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La Libra, la monnaie virtuelle de Facebook veut nous espionner (4’16)

vendredi 21 juin 2019, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 21 juin 2019).

Enregistré lors du Soir 3 du 20 juin 2014

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Chère lectrice, cher lecteur,

On en connaît désormais les contours. La libra, la cryptomonnaie de Facebook, fera son apparition l’an prochain. On pourra l’utiliser via Messenger, WhatsApp ou des apps dédiées pour envoyer de l’argent à des proches ou payer des achats. Sa valeur sera déterminée par un panier de devises traditionnelles, dont le dollar et l’euro. Un groupe de 28 entreprises et ONG, appelé à grandir, la supervisera depuis Genève, qui s’offre un beau coup de pub au passage.

Les enjeux de cette nouvelle monnaie sont vertigineux. Ils le sont d’autant plus que ses chances de succès sont non négligeables. Facebook saura-t-il résister à la tentation d’utiliser cette nouvelle masse de données à des fins commerciales ? Comment la monnaie sera-t-elle régulée ? Quels sont les risques que présente une devise proposée par des entités privées, et par essence non démocratiques ? Le réseau social y répond en partie, mais le doute subsiste.

Le 19 juin 2019

Mathilde Farine, journaliste économique


Comment fonctionnera la libra, la nouvelle monnaie de Facebook

https://www.letemps.ch/economie/fon…

Sébastien Ruche

Mathilde Farine

Publié mardi 18 juin 2019 à 11:00
Modifié mardi 18 juin 2019 à 18:29

Envoyer de l’argent à l’autre bout du monde en quelques secondes et sans frais, ou régler des achats grâce à un simple clic sur son téléphone : avec sa cryptomonnaie gérée depuis Genève, le réseau social de Mark Zuckerberg veut démocratiser l’accès aux services financiers de base. Et développer ses futurs revenus

Un « internet de l’argent ». C’est en résumé ce que Facebook veut créer avec sa future cryptomonnaie, dénommée libra. « Le système financier ressemble à ce qu’était le réseau de télécommunications avant internet : son accès est contrôlé par un petit nombre d’entreprises, la concurrence n’est pas très forte », décrit pour Le Temps David Marcus, le Genevois d’origine qui pilote ce projet au sein de Facebook. Dans les télécoms, l’arrivée d’internet a permis de passer des SMS payants à des communications illimitées. Le réseau social lancé par Mark Zuckerberg veut maintenant utiliser la blockchain pour permettre au 1,7 milliard de Terriens sans compte bancaire d’accéder à des services financiers de base. Comment pouvoir recevoir et envoyer de l’argent, ou effectuer des paiements, grâce à la libra, la « première monnaie numérique globale », dont les détails ont été dévoilés mardi matin ?

Qui participe à ce projet ?

L’ambition est démesurée, les moyens mis en œuvre également. Facebook s’est associé à 27 entreprises ou organisations internationales, occidentales ou basées dans des pays émergents (aucune suisse), pour créer une association à but non lucratif – également nommée Libra – qui chapeautera cette monnaie depuis Genève. On y trouve des poids lourds de l’économie numérique (Uber, Lyft, Spotify ou eBay), des spécialistes des paiements (Visa, PayPal, Mastercard) ou des ONG (Mercy Corps, Women’s World Banking).

D’ici au lancement de la libra, au premier semestre 2020, le réseau social espère que son association comptera une centaine de partenaires. Chacun doit amener un minimum de 10 millions de dollars – « certains investissent beaucoup plus et nous visons 100 membres d’ici 2020 », glisse David Marcus, qui présidait le service de paiement PayPal avant de rejoindre Facebook.

Ces mises de départ aideront à constituer les réserves en monnaies traditionnelles (dollar, euro, yen, probablement franc suisse) que l’association Libra devra gérer pour assurer la convertibilité de la future cryptomonnaie. Probablement des milliards, qui seront confiés à un réseau de dépositaires d’origines diverses, selon Facebook. Cela évitera à l’association Libra de devoir obtenir une licence bancaire en Suisse.

Dans ce futur réseau de paiement que met en place Facebook, chaque membre devient un « nœud », qui vérifiera les transactions et assurera son évolution technologique. Et surtout favorisera l’acceptation du nouveau moyen de paiement, ce qui constitue l’enjeu principal du projet.

