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Gilets Jaunes - Petit billet d’humeur à propos de la manif tolérée-interdite Place d’Italie le 16 novembre 2019

lundi 18 novembre 2019, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 18 novembre 2019).

Version DOC : http://mai68.org/spip2/IMG/doc/Radi…

Radio Lallement ment

C’était la date anniversaire : un an que des gens anonymes se réunissent le samedi pour protester. Contre l’augmentation du prix du diesel, ricanent certains, jamais confrontés à ce problème. La manif étant autorisée par la Préfecture, partant de la place d’Italie, à deux pas de chez moi et mon mari y allant, c’était tentant. J’y vais, pour la première fois, par solidarité. Nous arrivons mon mari et moi vers 10 heures trente : le rassemblement a déjà commencé au centre de la place d’Italie. Des gens arrivent, de différents côtés, de tous âges, simples, des sourires, des regards, une ambiance chaleureuse. Déjà les deux voies du départ, parcours pourtant choisi par la Préfecture, sont bloquées par une double rangée de casques à visière. Ils commencent peu après à dégoupiller les lacrymo et, le bras en arrière à viser les gens qui bavardent, tranquilles. Ils suivent de l’œil la trajectoire, se déplacent de quelques pas pour éviter l’impact puis reprennent leur conversation.

Un gars très sympa me demande si je suis équipée ? Non pas du tout. Il tire de son sac à dos un masque de papier et des doses de sérum physiologique qu’il me tend. Je m’étonne que ces fumées de lacrymo n’affectent pas —ou si peu— la bonne humeur générale : on voit que les manifestants présents sont rodés. Une figure des G.J. comme on dit, vient d’être interviewé. Je l’accroche par la manche, je le congratule. Lui me remercie de ma présence : « Il y en a tant, surtout de votre âge, qui se fichent de ce qui arrive aux autres ». Il m’embrasse. Tout ça est spontané, chaleureux. Jérôme Rodrigues parle aussi un peu plus loin face caméra. Je salue l’exercice : difficile de raconter toujours la même chose en gardant sa spontanéité. En fille d’ophtalmologiste, j’observe aussi son œil artificiel : du bon boulot, bravo à l’équipe chirurgicale.

Les jets de lacrymo pleuvent avec une belle régularité sur des gens immobiles. Une jeune femme, une habituée, s’interroge : « Mais pourquoi ils bloquent l’endroit d’où on va partir ? » Un autre lui répond : « Bah, parce que c’est pas encore l’heure ; on a l’autorisation pour 14 heures ». Elle poursuit, têtue : « Non, ils barrent les voies autorisées (boulevard Auriol et de l’Hôpital) et pas les autres (Italie, Blanqui et Bobillot) : ça sent la nasse.

Un J.G. signale des gars en noir cagoulés devant le Mac Do. J’essaie de voir mieux. Trois minutes plus tard, on entend le bruit d’une vitrine qui dévale, celle de la banque HSB, je ne sais quoi, bruit très vague parce que les lacrymo crépitent toujours. Désormais des gars en noir se déplacent, vaquent sans bruit avec rapidité, discrétion et efficacité, tranquillement, comme des gens qui font leur boulot. Ils mettent le feu à une poubelle, jettent sur la voie des barrières de chantier en ferraille. (Pourquoi n’ont-elles pas été enlevées par la Mairie ? Fait exprès ?). J’aurai bien aimé demander au gars en noir qui s’agitait non loin de moi le but de son activité —il n’avait pas l’air d’improviser—, mais il était très concentré, pas vraiment du genre liant. Serait-ce, avec d’autres, un flic infiltré ? Je n’ai pas tenté le coup.

Comme il était déjà près de midi trente, que ça piquait un peu —froid plus lacrymo— et que le chemin risquait d’être long jusqu’à la Bastille, j’ai entraîné mon époux boire un bouillon chez nous. Les claquements des tirs de lacrimos continuaient bruyants. Il a voulu retourner au front. J’ai choisi de déclarer forfait mais au bout de dix minutes environ, je m’inquiète, je culpabilise et je sors. Devant chez moi, des jets de lacrymo l’un après l’autre et des jeunes gens qui s’enfuient vers le bout de la rue. Je croise un grand Nordique, ses yeux verts rougis et larmoyants. Il me dit avec un accès guttural : « ça s’appelle la dictature, madame. » Je lui demande : « Vous étiez à la manif ? » Il me répond : « Non, je suis un touriste » ? Bienvenue à Paris, vitrine de notre belle France des droadelom ! Je continue quand même jusqu’à la rue Bobillot : fermée, barrage. Un rondouillard casqué qui dégoupille ses lacrymos plus vite que Rambo m’ordonne de « dégager » donc de retourner sur mes pas. Ah non, lui dis-je, j’habite la rue derrière (vers où il tirait). Il aboie de nouveau, le regard mauvais : ces vielles peaux qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas, une source potentielle d’emmerdes ! Je tourne les talons ; je prends ma rue, vide, il n’y a plus personne. À côté de moi, le sifflement de la bombe lacrymo qui passe avec sa fumée et va exploser un peu plus loin : le grassouillet n’a pas résisté au plaisir d’en balancer une !

