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Guerre de classe : la « gauche » joue désormais perdant ! Pourquoi ? (vidéo 77’58)

samedi 2 novembre 2019, par Luniterre (Date de rédaction antérieure : 1er novembre 2019).

«  Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner.  »

Personne n’a vraiment oublié cette assertion « choc » du milliardaire Warren Buffet. C’était sur la chaîne US CNN, en 2005.

Après, la crise de 2008 et sa « solution » financière exponentielle, il affirmait même le caractère définitif de cette victoire… !

Jusqu’à tout récemment, près de 15 ans plus tard, l’histoire, malgré la violence exacerbée des divers conflits sur la planète, semblait encore lui donner raison. Ces derniers temps, néanmoins, les multiples et massives révoltes populaires à travers le monde ont en quelque sorte réintroduit un sérieux doute concernant cette affirmation. Pour autant, malgré leur aspect massif, toutes ces luttes semblent se fourvoyer systématiquement dans des impasses, faute de perspective politique réellement alternative au système en place, et qui semble donc rester inamovible. Et cela malgré l’évidence criante des inégalités gigantesques qu’il ne cesse de creuser et des aberrations économiques et écologiques que cela engendre.

Le générateur de cette catastrophe planétaire est néanmoins pourtant parfaitement identifié, et surtout précisément depuis cette crise de 2008 : c’est clairement la domination planétaire du capital financier sur pratiquement toutes les formes d’expression du pouvoir.

La « démocratie » libérale n’est plus que le champ clos où s’affrontent les différents lobbys pour le partage des influences lucratives, via leurs marionnettes politiques de plus en plus pitoyablement agitées sur la scène, et dont Trump semble être l’archétype, caricatural à l’extrême.

Et la guerre de classe, dans le domaine idéologique et culturel, elle, n’a jamais réellement cessé, bien au contraire ! La bourgeoisie n’a de cesse de traquer la moindre réminiscence de la période où une alternative au capitalisme semblait possible, et l’était encore réellement, dans une certaine mesure.

D’une part, l’absurdité du système actuel est tellement flagrante qu’une partie substantielle de l’intelligentsia et des classes moyennes à son service en arrive régulièrement à se déclarer plus ou moins « anticapitaliste », même si cela ne porte pas à d’autres conséquences que des mouvements de contestation purement formelle et vite récupérés sous les diverses formes de réformisme de sa classe politique. Mais d’autre part, la peur réelle qui semble encore tenailler la bourgeoisie est bien la résurgence éventuelle du « spectre communiste » qu’elle n’a donc de cesse de traquer partout où il pourrait reprendre forme.

Contrairement aux espoirs qu’elle fondait à la « chute du mur » et sur la période 1989-92, c’est la prétendue « fin de l’histoire » qui appartient d’ores et déjà carrément au passé, et si une « fin » semble à nouveau se rapprocher à grands pas, c’est bien la « fin » possiblement apocalyptique du système lui-même, non pas nécessairement due à on ne sait plus trop quel hypothétique « ennemi », mais bien simplement à ses propres contradictions. Dans ces conditions, le système garde constamment un œil ouvert sur toutes les traces mémorielles, quelles qu’elles soient, de la période soviétique. C’est ce qu’on a vu à l’Occasion du centenaire d’Octobre, qui a vu monter en scène toute une batterie de « spécialistes » et d’ « historiens », parfois très officiellement appointés, et sinon, indirectement, pour s’assurer d’un sommeil profond de ce terrible fantôme…

Mais le système, faute de résoudre sa propre crise, a tout intérêt à entretenir lui-même le « messianisme » millénariste d’une fin apocalyptique prochaine, qu’elle soit « écologique » ou non, et contre laquelle il peut donc se poser en « rempart de l’humanité », et ainsi tenter de se prolonger, à travers quelques formules « choc », comme seule « alternative » possible …à la catastrophe qu’il a engendré lui-même !