A quoi servira cette monnaie ?

Ces dernières années, des milliers de cryptomonnaies ont été lancées, notamment durant l’explosion du cours de la plus célèbre d’entre elles, le bitcoin, en 2017. Mais pratiquement aucune d’entre elles n’est utilisée pour effectuer des achats, à cause de trois barrières essentielles : des frais élevés, un faible taux de pénétration (peu d’utilisateurs et peu de commerces acceptant les paiements en cryptomonnaies) et de fortes variations de valeur.

Pour les surmonter, Facebook met en avant quatre caractéristiques de son projet. La première : avec plus de 2 milliards d’utilisateurs, le réseau social compte autant de clients potentiels pour sa cryptomonnaie. Deuxième facteur : la libra devrait assurer des transactions immédiates et quasiment gratuites, grâce à une blockchain « reposant sur une nouvelle technologie open source prouvée et développée dans la Silicon Valley », précise encore David Marcus. Troisième atout mis en avant : la stabilité de la libra, qui est une variante de stablecoin, c’est-à-dire une monnaie numérique dont la valeur repose sur un panier de devises et d’actifs comme des obligations gouvernementales. Dernière caractéristique, la simplicité d’utilisation, puisqu’un virement ou un achat pourra être conclu en quelques clics sur une app dédiée (un « wallet » ou portefeuille virtuel) ou grâce à une nouvelle fonctionnalité des logiciels de messagerie de Facebook, Messenger et WhatsApp.

Quels sont les risques en termes de sécurité des données ?

En plein scandale sur les données de ses utilisateurs, c’est sans doute le point le plus crucial pour convaincre les utilisateurs de se convertir à la libra, d’autant que la confiance est au cœur du fonctionnement des monnaies. Histoire de montrer patte blanche, Facebook a créé une filiale séparée, Calibra. Elle s’occupera de développer tous les services autour de la cryptomonnaie, qui seront utilisables via son application séparée, WhatsApp ou Messenger. « Les données financières seront séparées de celles du réseau social », assure David Marcus. En outre, d’autres sociétés pourront développer des applications concurrentes.

Quant à d’éventuelles utilisations frauduleuses de la monnaie, David Marcus espère que les plateformes permettront de diminuer le blanchiment d’argent. Les transactions seront enregistrées de façon privée et sous pseudonyme dans la blockchain. Mais les applications proposant des wallets devront avoir des licences et s’assurer qu’elles connaissent l’identité des utilisateurs, ajoute le responsable.

Sera-t-il possible de spéculer sur la libra et faut-il s’attendre à ce que sa valeur varie fortement, malgré les affirmations de Facebook ?

Spéculer sur la future cryptomonnaie de Facebook n’aurait aucun sens, analyse Yassine Ben Hamida, fondateur d’Alprockz, une société zurichoise qui a créé un stablecoin adossé au franc suisse : « La Libra étant liée à un panier de devises et d’actifs, même si une de ces monnaies chutait fortement par rapport aux autres, l’impact sur la valeur du panier serait minime. On peut donc s’attendre à ce que la libra soit très modérément volatile. En outre, Facebook dit vouloir cibler les nombreux individus qui ne possèdent pas de compte bancaire, en particulier dans les pays émergents. Ces consommateurs n’ont pas le profil de spéculateurs, ils voudront principalement utiliser cette monnaie numérique pour envoyer de l’argent à leurs proches, pas pour chercher à réaliser des gains financiers. »

Faudra-t-il faire confiance à Facebook et à sa libra ?

Depuis que le réseau social a commencé à parler de son projet, il y a près d’un an, les critiques ont fusé. En émettant sa propre monnaie, Facebook voudrait supplanter les Etats. La plateforme sociale aurait de plus accès à une quantité d’informations sur les comportements d’achat des utilisateurs de la libra, ou sur leur niveau de ressources – des données hautement confidentielles. Enfin, le nouveau moyen de paiement pourrait servir à blanchir de l’argent sale.