Arrivée chez moi, à l’image sur l’écran de mon ordi du Préfet de Police de Paris, qui annonce que « compte tenu des troubles », la manifestation est annulée. Le reportage se poursuit avec « la figure » qui m’embrassait tout-à-l’heure et qui brandit devant la camera l’autorisation de manifester en bonne et due forme avec cachet de la Préfecture.

Monsieur Lallement, vous mentez. La décision d’annuler la manifestation, n’a pas été prise à cause des troubles mais bien avant. C’était programmé, prémédité. Vous aviez verrouillé dès le matin les voies d’accès à la Bastille — vous connaissiez bien le parcours pour l’avoir vous-même autorisé. Vos hommes ont commencé à canarder et à enfumer alors qu’il y avait encore peu monde sur la place, que tout était calme et joyeux. Vos sbires ont laissé passer les gars en noir, très reconnaissables, qui, si mes renseignements sont bons, sont fichés par vos services et donc faciles à intercepter. Aucun de vos « forces de l’Ordre » si mal nommées, n’a eu la curiosité d’interroger — ce que je n’avais osé faire au risque d’un coup en pleine poire — ces garçons discrets, très affairés, visiblement très « pro », sûrs quant à leurs intentions et… leur commanditaire. Un mauvais esprit avancerait que si ce n’est vous, monsieur le Préfet, c’est donc votre frère. En tout cas, bravo pour un scénario dont le point d’orgue serait votre décision « responsable » d’interdiction de la manifestation. Pas de chance pour vous le jour où l’un de vos sous-traitants, pris de remords, caftera, mais vous coulerez sans doute alors une retraite dorée, dans monde jeté dans le chaos grâce à des hommes d’Ordre qui vous ressemblent.

Votre intervention a évoqué pour moi l’époque où une poignée de résistants tenait tête au pouvoir collabo, avec la complicité — ou la trouille— d’une bonne partie du pays comme aujourd’hui. Mais à la fin, ce sont les « fauteurs de troubles » qui ont fait l’Histoire. Après la paraphrase d’un mauvais goût assumé : « Télé Paris ment, les médias sont Lallement », je tire mon chapeau aux hommes (et femmes) qui, en dépit de vos mensonges, de vos gazages et autres gracieusetés ont le courage de continuer chaque semaine à battre le pavé.

P.S. J’ai retrouvé mon mari indemne. Il n’est pas parfait mais j’y tiens.

Edith Garnier

6 Messages de forum

  • Salut Edith,

    Bien entendu, la décision d’interdire la manif, ou plutôt de punir les manifestants avait été prise bien avant que ça tourne à l’émeute ; mais, croire que les Blacks Blocs sont dans leur ensemble des agents du pouvoir serait une erreur. Lire à ce sujet ceci :

    http://mai68.org/spip2/spip.php?art…

    Bien à toi,
    do
    http://mai68.org

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    • Salut Do,

      Édith s’est peut-être mal exprimée : elle ne parle que de certains mecs déguisés en noir et équipés de masques de protection qui s’affairaient tranquillement dès 10h du matin à mettre en place sur la chaussée le matériel destiné aux affrontements. À la différence des militants du « cortège de tête » des manifs anti-loi el Khomri, ils n’adressaient pas la parole aux autres manifestants et faisaient comme s’ils n’existaient pas. Or, j’avais eu l’occasion à plusieurs reprises de discuter avec des militants du black bloc lors de certaines de ces manif, dont l’une qui démarrait Place d’Italie, alors qu’ils s’activaient à préparer les festivités « insurrecttionnelles » qui allaient suivre. Rien à voir avec les gars de samedi, même si d’autres, venus par la suite pour en découdre avec la flicaille, se sont ajoutés aux premiers mais sans, pourtant, communiquer verbalement avec eux.

      D’une manière plus générale, le timing de la répression révèle une parfaite coordination entre le bouclage progressif à partir de 10h des voies d’accès à la place d’Italie, en commençant par le boulevard de l’Hôpital où la manif (autorisée) devait démarrer à 14h, les premiers tirs de lacrymos au même moment et l’installation du matériel par les militants du BB … ou de policiers infiltrés se faisant passer pour tels. Peu à peu, les autres voies d’accès, laissée libres pour permettre aux manifestants de continuer d’affluer, furent bloquées par la flicaille, tandis que les tirs de lacrymos redoublaient. Vers 11h, les entrées du métro furent fermées, tandis que le saccage du mobilier urbain et le bris de quelques vitrines commençait. Vers 12h 15, l’interdiction de la manif état annoncée tandis que la nasse se refermait sur les manifestants pris au piège.