Pour la bourgeoisie, tout ce qui n’est pas elle-même ou directement dépendant d’elle-même est à ses yeux « apocalyptique ». Dès la naissance de l’URSS elle s’est efforcée d’en forger une vision « apocalyptique », au point de tenter d’en faire un mythe cauchemardesque fédérateur de sa propre classe, et même par dessus ses propres conflits internes d’intérêts. C’est ainsi que le véritable monstre nazi potentiellement engendré dès 1919, par le traité de Versailles a pu être couvé, comme antidote potentielle à ce cauchemar, malgré ses outrances dans la cour même du capitalisme européen et international.

Mais la bourgeoisie avait nettement sous-estimé la boulimie de ce monstre engendré en son sein, et dont la nature profonde n’était donc pas différente d’elle-même. Elle escomptait simplement que cette boulimie ne soit orientée que vers l’Est…

Cette « erreur de perspective » l’amena finalement à une inversion, même si très provisoire, dans l’attribution du rôle des monstres à exorciser…

C’est ce que nous rappelle un film remarquable récemment retrouvé par l’un de nos camarade et dont nous avons fait la présentation sur TML. Ce film réalisé pour l’essentiel en 1943, peu après la victoire soviétique de Stalingrad. Réalisé pour le compte des autorités US il a été manifestement pensé par des cinéastes qui avaient déjà une vue historique d’ensemble étonnamment pertinente de l’ensemble du « Front de l’Est », compte tenu du peu de recul par rapport à ces événements tous récents pour eux et pour le monde de ce temps !

La bataille du Russie par le gouvernement des USA en 1943

Cliquer ici pour télécharger la vidéo

https://my.pcloud.com/publink/show?code=XZUUn8kZMKew9HkqsdyqR7hwHoT88m6hYjek

Évidemment ces cinéastes avaient donc accès à des sources de première main, ce qui en fait encore aujourd’hui, du reste, un doc historique exceptionnel. Mais ce qui est le plus caractéristique, par rapport aux vues « officielles » actuelles sur cette époque, c’est l’importance qu’ils accordent à la vie sociale des infrastructures économiques soviétiques qui ont rendu précisément l’effort de guerre possible et efficace.

Il apparaît clairement dans ce film que la victoire de cet effort de guerre est bel et bien la victoire de l’ensemble de la société socialiste soviétique, et non celle d’un tyran machiavélique secondé par une poignée de généraux et de bureaucrates despotiques. C’est la victoire des soviétiques qui se sont mobilisés par millions, que ce soit sur les lignes de front ou comme partisans, en arrière des lignes ennemies, ou tout simplement, à leurs postes de travail, tous essentiels pour l’effort de guerre.

C’est un aperçu de la réalité soviétique, dans ce film US de 1943, qui est donc concrètement l’antithèse de la vision prétendument « historique » qui nous en est donnée dans les manuels scolaires actuels, dans les notices Wikipédia, les émissions de télé, etc.

Et bien évidemment, c’est aussi l’antithèse, également, de celle désormais « officiellement » votée au Parlement Européen par sa « résolution » sur la « mémoire » de la 2e Guerre Mondiale, et qui fait carrément porter la responsabilité du déclenchement de la guerre à l’URSS ! (*)

Et c’est en ce sens que ce film est particulièrement significatif, aujourd’hui !

En effet, le Parlement Européen, en adressant directement sa « résolution » assimilant le communisme au nazisme au Parlement de la Fédération de Russie, enjoint donc expressément le gouvernement russe de cesser en pratique de commémorer cette victoire soviétique.

Et pour quelle raison réelle, sinon pour tenter à nouveau d’effacer la mémoire, non seulement de cette victoire, mais de la société socialiste soviétique qui l’a rendue possible ?

En effet, pourquoi tant d’efforts et de sacrifices, de la part des citoyens soviétique, sinon pour défendre ce pays, l’URSS, qu’ils venaient de rebâtir presque entièrement en une dizaine d’années, depuis la fin de la NEP et le début de la collectivisation ?

Pourquoi auraient-ils fait tant d’efforts et de sacrifices, si leur pays correspondait un tant soit peu à la vision cauchemardesque qu’en donnent aujourd’hui les manuels scolaires, Wikipédia et autres médias ?

Pourquoi tant d’efforts et de sacrifices pour ce pays, si la « résolution » du 19/09/2019 du Parlement Européen n’est pas simplement une manipulation mensongère de l’histoire ?

