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La Résistance : ça paye !!!

samedi 10 mars 2018, par Luniterre

La Résistance

ça paye !!!

L’un promettait à l’autre "le feu et la fureur", mais ils vont finalement se serrer la main. Donald Trump a accepté l’invitation du leader nord-coréen Kim Jong-un, qui avait "fait part de son désir" de rencontrer le président américain "le plus vite possible", et une entrevue aura lieu "d’ici fin mai", a expliqué vendredi 9 mars le conseiller national sud-coréen à la Sécurité, Chung Eui-yong, qui a servi de messager.

L’annonce intervient après un réchauffement des relations entre les deux Corées, autour des JO de Pyeongchang, mais ne représente pas moins une surprise. Et un événement historique. Il n’y a jamais eu, en effet, de rencontre entre un chef d’Etat nord-coréen et un président américain en exercice. Les menaces de Donald Trump et l’escalade des sanctions contre Pyongyang ont-elles payé ? Ou est-ce l’héritier de la dynastie Kim qui réussit un coup de maître et le président américain qui a tort d’espérer obtenir des concessions ? Franceinfo vous explique les raisons de cette rencontre inédite avec deux experts de la Corée du Nord.

Parce que la Corée du Nord est sous pression ???

L’été dernier, Washington et Pyongyang semblaient au bord d’un conflit explosif. La Corée du Nord multipliait les essais nucléaires et balistiques, menaçait l’île américaine de Guam et affirmait maîtriser la bombe H. Fin novembre, elle annonçait même être capable de frapper "la totalité du continent américain". Mais les tensions étaient aussi attisées par la rhétorique belliqueuse de Donald Trump. Face aux menaces, le président américain promettait "le feu et la fureur telle que le monde n’en a jamais vu" et de "détruire la Corée du Nord" si jamais les Etats-Unis avaient à se défendre. Des avertissements bien plus directs que ceux de ses prédécesseurs.

L’annonce de sa rencontre prochaine avec Kim Jong-un valide cette stratégie menaçante des Américains, explique à franceinfo Valérie Niquet, responsable du pôle Asie de la Fondation pour la recherche stratégique. Elle prouve que "quand on montre une vraie détermination, et pas seulement une attitude ambiguë, ça marche". Pour cette chercheuse, la Corée du Nord mène sa diplomatie en calculant "le coût et les bénéfices" : attaquer les Etats-Unis serait s’exposer à une riposte "qui signerait la fin du régime".

Une explication qui ne convainc pas Antoine Bondaz, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, joint par franceinfo. Pour lui, "il n’y a pour l’instant aucun succès" de l’approche de Donald Trump, dans la mesure où la Corée du Nord n’a pas fait de promesses fermes en échange de cette rencontre avec le président américain, à l’exception d’un gel des essais qui était déjà en place depuis fin novembre. Cette rencontre à l’initiative de la Corée du Nord illustre surtout "l’effet des sanctions" de la communauté internationale sur le régime de Kim Jong-un. Face au président américain, le dictateur cherchera sans doute à alléger la pression économique sur son pays, qui complique sa capacité à "satisfaire les élites qui le soutiennent", acquiesce Valérie Niquet.

Parce que Kim Jong-un a tout à gagner

Pour Antoine Bondaz, pas de doute, c’est la Corée du Nord qui "mène la danse" dans cette séquence diplomatique. Qu’a-t-elle à y gagner ? Un sommet peut "lui donner une légitimité politique" : Kim Jong-un deviendrait le premier dirigeant nord-coréen à réussir à rencontrer un président américain, un objectif de longue date de la dynastie Kim. S’asseoir autour d’une table "lui donne un statut d’égal à égal" avec Donald Trump. Comme l’a fait remarquer un chercheur américain sur Twitter, une visite à Pyongyang du président des Etats-Unis est même présenté comme le happy end dans un film de propagande nord-coréen des années 1980.

