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Algérie - 11 avril - Anniversaire de la mort de Ben Bella

dimanche 14 avril 2019, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 14 avril 2019).

Ben Bella - Quelques heures avant le coup d’Etat

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« Deux jours après le coup d’État Fidel Castro devait dire à propos de son ami Ben Bella : "S’il avait été plus rusé et moins gentil, il serait encore au pouvoir" »

Autre version de la même vidéo avec un peu moins de pollution, mais avec des images de moins bonne qualité.

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Wikipedia :

Ahmed Ben Bella (en arabe : احمد بن بلة), né officiellement le 25 décembre 1916 à Maghnia près de Tlemcen en Oranie, au nord-ouest de l’Algérie (alors département français) et mort le 11 avril 2012 à Alger, est un combattant de l’indépendance algérienne et un homme d’État algérien. Il est président du Conseil des ministres de 1962 à 1963 puis le premier président de la République de 1963 à 1965.

Ben Bella est un des neuf « chefs historiques » du Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA), à l’origine du Front de libération nationale (FLN), parti indépendantiste algérien. Il est arrêté pendant la guerre d’Algérie mais prend part à l’indépendance du pays à la tête du FLN et devient le premier président de la République algérienne le 15 septembre 1963, poste qu’il cumule avec celui de Premier ministre. Il occupe cette dernière fonction depuis le 27 septembre 1962.

Il est renversé par le coup d’État du 19 juin 1965 mené par son vice-Premier ministre, le colonel Houari Boumédiène.

Voici des extraits textes datant du coup d’État qui l’a renversé :

Ceux qui connaissent mal la réalité algérienne se sont posé deux questions : celle de la « couleur » du clan Boumediene, celle du processus qui a permis sa mise en place à la tête de l’Algérie La réponse à la première question ne laisse plus beaucoup de place au doute dès lors qu’un groupe de militaires prend le pouvoir par la violence et en violant la Constitution, dès lors que les premières mesures prises consistent dans l’élimination des communistes et progressistes, que les premières alliances pressenties semblent se dessiner avec l’opposition bourgeoise de droite, que le premier soutien vient des Oulémas , enfin dès l’instant où les balles des mitrailleuses sont dirigées contre la foule.

Il semble que le colonel Boumediene soit partisan d’un arabisme poussé, d’une tradition religieuse renforcée d’un rigorisme accru et il ne semble pas que la politique de libération de la femme soit à son programme : c’est lui qui a demandé et obtenu qu’il n’y ait plus de femmes-députés à l’assemblée algérienne. Les femmes algériennes ne s’y sont pas trompées qui furent les premières à descendre dans la rue.

Mais la politique actuelle semble viser, non seulement une remise en ordre, mais prévoir un grand nombre de dénationalisations et la restitution de certaines entreprises à des éléments « colons ». Dans la mesure où la faible base populaire du régime amène celui-ci à s’appuyer davantage sur la France — (le colonel Boumedienne demande instamment à être reçu par de Gaulle) — les pressions économiques de celle-ci s’accentuent : d’autre part, la collaboration militaire franco-algérienne s’accroît.


Après le coup d’Etat de Boumediene

https://chsprod.hypotheses.org/alge…

Pour l’anniversaire de la mort de Ben Bella, voici divers textes datant du coup d’État qui l’a renversé

En 1965, après le coup d’Etat de Boumediene [Houari Boumédiène] en Algérie, lettre de Jean-René Chauvin à Jean-Paul Sartre pour la publication dans les Temps Modernes d’un communiqué écrit par Albert Roux, visant à sauver de la torture à la fois les français et les algériens arrêtés par la police de Boumedienne.

Et réponse positive de Sartre…

(Cliquer sur une image pour l’agrandir)

Paris 10 octobre I965

Mon cher Sartre,

Vous trouverez ci-joint un communiqué de presse en date du 29 septembre dernier qui n’est que la reproduction de la lettre de notre ami Roux à l’ambassadeur d’Algérie à Paris. Cette lettre a été en son heure envoyée à tous les quotidiens, mais pas un seul n’en a fait état. Roux et ses amis m’ont demandé d’intercéder auprès de vous afin qu’elle soit publiée dans un prochain numéro des Temps Modernes. C’est ce que je fais avec plaisir, persuadé que vous serez de notre avis pour tenter de sauver de la torture à la fois les français et les algériens récemment arrêtés par la police de Boumediene.

Je n’ai pas besoin de vous présenter Albert Roux puis que c’est le même qui était trésorier du comité d’aide aux emprisonnés algériens, ce qui lui valut d’être plastiqué.

J’ajouterai même qu’une prise de position de votre part donnerait l’ampleur qu’il convient aux démarches déjà entreprises de divers côtés. Je suis à votre disposition pour tous les renseignements qui vous seraient nécessaires.

Toujours amicalement

Jean René Chauvin

Réponse Jean-Paul Sartre (fonds Jean-René Chauvin)

Paris, le 19 Octobre 1965

Cher Jean-René Chauvin,

Je transmets la lettre que vous m’avez communiquée aux « Temps Modernes » afin qu’elle soit publiée le plus rapidement possible.

Amicalement à vous,
Jean-Paul SARTRE

L’article suivant est tiré des archives du fonds Jean-René Chauvin

LA FAILLITE DU BENBELLISME

LES événements d’Algérie seraient décourageants si nous ne savions pas combien la réalité politique est différentes des images que nous nous forgeons quand nous essayons d’agir. Les visions fondées sur la probabilité de l’intelligence et de la tolérance doivent être sans cesse corrigées au fur et à mesure qu’interviennent l’ambition égoïste, la sottise et le sectarisme. En période de grandes transformations où l’espérance est encore plus vive, la dégradation peut être aussi plus profonde.