A travers la mémoire nationale russe, ce qui est encore commémoré massivement aujourd’hui, à chaque occasion possible, et avec effectivement l’appui du gouvernement de la Fédération de Russie, ce n’est pas seulement la fête de la victoire, mais c’est précisément la mémoire de cet effort collectif et de tous les sacrifices qui ont été nécessaires pour bâtir, pied à pied, cette victoire.

C’est en ce sens que ces commémorations sont devenue une communion nationale populaire qui constitue encore actuellement une part essentielle de l’âme russe.

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Et il se trouve donc que cette mémoire collective russe coïncide tout à fait avec la réalité filmée en 1943 par les cinéastes US, et non avec l’actuelle caricature occidentale cauchemardesque que le Parlement Européen vient de « légaliser » par son vote.

Ce vote est, sur le terrain « mémoriel » où il prétend se situer, une déclaration de guerre idéologique, ni plus ni moins.

Ce que vise expressément le Parlement Européen, dans les attendus de son vote, c’est bien l’ensemble de la période socialiste soviétique qui a permis la construction de cette capacité à vaincre le fascisme. C’est un moment historique particulièrement émouvant de cette période qu’il nous est donc encore donné de comprendre dans le film de 1943, et il nous montre précisément ce que socialisme réel signifiait en URSS, pour la classe ouvrière et l’ensemble des classes populaires de ce pays. Cet acte de guerre idéologique fomenté par le Parlement Européen, c’est donc aussi, et même avant tout, un acte de guerre de classe.

Or, comment la « gauche » française se situe-t-elle face à cet acte de guerre de classe ? Se situe-t-elle vraiment du côté du prolétariat et des classes populaires ? Est-elle capable de mener une contre-offensive ?

En réalité, depuis des décennies déjà, elle n’a cessé de dénigrer l’URSS, que ce soit de son vivant ou après sa chute ! Et de s’autoflageller pour la période où elle l’a soutenue…

Elle se pique d’ « antifascisme » mais se trouve incapable de relever le gant de ce défi, quand est attaquée la mémoire de l’URSS qui est réellement le pays qui a fait l’essentiel de l’effort de guerre contre le nazisme, lui a infligé sa première défaite aux portes de Moscou, dès Décembre 1941 et l’a finalement défait à Stalingrad avant de le vaincre définitivement à Berlin !

Une bonne partie de la gauche se retrouve même carrément dans les soutiens de cette « résolution », et si une autre partie esquisse des protestations c’est toujours de façon à en cautionner néanmoins l’antisoviétisme fondamental, de manière directe ou non. Aucune de ces « esquisses » rhétoriques, aussi alambiquées et sophistiquées soient-elles, n’assume l’essentiel de ce qui a précisément et réellement fait la force de l’URSS de cette époque : la construction du socialisme et le développement des forces productives qu’il a rendu possible, sur la décennie précédent la guerre.

La victoire de l’URSS sur le nazisme, ce n’est pas simplement la victoire de l’armée d’une nation sur une autre, mais c’est d’abord la victoire de la construction du socialisme, une victoire du prolétariat et des classes populaires, précisément, dans la guerre de classes !

Et certainement la plus grande victoire historique prolétarienne dans cette guerre de classe, dont aujourd’hui les financiers milliardaires, comme Warren Buffet, qui achèvent de détruire la planète, osent se proclamer vainqueurs !

Réduire la responsabilité de la victoire historique prolétarienne de l’URSS à celle d’un seul homme, son leader politique, Joseph Staline, et tenter à la fois de faire de celui-ci une sorte de démiurge concentrant en sa seule personne toute la force d’un pays de la taille d’un continent et de le présenter comme un bureaucrate despotique irresponsable et paranoïaque, une caricature de diable d’opérette, telle est la stratégie de communication menée tous azimuts par l’Occident, de droite à « gauche », depuis des décennies, comme contre-offensive dans cette guerre de classe, pour masquer la tolérance plus que coupable dont la bourgeoisie a fait preuve à l’égard de sa propre progéniture réellement monstrueuse, le nazisme !