"Kim Jong-un peut transformer cette rencontre en quelque chose de prestigieux" aux yeux de son peuple, confirme Valérie Niquet, et "se présenter comme un dirigeant raisonnable, qui choisit la paix". Pour la Corée du Nord, organiser un sommet avec les Etats-Unis équivaut même à un rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays, quand bien même elles ne le seraient pas officiellement (les deux pays n’ont aucun contact et ne s’envoient pas d’ambassadeurs). "Cela ouvre la voie à une reconnaissance officielle", un autre objectif historique du régime, estime Antoine Bondaz. En somme, cette rencontre est déjà une victoire pour le leader nord-coréen, que la discussion avec Donald Trump débouche ou non sur un accord. Parce que Donald Trump fait un pari politique

"La stratégie de la Corée du Nord n’est pas surprenante, explique Antoine Bondaz. Ce à quoi personne ne s’attendait, c’est que Donald Trump accepte, et que ça se fasse aussi rapidement." En effet, c’est loin d’être la première fois qu’un président américain décroche une invitation de la part de Pyongyang : Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama ont tous été conviés. "Mais ils refusaient de faire un sommet sans qu’il y ait un accord", explique Antoine Bondaz, et n’avaient jamais réussi à obtenir des garanties suffisantes.

C’est en cela que l’annonce de cette rencontre est étonnante. "Normalement, on négocie pendant des mois entre diplomates, jusqu’à avoir obtenu un accord viable, souligne le chercheur. Et ensuite, on organise un sommet pour couronner cet accord." En décidant d’une rencontre dans seulement deux mois, et avant même le début de quelconques négociations, Donald Trump "met la charrue avant les bœufs". Pour Valérie Niquet, ce changement d’approche s’explique par "la pression très forte" exercée sur la Corée du Nord, qui placerait Washington dans une position favorable pour obtenir des concessions. Pour Antoine Bondaz, en revanche, elle montre surtout que "Donald Trump n’est pas un diplomate", même si le milliardaire vante ses prouesses de négociateur.

Donald Trump semble croire qu’il peut obtenir de la Corée du Nord des avancées vers une dénucléarisation du régime, et pas seulement un gel de son programme nucléaire. Il l’a souligné dans un tweet vendredi. Mais si Kim Jong-un a bien évoqué avec les Sud-Coréens la possibilité de discuter de ce sujet, il n’a pris aucun engagement en ce sens. Ce qui place Donald Trump dans une situation d’asymétrie : la Corée du Nord tire déjà le bénéfice, en terme d’image, de l’organisation de cette rencontre, alors que le président américain devra les convaincre de faire des sacrifices. S’il échoue, "il risque de perdre du crédit politique".

Tout dépendra sans doute du travail de l’ombre des négociateurs, mais obtenir un accord important en seulement deux mois "est très peu crédible", estime Antoine Bondaz. D’autant que les Etats-Unis sont dépourvus de négociateurs rodés aux discussions avec la Corée du Nord, alors que "côté nord-coréen, il y a des gens qui négocient depuis des décennies avec les Américains et les connaissent bien". En tentant un coup politique historique, Donald Trump prend donc le risque d’un retour de bâton.

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Sommet Trump - Kim Jong-un :

"Les Etats-Unis ont beaucoup plus à perdre que la Corée du Nord"

DIPLOMATIE - Comment expliquer l’annonce surprise d’un sommet entre les États-Unis et la Corée du Nord ? Après des mois de tensions, que faut-il espérer de la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un ? Antoine Bondaz, chercheur associé au Centre de recherches internationales de Sciences Po et spécialiste de la politique étrangère coréenne, a répondu aux questions de LCI.

09 mars 14:09Matthieu Jublin

Personne ne l’imaginait il y a quelques jours, mais Donald Trump et Kim Jong-un devraient se rencontrer prochainement. L’annonce par Séoul de ce sommet Etats-Unis-Corée du Nord, dans la nuit du 8 au 9 mars, a surpris tous les observateurs, y compris… Rex Tillerson, le secrétaire d’Etat américain. Si la date et le lieu de l’événement ne sont pas encore connus, un responsable nord-coréen a déclaré que Kim Jong-un s’est engagé à discuter d’une "dénucléarisation" de la péninsule coréenne et qu’il a promis d’arrêter tout test nucléaire d’ici le sommet.

LCI : Cette annonce est-elle vraiment une surprise ?