Faut-il en tirer des conclusions désespérées ? Nullement, mais une admission plus froide de la difficulté des tâches et de la durée des évolutions, une acceptation réaliste des reculs momentanés. Entre la vision pessimiste de l’histoire, qui conduit à la passivité, donc au conservatisme, et l’illusionniste qui annonce les paradis proches, prépare les déceptions et conduit finalement au même conservatisme — il y a place pour une vision qui croit à la transformation du monde, mais qui reste consciente de ce qu’est cette tapisserie de Pénélope, constamment défaite, qui pourtant se tisse peu à peu et qui ne se tisserait pas ou assumerait quelque horrible dessin si nous renoncions à la tisser. TOUT ceci va plus loin que l’Algérie, mais l’Algérie est actuelle, et nous touche. Si nous voulions bien nous placer en esprit à d’autres époques et en d’autres lieux, comme la Révolution française ou la Révolution russe par exemple, non pas en en faisant le bilan actuel qui intègre fautes, cruautés, et initiatives heureuses, les premières pâlissant généralement avec le recul devant le « solde créditeur » de l’opération, si nous nous reportions, par contre aux réactions de contemporains honnêtes devant ces fautes, alors que le « solde créditeur » n’était pas en vue — nous contemplerions les événements d’Algérie avec un œil moins scandalisé, et avec moins de bonne conscience.

Ce n’est, au demeurant, pas une raison pour s’abstenir de juger ; bien au contraire ! Sans les égorgements successifs de la Révolution Française, sans la folie épuratrice du stalinisme, les deux grandes révolutions des temps modernes auraient subi moins de déboires, Thermidor aurait peut-être été évité, et l’image du socialisme n’inquiéterait pas des millions d’hommes pour lesquels il est fait.

CERTAINES choses sont claires en Algérie, d’autres moins. Le premier responsable de la chute de Ben Bella, c’est Ben Bella lui-même. Le coup d’Etat de Boumediene était inscrit d’avance dans l’opération de Tlemcen. D’autre part, sans diminuer les responsabilités des leaders algériens, il ne faut pas oublier les nôtres, qui amenèrent ce pourrissement de la situation politique algérienne en 1962 : la durée de la guerre, la folle obstination, pendant tant d’années, de tous nos dirigeants de Gaulle compris, la démence criminelle des militaires et des Français d’Algérie qui firent l’OAS et rendirent la tâche impossible au GPRA ; enfin, le lourd héritage policier et militaire laissé par la guerre, dans lequel s’inscrit le mimétisme de Ben Bella vis-à-vis de de Gaulle, et l’aspect curieusement « Challien » du pustch de l’armée algérienne.

Ceci dit, il faut reconnaître que la faute la plus grave de Ben Bella, c’était d’avoir fait le vide autour de lui. Faute qu’il vient de payer. Le FLN n’est plus qu’un squelette administratif parce qu’il l’a stérilisé. On disait qu’il s’appuyait sur les paysans ; peut-être lui sont-ils restés fidèles, mais l’absence d’une organisation réelle et vivante rend en tout cas toute réaction rurale impossible. En revanche, il faut rappeler qu’il cherchait une voie socialiste spécifiquement algérienne, qu’il tempérait son pouvoir personnel par une humanité certaine, et une faculté d’accepter les critiques et d’infléchir ses décisions ; il a peu ordonné d’exécutions, il a su gracier, il a moins emprisonné que beaucoup d’autres.

Personne n’est d’ailleurs moins qualifié que ses détracteurs actuels pour juger un homme qu’ils ont porté au pouvoir et dont ils ont cautionné les actes quand ils ne les ont pas inspirés. Les plus grands concussionnaires du Benbellisme sont d’ailleurs toujours en place. S’il est difficile de juger « moralement » un coup d’Etat qui modifie un autre coup d’Etat, il reste qu’on juge de tels actes à leurs fruits. Les premiers de ceux-ci : troubles, répression, morts, confusion, élimination de certains éléments de gauche, ne laissent pas d’être inquiétants.

POURTANT, il me semble que sans affaiblir les critiques et les mises en garde, il faut éviter de porter un jugement définitif sur le nouveau régime — et la gauche française, en particulier, prendrait une décision lourde et dangereuse, en se coupant totalement de lui. Ce serait parier à la fois sur sa disqualification politique et sa disparition proche. Celle-ci, que cela plaise ou non, n’est pas certaine, car l’armée est la seule force organisée, le peuple n’a pas tellement bénéficié du benbellisme, et sept ans de guerre et de souffrance ont probablement usé sa force de révolte.

D’autre part, des informations sérieuses montrent qu’au départ, les nouveaux dirigeants n’avaient pas d’orientation très différente de celle de Ben Bella ; c’est probablement ce qui explique la première approbation donnée par Pé­kin, pourtant informé par le plus nombreux personnel diplomatique d’Alger ! Le plus caractéristique, c’est incertitude, le manque de vues très précises de ces dirigeants ; suivant les appuis et les oppositions, ils peuvent s’orienter de façon différente ; le plus inquiétant n’est pas l’appui des milieux commerciaux ou traditionalistes qui ne peuvent faire moins que d’essayer de gagner les bonnes grâces du régime, mais l’hostilité nouvelle que semblent rencontrer les progressistes ou communistes. Encore faut-il savoir jusqu’où va cette hostilité, et qui elle vise. Les prochaines semaines le montreront.

LE seul espoir ce serait que l’incertitude et l’isolement des auteurs du coup d’Etat les obligent à rechercher des appuis parmi tous les courants de la Révolution éliminés par Ben Bella. Cela suppose d’abord la paix en Kabylie et des conversations avec Ait Ahmed, des conversations tant avec Boudiaf et ses amis qu’avec la gauche de l’ancienne UDMA, le rétablissement d’une vie démocratique tant dans le FLN que dans les institutions, et de véritables élections : immédiatement, la libération des prisonniers politiques — et des précisions avec preuves à l’appui sur le sort de Ben Bella. En un mot, la démocratie.