Ne pouvant effacer historiquement le comportement criminel de cet avatar idéologique de sa propre classe, la bourgeoisie l’a très officiellement renié comme elle sait le faire de toute progéniture classée indigne, le chassant par la grande porte de ses proclamations humanistes, pour le laisser rentrer par la petite fenêtre de ses besoins urgents, comme elle continue de le faire en Ukraine, par exemple.

C’est ce qui ressort typiquement de cette résolution du 19 Septembre 2019, qui cautionne, en fait, les régimes européens légalisant et encourageant l’anticommunisme, l’antisoviétisme et la russophobie.

Tout en prétendant assimiler le communisme au nazisme, il s’agit, en fait, de tenter d’effacer la responsabilité de l’Occident « libéral » et de sa complaisance munichoise à l’égard du nazisme, c’est à dire, sa responsabilité réelle dans la genèse de la Seconde Guerre Mondiale, la plus meurtrière de toutes, et qui a assassiné plus de 25 millions de citoyens soviétiques en quatre ans !

Comment la gauche actuelle peut-elle prétendre se qualifier d’antifasciste en cautionnant, directement ou hypocritement, ce mensonge de la bourgeoisie européenne et en s’asseyant, de fait, sur cette montagne de cadavres prolétariens ?

Comment peut-elle, une seule seconde, parler au nom des révoltes prolétariennes et populaires qui se lèvent, un peu partout, aujourd’hui, à travers le monde ?

Non seulement elle ne le peut pas, mais il est donc bien naturel qu’elle se trouve rejetée par le prolétariat pour ce qu’elle est véritablement : une émanation de la pensée « libérale » asservie au système qui détruit la planète et le condamne chaque jour à de nouveaux reculs sociaux, et dans bien des pays, à une misère de plus en plus noire.

Si quelques rares éléments sincèrement de gauche, sincèrement décidés en finir avec ce système se trouvent encore dans cette gauche, ce film peut être pour eux matière à réflexion sur la réalité historique de la guerre de classe.

Et face à l’offensive idéologique de la bourgeoisie exprimée dans cette « résolution européenne », ce doit être logiquement pour eux l’heure d’un choix politique essentiel : celui du camp dans lequel ils veulent réellement se tenir dans la guerre de classe.

Dès 1941, six mois à peine après son entrée « triomphale » en URSS l’armée nazie était arrêtée aux portes de Moscou et repoussée de 200km. Pour le nazisme, c’était le véritable début de la fin.

Dans la guerre de classe, il n’y a pas de défaite qui soit irrémédiable. Mais sans une contre-offensive appropriée, la victoire reste aux Warren Buffet et à leurs zélateurs politiques, droite et « gauche » confondues. Ils sont le camp déterminé à maintenir le système mortifère en place.

Ils sont le camp des destructeurs de la planète, le camp des financiers impérialistes pour lesquels la mémoire de l’URSS et de sa victoire antifasciste est intolérable. La résolution européenne mensongère du 19 Septembre 2019 est l’aboutissement de leur idéologie dans la guerre de classe.

La victoire antifasciste du prolétariat dans la Seconde Guerre Mondiale ne repose évidemment pas sur les épaule d’un seul homme, Joseph Staline, mais bien sur celles de tout un pays socialiste reconstruit en une dizaine d’années sur la base de son idéologie de classe, l’héritage de la Révolution d’Octobre, l’héritage de Marx et de Lénine : le Marxisme-Léninisme.

Tant que la gauche continuera de rejeter les fondamentaux qui ont permis la victoire historique du prolétariat, elle restera dans le camp des ennemis du prolétariat, dans le camp de la bourgeoisie, et, tout en se proclamant « antifasciste », dans le camp des néo-nazis, en fin de compte. Et sa défaite ne sera que la mise au rebut de l’un des multiples faire-valoir jetables du système, et non pas celle du prolétariat qui tente aujourd’hui de relever la tête par ses multiples révoltes sur la planète.

