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CORÉE DU NORD, ÉTATS-UNIS. INTÉRÊT NATIONAL OU DROIT INTERNATIONAL ?

lundi 10 juillet 2017, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 10 juillet 2017).

Par : Me Corneille YAMBU-A-NGOYI.

L’intérêt national d’un État prévaut-il sur les règles qui régissent les rapports entre États dont l’ensemble forme depuis Grotius, le droit international ou celui-ci doit-il prévaloir sur les intérêts nationaux ? Telle est la question fondamentale de notre analyse. Son intérêt est indiscutable d’un point de vue théorique car elle suscite un débat fécond qui permettrait un bond de nos connaissances vers des nouveaux horizons. Sur terrain, les tensions et les conflits actuels entre les États-Unis et la Corée du Nord se croisent dans la volonté proclamée par les États-Unis d’assurer la défense de leurs intérêts même seuls et au détriment du droit. Ce qui donne au thème un intérêt pratique et une actualité sur la scène internationale. Poutine insiste sur le droit international et Trump comme ses prédécesseurs défend l’intérêt national. C’est la doctrine de l’unilatéralisme dont la montée accuse également des revers (A). Washington et Pyongyang en témoignent les limites (B) tel que cela se produits en présences d’intérêts nationaux concurrents de même valeur ©. Bien que l’unilatéralisme constitue un danger contre la paix pour des raisons faciles à démontrer (D), il est aussi vrai qu’il est des situations où l’intérêt national s’il s’avère existentiel supplante la règle de droit. Aussi en découle-t-il une impérative complémentarité entre l’intérêt national d’un Etat et le droit international protecteur des intérêts tiers.

A. L’unilatéralisme : montée et revers.

Les meilleurs spécialistes de l’Amérique à l’instar d’ André Kaspi, professeur émérite à la Sorbonne et Robert Kagan membres de la Fondation Canergie pour la Paix internationale et diplômé de Harvard, ont fait de cette doctrine l’un des thèmes de leurs essais . Il en ressort que depuis la disparition de l’URSS les Etats-Unis ont développé une préférence de la force au le droit international en vue de leurs propres intérêts. Ainsi ils peuvent intervenir où ils veulent même par les armes sans l’aval du Conseil de sécurité soit en arguant par l’ingérence humanitaire soit par la défense de leurs intérêts. La tendance c’est accentuée depuis la guerre du Kosovo, la guerre d’Irak et depuis les attentats du 11 septembre 2001. Le but de cet article tend à mettre en relief des problèmes que soulève l’unilatéralisme comme doctrine dans une communauté internationale de juxtaposition de souverainetés et de coexistence pacifique. Si elle s’imposait de manière universelle de façon que les Etats du monde la concédassent aux Etats-Unis ayant pour l’aune de leur action leurs seuls intérêts, l’on passerait juridiquement d’un ordre mondial de coexistence pacifique d’Etats souverains tel qu’établi par la Charte de l’Organisation des Nations-Unies à un ordre mondial de subordination des Etats redevable à une puissance supérieure ; autrement dit l’on passerait d’une multitude de souverainetés étatiques à une souveraineté supra étatique américaine. Cela implique une redéfinition du droit international public. Nous en sommes très loin. Il en résulterait, et c’est la deuxième conséquence, une résurgence des conflits internationaux. Partons de l’idée plus concrète que la sécurité collective ou la guerre internationale sont tributaires de la réponse que les dirigeants des puissances mondiales apportent à la question des rapports entre le droit international et l’intérêt spécifique des Etats. Il s’en suit qu’un Etat dont l’intérêt national supplante la règle de droit international, privilégiera la guerre dans le règlement des crises internationales incluant ses intérêts. Tels sont les Etats-Unis et la Corée du Nord, par contre des Etats qui reconnaissent la suprématie des règles du droit international même dans la défense de certains de leurs intérêts privilégient les modes de solutions prévus par l’Organisation des Nations Unies, donc le droit international positif.

Ainsi le monde semble divisé entre le président D. Trump à la tête d’un État qui ne veut considérer le droit international que dans sont intérêt et le président V. Poutine qui se veut le champion du respect du droit et de la souveraineté des États. Que pensent les Européens de l’unilatéralisme américain ? Bien qu’ils soient unanimement embarqués à bord du même voile que leur grand allié, il est intéressant de découvrir que par rapport à l’unilatéralisme leur pensée n’est pas serve. Avant de la découvrir revenons aux faits qui dominent l’actualité : les tensions entre les États-Unis et la Corée du Nord.