A ce prix — on oubliera l’origine du nouveau régime, et il se fortifiera contre d’autres coups d’Etat. A ce prix seulement. La petite lueur qui apparaît dans cet horizon assez sombre vient justement de la constatation faite par un nombre croissant d’Algériens des maux de l’autoritarisme et des avantages de la démocratie, si peu efficace, si lente soit- elle. L’autoritarisme, c’est commode en apparence, contre les « autres » — mais la roue tourne et on est vite « l’autre » de quelqu’un. L’autoritarisme c’est rapide et efficace, croit-on — mais il s’enfonce ainsi aveuglément dans les pires impasses. Peut-être reviendra-t-on bientôt du sophisme selon lequel l’autoritarisme est « normal » en pays sous-développé.

L’Algérie Après le coup d’Etat de Boumedienne 1965 (fonds JR Chauvin)

L’Algérie vit à nouveau des jours dramatiques. Passé le moment de stupeur c’est le peuple algérien qui, cette fois encore, a répondu, le peuple algérien qui a bougé. Les manifestations d’hostilité au colonel Boumediene vont-elles s’arrêter, s’amplifier, déborder le cadre des villes et des éléments les plus politisés de la population ? La résistance va-t-elle s’organiser sourdement et à la longue ou bien le peuple malgré sa lassitude trouvera-t-il la force et le courage de faire face aux chars de l’A.N.P. ? Nul ne le sait !

Pourtant même s’il apparaît peu probable qu’un renversement immédiat de la situation puisse se produire, on peut constater, quel que soit la suite des événements, que si la machine remarquablement bien huilée du putsch militaire a quelque chance de s’enrayer, si elle a commencé à grincer, c’est à cette première réaction populaire qu’on le doit.

Si l’équipe Boumediene se maintient au pouvoir, elle se maintiendra par la force après avoir pris le pouvoir par la violence. Le processus de répression qui doit s’ensuivre et déjà s’amorce ne facilitera certes pas la tâche aux nouveaux dirigeants. Si la conférence afro- asiatique a été remise à plus tard, si l’opinion mondiale a quand même quelques réticences à avaliser purement et simplement le coup d’Etat, c’est évidemment parce que chacun attend de voir si le colonel Boumediene consolidera son pouvoir. Les manifestations populaires semblent pour le moment le seul élément à s’être mis en travers de sa route.

Car le ralliement de la presque totalité des membres du gouvernement, ralliement prévisible pour certains, assez décevant pour d’autres n’a pas demandé 48 heures. Seule l’Amicale des Algériens en France a pris immédiatement position contre les putschistes aux côtés de l’VGTA (syndicat) et de l’UNEA (Union des étudiants). Mais dans le contexte qui semble se dessiner, combien de temps pourront-ils s’y tenir ? Une fois de plus se vérifie la coupure entre les milieux politiques et la masse algérienne, et apparaît le contraste entre le socialisme dans les mots et le socialisme à la base.

Ceux qui connaissent mal la réalité algérienne se sont posé deux questions : celle de la « couleur » du clan Boume­diene, celle du processus qui a permis sa mise en place à la tête de l’Algérie La réponse à la première question ne laisse plus beaucoup de place au doute dès lors qu’un groupe de militaires prend le pouvoir par la violence et en violant la Constitution, dès lors que les premières mesures prises consistent dans l’élimination des communistes et progressistes, que les premières alliances pressenties semblent se dessiner avec l’opposition bourgeoise de droite, que le premier soutien vient des Oulé­mas , enfin dès l’instant où les balles des mitrailleuses sont dirigées contre la foule.

L’Algérie Après le coup d’Etat de Boumedienne 1965 – suite – Fonds JR Chauvin

Pourtant tâchons d’analyser ce que représente l’ANP. L’Armée nationale populaire, sans être monolithique, est en Algérie, le seul corps constitué puissant et stable. L’ANP, issue de « l’Armée des Frontières » qui, dans la confusion de l’été 1962 porta Ahmed Ben Bella au pouvoir, l’ANP depuis l’indépendance avec le colonel Boumediene à sa tête, n’a cessé de se structurer, de s’équiper, de s’entraîner, de se moderniser et d’asseoir son pouvoir politique. L’armée a ses hommes en place à des postes clefs : (ex. : M. Bouteflika aux Affaires étrangères). L’armée possède même en propre des terres, des entreprises rurales exploitées par des paysans-soldats. « Un Etat dans l’Etat » disait-on. Elle était la seule force sur laquelle Ben Bella s’est appuyé contre ses diverses oppositions. Mais force redoutable, exigeante qui s’opposait au pouvoir civil, obligeant Ben Bella à pratiquer cette politique de dosage, de manœuvres où il semblait passé maître. Le contraignant à ménager plus qu’il n’aurait voulu une certaine forme d’arabisme rétrograde, l’acculant parfois à sacrifier sur son aile gauche des hommes de la valeur de Mo­hamed Harbi.

Brosser le portrait moral d’une armée est évidemment une entreprise impossible, tout au moins peut-on dégager quelques lignes de force. Dans un pays comme l’Algérie où le chômage est pour tant de gens encore la loi commune, les militaires forment une caste privilégiée, ne serait-ce que parce qu’ils ont des conditions de vie décentes. Ces hommes se sont montrés courageux pendant sept années de guerre, ils ne manquent pas pour la plupart de valeur humaine, mais, phénomène qui se retrouve dans toutes les couches de la sociétés algérienne, ils manquent de formation politique surtout, et cela même au niveau des cadres. Ils se croient volontiers seuls détenteurs de la vérité, assez imbus de leur puissance et de leur mission, le tout non exempt d’un certain fanatisme. Ils sont attachés à une certaine idée de socialisme, bien à eux, parfois primaire, sentimentale, socialisme qui pourrait dégénérer sans embarras en un socialisme assez— national.