Luniterre

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2019/11/01/guerre-de-classe-la-gauche-joue-desormais-perdant-pourquoi/

(* https://tribunemlreypa.wordpress.com/2019/09/27/resolution-du-parlement-europeen-vers-une-nouvelle-guerre-de-classe-contre-la-russie/ )

2 Messages de forum

  • Salut Luniterre,

    Ton article est excellent. Notamment :

    « Mais le système, faute de résoudre sa propre crise, a tout intérêt à entretenir lui-même le « messianisme » millénariste d’une fin apocalyptique prochaine, qu’elle soit « écologique » ou non, et contre laquelle il peut donc se poser en « rempart de l’humanité », et ainsi tenter de se prolonger, à travers quelques formules « choc », comme seule « alternative » possible …à la catastrophe qu’il a engendré lui-même ! »

    et

    « La victoire de l’URSS sur le nazisme, ce n’est pas simplement la victoire de l’armée d’une nation sur une autre, mais c’est d’abord la victoire de la construction du socialisme, une victoire du prolétariat et des classes populaires, précisément, dans la guerre de classes ! »

    Puis-je me permettre toute fois quelques remarques ?

    Je ne comprends pas pourquoi tu te limites à accuser le "capital financier". C’est le capital tout court qu’il faut accuser ! La fortune de Rockefeller ne s’est pas faite originellement grâce à la banque, mais au pétrole. Plus récemment, Bill Gates a construit sa fortune grâce à internet. et plus récemment encore Marc Zukerberg a fait fortune avec internet.

    Quand tu parles d’« idéologie de classe », tu fais une erreur de vocabulaire, je suppose. c’est de "théorie" qu’il faut parler et non d’idéologie. Une idéologie est figée. tandis qu’ne théorie peut évoluer. C’est pourquoi Marx disait : « Je ne suis pas marxiste ».

    Amicalement,
    do
    http://mai68.org

    Répondre à ce message

    • Bonjour, camarade !

      Tout d’abord, merci d’avoir porté attention à cet article, et notamment, d’avoir pris le temps de visionner le film, je suppose !

      Les questions que tu poses, même d’un point de vue critique, sont tout à fait pertinentes. Par contre, elles mériteraient chacune une étude et/ou un article séparé et spécifique.

      L’article est déjà long et tente de suivre une ligne de masse essentielle sur les questions qui lui sont propres, et donc ne peut interférer avec d’autres problématiques qui ont aussi leurs propres besoins en termes de développement d’un ligne de masse, c’est à dire accessible et compréhensible à la majorité des élément progressistes et avancés dans ce pays. Le niveau général étant nettement en constante régression depuis des années, on ne peut pas trop charger la barque à chaque sortie, sauf à la faire couler… !

      Reprenons donc ces deux points brièvement, « idéologie » et « capital financier », sans la prétention de les épuiser dans un post…

      Des deux, « idéologie » est le plus complexe. Commençons donc par là…

      Selon mon habitude, je reviens aux définitions originelles et basiques qui nous sont données des choses dans les ouvrages de référence, pour les confronter avec ma propre perception.

      A l’origine les fondateurs de l’idéologie, (Condillac, Destutt de Tracy), comme courant philosophique et politico-économique au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, étudient la formation des idées humaines à partir des sensations physiques et matérielles, et constituent de fait une forme primitive de matérialisme dialectique. En ce sens ils s’opposent carrément à l’obscurantisme religieux, et constituent un courant « révolutionnaire » au sens bourgeois du terme, dans leur contexte. Ils sont incontestablement une des origines lointaines du libéralisme économique. En matière d’économie, ils constituent aussi une ébauche des théories modernes de la valeur, avec une approche évidemment libérale, aujourd’hui devenue réactionnaire !

      C’est en ce sens qu’ils sont les pères (…ou grands-pères) de l’idéologie bourgeoise actuelle.

      L’idéologie dominante de la classe dominante !

      Dans une phase de transition réellement anticapitaliste (socialisme), c’est le prolétariat qui devient provisoirement la classe dominante, avant d’arriver à expurger totalement la bourgeoisie en tant que classe et d’unifier toutes les couches populaires au point que toutes, prolétariat et autres classes populaires, fusionnent et disparaissent totalement en tant que classe…

      Ce que l’expérience de l’URSS nous apprend, à coup sûr, c’est que ce n’est pas un processus rapide… ! Et qui, de plus, n’est nullement à l’abri d’un retour en arrière.

      Le prolétariat, en tant que classe provisoirement dominante, mais assez longuement, néanmoins, au cours de ce processus, peut-il se passer de développer sa propre idéologie ?