Antoine Bondaz : Ce n’est pas une surprise d’un point de vue nord-coréen. Ça fait des décennies que la Corée du Nord essaie d’organiser un tel sommet. Et le pays était entré dans une séquence diplomatique depuis novembre 2017, dont l’invitation de Donald Trump était une conclusion logique. C’est plus surprenant du point de vue américain. D’abord parce que c’est la première rencontre entre le dirigeant nord-coréen et un président américain en exercice. Ensuite, parce que ce sommet va s’organiser très rapidement. Normalement, vous avez des mois de négociations, et on fait un sommet quand on pense avoir un accord, afin de couronner ce travail en amont. Là, on met la charrue avant les bœufs, et je pense que les diplomates américains eux-mêmes ont été surpris. Le sommet est annoncé avant même le début des négociations. Si, sur le fond, ces annonces sont surprenantes, elles le sont encore plus sur la méthode.

LCI : Les deux leaders semblent sortir gagnant de cette séquence, mais quels sont les risques à long terme ?

Antoine Bondaz : À très court terme tout le monde est gagnant. L’organisation de ce sommet est déjà une victoire diplomatique pour la Corée du Nord. C’est également une reconnaissance implicite des relations diplomatiques entre les deux pays, alors qu’elles n’existent pas officiellement. Enfin, Kim Jong-un ne s’est engagé à rien. Il a dit être prêt à discuter d’une "dénucléarisation de la péninsule", mais ce terme peut vouloir dire plusieurs choses, comme la fin de l’alliance entre les Etats-Unis et la Corée du Sud, protégée par le parapluie nucléaire américain. Côté américain, Trump peut dire que sa stratégie a fonctionné, que ce soit vrai ou pas. La question, c’est celle de l’après-sommet. Le risque, c’est de donner de la légitimité internationale à Kim Jong-un, sans rien obtenir en retour. Et les Etats-Unis ont beaucoup plus à perdre à ce moment. Il très difficile d’analyser ce que fait Donald Trump et de savoir si ses décisions dépendent du contexte intérieur aux Etats-Unis. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas une séquence imaginée par des diplomates. Pour l’instant, ça apparaît plus comme un coup politique que comme un coup diplomatique.

LCI : Quel est le rôle de la Corée du Sud et de la Chine dans cette séquence ?

Antoine Bondaz : La Chine a toujours été en retrait sur cette question-là. Elle appelle au dialogue, et ce sommet est conforme à ses intérêts, mais elle n’y a pas contribué activement. Par contre, la Corée du Sud a eu un rôle fondamental, en servant d’intermédiaire entre Pyongyang et Washington, et en rendant ce sommet politiquement possible. À partir du moment où le Sud a initié le dialogue et a accepté de participer à un sommet inter-coréen, alors il devenait acceptable pour Trump d’organiser un sommet. La Corée du Sud, dont l’objectif était d’établir un dialogue direct entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, a débloqué la situation. Diplomatiquement, c’est un coup de maître.

Il faut parvenir à un accord avant que les missiles intercontinentaux nord-coréens soient pleinement opérationnelsAntoine Bondaz

LCI : Peut-on imaginer un scénario de sortie de crise ?

Antoine Bondaz : On est encore très loin d’une dénucléarisation. En plus du gel des tests nucléaires nord-coréen, il faut parvenir à un gel du programme nucléaire, vérifié par l’AIEA, et enfin, au démantèlement des capacités nucléaires. On est aussi loin d’un retour de la Corée du Nord dans le jeu diplomatique, mais l’existence de sommet permet déjà de créer des opportunités. C’est désormais le travail des négociateurs de transformer ces opportunités en gains diplomatiques. Mais soyons honnêtes : négocier un tel accord en quelques mois, alors que le dialogue était inexistant il y a quelques semaines et que les négociateurs historiques américains sont partis, c’est extrêmement compliqué. En face, les négociateurs nord-coréens sont très expérimentés.

LCI : Cette position de force est-elle aussi garantie par les capacités nucléaires de la Corée du Nord ?

Antoine Bondaz : Oui. Côté américain, il y a urgence. Il faut parvenir à un accord avant que les missiles intercontinentaux nord-coréens soient pleinement opérationnels. Arriver à un gel des essais est déjà une victoire de Trump sur ce plan-là, car la menace est contenue.

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SOURCE DE LA COMPILATION :

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2018/03/10/la-resistance-ca-paye/

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