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Le conditionnel passé n’aurait jamais dû exister

vendredi 13 septembre 2019, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 13 septembre 2019).

https://www.letemps.ch/opinions/con…

Alexis Favre, producteur d’« Infrarouge » (RTS)

Publié jeudi 12 septembre 2019 à 18:45
Modifié jeudi 12 septembre 2019 à 18:46

Et si les mots et la syntaxe pouvaient influencer la marche du monde ? Notre chroniqueur propose une solution qui aurait arrangé tout le monde

Chaque année, Le Petit Larousse ouvre ses pages à de nouveaux mots. Parce que la langue évolue. Si le dictionnaire était coulé dans le bronze pour les siècles des siècles, on n’y trouverait par exemple pas d’ascenseur, ce qui serait fâcheux pour celles et ceux qui habitent au-dessus du quatrième étage.

La cuvée 2020 du Petit Larousse accueille donc, nous l’avons appris en mai, des nouveaux venus comme divulgâcher (spoiler, en langage de vieux) ou deep learning (si, si). Je viens de vous le dire, pas question de verser dans je ne sais quel conservatisme langagier. Si l’époque a décidé que nous serions plus heureux maintenant que nous sommes autorisés à parler sans retenue d’antispécisme, de dédiésélisation et d’ubérisation, qu’il en soit ainsi. Et vive le français libre !

Des remords et des tortures

Mais alors, quitte à chagriner Grevisse, Bescherelle et toute la smala, autant s’attaquer aux grandes réformes. En commençant par l’urgence : supprimer le conditionnel passé. Je n’aurais pas dû, tu aurais pu et tout le tremblement. Pourquoi ? Parce que le conditionnel passé ne sert qu’à exprimer des regrets ou des remords. C’est-à-dire à se plaindre ou à se torturer. C’est-à-dire à rien.

Prenons le Brexit. « David Cameron n’aurait jamais dû poser la question au peuple », lit-on çà et là. A en juger par le chaos de la situation actuelle, la proposition paraît pleine de bon sens. Oui, c’était peut-être une erreur de poser une question aussi vertigineuse à une population qui n’a pas du tout l’habitude de donner son avis. Oui, ce qui devait être un exercice démocratique s’est transformé en gabegie. Mais à quoi bon vouloir refaire le match ? La question a été posée, et se demander aujourd’hui si c’était une bonne idée relève de la perte sèche, à la fois de temps et d’énergie.

Et les arbres de Genève ?

Vous n’êtes pas convaincu ? Pensez à Genève et à ses arbres. Grâce à la veille de ceux qui y tiennent, nous savons que la ville en compte 44 000. Nous savons aussi que 1379 arbres ont été abattus en trois ans et demi, alors que 709 ont été plantés. Nous savons donc que le total des arbres a fondu de 670 unités sur la période. Nous pouvons en déduire qu’à ce rythme, tous les arbres ou presque auront disparu à la fin du siècle. Sans une réforme grammaticale ambitieuse, nous pouvons tenir pour acquis que nos arrière-petits-enfants se regarderont un jour dans le blanc des yeux et se diront : « Nous n’aurions jamais dû couper tous ces arbres. » Si nous les aimons, ces arrière-petits-enfants, épargnons-leur au moins cet exercice de contrition, que seul autorise le conditionnel passé.

Sans lui, les Anglais comme nos descendants seraient contraints d’opter pour des réflexions plus fertiles, de type « débrouillons-nous pour réussir ce Brexit » ou « cessons d’abattre les arbres ». Le conditionnel passé n’aurait jamais dû être inventé. Sauf pour affirmer qu’il n’aurait jamais dû être inventé.

1 Message

  • Le conditionnel passé n’aurait jamais dû exister 14 septembre 2019 20:40, par Dominique

    Il y a aussi le temps des bonimenteurs, le futur hypothétique de l’inconditionnel du plus-que-parfait. C’est le temps préféré des religions qui nous promettent le paradis dans une hypothétique vie après la mort (version occidentale) ou dans une tout autant hypothétique autre vie (version du reste du monde). C’est aussi le temps préféré des scientistes qui, aujourd’hui comme au premier jour de la révolution industrielle, n’ont de cesse de nous promettre que leur toujours plus de technologies qui niquent la planète va transformer la planète et nos vies en paradis.

    On attend toujours car pour l’instant, leur mode de vie rime avec solution finale par extermination totale de la vie ! Loin de les intimider, le fait que leur mode de vie ait déjà exterminé plus de 60% du vivant et que le rythme de cette solution finale accélère avec chacune de leurs technologies semblerait plutôt les conforter. En effet, ils n’ont de cesse de nous vanter les bienfaits de telle ou telle technologie en gestation sans tenir aucun compte de ses méfaits. Ils osent même nous dire, ce qui est totalement contredit par l’histoire de la catastrophe industrielle, que cette fois-ci leurs nouvelles technologies vont faire autre chose qu’ajouter leurs nuisances à la liste déjà interminable des nuisances des nouvelles technologies précédentes. Leur paradis promis est donc celui du minéral, un monde inerte où il ne restera plus personne pour raconter leur incommensurable bêtise. De ça, ils ne s’en apercevront que quand il ne leur restera plus que leurs cartes de crédit à bouffer.

    Quand à leur religion, le scientisme, c’est la pire de toutes car n’osant pas s’avouer comme une religion, elle avance masquée. Elle est masquée par le progrès, cette notion qui consiste à cacher le fait que, dans une société industrielle, les capitalistes monopolisent aussi les moyens de recherche et que donc, derrière chaque technologie qui nique la planète se trouve un ensemble de brevets dont le seul but est d’enrichir leurs propriétaires, une minuscule minorité de riches. C’est un masque qui réussit bien car ces gens-là recrutent même dans les rangs de la gauche soit-disant anti-capitaliste, laquelle, accrochée au wagon d’un mode de vie suprématiste, guerrier et mortifère, semble avoir de plus en plus de peine à comprendre qu’il est impossible d’être en même temps anti-capitaliste et pour l’état, pour le productivisme ou pour le consumérisme.

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