      Telle est la question que tu poses, semble-t-il.

      La critique situationniste fondamentale de l’idéologie est assez juste, mais suppose, dans son application concrète immédiate, la négation de la phase de transition, la négation du socialisme. En ce sens, c’est assez typiquement une forme de gauchisme.

      L’intérêt de cette critique réside, par contre, dans son approche tout à fait juste et utile de l’évolution « spectaculaire » du capitalisme. Sa limite, dans ce domaine, c’est précisément d’avoir réduit presque complètement le capitalisme à sa seule dimension « spectaculaire », ce qui est encore loin d’être le cas. Mais effectivement, Debord et ses camarades ont mis le doigt sur un aspect nouveau du capitalisme, à l’époque, et qui se développe encore, mais que les pseudos-« marxistes » déjà bornés de l’époque n’avaient pas su appréhender !

      Dans ce domaine, et pour la compréhension du capitalisme moderne, l’apport des situationnistes reste donc valable et bien utile, et encore même sous-estimé, à mon sens. On pourrait même dire encore « inexploité » du point de vue de l’analyse nécessaire !

      D’un autre côté, vu la façon dont les choses ont tourné, à l’époque, après Mai 68, et en fonction de ses limites propres, telles que résumées ci-dessus, et en grande partie déterminées par les origines sociales de ses membres, il peut aussi être vu à son tour, d’un point de vue critique, comme une « idéologie » !!!

      Tu parles également, en lien avec cette problématique, du rôle de la théorie…

      L’ensemble du corpus théorique du ML, tant qu’il n’est pas mis en mouvement par les masses ou même simplement par un parti politique influent, tant qu’il reste dans les bibliothèques, en quelque sorte, ne peut donc être qualifié d’idéologie.

      Pourtant, il est bien l’héritage de plus d’un siècle et demi de réflexions et de luttes, et en ce sens il est bien l’héritage théorique du mouvement ouvrier.

      La question actuelle est bien de refonder le mouvement ouvrier et populaire, à moins de se satisfaire de la situation de la gauche actuelle, ce qui est une façon de se satisfaire du capitalisme, en fait, et de la kollaboration de classe !

      Alors que le ML est un outil théorique formidable pour analyser et comprendre le monde en mouvement, et plus que jamais, le monde actuel.
      En tant qu’outil théorique il nous permet une approche rationnelle de la réalité du monde.
      Cela suppose effectivement de faire abstraction de tous les préjugés idéologiques hérités des courants politiques qui ont mené le mouvement ouvrier dans l’impasse actuelle.

      En résumé, la méthode est de confronter directement ce que les classiques ont écrit sur les sujets qui nous concernent encore avec les données de terrain actuelles, notamment économiques, concernant ces sujets. Évidemment cela suppose de tenir compte des données sur une période suffisamment longue pour comprendre l’évolution et le mouvement des choses.

      Il en va de même pour l’histoire, en confrontant l’évolution des réalités sociales et économiques avec les actions et les écrits des différents protagonistes.

      Il n’y a pas à partir d’un préjugé que tel a forcément plutôt raison et tel autre tort… ! Pas de préjugé idéologique, donc !

      L’histoire des révolutions est par essence l’histoire de changements brutaux et rapides. Les révolutionnaires sont amenés à prendre des décisions de même nature, rapidement et brutalement, qui sont souvent une question de survie du mouvement et doivent tenir compte de l’évolution elle-même rapide de la situation. Il leur faut donc analyser en permanence et tenter à chaque tournant de faire un pas de plus vers le but, vers le socialisme. C’est une des raisons, mais pas la seule, pour lesquelles je ne suis pas l’adepte d’une idéologie anti-autoritaire…

      Avancées et reculs sanctionnent impitoyablement les bonnes et les mauvaises analyses, les succès politiques et les erreurs. En ce sens, ce n’est pas non plus du tout une question d’idéologie.

      Néanmoins, les grands traits d’analyses qui caractérisent la situation d’une époque entière amène à produire aussi bien une littérature de fond qu’un matériel d’agit-prop, des journaux, des revues, et désormais, des blogs, sites, etc.

