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Défense : « Voter 413 milliards de crédits militaires sans avoir de débats avec le pays, ce ne serait pas sérieux »

lundi 22 mai 2023, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 17 mai 2023).

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17 mai 2023

Assawra

Dans une tribune au « Monde », un collectif de députés et de sénateurs, parmi lesquels Pierre Laurent et Fabien Roussel, regrette que la loi de programmation militaire (LPM) proposée par le gouvernement n’ait été précédée d’aucune discussion sur les opérations extérieures, d’armée complète pour la haute intensité ou encore réévaluer notre politique de dissuasion.

Le gouvernement a présenté le 4 avril une loi de programmation militaire (LPM) d’un montant exceptionnel de 413 milliards d’euros. Son inscription au Parlement n’est précédée d’aucun débat stratégique, d’aucun Livre blanc. Sa justification est martelée sans contradiction : la guerre est revenue, le monde se surarme, la France doit suivre le mouvement pour « tenir son rang ». Une telle loi nous engage pour des décennies. Elle repose sur une vision du monde et du rôle qu’entend y jouer la France, sur une conception de la défense nationale et de nos alliances, sur des coopérations et programmes industriels d’ampleur. La trajectoire budgétaire proposée ferait passer le budget de la défense de 43,9 milliards en 2023 à 69 milliards en 2030. Le Haut Conseil des finances publiques souligne la lourde contrainte que cela fera peser sur les autres budgets de l’Etat. Pour nous, de tels choix ne peuvent être actés sans grand débat national. En pleine crise démocratique, nous ne pouvons nous contenter de discussions expéditives, tenant à distance les Français. Plusieurs questions doivent être ouvertes au débat public.

Réévaluer notre vision stratégique de l’état du monde. De l’Afghanistan jusqu’au Sahel, et aujourd’hui l’Ukraine, toutes les guerres récentes montrent l’échec des solutions militaires. La sécurité du monde appelle d’autres choix. Santé, alimentation, social, énergie, climat… : nous avons besoin d’une approche globale des insécurités mondiales. Le développement à l’heure de la transition écologique, les nouvelles interdépendances, l’émergence politique d’un Sud refusant les dominations d’hier exigent une vision renouvelée de nos partenariats mondiaux, loin de l’enfermement dans l’alliance militaire occidentale qu’est l’OTAN.

Rompre notre dépendance aux opérations militaires extérieures. Les opex, ces coûteuses expéditions néocoloniales, se sont multipliées depuis vingt ans avec des résultats calamiteux. Après le fiasco de « Barkhane » au Sahel, il est temps d’abandonner le modèle d’une armée de projection extérieure, bâtie au détriment des missions de protection du territoire national. Cela implique des révisions structurantes. A quoi sert un nouveau porte-avions ? A quoi servent nos bases permanentes en Afrique ou au Moyen-Orient ? Reconstruire une défense opérationnelle du territoire digne de ce nom. Défense du territoire et lien à la nation sont les grands oubliés de la professionnalisation de nos armées tournées vers la projection extérieure. Ni le service national universel (SNU) envisagé, ni le doublement hypothétique de la réserve opérationnelle ne sont la réponse. La France a besoin d’un débat pour une conception citoyenne renouvelée de nos capacités de défense territoriale, aux missions diversifiées, activables en cas de menace majeure.

Interroger le concept d’armée complète

Cette révision doit prendre en compte les besoins spécifiques de protection des départements, régions et collectivités d’outre-mer et de leurs zones économiques exclusives. Interroger le concept d’armée complète pour la haute intensité. Sans avoir été vraiment discuté, ce concept se voit consacré par la LPM. Nous préparons la guerre, dit le président de la République. Mais où, contre qui, et quelles menaces ? S’agit-il de mieux défendre notre territoire et de concevoir notre modèle d’armée en conséquence, ou plutôt de renforcer la capacité de nos armées à prendre part aux opérations militaires de l’OTAN, en acceptant le pilotage de la définition des menaces par les Etats-Unis ?

Rouvrir le débat national sur la dissuasion nucléaire. Dans la nouvelle LPM, 54 milliards d’euros seraient fléchés vers la modernisation de notre force de dissuasion. C’est une somme considérable, investie dans une technologie capable d’anéantir la vie humaine, et alors que la doctrine française de non-emploi est questionnée par l’escalade mondiale actuelle. Les tensions internationales appellent à réévaluer notre politique de dissuasion, en lien avec le respect de nos engagements internationaux, dont l’article 6 du traité de non-prolifération nucléaire visant au désarmement nucléaire multilatéral. Pourquoi refuser la nécessité pour la France d’accéder au statut de membre observateur du traité sur l’interdiction des armes nucléaires ? Repenser nos industries d’armement. Le président de la République abuse de la formule « économie de guerre ». Nos industries de défense sont en vérité dans un état très contradictoire : de grandes capacités technologiques cohabitent avec de graves lacunes à couvrir les besoins de nos armées.

Reprendre l’initiative pour la paix

Nos industriels sont tournés vers l’exportation. Troisième marchand d’armes au monde, la France est doublement dépendante, de ses clients (dont les riches dictatures du Golfe), et des Etats-Unis pour la fourniture de composants et de renseignements. Pour une conduite souveraine de notre défense, nous devons repenser la gouvernance et le modèle économique de nos industries d’armement. Reprendre l’initiative pour la paix.

Avec la LPM, Emmanuel Macron parle d’avoir « une guerre d’avance », mais ne risquons-nous pas d’avoir toujours une paix de retard ? La diplomatie française doit être replacée au premier plan, au service de la désescalade, de la paix, du désarmement, et d’une approche multidimensionnelle des enjeux de sécurité et de développement.

En Ukraine, en Afrique, au Moyen-Orient, que faisons-nous pour reconstruire des chemins durables pour la paix ? Reprendrons-nous enfin l’initiative contre la militarisation et le surarmement actuels ? Voter 413 milliards de crédits militaires sans avoir ces débats avec le pays ne serait pas sérieux. Menons partout ces débats au grand jour, sans tabous ni interdits ! Nos choix de défense ont besoin de redevenir l’affaire des citoyens.

Collectif

Steve Chailloux, député (Tavini huiraatira) de la Polynésie, membre de la commission de la défense de l’Assemblée nationale ; Michelle Gréaume, sénatrice (PC) du Nord, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ; Pierre Laurent, sénateur (PC) de Paris, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ; Jean-Paul Lecoq, député (PC) de la Seine-Maritime, vice-président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale ; Tematai Le Gayic, député (Tavini huiraatira) de la Polynésie, membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale ; Fabien Roussel, député (PC) du Nord, membre de la commission de la défense de l’Assemblée nationale.

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