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LA GRÈVE DES CHEMINOTS FRANÇAIS

vendredi 13 avril 2018, par Robert Bibeau

La grève des cheminots français est exemplaire sous bien des aspects ; elle scinde la société française en deux camps opposés, irréconciliables ; elle ralentit l’économie de Paris et de tout le pays, et elle fait perdre des profits au grand capital qui, sans « maudire », espère que l’État en finira avec la résistivité de ce carré d’ouvriers non privatisé. Selon les lois de l’économie capitaliste en matière de transport, la privatisation assure l’exploitation maximale de la force de travail, elle réduit les coûts sociaux de reproduction de cette force de travail et elle augmente les rendements sur investissement.

Les forces en présence

D’un côté de la barricade sociale se tient le grand capital et son état-major gouvernemental charger de superviser l’attaque en faisant appel à toutes les institutions étatiques : législatif, justice, police, armée, pénitencier, l’objectif étant de privatiser les restes de l’un des derniers services dits « publics ». Pour ce faire l’abolition du « statut de cheminot » est nécessaire tout comme la diminution des salaires et la détérioration des conditions de travail afin d’obtenir une plus grande flexibilité, productivité et profitabilité des salariés.

Du même côté de la barricade sociale se tiennent, les médias à la solde et les maisons de sondage, propriétés du grand capital. À leur côté, les partis politiques de droite chargés de mener la charge afin de mobiliser « l’opinion publique bourgeoise » contre les cheminots et contre tous les grévistes.

Du même côté de la barricade sociale se tiennent les partis politiques de gauche et la bureaucratie syndicale, cheval de Troie charger de miner le front uni des grévistes, d’isoler les plus militants et de liquider le mouvement de l’intérieure en ayant l’air de le soutenir. Un jeu de fumiste compliqué dans laquelle sont passés maitres ces sous-fifres surpayés.

De l’autre côté de la barricade sociale

De l’autre côté de la barricade sociale se tiennent les cheminots, les employés d’hôpitaux, les éboueurs, le personnel d’Air France, les travailleurs du gaz, les camionneurs, les ouvriers du privé, les étudiants des universités, les enseignants paupérisés, les retraités, et combien d’autres qui ne demandent qu’à se joindre au mouvement.

Au fil du temps et des luttes, les cheminots ont été présentés comme le dernier bastion de résistance en France : « À tort ou à raison, le mythe est là et le gouvernement Macron et, derrière lui, tout l’appareil de l’État capitaliste français, veut l’abattre. La bourgeoisie française veut aussi ranger définitivement le souvenir des grandes grèves, 1995 ou encore 1968, et la menace qu’elles représentent pour elle, dans le tiroir de l’histoire. L’heure n’est plus aux hésitations face au prolétariat si le capital français veut rattraper son “ retard ” sur ses concurrents. » (1) Le Président Macron ne disait-il pas : « La France n’aura aucune capacité motrice si elle ne porte pas un discours clair et un regard lucide sur le monde. Mais elle ne l’aura pas non plus si elle ne renforce pas son économie et sa société. C’est pourquoi j’ai demandé au gouvernement d’enclencher les réformes fondamentales qui sont indispensables pour la France. Notre crédibilité, notre efficacité, notre force sont en jeu. Mais la force de quelques-uns ne peut se nourrir longtemps de la faiblesse des autres. L’Allemagne qui s’est reformée il y a une quinzaine d’années constate aujourd’hui que cette situation n’est pas viable. Mon souhait est donc que nous puissions construire une force commune. » (2)

Cette politique de Macron comporte deux risques pour le front uni du capital : premièrement, elle expose l’État bourgeois au jugement de la populace et elle expose les collabos de l’État au jugement du prolétariat. Deuxièmement, cette politique belliqueuse risque de lui faire perdre la bataille de l’opinion prolétarienne et ainsi de lui faire perdre la guerre de classe, à long terme.

L’État bourgeois mis à nu

La bourgeoisie présente l’État capitaliste comme un arbitre impartial – au-dessus de la mêlée de la lutte de classe – ayant mission de réconcilier les intérêts sociaux divergents au bénéfice de la patrie et de la société civile, suivant les orientations dictées par « l’opinion publique démocratique » (sic), voilà résumé le mythe étatique fétiche. L’État bourgeois en situation de crise économique, et donc de crise politique et sociale, est forcé de montrer son visage hideux de proxénète au service exclusif des riches. L’État doit reprendre, non pas des acquis – sous le capitalisme il n’y a jamais d’acquis pour la classe ouvrière – mais, plutôt, des concessions accordées au « dernier bastion de résistance » que l’État veut mater. Le gouvernement devra aller jusqu’au bout de ses « réformes », la crise économique lui ordonne et le patronat exige des résultats du soldat Macron.