      Dans la mesure où l’ensemble sert à porter utilement le mouvement vers son but, il n’est donc pas abusif de qualifier l’ensemble d’idéologie prolétarienne, au bon sens du terme.

      Évidemment, l’ensemble d’une idéologie devient mauvais et cesse d’être prolétarien si les acteurs politiques, à tous niveaux, et surtout au niveau des leaders, cessent de percevoir le mouvement de la réalité et transforment donc cette idéologie en dogme, peu ou prou. C’est malheureusement ce qu’on voit encore couramment… Les raisons en sont multiples et le dogmatisme formel assez rare, en réalité. Tandis que des intérêts diverses, plus ou moins bureaucratiques et/ou kollaborationnistes sont souvent à l’origine d’idéologies figées, en réalité sur une forme ou l’autre de révisionnisme, adapté pour la circonstance et aux intérêts détournés… Ce ne sont pas les exemples qui manquent, notamment dans les micro-partis de la pseudo- « extrême-gauche » et du social-chauvinisme sous ses diverses formes…

      Actuellement, il n’existe pas de mouvement prolétarien réellement organisé, et donc pas d’idéologie prolétarienne à proprement parler.

      Mais le ML n’en reste pas moins un outil d’analyse essentiel pour ceux qui veulent bien s’en emparer dans le sens défini par cette méthode d’approche rationnelle de la réalité.

      D’une manière générale la société de classe n’est pas vraiment un phénomène rationnel en soi. Simplement l’aboutissement d’une évolution du développement des forces productives. Une évolution inconsciente, en grande partie, et héritière d’un atavisme culturel précisément conditionné jusque dans l’inconscient collectif par l’idéologie de la classe dominante.

      Pour qu’une transition aboutisse il faut donc qu’elle dure assez longtemps pour que de nouvelles valeurs culturelles arrivent à s’enraciner, en correspondance avec l’évolution des rapports sociaux. C’est aussi l’un des rôles d’une idéologie prolétarienne révolutionnaire.

      Les révolutions, en tant que réajustements brutaux, mais nécessaires, des rapports économiques et sociaux, sont le surgissement également brutal des lueurs de la raison dans un univers culturel et collectif mental qui n’est pas forcément rationnel, et même généralement pas, du fait de l’atavisme idéologique hérité de la classe dominante et qui persiste donc, en profondeur, comme forme d’obscurantisme qui tend à regagner, et souvent assez rapidement, le peu de terrain perdu dans l’inconscient collectif.

      C’est aussi contre ce phénomène que l’idéologie prolétarienne peut représenter une forme d’autorité réellement progressiste et révolutionnaire. Il y a évidemment tout une dialectique nécessaire entre spontanéité et initiative « autoritaire » révolutionnaire qui ne peut se résumer en un post et d’autant moins qu’elle ne peut se comprendre qu’en fonction de situations concrètes.

      Concernant la problématique capitalisme/capitalisme financier, il me semble que nous l’avions déjà abordé, même si de manière succincte, mais c’est donc l’occasion d’y revenir, dans le contexte actuel, et notamment créé par cette agression idéologique contre la culture nationale russe actuelle.

      D’une manière résumée et générale, le matérialiste dialectique étudie les situations en cherchant à comprendre essentiellement le mouvement de la base économique vers les superstructures, ce qui éclaire, généralement, le mouvement en sens inverse.

      Ce qui domine la base économique actuelle, à l’échelle mondiale, c’est bien le capitalisme financier. Il n’est pas vraiment de « petit capital », sous cette domination, qui échappe à son emprise.

      Les exemples que tu cites, comme toutes les start-up qui réussissent, sont des capitalistes qui passent évidemment très rapidement à l’échelle supérieure, ou sont carrément absorbées par le capital financier. Actuellement, que ce soit Gates ou Zuckerberg, il ne fait aucun doute qu’ils appartiennent à cette sphère, et depuis longtemps !

      Dans les métropoles impérialistes le pouvoir du capital financier est absolu. Même s’il subsiste des secteurs d’activités formellement indépendant, ils en dépendent néanmoins pour leurs financements, leurs besoins en crédits d’investissements, etc.