B. Washington – Pyongyang : la limite de l’unilatéralisme et de la force.

« Cela ne se produira pas », claironnait le nouveau président américain à peine investi de ses fonctions. Il parlait de l’acquisition éventuelle des missiles ICBM capables d’atteindre les États-Unis par la Corée du Nord. Et sur un ton d’un général qui donne ses ordres au régiment il ajoutait qu’ « il a demandé à la Chine de s’occuper de Pyongyang, sinon il s’en chargerait avec ou sans la communauté internationale, donc seul ». Après avoir ordonné les frappes sur la Syrie pour montrer peut-être qu’il ne fait pas des promesses en l’air, il a instruit la marine américaine escortée d’une flotte impressionnante de faire cap vers les eaux coréennes. Un autre que Kim Jong-un eut aussitôt agité grelotant, le drapeau blanc pour se rendre sans condition. Mais c’est sans compter avec la pugnacité de notre Astérix asiatique contre le César Texan. Sans ralentir sa lancée, faisant fi des menaces et des intimidations de l’Hyper puissance et de ses manœuvres militaires, le leader coréen à poursuivi ses tirs des missiles sans désemparer jusqu’à l’intolérable tir du mardi 4 juillet 2007, jour de commémoratif de l’indépendance des États-Unis : un tir réussi d’un ICBM, cadeau que l’État décrété « voyou » par l’administration américaine envoie selon l’expression de l’administration nord –coréenne aux « salaud ». Une terminologie nauséabonde ? Épique et virile trouve-t-on de par et d’autre.

Les États-Unis promettent la foudre, les analystes se perdent en conjectures. « Toutes les options sont sur la table répète-t-on chez les légionnaires outre atlantique ; nous sommes prêts pour toutes formes de guerres entend-t-on chez les irréductibles Gaulois de la péninsule ». La Chine accusée d’avoir facilité le tir maudit ou accuser de n’avoir pas fait assez pour assagir son protégé téméraire ou audacieux, s’inquiète et prévient que tout basculer et prévient que quiconque déclenchera la guerre en portera la responsabilité. Langage à décortiquer, énigme diplomatique ! La Russie elle aussi en froid avec une administration américaine qui l’accuse de tous ses maux, appelle à la modération et à la patience avec la Corée du Nord.

Donald Trump veut-il achever l’œuvre commencée par Truman il y a 70 ans comme Georges Bush a continué sans terminer le travail du père en Irak, faire imploser la Corée du Nord ou la désintégrer ? Sans jouer aux augures pour chercher à prédire ce qui peut advenir entre Washington et Pyongyang, il est aisé de sentir les puanteurs de la guerre. Rappelons que débordé par le déferlement des combattants chinois le grand général Marc Arthur battant en retraite, sollicita l’usage de la bombe atomique sur des villes chinoises. Ce que lui refusa Truman. La menace se répète à la différence que l’arme absolue n’est plus le monopole des USA. C’est dire combien les dirigeants américains et coréens se plaisent à folâtrer avec l’enfer pour une destruction réciproque assurée.

Les événements en cours entre la Corée du Nord et les États-Unis attestent des limites de l’unilatéralisme et de la force comme moyen de défendre les intérêts nationaux ou de politique étrangère. Lorsque deux ordres souverains, deux intérêts contradictoires sont en conflits qu’est-ce qui peut les départager ? Si c’est la force, qu’adviendra-t-il du vaincu ? Il doit se soumettre à une volonté contraire à ses propres intérêts ? Juridiquement cela est contraire aux valeurs d’une société civilisée et aux principes de la démocratie libérale, moralement cela est contraire à l’équité, politiquement et socialement cela démaille le tissu étatique et le pays vaincu cesse d’être un État. Les conséquences sur le plan régional ne sont pas moindres.