Pour désamorcer certaines attaques, Facebook s’est d’entrée présenté comme un des acteurs du projet Libra, qui disposera d’un vote comme les 27 autres participants. Spécialiste en confiance décentralisée, le chercheur à l’Université de Genève Jean-Marc Seigneur travaille actuellement sur une étude consacrée à la confiance des consommateurs envers les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) : « Moins d’un Français et d’un Américain sur 10 déclare faire confiance à Facebook, tandis que 4 sur 10 se disent méfiants à son encontre. Parmi les GAFAM, Amazon est l’entreprise qui suscite le plus de confiance, car les clients ont une expérience positive de leurs achats sur cette plateforme. »

Facebook a l’avantage d’être précurseur et ressemblera probablement davantage à une banque qu’à un réseau social d’ici cinq à dix ans, estime encore le responsable d’une formation en blockchain à l’Unige. « Mais si Amazon produisait sa propre monnaie numérique, il est probable que l’entreprise prendrait le marché », conclut Jean-Marc Seigneur, qui a par ailleurs cosigné en 2017 un papier de recherche sur les cryptomonnaies adossées à un panier de monnaies.

Facebook gagnera-t-il de l’argent avec la libra ?

Très probablement. « Le nouveau service devrait générer une hausse du trafic sur le réseau social et donc permettre d’augmenter les revenus publicitaires, reprend David Marcus. A plus long terme, l’objectif est de créer de nouveaux services financiers. » On peut imaginer du crédit, accordé sur la base de l’historique des transactions effectuées en libras.

Autre avantage : Facebook aura une visibilité totale sur les achats payés en libras suite à des publicités visibles sur sa plateforme. Ces informations pourront être monétisées. Enfin, les commerçants qui accepteront la libra peuvent espérer augmenter leurs ventes, notamment en provenance des pays émergents.

Qui doit avoir peur de la libra ?

Les acteurs des transferts internationaux de fonds, comme Western Union, qui mettent parfois plusieurs jours pour envoyer de l’argent à l’autre bout du monde et prélèvent de juteuses commissions. Ces sociétés auront cependant un rôle nouveau à jouer dans le système libra : changer le cash des utilisateurs qui n’ont pas de compte en banque et créditer l’équivalent en libras sur leur application.

François Briod, cofondateur de Monito, un site de comparaison des solutions de transfert international, se veut plus nuancé : « En comparant toutes les offres disponibles sur le marché, on trouve déjà des solutions très compétitives pour le transfert d’argent international, tant au niveau des frais que des délais. Si Facebook vient ajouter son offre, c’est positif pour le consommateur. Il sera intéressant de voir, sur 1000 dollars envoyés depuis New York, combien de pesos arriveront aux Philippines et en combien de temps, par exemple. » Il faudra aussi observer à quel point il sera facile de sortir l’argent de l’écosystème de Facebook pour un retrait en espèces, sur un compte bancaire ou un portefeuille mobile, poursuit François Briod.

Le danger est également réel pour les spécialistes des paiements comme Visa ou Mastercard. Le fait qu’ils aient rejoint l’association Libra prouve qu’ils ont compris l’intérêt d’intégrer la technologie de la blockchain. Enfin, les banques pourraient aussi subir une pression sur leurs marges puisque le système de Facebook entend séduire les commerçants avec des commissions plus faibles et une meilleure facilité d’utilisation.

Qu’en pensent les régulateurs ?

Facebook assure être allé rendre visite à nombre de régulateurs autour du globe, y compris en Suisse. Ni la Finma, l’autorité des marchés financiers, ni la Banque nationale suisse n’ont confirmé avoir eu des discussions sur la monnaie libra. La première institution assure suivre ses développements via la presse, mais ne dit pas si une licence lui a été demandée, ni si elle serait nécessaire. Quant à la seconde, elle estime qu’il « est encore trop tôt pour se prononcer » sur ce projet. Elle dit cependant suivre « avec la plus grande attention les développements dans le domaine de la fintech afin d’identifier précocement les plus importants pour son mandat, notamment celui d’assurer le bon fonctionnement des systèmes de paiement sans numéraire ». Reste à savoir si l’utilisation de la libra décolle et si, dans ce cas, elle défie les banques centrales et leur rôle.

Dans ce projet de Facebook, le développeur de la technologie – c’est-à-dire l’association Libra – ne fait pas l’objet d’une surveillance particulière. En revanche, les fournisseurs de services basés sur la libra et qui interagissent avec les clients devront se plier aux lois des pays dans lesquels ils seront actifs, précise le réseau social.

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