      J’ai pu observer de près la qualité du dispositif policier en haut du boulevard Blanqui où j’étais bloqué, avec interdiction absolue de sortir du guêpier bouclé par deux double cordons de gendarmes espacés par une vingtaine de mètres, avec, derrière, une flottille de motocyclistes prêts à foncer dans la foule. À la différence d’une rue voisine — celle que Édith voulait emprunter pour essayer d’avoir de mes nouvelles — où les cordon était composés de baqueux ultra-agressifs (coiffés de casques blancs !) qui tiraient des lacrymos aussi bien vers la place que derrière eux dans la rue, la fermeté des gendarmes qui ne laissaient sortir personne de la place (sauf deux touristes féminines asiatiques) revêtait quand même un aspect « civilisé ».

      J’en ai profité pour m’adresser à leur supérieur, un capitaine, qui entre deux aboiements autoritaires, consentait à « dialoguer » avec quelques manifestants, non pour les informer sur les raisons de ce blocage et sa durée, mais sur la manière de le respecter, c’est-à-dire de ne pas l’entraver. Excipant de mon grand âge (79 ans) et surtout de l’asthme et de l’hypertension qui m’affectent — j’exhibais même sous son nez un tube de ventoline pour attester la véracité de mes dires —, je lui demandais poliement, tout en le mettant en garde contre l’extinction de voix qui le guettait à force de crier, de m’autoriser à m’extraire de la plac. Ce qui le convainquit de me laisser passer « en longeant les façades » et en avisant au passage les hommes des deux autres cordons que j’avais la permission dà passer « pour cause médicale ».

      Cordialement

      Jean-Pierre

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      • Salut Do,

        Tu verras, avec le premier article publié sur le site « poutinien » Sputnik, que notre hypothèse d’une infiltration policière de pseudo-black-bloc Place d’Italie pour faire dégénérer la manif et justifier son interdiction en même temps que la répression brutale des manifestants, n’était pas si infondée que cela. C’est indirectement confirmé par la bousculade et le gazage dont a été victime le dépoté F.I. Alexis Corbière, que tu verras avec le 2e article, typique exemple de provocation flicarde. Un indice de plus : avant-hier matin, soit dimanche, Édith a remarqué la présence 7 à 8 douilles de grenades lacryo tirées la veille gratuitement par des voyous casqués de la BAC dans cette rue qui se trouve à l’écart de la place d’Italie. Hier, elles avaient disparu alors que le camion poubelle n’était pas passé. Donc, des gens ont été envoyés pour faire le ménage afin que disparaissent les traces de cette provocation. Édith regrette de ne pas les avoir ramassées à titre de preuves dans son panier. Il est vrai qu’il était archi-plein car elle revenait du marché !

        Jean-Pierre

        Des policiers se font-ils passer pour des black blocs pendant la mobilisation des Gilets jaunes … :
        https://www.google.com/url?rct=j&am…

        « Quand j’ai dit que j’étais député, un policier m’a dit "on s’en fout" » : Corbière agressé pendant l … :

        https://www.google.com/url?rct=j&am…

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        • Salut Jean-Pierre,

          Cette vidéo prouve seulement qu’il y avait trois flics déguisés en Black Bloc, pas que le Black Bloc dans son ensemble est constitué de flics. D’ailleurs pourquoi courent-ils se réfugier brusquement d’un seul coup dans les rangs de la police ? ont-ils été démasqués par les vrais Blacks Blocs ? Et pourquoi les flics les ont pas tabassés comme ils le font avec les émeutiers ? Ces faux Blacks Blocs ont-ils un signe de reconnaissance ?

          Je soupçonne fort celui qui a cassé la pierre commémorative du Maréchal Juin d’être un flic infiltré dans le Black Bloc. D’ailleurs, il s’est laissé très bien filmer pendant très longtemps alors que les Blacks Blocs n’aiment pas bien ça d’habitude.

          Dans cet article du 9 mai 2018, je parle de l’infiltration du Black Bloc par la police :

          http://mai68.org/spip2/spip.php?art…

          Extrait : « Que les flics infiltrent les Black Bloc, et en profitent pour détruire la bagnole du temps des cerises n’a rien d’étonnant. Mais, ils infiltrent aussi la manif des simples manifestants. Ce qui ne signifie pas que les simples manifestants travaillent pour le pouvoir, et évidement pas les émeutiers non plus ! »

          Bien à toi,
          do
          http://mai68.org

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  • L’ordre par la force donc Forces ( au pluriel, tant qu’à faire…) de l’Ordre.

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  • Non Edith ,je ne suis pas d’accord avec toi : il est parfait ton époux.

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