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La guerre de la CIA en Corée, une défaite américaine

mardi 18 avril 2017, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 18 avril 2017).

La guerre de la CIA en Corée, une défaite américaine

http://www.amitiefrancecoree.org/ar…

2 juillet 2011

Journaliste au New York Times, Tim Weiner a reçu le prix Pulitzer pour ses recherches sur les programmes secrets de la défense nationale américaine. Son ouvrage Des cendres en héritage. L’histoire de la CIA est un remarquable travail d’investigation, conduit sur la base de plus de 50.000 documents d’archives de la CIA, de 2.000 récits d’officiers des services de renseignement américains et de 300 entretiens avec d’anciens responsables et agents de l’agence américaine. La guerre de Corée (1950-1953) est l’un des multiples exemples richement documentés traités par Tim Weiner, qui montre de manière convaincante le fiasco qu’a représenté pour la toute jeune CIA son intervention dans l’un des premiers conflits ouverts de la guerre froide. Cet ouvrage est salué par Donald P. Gregg, ancien membre du service d’action clandestine de la CIA ayant commencé sa carrière en Corée avant de devenir plus tard ambassadeur des Etats-Unis en Corée du Sud puis conseiller à la sécurité nationale du vice-président George H.W. Bush, dans un commentaire paru dans The Ambassador Review, la revue de politique étrangère du Conseil des ambassadeurs américains : « Le livre de Weiner, s’appuyant sur une documentation sans faille, ne m’a pas surpris et je ne saurais contester ses conclusions fondamentales. Ce qui me gêne et me navre, c’est de constater que la situation est encore pire que ce que je soupçonnais. » Eclairage sur une défaite américaine.

Si les historiographes américains et nord-coréens divergent quant à l’interprétation de l’issue de la guerre de Corée, les travaux de recherches menés par Tim Weiner, prix Pulitzer, dressent un revanche un constat sans appel de la victoire des services secrets nord-coréens et chinois sur leurs adversaires américains dans la guerre qu’ils se sont menés, apportant aussi des éclairages complémentaires sur la conduite du conflit : « sur le théâtre des opérations, la CIA avait pour alliés les services de renseignement de deux dirigeants aussi corrompus que peu fiables : le président de la Corée du Sud, Syngman Rhee, et le chef des nationalistes chinois Tchang Kaï-chek. Les informations valables étaient aussi difficiles à trouver que l’électricité et l’eau courante. La CIA se trouvait manipulée par des amis véreux, dupée par des ennemis communistes et à la merci d’exilés à court d’argent qui fabriquaient de faux renseignements. » (Des cendres en héritage. L’histoire de la CIA, pp. 68-69)

Tim Weiner dresse la liste des échecs de la centrale de renseignement américaine en Corée, ainsi que de ses conséquences sur le conflit.

Premier handicap : l’animosité du général MacArthur envers la CIA, dont il cherchait à empêcher l’accès des agents aux pays d’Extrême-Orient, pour se fier à des impressions personnelles qui ont été des erreurs d’analyse majeures. Pour le commandant américain, la Chine devait rester à l’écart du conflit, si bien que l’intervention des volontaires chinois fut successivement jugée improbable, puis minimisée, ce qui donna aux Nord-Coréens et aux Chinois une force de frappe qui leur permit de repousser les troupes des Nations-Unies sous commandement américain au-delà du trente-huitième parallèle. Tim Weiner montre pourtant que l’antenne de la CIA à Tokyo avait mis en garde contre l’intervention de la Chine, mais le général MacArthur menaça de faire arrêter l’un des responsables du poste à Tokyo qui avait fait cette analyse - Bill Dugan - et cette information ne parvint jamais au président américain, pourtant en déplacement sur l’île de Wake en octobre 1950.

Deuxième handicap : alors que les Américains étaient parvenus à intercepter et à décrypter les câbles échangés entre Moscou et Pyongyang, l’accès à cette source d’information cessa quelques mois avant le déclenchement du conflit. En effet, un agent des services secrets soviétiques, William Wolf Weisband, qui exerçait les fonctions de décrypteur pour le Pentagone, traduisait les messages du russe en anglais. Le coup de maître de Weisband sera qualifié un demi-siècle plus tard par la National Security Agency américaine de "peut-être l’échec le plus significatif dans le domaine du renseignement de toute l’histoire des Etats-Unis" (David A. Hatch et Robert Louis Benson, The Korean War : the SIGINT Backgroung, National Security Agency).

Outre ces handicaps qui auraient pu être rédhibitoires à eux seuls, l’échec le plus spectaculaire de la CIA pendant la guerre de Corée a été d’acheter à prix d’or des informations fausses soit à des escrocs, soit à des informateurs travaillant en fait pour la République populaire de Chine et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), pour engager des opérations-suicide qui se sont toutes soldées par des échecs.