Prenons exemple de l’autogestion, une des plus belles réalisations de ces trois années, au moins quant au principe. L’armée n’est pas contre l’autogestion. Mais elle oppose à la conception démocratique, cherchant à faire participer de plus en plus les travailleurs avec tendance à décentralisation au niveau de la commune, une conception autoritaire. Il s’agit toujours d’autogestion, mais il y a un monde entre les deux.

Il semble que le colonel Boumediene soit partisan d’un arabisme poussé, d’une tradition religieuse renforcée d’un rigorisme accru et il ne semble pas que la politique de libération de la femme soit à son programme : c’est lui qui a demandé et obtenu qu’il n’y ait plus de femmes-députés à l’assemblée algérienne. Les femmes algériennes ne s’y sont pas trompées qui furent les premières à descendre dans la rue.

Si la popularité des djounouds (combattants) en Algérie était extrême, on se méfie beaucoup plus des militaires. La répression menée en Kabylie avec rudesse, certains traitements allant parfois jusqu’à la torture infligés à des prisonniers politiques n’ont pas ajouté au crédit de l’armée parmi la population.

Examinons maintenant comment le colonel Boumediene est arrivé à la première place. Il n’est pas douteux que la lutte d’influence que se livrent depuis trois ans civils et militaires, soit à l’origine des derniers événements, et il n’est personne qui n’ait envisagé la possibilité d’un coup d’Etat militaire comme conclusion aux atermoiements, aux faiblesses, aux erreurs que pouvait comporter la politique de Ben Bella. Pourtant le moment ne semblait pas venu. On pouvait espérer une amélioration de la situation, espérer un assainissement de certains secteurs au moment où une nouvelle génération allait bientôt surgir (ce n’est pas un hasard si les étudiants ont partout pris la tête des manifestations), espérer aussi que Ben Bella parviendrait enfin à équilibrer les forces en présence.

Depuis longtemps Ben Bella cherchait à démilitariser son régime, à limiter le pouvoir de l’armée en créant un parti fortement structuré : il n’y est pas parvenu ; en créant des milices populaires : elles furent un échec. On aurait mauvaise grâce à lui en imputer la totale responsabilité.

Comment assurer par exemple des structures populaires au parti, dans un pays où les rares élites, les quelques cadres sont tous d’origine bourgeoise du fait du colonialisme ? Les dernières négociations avec le FFS et l’opposition de gauche n’avaient pas pour but principal un éventuel ralliement des partisans de M. Ait Ahmed.

En faisant disparaître les derniers maquis, d’ailleurs déjà presqu’inexistants, on rendait inutiles les opérations militaires en Kaby­lie, l’armée donc reprenait sa place, redevenait plus passive, perdait de son importance. L’équilibre se rétablissait tout naturellement en faveur du pouvoir civil et du parti, on pouvait repartir sur un échiquier politique assaini. Il paraît évident qu’à l’annonce de l’accord entre le FLN et le FFS, du rappel des troupes de Kabylie, suivi des rumeurs de limogeage de M. Bouteflika et de son propre déplacement, le colonel Boume­dienne a préféré asseoir son autorité avant qu’il ne soit trop tard.

M. H. L’Action, juillet-Août 1965

LA REMISE DE LA CONFERENCE AFRO – ASIATIQUE D’ALGER

Le coup d’Etat du colonel Boumedien­ne a eu pour effet la remise au mois de novembre de la conférence afro-asiatique qui devait se tenir à Alger le 29 juin dernier. La réunion préalable des ministres des Affaires étrangères n’a pas eu lieu et la remise a été acceptée par tous sans que son exposé de motifs puisse préjuger de l’attitude prise à l’égard de la nouvelle équipe au pouvoir à Alger. L’habileté du ministre pakistanais a permis d’éviter l’éclatement du bloc afro-asiatique et l’échec de la conférence.

Son maintien aurait eu pour effet l’abstention de nombreux pays et, par conséquent, la scission. Les pays membres du Commonwealth et plusieurs pays africains étaient décidés à ne pas cautionner, par leur présence, un régime dont ils ignoraient l’évolution, et une conférence vouée à un déchirement quasi-inévitable. Car l’empressement avec lequel la Chine communiste avait cautionné le nouveau régime algérien dévoilait ses intentions de faire de la tribune de la conférence un terrain de lutte contre l’URSS et ses alliés.

Soutenus tout d’abord par Nasser, les Chinois ont été finalement abandonnés de tous, y compris leurs meilleurs al­liés et ont dû s’incliner devant la dé­cision de l’écrasante majorité des par­ticipants. Quant aux dirigeants algériens actuels, ils semblent avoir été soulagés par cette décision qui leur permet de s’occuper en premier lieu de la situa­tion intérieure et de l’élargissement éventuel de leur équipe. Le deuxième Bandoung a mal commencé. La

rencon­tre avortée d’Alger a permis de dévoi­ler les antagonismes ouverts ou latents qui divisent les pays du Tiers-Monde et que le conflit sino-soviétique a encore aggravés.

V. F. L’Action, juillet-Août 1965

LIVRES - L’Algérie Nation et Société

MOSTEFA LACHERAF est bien connu déjà à travers ses multiples activités tant en Algérie qu’en France : poète, essayiste, spécialiste de la littérature arabe, de la culture populaire et savante algérienne, militant des mouvements nationalistes dès son jeune âge et prisonnier politique à Fresnes durant près de cinq ans. Autant de titres qui rendent particulièrement opportune la publication d’un recueil (1) de onze articles parus entre 1954 et 1964, augmenté d’une importante et inédite introduction écrite au début de cette année. L’ouvrage constitue ainsi une analyse socio-historico-politique de l’Algérie débouchant sur des problèmes de langue et de culture qui seront l’objet d’un autre livre en préparation.

