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Immunité parlementaire pour les élus indépendantistes catalans

jeudi 2 janvier 2020, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 2 janvier 2020).

http://lepeuplebreton.bzh/2019/12/2…

21 décembre 2019

Alà Baylac Ferrer

Coup de tonnerre jeudi 19 décembre sur le ring où s’affrontent Catalans indépendantistes et autorités espagnoles : le Tribunal de justice de l’Union européenne rend un jugement sans ambigüité qui garantit l’immunité parlementaire d’Oriol Junqueras, élu député européen en mai 2019 et ex vice-président du gouvernement de Carles Puigdemont, que les autorités espagnoles viennent de condamner à 13 ans de prison pour avoir organisé le référendum d’indépendance du 1er octobre 2017 en Catalogne.

La décision est un coup sérieux porté à l’Espagne. Elle remet en cause le verdict et l’emprisonnement de la justice espagnole qui a condamné lourdement les ministres catalans et leaders indépendantistes après les avoir gardé deux ans en prison préventive. Elle oblige pratiquement l’Espagne à remettre en liberté les prisonniers politiques. Mais elle garantit par le même coup l’immunité aux autres élus catalans, Carles Puigdemont, Toni Comín et Clara Ponsatí, qui sont toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt européen émis par l’Espagne qui réclame leur extradition pour les juger et les emprisonner selon les mêmes procédures qui ont été appliquées aux autres indépendantistes. La décision européenne devrait leur permettre prochainement de prendre possession de leur siège, voire de pouvoir circuler librement en Europe. Des voix réclament déjà que Puigdemont vienne en terre catalane, au nord de la frontière franco-espagnole, à Perpignan.

Remise en cause de la démocratie par l’Espagne

L’Espagne s’opposait jusqu’à présent à reconnaître l’élection des députés indépendantistes au parlement européen malgré qu’ils aient été élus après avoir présenté tout à fait régulièrement et légalement leurs candidatures. Le président du parlement européen, David Sassoli, a d’ailleurs immédiatement réclamé l’application du verdict de la justice européenne. Il n’est pas certain cependant que l’Espagne respecte cette décision ; de la même manière que les tribunaux espagnols n’ont pas respecté jusqu’ici le fonctionnement de la démocratie (élections, parlement), ni le principe d’immunité des parlementaires, le parquet espagnol a émis le même jour qu’était connue la sentence, une demande d’application des peines à Oriol Junqueras et de destitution de son mandat de député européen.

ERC suspend les négociations dans l’attente de la position du PSOE

Immédiatement applaudie par les indépendantistes catalans, par les autorités catalanes, par les prisonniers politiques et les exilés, la décision de Luxembourg a eu pour effet de donner un coup d’arrêt aux négociations en cours entre ERC et les socialistes espagnols qui ont besoin du soutien des indépendantistes pour prétendre pouvoir former un gouvernement. Les responsables d’ERC ont stoppé les discussions en réclamant que le PSOE prenne position en faveur de la libération de leur président et du respect du verdict de la justice européenne. Ce qui place Sánchez dans une position encore plus délicate dans la mesure où les socialistes n’ont pas envie de passer pour des « alliés » des indépendantistes mais ont besoin de leurs voix pour former un gouvernement. Les déclarations des socialistes n’ont jusqu’ici montré aucun indice de vouloir s’engager dans une voie politiquement volontariste qui puisse désactiver la répression judiciaire et la « judiciarisation » de la politique en Espagne. Au contraire, la porte-parole et la vice-présidente du gouvernement s’en sont toutes les deux remises aux décisions « indépendantes » du Tribunal suprême. La répression continue : le président catalan destitué ?

Le même jour où a été rendue publique la sentence européenne, le Tribunal supérieur de Catalogne rendait lui aussi un verdict : contre le président de la Catalogne Quim Torra, qui écope d’un an et demi d’inéligibilité et 30 000 € d’amende pour ne pas avoir enlevé à temps une pancarte demandant la libération des prisonniers politiques de la façade de la Generalitat au début de la campagne électorale. La peine – si elle était appliquée (des recours seront interposés pour le moment) – équivaudrait à une destitution du président de la Catalogne pour avoir « désobéi » à une commission électorale… Cette décision est bien-sûr dénoncée avec force par tous les indépendantistes. Le président lui-même semble ne pas reconnaître la décision et indique dans un communiqué ne devoir sa légitimité qu’au Parlement de Catalogne. Quim Torra précise que seul le Parlement est susceptible de le destituer et qu’il n’a pas à obéir à un organisme administratif dont il ne reconnaît pas l’autorité. Il annonce d’ailleurs la présentation au Parlement de Catalogne d’une motion de soutien dans les prochains jours. La veille, c’est la leader de Junts per Catalunya, députés et ex ministre de la culture de la Generalitat, Laura Borràs, qui était la cible de la justice espagnole qui l’accuse de malversations lors de sa présidence du l’Institut de les Lletres Catalanes. Une des 2 500 indépendantistes qui selon la présentation que vient de faire cette semaine Òmnium Cultural sont objet depuis deux ans de répression pour leurs activité politiques ou pour des manifestations publiques. La plupart sont poursuivies par les tribunaux espagnols, certains sont encore en prison préventive sous le coup d’accusations délirantes (organisation criminelle, terrorisme…).

Effet domino sur les prisonniers et les exilés ?

L’effet de la sentence du Tribunal de Luxembourg a été quasi immédiate sur les exilés : le président du parlement européen autorisait dès jeudi soir les députés catalans à accéder à l’hémicycle pour effectuer les démarches de prise de possession de leurs fonctions. Les avocats des prisonniers politiques exigeaient de leur côté l’annulation des condamnations, au motif que si la sentence contre Junqueras est entachée de nullité, il en est de même pour tous. Puigdemont depuis la Belgique réclamait de son côté la libération immédiate du député européen Oriol Junqueras « séquestré illégalement depuis 9h déjà par l’Espagne », indiquait-il jeudi soir. Dès vendredi Puigdemont et Comín se rendait au Parlement où ils ont obtenu leur accréditation de députés européens et ont annoncé qu’ils seraient présents le 13 janvier prochain à l’ouverture de la nouvelle session du Parlement.

Tsunami « Spain, Sit and Talk ! »

Le revers est conséquent pour la justice espagnole, largement décrédibilisée et montrée du doigt par la presse internationale. Sa dimension politique et partisane, son caractère arbitraire contre les libertés fondamentales et les principes de base de l’expression politique démocratique sont de plus en plus mis en évidence. Et il sera de plus en plus compliqué à l’État espagnol de poursuivre dans la voie de la répression politique face au poids et aux garanties des institutions européennes et des justices d’autres pays européens. Les protestations de la société n’ont pas cessé en Catalogne ; tous les jours des manifestations, des rues occupées, des actes de soutien ont lieu depuis la sentence de début octobre. Dernière en date, le « clasico » Barça-Madrid de mercredi qui a été l’occasion d’une démonstration de l’organisation Tsunami democràtic qui via les réseaux sociaux a à nouveau mobilisé des dizaines de milliers de personnes à l’intérieur et à l’extérieur du Camp Nou aux cris de « Spain, sit and talk ! », « Llibertat, presos polítics », « Freedom »… pour réclamer devant les 600 millions de téléspectateurs du match que l’Espagne entame dialogue politique et négociation pour résoudre la crise institutionnelle.

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