C. Intérêts nationaux concurrents.

Malgré la position qui est la nôtre et que nous voulons toujours défendre en cas de crise aiguë entre acteurs nationaux ou internationaux, la préférence du droit comme base et cime des autres voies de solution à la force, nous n’ignorons pas la difficulté attachée à cette approche. Comment appliquer la règle de droit entre États souverains égaux juridiquement ? Comment imposer la sanction du droit contre l’État violateur s’il est puissant en l’absence des moyens des contraintes sur sa volonté souveraine ? Comment départager deux Etats souverains sur l’interprétation d’une règle de droit international ou sur la qualification d’un fait relevant du droit international en l’absence d’un législateur universel et d’un juge supra étatique ? Au stade actuel, le droit n’apporte pas des solutions concrètes efficaces à ces préoccupations. Par exemple, le détachement de la Crimée est interprété par les Etats-Unis comme une violation du droit international et par la Russie comme l’exercice d’une norme internationale fondée sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les systèmes antimissiles aux frontières coréennes sont considérés par la Corée du Nord comme un acte d’agression mais vu de Washington c’est une œuvre purement défensive. Quand bien-même le litige serait soumis à la sanction de la Cour internationale de justice, l’exécution de sa décision étant exempte de contraintes, seule la volonté de l’État convient à lui donner valeur et force. Sinon la tension persiste autant que le conflit sera intact. C’est la limite du droit international et aussi de l’usage de la force.

Dans des situations similaires où l’intérêt existentiel de l’État serait engagé comme aujourd’hui dans la crise entre les Nord-coréens et les Américains, exiger de soumettre l’intérêt de l’État au droit international n’est pas chose aisée car le droit n’a pas pour mission de pousser les États à tendre le cou. Depuis Bill Clinton les présidents successifs l’ont dit et redit : l’intérêt des États-Unis prime sur les considérations juridiques, la force prime sur le droit, l’unilatéralisme sur le multilatéralisme et la diplomatie classique. C’est légitime, c’est correct de leur reconnaitre comme à la Chine, à la Russie le droit de se placer au dessus de n’importe quelle norme pour leur survie ou pour leurs intérêts stratégiques et commerciaux. Cependant l’équation demeure complexe. Qu’en est-il si un autre État comme la Corée du Nord justifie exactement des mêmes arguments pour motiver sa rébellion contre l’ordre juridique international ? Un Etat peut-il, même au nom des ses intérêts vitaux manifestes, s’autoriser systématiquement ce qu’il interdit aux vigoureusement aux autres ? Par exemple armer les rebelles contre le régime comme qu’on vise, et interdire aux autres puissances de le faire ailleurs ? Dans la crise actuelle les Etats-Unis conscients de leur puissance, sont-ils habilités à déterminer seuls le déclenchement de la guerre comme en Irak ? Vont-ils ou pourront-ils le faire sans danger contre la Corée du Nord ?

D. Danger de l’unilatéralisme.

Il apparait que la pensée européenne démocratique s’insurge contre cette manière de concevoir les relations internationales et l’ordre international. En son temps, le président Jacques Chirac, déclarait : « les crises mondiales ne peuvent pas être résolues « par une nation agissant seule sur la base de ses propres intérêts et de ses propres jugements…Toute situation de crise, quelle que soit sa nature, dans quelque partie du monde que ce soit, est l’affaire de la communauté internationale toute ». Un ordre mondial objectait Joschka Fischer, ne peut fonctionner quand l’intérêt national de la plus forte puissance est le critère décisif pour l’utilisation de la force de ce pays.IL doit y avoir des règles qui déterminent le comportement de toutes les nations, mais insistait-il, ces règles « doivent s’appliquer aux grands, aux moyens et aux petits pays »

Même aux États-Unis, l’éminent professeur émérite de Harvard, connu pour ses prises de position parfois tranchées en faveur de son pays, Henri Kissinger ne s’est pas empêché de prévenir : « l’abandon brutal du concept de souveraineté nationale » risquait d’entrainer l’avènement d’un monde détaché de toute notion d’ordre juridique, ou autre. Dès lors que se répandra la doctrine de l’ingérence universelle et que s’affronteront des vérités concurrentes, nous risquons de pénétrer dans un monde où, pour reprendre la formule de G.K. Chesterton, ‘’la vertu tombe en quenouille’’. Ce fut au temps de la guerre du Kosovo.

Fort de cet avertissement qui ne semble pas avoir été entendu, et de la désapprobation des dirigeants européens visionnaires que nous avons cités nous pouvons d’abord formuler quelques observations avant de conclure par des suggestions constructives : Les États modernes constituent une communauté ou chacun jouit d’un droit de souveraineté quelque soit sa taille, sa force ou sa faiblesse. La Corée du Nord est un État souverain au même titre que les États-Unis. La prétention à la souveraineté absolue à laquelle prétend chaque État peut créer une communauté anarchique susceptible de provoquer un chaos mondial L’argument tiré de la sécurité nationale comme intérêt existentiel est partagé par la Corée du Nord menacé par des manœuvres et la présence massive des forces hostiles, américaines et sud-coréennes à ses frontières. De ce fait, seule nous semble défendable une conception complémentaire entre l’intérêt national et le droit international.