A travers la diversité des essais de Lacheraf, marqués par les circonstances historiques, quelques constantes d’orientation se dégagent. Le projet de redresser de l’intérieur les erreurs, oublis et falsifications colonialistes de l’historiographie française, vise à restituer le vrai visage de la société algérienne avant 1830 et celui de la longue et tenace résistance d’un peuple soumis à une tentative forcenée de destruction. Un tel projet se prolonge, dans les études, plus récentes, par la volonté d’apporter une contribution objective à l’histoire- du Front de Libération Nationale et à celle des événements confus qui succédèrent au cessez-le-feu. Toute cette démarche conduit Lacheraf à revenir sans cesse sur les concepts fondamentaux de nation, patrie et société, pour les préciser, les enrichir d’analyses concrètes et accumuler ainsi les éléments d’une histoire du patriotisme et du nationalisme algériens.

En schématisant, on pourrait dire que face à la conquête militaire française, puis à la colonisation européenne, se sont dressés dans une première période un patriotisme rural et un patriotisme urbain ; le premier, à la fois militaire et économique — ce fut le mouvement obscur et patient de récupération des terres sur les colons sur lequel l’auteur insiste à juste titre dans l’introduction — est parti de la terre et ne se dissocia guère d’une lutte contre la féodalité autochtone et d’une volonté obscure de réaménagement de la société ; le second fut relayé par le premier nationalisme algérien, de coloration prolétarienne, né dans l’émigration en France (L’Etoile nord-africaine) ; mais il fut à son tour recouvert par un nationalisme issu de la petite bourgeoisie urbaine en plein essor, qui a servi ensuite d’idée-force pour cimenter les énergies de la presque totalité du peuple algérien dans la lutte pour la libération nationale. Aujourd’hui où cet objectif est atteint, il s’agit de revenir à l’unité révolutionnaire pour transformer radicalement la société traditionnelle ; d’où le danger, à la phase actuelle, que la petite bourgeoisie se serve de surenchères nationalistes et populistes pour masquer ses propres intérêts de classe en contradiction avec ceux des grandes masses paysannes misérables et éprouvées, exclues en majeure partie de l’autogestion, ceux de la minorité ouvrière éduquée et de la petite bourgeoisie révolutionnaire.

Un autre thème dominant, bien que moins apparent à la lecture, concerne le rôle de la religion : si les masses populaires et certains dirigeants savent faire le départ entre d’une part la foi vécue, la religion musulmane comme forme de résistance historique à l’assimilation, et d’autre part les options politiques et sociales, une confusion mystifiante s’est pourtant largement répandue ; de même qu’autrefois certains ont voulu réduire le patriotisme algérien au fanatisme islamique (« la guerre sain­te »), de nombreux esprits — et paradoxalement même parmi ceux qui se disent marxistes — veulent continuer à tendre les énergies nationales avec une idéologie arabo-musulmane trouble au nom d’un réalisme prétendument sociologique ou d’un mythe de l’« Islam accélérateur du socialisme », faute d’appliquer une théorie scientifique rigoureuse à la spécificité algérienne.

C’est contre un tel « nationalisme de parade » et une telle « religiosité tactique » que Lacheraf indique avec force la voie d’une transformation collective, disciplinée et austère, de la société algérienne, qui s’appuierait sur des études scientifiques de la réalité et des classes sociales ; et par là refuserait de perpétuer des anachronismes multiples dus au sous-développement pour rejoindre le long combat du peuple algérien en même temps que les courants rationalistes et révolutionnaires nés en Europe.

Pierre JOUBERT Été 1965, L’Action

(1) Editions Maspéro, Paris 1965.

« LIBÉRALISME » ET RÉPRESSION EN ALGÉRIE

Novembre 1965

Nous avions écrit cet été qu’il fallait éviter de porter un jugement trop hâtif sur le régime Boumedienne, malgré les circonstances déplorables de son instauration. Nous n’en sommes que plus libres pour souligner combien son évolution actuelle est inquiétante.

— Qu’un certain frein soit apporté aux socialisations n’est pas, en soi, condamnable : toutes les révolutions ont passé par de telles phases, comme la « NEP » en URSS, et un grand nombre de collectivisations ont été effectuées à la hâte et sans personnel compétent.

L’autogestion agricole décentralisée pose, par exemple, un problème de comptables absolument dramatique.

— Mais la politique actuelle semble viser, non seulement une remise en ordre, mais prévoir un grand nombre de dénationalisations et la restitution de certaines entreprises à des éléments « colons ». Dans la mesure où la faible base populaire du régime amène celui-ci à s’appuyer davantage sur la France — (le colonel Boumedienne demande instamment à être reçu par de Gaulle) — les pressions économiques de celle-ci s’accentuent : d’autre part, la collaboration militaire franco-algérienne s’accroît.

— Le colonel Boumedienne cherche à persuader M. Farès et M. Boumendjel de participer au gouvernement, le premier aux Finances, le second à la Justice. Si le second peut avoir une influence favorable sur les libertés individuelles, le premier représente une orientation « libérale » dans un tout autre sens — et sans doute une rupture avec toute orientation socialiste même modérée.

— Mais le plus grave — et ce qui demanderait plus que la participation de M. Boumendjel pour être modifié, c’est l’aggravation de la répression : plusieurs jeunes Français sont arrivés en France, expulsés d’Algérie, dans un état de délabrement physique et mental accentué à la suite de tortures policières prolongées. Ils assurent que plus de deux mille membres de l’opposition seraient victimes de ces sévices.

BEN BELLA : OTAGE ?

— On ne sait toujours rien de précis sur Ben Bella. Selon certains bruits, il servirait d’otage à une fraction de l’armée dont fait partie son geôlier, le colonel Saïd Abid.

Il « aurait été vu » par un avocat envoyé par le Roi du Maroc. On annonce son procès : ce qui est indispensable pour rétablir les relations de régime tant avec le reste du Maghreb qu’avec l’Egypte.

