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Bulletin Comaguer 550
25 février 2024
ISRAEL , LA MORALE ET LE
DROIT
1
- ISRAEL ET LA MORALE
Israël
attaque les convois de Médecins Sans Frontières :
Le Jeudi 22 Février 2024 Chris Lockyer, secrétaire général de Médecins
sans frontières (MSF), a été reçu par le
Conseil de sécurité de l'ONU. Il a déclaré : « Les forces israéliennes ont attaqué nos
convois, arrêté notre personnel et écrasé nos véhicules avec des bulldozers , et
des hôpitaux ont été bombardés et attaqués. Aujourd'hui, pour la deuxième fois,
l'un de nos abris pour le personnel a été touché.
« Nos collègues de Gaza craignent puisque je vous parle
aujourd'hui d'être punis demain. Madame la Présidente, chaque jour, nous sommes
témoins d'une horreur inimaginable. ...
« Il n'y a plus de système de santé à proprement parler à Gaza.
L'armée israélienne a démantelé hôpital après hôpital. Ce qui reste est si peu
face à un tel carnage. C'est aberrant. L'excuse invoquée est que des
installations médicales ont été utilisées à des fins militaires, mais nous
n'avons vu aucune preuve vérifiée de manière indépendante à ce sujet.
...
« Nous sommes consternés par la volonté des États-Unis d'utiliser
leurs pouvoirs en tant que membre permanent du Conseil pour entraver les efforts
visant à adopter la plus évidente des résolutions : celle exigeant un
cessez-le-feu immédiat et durable. À trois reprises, ce conseil a eu l'occasion
de voter en faveur du cessez-le-feu dont nous avons désespérément besoin. Et à
trois reprises, les États-Unis ont utilisé leur droit de veto, la dernière fois
le mardi 20 février . Un nouveau projet de résolution des États-Unis appelle
ostensiblement à un cessez-le-feu. Cependant, c'est au mieux une tromperie. Ce
Conseil devrait rejeter toute résolution qui entraverait davantage les efforts
humanitaires sur le terrain et l'amènerait à approuver tacitement la poursuite
de la violence et des atrocités de masse à Gaza.
...
« Les chirurgiens n'ont pas eu d'autre choix que de pratiquer des
amputations sans anesthésie, sur des enfants. ..."
« Les équipes médicales ont ajouté un nouvel acronyme à leur
vocabulaire : WCNSF (en français EBPFS) – enfant blessé, pas de famille
survivante. Les enfants qui survivront à cette guerre porteront non seulement
les blessures visibles des traumatismes, mais aussi les blessures invisibles –
celles des déplacements répétés, de la peur constante et du fait de voir des
membres de leur famille littéralement démembrés sous leurs yeux. Ces blessures
psychologiques ont amené des enfants d'à peine cinq ans à nous dire qu'ils
préféreraient mourir.
2-Israël et le droit
2-1 Un avis de La Cour Internationale de Justice à propos du
mur
Conséquences juridiques de l’édification d’un
mur dans le territoire palestinien
occupé
(Requête pour avis
consultatif)
Extraits de l’avis consultatif du 9 juillet
2004
Historique de la procédure (par. 1-12)
La Cour rappelle tout d’abord que le 10 décembre 2003 le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a officiellement communiqué à la Cour la décision prise par l’Assemblée générale de lui soumettre la question pour avis consultatif énoncée dans sa résolution ES-10/14, adoptée le 8 décembre 2003 lors de sa dixième session extraordinaire d’urgence.
La question est la suivante :
«Quelles sont en droit les conséquences de l’édification du mur
qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire
palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est,
selon ce qui est exposé dans le rapport du Secrétaire général, compte tenu des
règles et des principes du droit international, notamment la quatrième
convention de Genève de 1949 et les résolutions consacrées à la question par le
Conseil de sécurité et l’Assemblée générale
?»
Le texte intégral du dernier paragraphe (par. 163) est libellé comme suit :
«Par ces motifs,
L A COUR ,
1) A l’unanimité, dit qu’elle est compétente pour répondre à la
demande d’avis consultatif;
2) Par quatorze voix contre une, décide de donner suite à la
demande d’avis consultatif;
POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans,
Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;
CONTRE : M. Buergenthal, juge;
3) Répond de la manière suivante à la question posée par l’Assemblée générale :
A. Par quatorze voix contre une,
L’édification du
mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le
territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de
Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit
international;
POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans,
Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;
CONTRE : M. Buergenthal, juge;
B. Par quatorze voix contre une,
Israël est dans l’obligation de mettre un terme aux violations du
droit international dont il est l’auteur; il est tenu de cesser immédiatement
les travaux d’édification du mur qu’il est en train de construire dans le
territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de
Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire et
d’abroger immédiatement ou de priver immédiatement d’effet l’ensemble des actes
législatifs et réglementaires qui s’y rapportent, conformément au paragraphe 151
du présent avis;
- 16 -
POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans,
Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;
CONTRE : M. Buergenthal, juge;
C. Par quatorze voix contre une,
Israël est dans l’obligation de réparer tous les dommages causés
par laconstruction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à
l’intérieur et surle pourtour de
Jérusalem-Est;
POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans,
Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;
CONTRE : M. Buergenthal, juge;
D. Par treize voix contre deux,
Tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la
situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide
ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction; tous les
Etats parties à la quatrième convention de Genève relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre
l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit
international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire
incorporé dans cette convention;
POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Rezek,
Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;
CONTRE : MM. Kooijmans, Buergenthal, juges;
E. Par quatorze voix contre une,
L’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée
générale et leConseil de sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent
avis consultatif,examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de
mettre un terme à lasituation illicite découlant de la construction du mur et du
régime qui lui est associé.
POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Guillaume,
Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans,
Rezek, Al-Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;
CONTRE : M. Buergenthal, juge.»
Note
de Comaguer :
Chacun aura compris que Mr Buergenthal
est israélien et il précisera dans son commentaire personnel de cet avis
qu’Israël n’a aucune réponse à fournir puisque l’Assemblée générale a simplement
demandé un avis à la CIJ et qu’Israël ne développerait ses arguments en
défense que si la Cour devait rendre un jugement. Ce qui permet de
mesurer l’énormeavancée queconstitue du point de vue du droit la plainte déposée
par l’Afrique du Sud pour génocide et de comprendre pourquoi jusqu’à cet
évènement Israël se moquait de toute l’activité juridique de l’ONU le
concernant
.
2-2 Sur la colonisation de la
Palestine
Bien qu’il s’agisse là encore d’un simple avis
demandé à la CIJ , la bataille pour le respect du droit par Israël prend de
l’ampleur
C’est une première dans l’histoire de la Cour internationale de
Justice (CIJ) : 52 Etats et trois organisations internationales,
l’Organisation de la coopération islamique (OCI), l’Union africaine (UA) et la
Ligue des Etats arabes, ont soumis leurs commentaires écrits ainsi que les
présentations orales de leurs représentants dans une
affaire.
La procédure en cours qui devrait s’achever dans quelques jours
concerne un avis consultatif demandé à la CIJen décembre 2022, avant le conflit actuel à Gaza, par l’Assemblée
générale des Nations Unies sur « les conséquences juridiques des politiques
et pratiques d’Israël dans les Territoires occupés, y compris
Jérusalem-Est ».
Les questions posées par l’Assemblée générale de
l’ONU
Les deux questions précises posées par l’Assemblée générale
de l’ONU à la CIJ sont les suivantes :
« Quelles sont les conséquences juridiques de la violation
persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de
son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongée du territoire
palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la
composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de
Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires
connexes ? »
« Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël
ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les
conséquences juridiques qui en découlent pour tous les Etats et l’Organisation
des Nations Unies ? »
3 - Quelques idées pour sortir de l’horrible
impasse
Première mesure : contourner le
veto
La CIJ a donc constaté et constate encore que la politique d’Israël
vis à vis des palestiniens est illégale au regard du droit international comme à
celui du droit international humanitaire.
Mais ses arrêts pas plus que ses avis ne sont pas respectés puisque
systématiquement les Etats-Unis par leur veto au Conseil de Sécurité empêchent
que le droit soit appliqué.
Une autre voie existe : celle de l’Assemblée générale.
Celle-ci constatant que les avis qu’elle a demandé à la CIJ dans les cas
mentionnés et qui établissent la culpabilité de l’Etat d’Israëlsont sans effet
concret peut faire ce qu’elle a fait contre l’Afrique du Sud au temps de
l’apartheid : suspendre
Israël tant qu’il ne se conformera pas au droit. Ce genre de décision peut être
prise à la majorité des 2/3 qui pourrait sans doute être atteinte dans ce
cas.
Deuxième mesure : reconnaitre l’Etat
Palestinien et qui sait prioritairement en mer
En droit un Etat Palestinien reconnu serait souverain sur les eaux
territoriales qui bordent la bande de Gaza. Donc un convoi humanitaire maritime
pourrait en parfaite légalité passer des eaux internationales aux eaux
palestiniennes. C’était le projet d’une ONG turque en 2010 qui a échoué en
raison de la réaction militaire israélienne et de l’arraisonnement du navire
MAVI MARMARA dans les eaux internationales – un acte de piraterie internationale
caractérisé - et alors que la Turquie n’était pas prête à défendre militairement
le navire humanitaire et qu’elle ne pouvait pas accéder à des eaux territoriales
palestiniennes non définies.
En effet si l’Etat palestinien a bien adhéré en 2015, après cette
tentative avortée, à la Convention Internationale sur le droit de la mer il n’a
pas pu n’étant pas un membre reconnu de l’ONU à part entière délimiter ses eaux
territoriales. Il s’en suit que les divers croquis - voir ci-dessous - mis en circulation à
propos du projet d’exploitation de gaz naturel sous-marin au large de Gaza n’ont
aucune valeur du point de vue du droit international et correspondent à un simple accord
technique entre L’Egypte qui a les capacités techniques d’exploiter ce gisement
et d’exporter ce gaz sur la marché
international et Israël qui achèterait une partie de ce gaz, les deux compères
ne laissant à l’Autorité Palestinienne que des miettes du festin.
Les eaux territoriales de l’Etat palestinien souverain seraient en
gros un rectangle de 12 miles marins de profondeur soit environ 22 km sur 41 km
de large – la largeur du front de mer à Gaza -ces eaux territoriales débouchant
sur une Zone Economique Palestinienne Exclusive où se trouverait le gisement de
gaz identifié.
Les
futures eaux territoriales palestiniennes devraient s’insérer entre les eaux
égyptiennes et les eaux israéliennes dont il faut souligner qu’elles ne
correspondent qu’à des accords bilatéraux négociés laborieusement avec les
voisins libanais et égyptien puisqu’Israëln’ayant pas adhéré à la Convention
Internationale sur le droit de la Mer a évité ainsi de définir officiellement
ses frontières maritimes.
Le polygone bleu pâle partant de Gaza est dénommé : « Licence accordée à British Gas pour l’exploitation du champ de Gaza offshore ». Rien à voir avec des eaux territoriales .