En France spécifiquement, l’État et ses « services publics » ce sont 5 200 000 employés, que l’OCF décrit ainsi : « Ces employés de l’État ou des collectivités locales par leur existence même laissent à penser au reste de la population que l’État « s’occupe de nous », qu’il gère un soi-disant « service public ». Il leur semble qu’ils ont un rôle important et les avantages de leur statut (stabilité de l’emploi, salaires assurés) les éloigne peu à peu de la lutte de classe pour s’orienter vers l’électoralisme puisqu’après tout l’État est leur patron, et ce quels que soient les partis au gouvernement ! C’est cette couche sociale qui va garnir, jusqu’à nos jours, les rangs de tous les partis dits de gauche. C’est cette couche sociale qui se sent désormais inutile et veut en revenir « au bon vieux temps » et qui ne comprend pas l’évolution du capitalisme. Le capital financier n’a plus besoin d’illusions ni d’illusionnistes politiques pour gérer « son État ». Mais c’est aussi cette couche sociale qui est largement responsable de la collaboration de classe qui a conduit à la marginalisation puis la disparition de la classe ouvrière en tant que force politique. » (3) L’approfondissement de la crise économique systémique entrainera la paupérisation et la prolétarisation de la majorité des fonctionnaires, la « réforme » des restes de la SNCF en est le signe évident.

La bataille de « l’opinion publique » bidon

Nombre de militants ouvriers contaminés par la petite-bourgeoisie syndicale et par la gauche radicale craignent de perdre la « bataille de l’opinion publique ». Pourtant, ça n’existe pas « L’opinion publique ». Ce qui existe c’est l’opinion publique bourgeoise et petite-bourgeoise que l’on nous présente comme étant « l’opinion publique ». Elle est le résultat d’un matraquage médiatique ahurissant où les médias people, de formatage et de gouvernance jouent chacun leur rôle spécifique en amont de « l’opinion publique » et que les maisons de sondage récupèrent en aval du mouvement comme nous l’expliquons dans notre dernier ouvrage « La démocratie aux États-Unis (les mascarades électorales) ». (4) Inutile de s’agiter camarades, cette « opinion publique bourgeoise » qui subit à la fois ce matraquage médiatique et les effets désagréables de la grève ne sera jamais favorable aux grévistes et ces derniers ne possèderont jamais les gigantesques moyens médiatiques pour façonner cette « opinion ». Les ouvriers doivent s’en désintéresser tout comme de la propagande des médias à la solde ainsi que les mascarades électorales. Ce sont les petits-bourgeois infiltrés dans les rangs ouvriers qui proposent de mener la « bataille de l’opinion publique » bidon, assurés qu’ils sont de perdre ce combat inégal, ce qui leur servira ensuite de prétexte pour dénoncer les grévistes et capituler.

Cependant, il existe une opinion « publique » prolétarienne que les maisons de sondage enquêtent, mais dont elles ne publient pas les résultats. Cette opinion prolétarienne est d’emblée favorable aux résistants et son soutien ne dépend pas des médias que le prolétariat a appris à mépriser, mais de la détermination des grévistes, du bienfondé de leurs revendications, et de la justesse de leur tactique.

La tactique de lutte des cheminots

À ce propos, la revue Révolution ou Guerre écrit : « La tactique que les syndicats ont mise en place isole d’avance le combat des travailleurs de la SNCF dans la corporation et dans un planning de journées de grève qui ne peut que les enfermer encore plus dans une grève sans autre perspective que de la faire durer “jusqu’au bout ”… ce qui, très rapidement, provoquera la division au sein même des grévistes entre ceux qui voudront et pourront faire grève et ceux qui ne le pourront pas, ou moins, et qui se décourageront. » (5)

La tactique mise en œuvre dans la grève des cheminots illustre la façon dont louvoie la cinquième colonne des bureaucrates syndicaux stipendiés, des ONG subventionnées, et de la gauche sectarisée dans le mouvement ouvrier. Malheureusement, nous possédons peu de moyens de contrer l’influence de cette bureaucratie. Les militants prolétaires révolutionnaires doivent exposer ces incongruités et proposer des mots d’ordre et des tactiques alternatives, puis laisser le prolétariat juger et décider sans dénigrer. Il se peut que plusieurs mauvaises expériences consécutives soient requises avant que le prolétariat décide qu’assez, c’est assez, et qu’il prenne en main sa lutte de classe sur tous les fronts.

L’ARTICLE EST DISPONIBLE SUR LE WEBMAGAZINE http://www.les7duquebec.com/7-au-fr…

NOTES

1. http://www.les7duquebec.com/7-au-fr… 2. Emmanuel Macron, interview à des journaux européens le 21 juin 2017. Rapporté dans la revue Révolution ou Guerre http://igcl.org/Pour-une-riposte-pr… 3. OCF (2018). QUEL AVENIR POUR LE MOUVEMENT SOCIAL EN COURS ? http://polpresse.blogspot.ca et http://www.les7duquebec.com/7-daill… 4. Robert Bibeau (2018) La démocratie aux États-Unis (les mascarades électorales). L’Harmattan. Paris. 156 pages. http://www.les7duquebec.com/7-au-fr… 5. Rapporté dans la revue Révolution ou Guerre http://igcl.org/Pour-une-riposte-pr…

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