Mais quel est exactement, dans l’affaire Ben Bella comme dans les autres, le pouvoir réel du colonel Boumedienne ? On ne le sait pas. Le 30 septembre, il semble qu’une tentative de putsch militaire aurait eu lieu, non pas contre Bou­medienne lui-même, mais contre Boute­­flika et Boumaza, auxquels les colonels reprochent leur incompétence et leur appartenance à « l’ancien régime ». Le putsch n’a pas réussi — mais ses auteurs n’ont pas été sanctionnés. Si l’information est exacte, elle mesure les limites du pouvoir de Boumedienne, qui n’est peut-être que le « Neguib » d’un futur « Nasser ».

“L’Action ”

Échange de courrier sur l’algérie entre Bruno et do


Bruno Friday, April 12, 2019 6:32 PM

Tiens donc !

Une « révolution » fomentée par l’Occident au Soudan, mais en Algérie elle est spontanée !?

L’Occident est-il devenu borgne ?


do le 12/04/19 19:09

Salut,

Tout d’abord l’actuelle révolution algérienne sera peut-être récupérée.

Mais toutes les révolutions ne sont pas manipulées dès le départ ; sinon, nous, les révolutionnaires, on servirait à quoi ? seulement à faire de la météorologie historique ?

La France a gagnée la guerre d’Algérie depuis qu’elle a réussi à éliminer Ben Bella.

Examine attentivement ce site :

http://www.anp.org/fr/index.html

Et plus particulièrement cette page qui dénonce que les généraux qui gouvernent l’Algérie sont d’« anciens » harkis au service de la France :

http://www.anp.org/fr/cancerDZ.html

Et si c’est pas assez il y a le serment :

http://www.anp.org/fr/serment.html

Le Serment

Nous Officiers fidèles au serment du premier novembre 1954, et fidèles aux principes sacrés du peuple Algérien dont nous sommes issues.

Nous proclamons solennellement, haut et fort notre indignation, notre refus catégorique de nous taire face au génocide incessant de nos pères, mères, frères, soeurs et enfants.

Les limites de la barbarie et de l’incroyable ont été encore une fois dépassées sur le sol de nos ancêtres.

L’Armée Nationale Populaire a de tout temps été le symbole de l’honneur et du sacrifice, mais l’avènement d’officiers supérieures (ex-officiers de l’armée française ou relatifs) à ses commandes, nous a reconduit plus de quarante ans en arrière. Les pendules sont à l’heure de l’occupation.

Pour toutes ces raisons et pour suivre l’exemple de nos frères officiers et sous-officiers lâchement exécutés dès les premières heures de la guerre civile par d’autres membres de l’Armée Nationale Populaire, sous les commandes de Mariane, nous combatterons ces nouveaux harkis et leurs alliés jusqu’à la dernière goutte de notre sang.

Au moment où le peuple Algérien vit les jours les plus sombres de son histoire , il convient de s’incliner devant la dignité de ce peuple qui souffre en silence dans sa chair et dans son âme derrière un rideau de fer.

Gloire à nos martyrs

Bien à toi,
do


Bruno le Friday, April 12, 2019 10:49 PM

Ce n’est certainement pas une révolution pour le moment, c’est une révolte. Une révolution se fait quand il y a un nouveau projet de société et un remplacement d’une classe par une autre.

Boumedienne était un révolutionnaire socialiste et non aligné..


do le 13/04/19 09:27

Salut,

Si Boumédienne avait été un révolutionnaire, il n’aurait pas mis Ben Bella en prison :

http://mai68.org/spip/spip.php?arti…

A+
do


Bruno le Saturday, April 13, 2019 9:42 AM

Mais Ben Bella a fait trop de conneries. Il suffit de lire les documents et les témoignages pour le savoir. …Et la réconciliation publique entre Ben Bella et Bouteflika après son élection prouve bien les aléas de la pensée et de la tactique de Ben Bella.

Cela étant, il y a toujours eu des contradictions entre révolutionnaires. Staline était un révolutionnaire comme Trotsky ou Boukharine, Lénine était un révolutionnaire comme Rosa Luxemburg, Hebert était un révolutionnaire comme Robespierre, et pourtant ils se sont v …Quant à Boumedienne, la politique qu’il a suivi était bien anti-impérialiste, collectiviste et socialiste. Et d’ailleurs les Etats socialistes, arabes ou autres, ne s’y sont pas trompés.

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do le Le 13/04/2019, à 15:20,

Salut,

Tout est dit dans cet extrait de Wikipedia sur Boumédenne :

« Boumédiène conteste le régime de son allié Ben Bella. Lorsque le 28 mai 1965, ce dernier annonce qu’il retire à Abdelaziz Bouteflika, autre membre du « clan d’Oujda », son portefeuille de ministre des Affaires étrangères, les événements se précipitent. Boumédiène et ses proches décident le 19 juin 1965 de mener un coup d’État au terme duquel il devient le nouveau président de l’Algérie. »

Mais on peut continuer un peu si tu veux :

« Durant son règne, Boumédiene n’autorisait aucune opposition politique, c’est durant son règne que furent assassinés les Historiques de la révolution Mohamed Khider et Krim Belkacem, emprisonnés ou mis en résidence surveillée les anciens présidents (Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda, Ahmed Ben Bella), ou militants de la cause nationale (Hocine Lahouel, Mohammed Kheïreddine, Colonel Bouregaa). »

Je crois sérieusement que les conneries, et même les salopperies, c’est Boumédienne qui les a faites !

On continue ?

