Gaza : des Palestiniens prisonniers « menottés puis amputés », dénonce un médecin israélien

Le menottage constant entraîne de graves blessures, nécessitant parfois des opérations chirurgicales répétées.

Un médecin israélien travaillant dans l’hôpital de campagne d’une base militaire dénonce dans une lettre à sa hiérarchie les traitements subis par des hommes capturés à Gaza, les membres liés, forcés de « déféquer dans des couches », révèle Haaretz.

« Cette semaine, deux prisonniers ont été amputés des jambes en raison de blessures occasionnées par les menottes, ce qui est malheureusement un événement de routine. » L’accusation est terrible. Elle provient d’une lettre obtenue par le quotidien israélien Haaretz et publiée le 4 avril.

Elle a été expédiée au procureur général d’Israël et aux ministres de la Défense et de la Santé par un médecin affecté dans un hôpital de campagne pour Palestiniens détenus à la base militaire israélienne de Sde Teiman, entre Gaza et Beersheva, dans le désert du Néguev.

Toujours selon le médecin, « les détenus sont nourris à la paille, défèquent dans des couches et sont maintenus (dans) des contraintes constantes, ce qui viole l’éthique médicale et la loi ». Il ajoute que les conditions de détention sont telles (les prisonniers ont les quatre membres menottés en permanence) qu’elles provoquent « des complications et parfois même la mort du patient ».

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Un médecin israélien affirme que des détenus palestiniens subissent des amputations « de routine », à cause des blessures causées par les menottes

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6 avril 2024

Lauren Kent

Lauren Kent est productrice et journaliste au sein du bureau de presse CNN basé à Londres.

Source CNN

Traduction ED pour l’Agence Média Palestine

Des soldats des Forces de défense israéliennes se tiennent près d’un véhicule militaire le 4 mars 2024. Amir Levy/Getty Images

Selon un rapport exclusif du journal Haaretz, un médecin de l’hôpital de campagne pour les Palestiniens détenus sur la base militaire israélienne de Sde Teiman a décrit des « conditions déplorables » et des amputations « de routine » dues à des blessures causées par des menottes.

Dans une lettre adressée au procureur général d’Israël et aux ministres de la défense et de la santé, obtenue par Haaretz, le médecin déclare que les conditions de l’hôpital de campagne de Sde Teiman compromettent la santé des détenus et violent l’éthique médicale.

« Pas plus tard que cette semaine, deux prisonniers ont été amputés de leurs jambes en raison de blessures causées par des menottes, ce qui est malheureusement un événement de routine », a déclaré le médecin dans la lettre, selon le rapport de Haaretz de jeudi. Il a écrit que des soins inappropriés dans le centre de détention ont conduit à des « complications et parfois même à la mort du patient », ajoutant que « cela nous rend tous – les équipes médicales et vous, ceux qui sont en charge de nous dans les ministères de la santé et de la défense, complices de la violation de la loi israélienne ».

Haaretz rapporte que le médecin a déclaré que « les détenus sont nourris à la paille, défèquent dans des couches et sont constamment attachés, ce qui est contraire à l’éthique médicale et à la loi ». On ne sait pas exactement quand le médecin a rédigé la lettre.

Dans une déclaration écrite adressée à CNN en réponse à ces allégations, un porte-parole des Forces de défense israéliennes (FDI) a déclaré : « Les FDI agissent conformément à la loi et dans le cadre de la loi lorsqu’il s’agit du traitement des détenus. Chaque procédure est documentée et supervisée, et est effectuée avec un soin extrême pour la dignité humaine des détenus, conformément aux principes du droit israélien et international. »

Le communiqué des FDI poursuit : « Le menottage des détenus est effectué conformément aux procédures, à leur état de santé et au niveau de danger qu’ils représentent, afin d’assurer la sécurité des forces et du personnel médical. »

« Selon les instructions des FDI, la violence contre les détenus est absolument interdite. Les FDI protègent les droits des détenus dans les centres de détention et informent régulièrement les forces de la conduite à adopter à l’égard des détenus, y compris l’interdiction de recourir à la violence », indique le communiqué des FDI.

« Toute allégation de violence ou d’humiliation pour laquelle des détails concrets seront fournis sera examinée et traitée individuellement », ont déclaré les FDI.

Un porte-parole du ministère israélien de la santé a déclaré qu’il n’avait rien à ajouter.

CNN s’est entretenue avec une source ayant une formation médicale et ayant déjà visité l’hôpital de campagne de Sde Teiman. Elle a confirmé avoir vu des détenus soumis à des contraintes constantes.

La source médicale, qui a parlé à CNN jeudi sous couvert d’anonymat par crainte de représailles, a déclaré que tous les détenus gazaouis qu’elle a vus à l’hôpital de campagne avaient les quatre membres menottés, ce qui, selon la source, augmente le risque de coagulation du sang et d’autres problèmes de santé.

La source a ajouté que les détenus avaient les yeux bandés et qu’au moins trois patients qu’ils ont vus portaient des couches.

La source médicale a souligné la « déshumanisation » systématique des détenus à l’hôpital de campagne, qu’elle a décrit comme une grande « tente » qui ne « protège pas des conditions météorologiques ».

« On nous a demandé de ne pas utiliser nos noms », a déclaré la source médicale à CNN, ajoutant que les prisonniers gazaouis étaient identifiés par des numéros de série plutôt que par leurs noms.

La source médicale a déclaré à CNN qu’il semble que le personnel infirmier et médical de l’établissement ait essayé de donner aux détenus des soins appropriés et « le traitement qu’ils méritent », mais qu’il était limité par ce qu’il pouvait faire.

« Fautes éthiques » à Sde Teiman

L’hôpital de campagne et le centre de détention de Sde Teiman, situés sur une base militaire dans le sud d’Israël, près de la ville de Beer Sheva, ont été créés par l’armée israélienne peu après les attaques du Hamas du 7 octobre.

Selon un rapport de l’organisation à but non lucratif Physicians for Human Rights-Israel, l’hôpital de campagne a été créé après que les hôpitaux civils israéliens ont refusé d’admettre des détenus gazaouis ou des personnes soupçonnées de terrorisme.

Le rapport de Physicians for Human Rights-Israel sur Sde Teiman, qui fait état de « manquements éthiques » à l’hôpital de campagne, souligne également que « les forces de sécurité de l’hôpital de campagne exigent que toutes les personnes détenues restent menottées et aient les yeux bandés à tout moment, y compris pendant le traitement médical ».

« Les médias indiquent que les habitants de Gaza détenus dans cette installation militaire subissent des conditions difficiles, étant attachés les mains derrière le dos et parfois attachés à une barrière pendant des périodes prolongées, couvrant des jours entiers et consécutifs. Ces circonstances entraînent des dommages physiques et psychologiques importants », ajoute le rapport de Physicians for Human Rights-Israel.

Selon le rapport Haaretz, le médecin a déclaré dans sa lettre aux ministères israéliens de la santé et de la défense que l’hôpital de campagne « est occupé la plupart du temps par un seul médecin, accompagné d’une équipe d’infirmières, dont certaines n’ont qu’une formation d’infirmière » et que, dans certains cas, le médecin de garde est un orthopédiste ou un gynécologue. « Cela entraîne des complications et parfois même la mort du patient », a écrit le médecin, rapporte Haaretz.