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25 avril 2024
Un beau texte de Naomi Klein en forme de plaidoyer passionné contre le sionisme sur la base des valeurs du judaïsme.
C’est la première fois que je traduis un de ses textes. J’ai vérifié qu’il n’était pas déjà traduit mais il se peut qu’entre ma vérification et l’achèvement de ma traduction, ce texte ait été publié par un autre site.
J’aurais quand même eu le plaisir de traduire ce texte que j’ai trouvé très fort comme celui de Philip Weiss il y a quelques années.
Nous avons besoin d’un exode du sionisme
En cette Pâque, nous n’avons pas besoin ni ne voulons de la fausse idole du sionisme. Nous voulons nous libérer du projet qui commet un génocide en notre nom.
Par Naomi Klein, The Guardian (UK) 24 avril 2024 traduit d el’anglais par Djazaïri
J’ai pensé à Moïse et à sa colère lorsqu’il descendit de la montagne pour trouver les Israélites adorant un veau d’or.
L’écoféministe en moi a toujours été mal à l’aise face à cette histoire : quel genre de Dieu est jaloux des animaux ? Quel genre de Dieu veut s’approprier tout le caractère sacré de la Terre ?
Mais il existe une manière moins littérale de comprendre cette histoire. Il s’agit de fausses idoles. De la tendance humaine à vénérer ce qui est profane et brillant, à regarder vers le petit et le matériel plutôt que vers le grand et le transcendant.
Ce que je veux vous dire ce soir, lors de ce Seder révolutionnaire et historique dans les rues, c’est qu’un trop grand nombre parmi notre peuple adore une fois de plus une fausse idole. Ils en sont sous l’enchantement. Ivres d’elle. Souillés par elle.
Cette fausse idole s’appelle le sionisme.
C’est une fausse idole qui prend nos histoires bibliques les plus profondes de justice et d’émancipation de l’esclavage – l’histoire de la Pâque elle-même – et les transforme en armes brutales de vol colonial de terres, en feuilles de route pour le nettoyage ethnique et le génocide
C’est une fausse idole qui a pris l’idée transcendante de la terre promise – une métaphore de la libération humaine qui a traversé de multiples confessions aux quatre coins du monde – et a osé en faire un acte de vente pour un ethno-État militariste.
La version de la libération selon le sionisme politique est elle-même profane. Dès le début, elle nécessitait l’expulsion massive des Palestiniens de leurs foyers et de leurs terres ancestrales dans la Nakba.
Depuis le début, le sionisme est en guerre contre les rêves de libération. Lors d’un Seder, il convient de rappeler que sont inclus les rêves de libération et d’autodétermination du peuple égyptien. Cette fausse idole du sionisme assimile la sécurité israélienne à la dictature égyptienne et aux États clients.
Dès le début, le sionisme a produit une hideuse forme de liberté qui considérait les enfants palestiniens non pas comme des êtres humains mais comme des menaces démographiques – tout comme le pharaon du Livre de l’Exode craignait la population croissante des Israélites et ordonnait donc la mise à mort de leurs fils.
Le sionisme nous a amenés à notre présent moment de cataclysme et il est temps que nous le disions clairement : il nous a toujours conduit dans cette direction.
C’est une fausse idole qui a conduit beaucoup trop de nos concitoyens sur une voie profondément immorale et qui les amène désormais à justifier la mise en pièces des commandements fondamentaux : tu ne tueras point. Tu ne voleras pas. Tu ne convoiteras pas.
C’est une fausse idole qui assimile la liberté juive aux bombes à fragmentation qui tuent et mutilent les enfants palestiniens.
Le sionisme est une fausse idole qui a trahi toutes les valeurs juives, y compris la valeur que nous accordons au questionnement – une pratique ancrée dans le Seder avec ses quatre questions posées par le plus jeune enfant.
Y compris l’amour que nous portons en tant que peuple aux textes et à l’éducation.
Aujourd’hui, cette fausse idole justifie le bombardement de toutes les universités de Gaza ; la destruction d’innombrables écoles, d’archives, d’imprimeries ; le meurtre de centaines d’universitaires, de journalistes, de poètes – c’est ce que les Palestiniens appellent le scolasticide, la destruction des moyens d’éducation.
Pendant ce temps, dans cette ville, les universités font appel à la police de New York et se barricadent contre la grave menace que représentent leurs propres étudiants qui osent leur poser des questions fondamentales, telles que : comment pouvez-vous prétendre croire en quoi que ce soit, et encore moins en nous, pendant que vous permettez, investissez et collaborez avec ce génocide ?
La fausse idole du sionisme a pu se développer sans contrôle pendant bien trop longtemps.
Alors ce soir on dit : ça s’arrête là.
Notre judaïsme ne peut pas être contenu dans un ethno-État, car notre judaïsme est internationaliste par nature.
Notre judaïsme ne peut pas être protégé par le déchaînement de l’armée de cet État, car tout ce que fait cette armée, c’est semer le deuil et récolter la haine – y compris contre nous en tant que Juifs.
Notre judaïsme n’est pas menacé par des personnes qui élèvent la voix en solidarité avec la Palestine, sans distinction de race, d’origine ethnique, d’aptitudes physiques, d’identité de genre et de générations.
Notre judaïsme est l’une de ces voix et il sait que dans ce chœur résident à la fois notre sécurité et notre libération collective.
Notre judaïsme est le judaïsme du Seder de Pâque : le rassemblement en cérémonie pour partager de la nourriture et du vin avec des êtres chers et des étrangers, le rituel qui est intrinsèquement mobile, suffisamment léger pour être porté sur notre dos, n’ayant besoin que les uns des autres : non des murs, pas de temple, pas de rabbin, un rôle pour chacun, même – surtout – pour le plus petit des enfants. Le Seder est une technologie de la diaspora s’il en est, conçue pour le deuil collectif, la contemplation, le questionnement, la mémoire et la renaissance de l’esprit révolutionnaire.
Alors regardez autour de vous. Voilà notre judaïsme. Alors que les eaux montent et que les forêts brûlent et que rien n’est sûr, nous prions sur l’autel de la solidarité et de l’entraide, quel qu’en soit le prix.
Nous n’avons pas besoin ni ne voulons de la fausse idole du sionisme. Nous voulons nous libérer du projet qui commet un génocide en notre nom. Se libérer d’une idéologie qui n’a pas d’autre plan de paix que celui de traiter avec les pétro-États théocratiques meurtriers d’à côté, tout en vendant au monde les technologies de l’assassinat robotisé.
Nous cherchons à libérer le judaïsme d’un ethno-État qui veut que les Juifs aient perpétuellement peur, qui veut que nos enfants aient peur, qui veut nous faire croire que le monde est contre nous afin que nous courions vers sa forteresse et sous son dôme de fer, ou à au moins maintenir le flux des armes et de l’argent.
C’est la fausse idole.
Et ce n’est pas seulement Netanyahou, c’est le monde qu’il a créé et qui l’a fait – c’est le sionisme.
Que sommes-nous ? Nous, dans ces rues depuis des mois et des mois, sommes l’exode. L’exode du sionisme.
Et aux Chuck Schumer(s) [de confession juive, Schumer est le chef de file des Démocrates au Sénat] de ce monde, nous ne disons pas : « Laissez partir notre peuple ».
Nous disons : « Nous sommes déjà partis. Et vos enfants ? Ils sont avec nous maintenant. »