      Ces secteurs n’ont pas de pouvoir réel. Même si le capitalisme reste le fond de leur nature, il n’ont pas de capacité de reprendre par eux-mêmes la société en main.

      Prendre le pouvoir sur le capital financier, pour le prolétariat, c’est prendre le pouvoir tout court. Cela ne signifie pas que ces « petits capitalistes » résiduels ne constituent pas un danger réactionnaire, bien au contraire.

      Il y a plusieurs aspects, dans cette question, comme il y a plusieurs types de « petits capitalistes », du reste. Et donc plusieurs aspects tactiques et stratégiques, également.

      Du jour au lendemain le pouvoir révolutionnaire ne va pas nationaliser toutes les boulangeries, les épiceries de quartier, etc.

      Le but du prolétariat est évidemment de contrôler rapidement tous les secteurs essentiels pour les faire fonctionner en fonction des besoins sociaux.

      Tant qu’ils sont fournis en farine, les boulangers peuvent, et même doivent, continuer à fabriquer le pain quotidien… !

      C’est la planification démocratique des forces productives, et principalement des grandes entreprises, en fonction des besoins essentiels, qui marque le début de la rupture avec le capitalisme. Et donc, dans cet exemple, essentiellement le contrôle des moulins et de leur approvisionnement.

      Le socialisme n’a pas à développer la petite entreprise capitaliste, dans un pays relativement développé comme le nôtre, mais il y a certainement un temps d’intégration à déterminer selon les secteurs, selon les cas. Et évidemment un contrôle prolétarien à exercer concernant les conditions de travail, les rapports sociaux…

      Un secteur de petites entreprises autogérées et/ou coopératif n’est évidemment pas à exclure non plus.

      Pas de dogmatisme. L’essentiel est que le processus de correspondance entre forces productives et besoins sociaux réels se développe.

      Les petites entreprises, même autogérées, constituent de toutes façons une survivance du marché qui doit progressivement être supprimé, à mesure que la correspondance s’établit.

      C’est bien la rupture avec l’économie de marché qui marque le début de la transition et de la construction du socialisme.

      C’est cette question qui sépare les conceptions ML du trotskysme, qui se base quant à lui sur la persistance du marché et introduit donc une étape de « transition » entre le capitalisme et la transition socialiste elle-même.

      Tout comme les libéraux Trotsky assignait un rôle « régulateur » au marché !

      Dans une économie moderne, une fois le prolétariat débarrassé du capital financier, le petit capitaliste n’est pas l’ennemi éventuellement le plus dangereux, mais bien toujours le capital financier s’appuyant sur les métropoles impérialistes encore debout.

      Une alliance tactique du prolétariat et des TPE-PME des secteurs non-essentiels n’est pas forcément à exclure dans les premiers temps de la transition. La transition est par essence un processus évolutif et non figé. L’essentiel est d’aller vers toujours plus de correspondance directe entre forces productives et besoins, et donc constamment de moins en moins d’économie de marché, et non pas l’inverse.

      D’une certaine façon, il en va donc de même à l’échelle internationale. Les pays ou domine encore un capital « national », comme la Russie, l’Iran, etc., ne seront pas forcément les ennemis d’une révolution prolétarienne dans l’une des métropoles impérialistes, ce qui affaiblirait, en leur faveur, l’ensemble de la domination impérialiste.

      Dans le rapport de forces actuel ces bourgeoisies nationales sont même actuellement les seules forces organisées à résister efficacement à l’impérialisme et qui contribuent donc à l’affaiblir.

      Bien entendu, comme on l’a vu à l’occasion de la réforme des retraites en Russie, cela ne nous dispense pas d’être solidaires avec les luttes sociales dans ces pays, tout en restant attentifs aux manipulations impérialistes qui pourraient en être faites.

      Quoi qu’il en soit, et pour l’instant, d’une manière générale, cibler principalement le capitalisme financier est un mot d’ordre stratégique qui tient compte à la fois du fond et des contingences tactiques. Mais là encore, cela ne saurait évidemment dispenser les ML de soutenir les luttes sociales dans les TPE-PME !

      En espérant avoir répondu à tes questions,

      Bien à toi,

      Amicalement,

      Luniterre

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