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la contre-réforme des retraites vue depuis la Suisse

samedi 18 mars 2023, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 18 mars 2023).

Réforme des retraites françaises : les scénarios d’une impasse institutionnelle

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Publié vendredi 17 mars 2023 à 17:00
Modifié vendredi 17 mars 2023 à 19:02

Paul Ackermann, Paris

Motion de censure, remaniement, dissolution, référendum, endormissement ou embrasement… tout est possible après le passage en force à l’Assemblée

Jeudi soir 16 mars 2023 après le recours au 49.3, des manifestants brûlent les poubelles abandonnées sur les trottoirs de Nantes par la grève des éboueurs. — LOIC VENANCE / AFP

Les actions spontanées et les débordements se sont multipliés en France depuis que la première ministre, Elisabeth Borne, a déclenché jeudi l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer la très impopulaire réforme des retraites sans vote à l’Assemblée. Incendies de poubelles et d’effigies des membres du gouvernement en marge de manifestations improvisées dès jeudi soir, blocage du périphérique parisien et de voies ferroviaires dans le sud du pays vendredi, annonce d’une montée en puissance de la mise à l’arrêt des raffineries : les opposants haussent le ton alors que les syndicats appellent à « des rassemblements de proximité » ce week-end, ainsi qu’à une neuvième grande journée de grèves et de manifestations dans tout le pays jeudi.

Le passage en force parlementaire semble donc avoir mis de l’huile sur le feu d’un mouvement qui commençait à tourner en rond. Il démontre aussi l’absence de majorité à l’Assemblée sur une réforme dont deux tiers des Français ne veulent pas. Comment le gouvernement sortira-t-il de l’impasse institutionnelle qui pourrait l’entraver bien au-delà de ce texte ? Voici quelques scénarios (qui ne s’excluent pas l’un l’autre).

La motion de censure

Lundi, l’Assemblée se prononcera sur les motions de censure déposées ce vendredi. Malgré les négociations pour aligner toutes les oppositions derrière une seule motion portée par des indépendants, le scénario d’un gouvernement censuré est jugé peu probable, puisqu’il faudrait qu’une trentaine de députés Les Républicains (LR) vote cette motion, ce que les dirigeants du parti ont exclu. Certains des LR les plus opposés à la réforme, ceux-là mêmes qui ont poussé le gouvernement à passer en force, ont cependant répondu qu’ils prenaient le week-end pour réfléchir à ce qu’ils allaient faire.

Pour faire tomber le projet malgré une possible validation définitive la semaine prochaine, la gauche affirme réfléchir au lancement d’un référendum d’initiative partagée (qui nécessite tout de même près de 5 millions de signatures…) et/ou à un recours au Conseil constitutionnel, qui pourrait retoquer certaines parties du texte. Des options qui ont peu de chances d’aboutir au retrait de la réforme.

Le scénario CPE

Même si le texte est validé, le recours au 49.3 renforce la conviction des syndicats qu’il faut continuer à pousser le gouvernement à l’abandonner. Et pour illustrer le réalisme de cette position, ils ressortent à qui veut l’entendre le destin du Contrat première embauche (CPE), abandonné en 2006 par Jacques Chirac face à la persistance de la mobilisation. « La grande différence est que contre le CPE, tout comme en 1986 avec le retrait de la réforme universitaire à la suite du décès du manifestant Malik Oussekine, c’était d’immenses mouvements de jeunesse qui menaient la lutte », nous explique Guy Groux, sociologue au Centre de recherches politiques de Sciences Po. « Ce n’est pas face à la pression de syndicats que l’on a reculé. Les syndicats sont cadrés par le droit, ce sont des institutions. Ils ne provoquent pas les mêmes exactions et les mouvements de jeunesse sont beaucoup moins contrôlables. »

La dissolution

Jeudi matin, BFMTV assurait qu’Emmanuel Macron faisait planer la menace d’une dissolution de l’Assemblée en cas de vote perdu sur les retraites. Le dernier à avoir provoqué ainsi de nouvelles élections en mettant fin prématurément à un mandat parlementaire est Jacques Chirac en 1997. Et il s’en était mordu les doigts car la manœuvre avait abouti à une majorité de gauche et une cohabitation. Impossible de dire aujourd’hui sur quelle majorité déboucheraient de nouvelles élections dans ce paysage politique troublé. Seul le Rassemblement national semble en position de force. A l’automne, Emmanuel Macron faisait cependant déjà savoir qu’il envisageait un recours à cet outil en cas de motion de censure adoptée par l’Assemblée. Aujourd’hui, il pourrait y être poussé par la paralysie qui s’annonce avec cet hémicycle sans majorité, dont les derniers jours ont prouvé que l’on ne pouvait plus prévoir les votes, même en fonction des engagements partisans passés. Marc Ferracci, député des Français de Suisse très proche du président, juge que la dissolution n’est pas souhaitable dans l’immédiat et favorise l’option de continuer d’essayer d’avancer texte par texte en misant sur le fait qu’une partie des Républicains restera ouverte au compromis sur des sujets moins sensibles. Guy Groux conclut que la dissolution reste peu probable, tant le parti présidentiel risquerait d’y perdre. « Ce serait vraiment la porte ouverte à l’aventure. »

Le remaniement

Lors des réunions à l’Elysée ayant mené au 49.3, Elisabeth Borne aurait déclaré « assumer d’être un fusible ». Un changement de premier ministre et de gouvernement est largement évoqué depuis des semaines comme porte de sortie de cette période de tensions. « Si la ligne reste la même, cela ne changera rien pour les Français », estime cependant Brice Teinturier, politologue de l’institut de sondages Ipsos interrogé par l’AFP. D’autant que « le lien n’est pas du tout rompu entre la majorité et la première ministre », selon Marc Ferracci, pour qui certains ministres qui « n’ont pas donné satisfaction » pourraient tout de même bouger.

L’endormissement

Le recours au 49.3 aboutira à l’adoption du texte sans vote à l’Assemblée si aucune motion de censure ne parvient à renverser le gouvernement. La mobilisation de jeudi devrait être importante. Mais que se passera-t-il après ? Les deux dernières journées de mobilisation, celles du 11 mars et du 15 mars, étaient caractérisées par une forte baisse de la participation. Si le texte avait été voté jeudi, on se serait dirigé vers un retour au calme. Cela pourrait aussi être le cas une fois l’orage du 49.3 passé. « Il peut y avoir des actions radicales qui ressembleraient à des barouds d’honneur, envisage Guy Groux. Mais qui aurait pu prédire que le mouvement des Gilets jaune durerait un an. S’il y a une radicalisation qui échappe aux syndicats, tout devient imprévisible. »

L’embrasement

Un élément perturbateur plane en effet sur le scénario de l’endormissement. Les observateurs sont de plus en plus nombreux à faire remarquer que ce mouvement social semble dépasser la réforme des retraites. Le déclassement français, les effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat et même une certaine disposition de la population après les bouleversements de la pandémie seraient ainsi aux origines d’une colère multiple et large. La résignation et le dépit qui pourrait en découler ne seraient donc pas nécessairement synonymes de résolution du conflit. « On pourrait voir l’émergence de mouvements hybrides, une « giletjaunisation » des colères et une crise de légitimité du pouvoir, avec une radicalisation qui s’étendrait à d’autres revendications, envisage Guy Groux. Et il y aura une traduction électorale à tout cela dès les Européennes de 2024, avec un Rassemblement national et une France Insoumise qui disent déjà que c’est l’Europe qui impose au président sa réforme des retraites. »

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