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Picasso vu d’Orient

dimanche 8 mai 2022, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 8 mai 2022).

Picasso vu d’orient

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8 mai 2022

Assawra

Muhammad Omran - Syrie

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« Picasso et les avant-gardes arabes », à l’Institut du monde arabe de Tourcoing (Nord). Cette exposition met en correspondance l’oeuvre du maître espagnol et les artistes modernes du monde arabe.

L’exposition fait dialoguer d’emblée le portrait de Dora Maar, alors muse et compagne de Picasso (1937) , avec une oeuvre de l’Égyptien Samir Rafi, Visage d’homme à la bougie (1956) . Les correspondances entre l’Espagnol et les artistes modernes du monde arabe se font naturellement : « Leurs oeuvres se ressemblent, avec ou sans les mêmes sources, s’amuse Mario Choueiry, commissaire de l’exposition, à tel point qu’il n’est pas si facile de deviner si certaines sont de Picasso ou non… »

Cet axe de recherche original n’avait jamais été étudié, « même s’il a pour origine un cycle de conférences dispensé par Mario Choueiry » , indique Françoise Cohen, directrice de l’IMA de Tourcoing, qui a conçu avec lui l’exposition. Une trentaine d’oeuvres du maître sont mises en miroir avec des créations d’artistes majeurs d’Irak (Jawad Selim), du Liban (Rafic Charaf), de Syrie (Adham Ismaïl) ou encore d’Algérie (Mohammed Khadda), entre la fin des années 1940 et 1980. Un jeu de correspondances qui pourrait étonner puisque Picasso ne s’est jamais rendu dans le monde arabe. Il en a pourtant fécondé la modernité : dès 1938, le manifeste Vive l’art dégénéré , signé par les surréalistes égyptiens du Groupe art et liberté, reproduit en en-tête Guernica, et Picasso est encore au centre du Manifeste du Groupe de Bagdad. Inversement, le maître espagnol, né à Malaga, a lui aussi puisé dans le monde arabe : en témoigne son cycle consacré aux Femmes d’Alger, de Delacroix, réa- lisé juste après le déclenchement de la guerre d’Algérie. La calligraphie et l’arabesque parfaitement maîtrisées par Picasso, ou la figure concrète du taureau, élément du zodiaque musulman du XVe siècle, illustrent son lien avec les arts de l’islam. « Picasso s’est vu plus latin moralement, plus arabe rythmiquement » , écrit Guillaume Apollinaire en 1905 tandis que d’autres textes évoquent l’« arabisme » du peintre. Si des artistes comme l’Irakien Jamil Hamoudi (1924-2003) ou Samir Rafi ont connu Picasso, pour d’autres, tel l’Algérien Mohammed Khadda, le dialogue est resté purement artistique.

Les guerres sont au coeur des oeuvres exposées : l’Algérie, avec le portrait de Djamila Boupacha , militante du FLN, que Picasso réalise à la demande de Gisèle Halimi, mais aussi le Liban ou encore les massacres perpétrés par le régime syrien en février 1982 pour éradiquer l’opposition des Frères musulmans à Hama. Dans le triptyque du peintre syrien Alwani Khozaima (né en 1935), on retrouve ainsi des formes et personnages issus de Guernica, comme le minotaure ou le cheval à la langue pointue…

En collaboration avec le Musée Picasso, à Paris, l’exposition aborde des enjeux artistiques et idéologiques fondamentaux du XXe siècle : la représentation, les arts premiers, le pacifisme, l’anticolonialisme et le rêve d’un monde meilleur. Offrant un regard inédit sur l’oeuvre du peintre espagnol, qui, selon ses propres mots, aurait « aimé être maure ou oriental » .

Fanny Magdelaine
La Croix du 07 mai 2022

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