du conflit.
Dans ce contexte, on comprend la rage des USA et de leurs larbins européens à s’acharner à trouver prétexte pour de nouvelles sanctions économiques, et donc aussi prétexte à les faire accepter par leurs propres populations, vu les conséquences délétères possible pour la vie sociale en Occident.
Par la force des choses elles-mêmes, par l’évolution du conflit et le refus d’aboutir à un accord négocié autre que la capitulation de la Russie, les occidentaux ont poussé la Russie à prendre des mesures radicales qui vont encore plus dans le sens de l’autonomie de sa survie et de son développement économique, en dehors des circuits de la finance banco-centralisée.
Dans la mesure où elle est encore dépendante, pour l’essentiel, de ses propres exportations vers l’Occident, la Chine ne peut donc pas profiter outre-mesure, c’est à dire au-delà du volume d’échanges préexistant au conflit, de son commerce avec la Russie. Elle se trouve « neutralisée », en fait, dans ce conflit, au-delà de quelques rodomontades diplomatiques de soutien très formel et « socialement distancié » à l’égard de la Russie
Et d’autant plus qu’elle avait, précédemment, pris d’importantes options économiques dans le régime de Zelensky, qui ne la rapprochaient déjà donc pas d’un soutien inconditionnel à l’intervention russe, de toutes façons…
L’intervention russe, au-delà de son aspect contingent de survie et de Résistance, en fait, face à l’hégémonie du monde dollarisé et de sa succursale ukrainienne, marque donc bien l’apparition et la renaissance de la plaque géopolitique russe comme une force d’indépendance vis-à-vis des deux géants banco-centralisés que sont les USA et la Chine.
C’est ce qu’ont déjà compris un très grand nombre de pays dits « en voie de développement » qui y voient la possibilité de formation d’un troisième pôle mondial, entre les USA et la Chine : celui des nations et des peuples en quête d’indépendance et de liberté. La Russie est donc très loin d’être isolée sur la scène internationale, contrairement à ce que tentent de nous faire croire nos médias conditionnés et manipulés par l’élite banco-centraliste.
Le destin du monde, une dernière chance d’échapper à l’hégémonie orwellienne banco-centraliste, se joue dans les semaines et les mois qui viennent. Tous les régimes nationalistes indépendant ne sont évidemment pas tous des modèles de démocratie, et même loin de là, mais une chose est certaine : il n’y a pas de démocratie possible sans indépendance nationale, et d’autant moins, dans un univers orwellien banco-centralisé.
Si le peuple français refuse de prendre sa place dans le pôle des nations indépendantes il refuse donc, objectivement, même si inconsciemment, de reconquérir son droit à la liberté et à la démocratie. Ce refus est fortement encouragé par l’ensemble des forces politiques dites « représentatives » sur le territoire français, y compris les forces dites d’ « extrême-gauche » et même supposément « marxistes ». Montrant par là que ces pseudo-« marxistes » n’ont pas même compris le premier mot de l’évolution du monde moderne, alors que dans les Grundrisse de Marx, dix ans avant la parution du Capital, elle est pourtant parfaitement décrite et expliquée dans la logique du développement des forces productives et de la prééminence du capital fixe qu’elle implique, à terme : le terme dans lequel se trouve le monde du XXIe siècle !
En raison de l’importance du développement démographique par rapport aux ressources naturelles, le monde communiste « idéal » de surabondance universelle des biens matériels ne deviendra donc sans doute jamais une réalité, mais un monde des nations libres et démocratiques est encore possible, à condition de recommencer à la base, pas à pas.
Le marxisme, à l’origine, de toute façon, et par définition, était précisément le contraire d’un idéalisme : en tant que matérialisme dialectique, et non pas dogmatique, simplement l’analyse concrète d’une situation concrète. Comme on vient de le voir, c’est toujours le cas !
Luniterre
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Sur le terrain, trois reportages récents de Patrick Lancaster :
http://mai68.org/spip2/IMG/mp4/Ukra…