E. Intérêt national et droit international : une indispensable complémentarité.

Certes, il est bien connu comme nous le rappelait déjà en 1963, R.J. Dupuys ancien professeur au Collège de France, que ne connaissant d’autres règles que celles qui convergent avec ses intérêts, l’État est à la fois source du droit international et son sujet. Ce qui explique la précarité de sa soumission à la norme juridique . D’où le caractère normale de la guerre entre États aux intérêts divergents dans les relations internationales. Compte tenu des moyens de destruction inventés par l’homme postmoderne, il est risqué d’ignorer les efforts engagés par la communauté internationale dans l’élaboration des règles universelles pour éloigner la guerre. La Charte de l’Organisation des Nations-Unies fournit une base des valeurs dont la Corée du Nord et les Etats-Unis peuvent (ou doivent par raison et pour leur sécurité respective) s’imprégner pour baisser les tensions et parvenir à une harmonie de vues sur leurs intérêts

Loin de la propagande épique, l’on peut relever que la Charte de l’ONU est un cadre qui concilie la défense de l’intérêt national et des principes indispensables à la coexistence pacifique. Aussi, l’article 2 dispose : L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres. Les Membres de l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de la présente Charte. Les Membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger. Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.

Conclusion

Un examen impartial des faits suffit à renseigner que les États-Unis et la Corée du Nord sont éloignés des principes louables auxquels ils ont adhéré librement en tant que membres de l’ONU. Sans être les remèdes miracles, les quatre principes énoncés ci-dessus constituent une base efficace pour un début de dégel de toute crise entre États. En dépit de son armada qui ferait de la Corée du Nord une bouchée après une victoire à la Pyrrhus, les États-Unis trouveraient plus de sécurité dans la reconnaissance et le respect de l’égalité souveraine des autres États y compris de la Corée du Nord que dans les menaces et les interventions militaires incertaines. De la même manière la Corée du Nord nonobstant son nouveau statut de puissance atomique tant rêvé défendrait désormais son intérêt existentiel par une attitude conforme aux buts et aux principes de la charte des Nations –Unies que nous jugeons à ce jour, incontournable.

L’unilatéralisme avec son corolaire la force ne permettront ni la Corée du Nord ni aux États-Unis de résoudre leur querelle seuls. Par ailleurs, il ne serait pas juste ils soient juges et parties pour seuls interpréter les faits de leur mésentente et les normes y afférentes. Ils se trouveraient bien aise de l’ insérer dans un cadre diplomatique et juridique multilatéral où sans chercher à faire des instances saisies, les caisses de résonance de leurs prétentions respectives ou des otages de leurs alliances, leurs experts juridiques, politiques, militaires et géostratégiques œuvreront d’abord à trouver les vraies craintes de chaque partie , les vraies causes de la crise, les vrais intérêts menacés, et ensuite à chercher des concessions et des contreparties proportionnelles. Les parties ainsi appelées à la conciliation à l’instar de la Chine et la Russie se devraient sentir y être invitées non par une hiérarchie impériale mais par une instance souveraine s’adressant à d’autres souveraines.

Si les déclarations menaçantes proches de la fixation d’une ligne rouge par le président Trump le gênaient pour s’accommoder aux droit en ce son image de chef inflexible en serait ternie, il est utile de rappeler pour paraphraser J.F.Kennedy que les concessions mutuelles sont le fondement de toute législation , et que les compromis témoignent de notre conditions humaines. Nous concluons que l’intérêt national n’est pas forcement incompatible avec le droit international, et que celui-ci est l’un de moyen encore utile pour désamorcer la crise dans la péninsule coréenne. Il est indéniable que la Corée du Nord comme les Etats-Unis soutiennent des positions légitimes. Cependant il ne leur est pas avantageux d’opter pour l’intérêt national (la sécurité nationale) en sacrifiant le droit international (la sécurité collective) ni d’opter pour le droit par imposition en sacrifiant la survie de leurs peuples respectifs..

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