Sur la base de ces fausses informations, "des milliers d’agents recrutés chez les Coréens et les Chinois furent parachutés au-dessus la Corée du Nord pendant la guerre pour ne jamais revenir" (Tim Weiner, p. 72). Ces agents - parmi lesquels plus de 1.500 Coréens au cours du seul été 1952 - étaient censés recueillir des informations ou animer des groupes de guérilla anticommunistes qui n’existaient que dans les faux témoignages de la CIA. Ces opérations d’intoxication de la CIA étaient facilitées par le fait que, sur les deux cents agents américains de la CIA à Séoul, pas un seul ne parlait coréen. Le nouveau chef de poste à Séoul, John Limond Hart, qui avait remplacé un prédécesseur incapable en plein conflit, établit que "presque tous les agents coréens qu’on lui avait légués avaient soit inventé les rapports qu’ils envoyaient, soit travaillé en secret pour les communistes (…) Les opérations paramilitaires de l’Agence en Corée avaient été infilitrées avant même d’être lancées" (Tim Weiner, p. 73 et 74). Le directeur de la CIA, Bedell Smith, ne choisit toutefois pas de fermer provisoirement l’antenne de Séoul, comme l’avait préconisé John Hart.

Un enseignement est que très peu de Coréens, sinon pas du tout, ont travaillé sincèrement pour la CIA. Cette situation assez exceptionnelle ne se retrouve que dans des guerres d’indépendance, et ne peut être expliquée seulement par l’autoritarisme et la corruption du régime Syngman Rhee dont la défaite aux élections locales du printemps 1950, à la veille de la guerre, témoignait de l’impopularité. De ce point de vue, la guerre de Corée apparaît comme une guerre de libération nationale, contre les troupes étrangères onusiennes sous commandement américain.

Plusieurs témoignages d’agents de la CIA recueillis par Tim Weiner confirment que les parachutages d’agents de la CIA en Corée du Nord se sont poursuivis après l’armistice de 1953, confirmant donc que les mises à l’écart de responsables nord-coréens du Parti du travail de Corée pour espionnage ont répondu effectivement à des opérations de déstabilisation continues des Etats-Unis.

Autre signe du manque de professionnalisme de la CIA pendant la guerre de Corée, le président sud-coréen Syngman Rhee fut visé par erreur par des hommes de la CIA à l’entraînement, alors que son yacht longeait l’île Yong-do. Les officiers et les gardes du camp n’avaient pas été avertis de sa venue. S’il n’y eut pas de blessés, Syngman Rhee obtint le départ des agents de la CIA qui durent alors reprendre de zéro leurs opérations.

Par ailleurs, la CIA tenta d’ouvrir d’autres fronts, en Birmanie et en Chine, sur la base notamment de fausses informations quant à l’existence de forces anticommunistes sur le continent chinois. Les opérations en Chine échouèrent (en Mandchourie, la Chine révéla que sur 212 agents largués par la CIA, 101 furent tués et 111 faits prisonniers, soit un taux d’échec de 100 % pour les Américains), tandis que le soutien à la guérilla du général Li Mi au Nord de la Birmanie ne prévint pas sa défaite face aux troupes chinoises, entraînant son repli dans les montagnes où elle allait devenir un des centres mondiaux du trafic d’opium.

En conclusion, Tim Weiner observe que si les soldats américains ont parlé de la Corée comme d’une "guerre oubliée", "à la [CIA] on pourrait parler d’amnésie délibérée. On noya dans la comptabilité le gaspillage de 152 millions de dollars d’armes pour des guérillas fantômes" (op. cit., p. 78). Cet échec total de la CIA a alourdi les pertes humaines des États-Unis en Corée. Selon John Foster Dulles, devenu secrétaire d’État du président Dwight Eisenhower en 1953 et cité dans un document déclassifié en 2003, "nous avons perdu cent mille hommes en Corée", soit une estimation supérieure à celle admise jusqu’alors de 29 500 morts et 107 000 blessés et disparus. Mais John Foster Dulles, partisan du "refoulement" des communistes à commencer par le continent européen, conclut dans ce même entretien : « il faut bien avoir quelques martyrs. »

Source : Tim Weiner, Des cendres en héritage. L’histoire de la CIA, traduit de l’américain par Jean Rosenthal, édition américaine 2007, édition française 2009 (éditions de Fallois). Notamment le chapitre 6 consacré principalement à la guerre de Corée : "C’étaient des missions-suicide" (pp. 67-78).

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