« Pour l’hebdomadaire Jeune Afrique, Boumédiène incarne ainsi un "socialisme spécifique", "sorte d’idéologie marxiste-léniniste teintée d’arabisme forcené et de charia approximative" Dans un pays kabyle et berbère au deux-tiers, l’arabisme forcené, c’est du délire. »

Mais il est vrai que toujours d’après wikipedia :

« L’année 1973 lui donne une nouvelle fois l’occasion d’affirmer son influence sur le plan international en organisant avec succès le sommet des non-alignés auquel les plus grands dirigeants du Tiers-Monde de l’époque assistent. Dès lors, l’Algérie de Boumédiène offre un soutien très actif (Question de do : qu’est-ce que ça veut dire ? il leur envoyait des armes et de l’argent comme le faisait avant lui Ben Bella sous l’influence du Che ? ou il se contentait de blabla ? Je ne sais pas…) aux différents mouvements de libération d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, et c’est en véritable leader du Tiers Monde qu’il se déplace en 1974 à New York, pour prendre part à une réunion spéciale de l’Assemblée générale de l’ONU sur les matières premières qu’il a lui-même convoquée au nom des non-alignés. »

Lis-donc ce texte sur le Che écrit par Ben Bella et dis-moi que Ben Bella n’était pas un vrai révolutionnaire :

http://mai68.org/spip/spip.php?arti…

Le fait que Boumédiene l’ait renversé malgré tout est la preuve que Boumédienne n’était pas un mec bien

Bien à toi,
do

______________________

Bruno le Saturday, April 13, 2019 7:49 PM

Je n’ai pas dit que ben bella n’était pas aussi un révolutionnaire… comme Boumediene. Par ailleurs toi tu dis que tu ne sais pas le rôle de l Algérie dans l aide aux luttes du tiers monde mais tu juge Boumediene …moi je sais parce que je me suis occupe en pologne de l aide du camp socialiste aux révolutions et je sais bien que les algériens aidaient beaucoup plus que tous les autres réunis. Avec fermeté. Et cela les camarades cubains dont le che le savaient. Car Boumediene était engage la dedans en tant que ministre puis en tant que président et jusqu’à a sa mort

Si des organes bourgeois comme wiki et jeune vieille Afrique tirent sur lui crois moi les Bourges savent pourquoi ils détestent ceux que nous devons aimer.


do le 13/04/19 20:58

Ben Bella parle :

http://mai68.org/spip/spip.php?arti…

Un jour, Che Guevara me dit : « Ahmed, nous venons d’avoir un coup dur, des hommes entraînés à la villa Susini se sont fait prendre à la frontière entre tel et tel pays (je n’ai plus souvenance des noms) et je crains qu’ils ne parlent sous la torture. » Il s’inquiétait beaucoup et craignait que le secret du lieu où se préparaient les actions armées ne soit éventé et que nos ennemis ne s’aperçoivent de la véritable nature des sociétés d’import- export que nous avions implantées en Amérique du Sud.

Che Guevara était parti d’Alger lorsque eut lieu le coup d’Etat militaire du 19 juin 1965 contre lequel, d’ailleurs, il m’avait mis en garde. Son départ d’Alger, puis sa mort en Bolivie et ma propre disparition pendant quinze années doivent être étudiés dans le contexte historique qui marqua le reflux ayant suivi la phase des luttes de libération victorieuses. Ce reflux qui sonna le glas, après l’assassinat de Lumumba, des régimes progressistes du tiers-monde et entre autres de ceux de N’Krumah, de Modibo Keita, Soekarno, Nasser, etc.

Che guevara est mort en 1967. L’algérie qui aidait le Che à faire la révolution, c’est celle de Ben Bella, pas celle de Boumédienne !

A+
do


Bruno le Saturday, April 13, 2019 9:21 PM

Parce que hormis le Che il n’y avait pas de révolutions ailleurs dans le monde, en Afrique, en Palestine, dans le monde arabe, en Asie, en Irlande du nord, etc ??? Tu ne sais pas de quoi tu parle. Et même pour Cuba, l’Algérie l’a aidée sous Boumedienne dès 1965 donc (sans parler du fait qu’en tant que ministre de la défense de 1962 à 1965, c’est Boumedienne qui aidait concrètement le Che)


do le 13/04/19 22:13

Ainsi, donc, tu n’as pas du tout l’impression que Boumédienne fut à Ben Bella ce que Pinochet fut à Allende, et Campaoré à Sankara ?


Bruno le Sunday, April 14, 2019 1:36 AM

pas du tout, il suffit de voir la politique de l’Algérie sur le plan de la collectivisation, de l’industrialisation planifiée, du système d’éducation, des alliances internationales, de la lutte contre Israël pour comprendre que l’Algérie de Boumedienne était socialiste, avec des erreurs certes, mais comme partout dans le socialisme.

Boumedienne / Ben Bella si on doit trouver des comparaisons toujours hasardeuses c’est un peu Mao Zedong et Liu Shaoshi… et franchement je ne sais pas lequel des deux serait plutôt Mao ou plutôt Liu.

Campaoré a supprimé toutes les réalisations sociales et économiques de Sankara, Boumediennne les a développé et il a fallu attendre Chadil pour avoir la privatisation et les fermetures d’usines. Quant au Chili, Boumedienne a accueilli en Algérie des réfugiés politiques chiliens. Je sais bien cela parce que en Pologne, j’ai connu un réfugié politique chilien du MIR (l’extrême gauche chilienne) qui critiquait tout le temps le socialisme est-européen et le PC chilien comme trop "bourgeois". A la fin les Polonais s’énervaient de plus en plus contre lui et ils voulaient l’expulser (ce qui aurait risqué sa vie) et c’est moi qui ai négocié avec les autorités pour qu’ils repoussent la date de l’expulsion car, en attendant, on négociait avec l’Algérie pour qu’elle l’accepte, ce qu’elle a finalement fait et il est parti vivre en Algérie. …Alors Pinochet !!!! Certainement pas !

Les Algériens des années 1970 étaient très très fiers de leur pays et voyaient son progrès régulier et c’était un exemple pour tous les pays non alignés. Son prestige était énorme et ses liens avec Cuba et le Vietnam particulièrement étroits.


do le Le 14/04/2019, à 04:07

Salut,

Je serais curieux de savoir ce que tu penses de ces textes datés de l’époque du coup d’État de Boumédiène contre Ben Bella :

https://chsprod.hypotheses.org/alge…

Extraits :

Ceux qui connaissent mal la réalité algérienne se sont posé deux questions : celle de la « couleur » du clan Boumediene, celle du processus qui a permis sa mise en place à la tête de l’Algérie La réponse à la première question ne laisse plus beaucoup de place au doute dès lors qu’un groupe de militaires prend le pouvoir par la violence et en violant la Constitution, dès lors que les premières mesures prises consistent dans l’élimination des communistes et progressistes, que les premières alliances pressenties semblent se dessiner avec l’opposition bourgeoise de droite, que le premier soutien vient des Oulémas , enfin dès l’instant où les balles des mitrailleuses sont dirigées contre la foule.

Il semble que le colonel Boumediene soit partisan d’un arabisme poussé, d’une tradition religieuse renforcée d’un rigorisme accru et il ne semble pas que la politique de libération de la femme soit à son programme : c’est lui qui a demandé et obtenu qu’il n’y ait plus de femmes-députés à l’assemblée algérienne. Les femmes algériennes ne s’y sont pas trompées qui furent les premières à descendre dans la rue.

Mais la politique actuelle semble viser, non seulement une remise en ordre, mais prévoir un grand nombre de dénationalisations et la restitution de certaines entreprises à des éléments « colons ». Dans la mesure où la faible base populaire du régime amène celui-ci à s’appuyer davantage sur la France — (le colonel Boumedienne demande instamment à être reçu par de Gaulle) — les pressions économiques de celle-ci s’accentuent : d’autre part, la collaboration militaire franco-algérienne s’accroît.

Bien à toi,
do


Bruno le dimanche 14 avril 2019 10:36

Cela montre qu on ne construit pas une nation nouvelle sans discipline et état fort. Ben Bella a été un facteur de desordre dans un pays nouveau ou l on devait souder les populations. Surtout dans la situation d un processus révolutionnaire. Boumediene allait le faire. Créer un état frugal austère et dur avec des bases spécialistes. En fait c était un jacobin arabe.

Son probleme a été de devoir dominer les cadres militaires venus de l armée française qui étaient techniquement nécessaires mais politiquement opportunistes. D ou la dictature. Qui a tenu tant qu on ne l a pas tué… Et ensuite la dictature est devenue contre révolutionnaire. Il n a pas su ou pu preparer une équipe.


Bruno le dimanche 14 avril 2019 14:14

la question n’est pas ce qu’on a dit du coup d’Etat (il n’y avait pas de constitution à l’époque en fait car l’assemblée constituante avait été congédiée par …Ben Bella dès 1962) mais ce que Boumedienne allait faire …on peut certes le critiquer, mais globalement, il a poursuivi la politique socialiste en économie et en idéologie jusqu’à sa mort …Il a interdit les partis, dont les communistes …mais les bolcheviks ont fait de même …et ni les Soviétiques ni les Chinois ne lui ont pour autant refusé le "label" socialiste, non aligné, anti-impérialiste, progressiste… etc. Ce sont les trotskystes qui ont perdu avec la chute de Ben Bella car ils étaient un peu implantés dans son entourage. Les communistes ont été poussés à rejoindre le FLN.

Il n’y a eu aucune dénationalisation sous Boumediene, au contraire, la politique d’industrialisation étatiste a été accélérée. Ce sont les faits qui comptent et pas ce qu’on suppose que l’avenir donnera …

Pour contrebalancer la coopération militaire franco-algérienne (même si les troupes françaises quitteront le pays …sous Boumedienne) il y a eu la coopération militaire algéo-soviétique. Boumedienne a mené une politique de bascule entre France et URSS …ce qui explique pourquoi de Gaulle n’a jamais accepté de le recevoir (il a ressenti comme un affront que l’Algérie ne veuille pas rejoindre l’organisation de la francophonie). Mais, dans le grand jeu, la France de de Gaulle représentait un second contrepoids face aux USA mais aussi face à l’URSS dont Boumedienne ne voulait pas entièrement dépendre, car son objectif était l’unité arabe avec Nasser et les Etats arabes baathistes. Le non alignement et l’unité arabe.

Bref, en politique il faut être dialecticien si l’on veut avancer …Boumediene ne l’a pas été suffisament d’où la régression chadlienne à sa mort.

2 Messages de forum

  • Salut,

    Il se trouve qu’au tout début des années 1970, à l’époque de Boumédiène, j’avais des amis algériens étudiants à la fac. Ils étaient révolutionnaires. Tous ont préféré rester en France capitaliste. Si Boumédiène avait vraiment été révolutionnaire, n’auraient-ils pas préféré rentrer en Algérie une fois finies leurs études ?

    A+
    do
    http://mai68.org

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    • Et moi il se trouve que dans les années 1970 j’étais en Pologne et qu’il y avait beaucoup d’étudiants algériens qui rigolaient doucement du socialisme des pays de l’Est qu’ils trouvaient incomparablement moins révolutionnaires que celui de leur pays dont ils étaient très fiers …D’ailleurs les étudiants de toute l’Afrique regardaient les Algériens avec admiration pour leur capacité …à l’époque à avoir des analyses pertinentes des questions nationales et internationales …

      Les souvenirs personnels ont tous une valeur très relative, alors il faut savoir les dépasser …Il est clair que des erreurs ont été faites sinon Chadli n’aurait pas tout cassé …Les Algériens aujourd’hui ont tendance à dire que tout était mauvais depuis 1962 ..Entre ces deux extrêmes il faut voir la réalité dynamique dans ses nuances.

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