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France - 16 août 2017 - Le Gouvernement s’apprête-t-il à relancer la filière des surgénérateurs au plutonium ?

mercredi 16 août 2017, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 16 août 2017).

Le Gouvernement français s’apprête-t-il à relancer la filière des surgénérateurs au plutonium ?

http://arretsurinfo.ch/le-gouvernem…

15 août 2017

Pierre Péguin, Docteur ès sciences. Juillet 2017

Le nucléaire français est en difficulté. EDF et Areva ne sont sauvés de la faillite que par l’injection de milliards par l’État (nos impôts…aux dépens des services publics), la génération des PWR est dépassée, en tout cas vieille et en mauvais état au point qu’il devient moins couteux d’en arrêter une partie que de continuer à investir dans leur prolongation, la 3e génération des EPR est plombée par les fiascos de Flamanville, de Finlande, par les malfaçons des pièces élaborées par Areva au Creusot, et par les compromissions de l’ASN.

Ne nous laissons pas pour autant endormir dans l’espoir d’un arrêt du nucléaire, l’élection d’Emmanuel Macron et la nomination d’Edouard Philippe issu d’Areva renforcent le lobby. Symbole de la « grandeur » de la France, telle que l’avait concue de Gaulle et confié aux polytechniciens (X du corps des mines) en créant le CEA , choix maintenu depuis par tous nos gouvernants, le nucléaire francais va chercher à rebondir. Reste à imaginer comment, si EDF œuvre à protéger la filière des réacteurs à eau type EPR, pour le CEA il ne peut se faire que par la relance de la filière plutonium.

C’est depuis sa création en 1945 que le CEA travaille au développement de cette filière. Les premières années c’était pour la production du plutonium de qualité militaire pour la bombe avec, à Marcoule, les premiers réacteurs plutonogènes (dits UNGG, à l’uranium naturel modérés par le graphite et refroidi par le gaz). Puis pour perpétuer cette voie, la production d’électricité a été mise en avant, avec la création de l’usine de retraitement des combustibles usés de la Hague, et la construction de Phénix à Marcoule puis de Superphenix près de Morestel. Ces réacteurs utilisent le plutonium comme élément fissile, et le sodium comme fluide caloporteur (qui s’enflamme au contact de l’air et explose avec l’eau).

Il s’agit donc de promouvoir la 4e génération de réacteurs nucléaires, celle des RNR réacteurs dits « à neutrons rapides » (RNR) ou surgénérateurs car pouvant théoriquement produire autant ou même plus de plutonium qu’ils le consomment, et ce au moyen de la transmutation d’uranium 238 et plutonium 239. Elle est présentée de ce fait comme « durable », et constituerait une revanche sur EDF qui avait pesé en faveur des réacteurs à eau issus de Westinghouse, choix opéré par le Gouvernement de Chaban-Delmas sous la présidence de Pompidou, en novembre 1969…. Sauf que c’est une technologie encore plus difficile à mettre au point et plus dangereuse de beaucoup.

Voilà pourquoi se prépare à Marcoule, coeur avec la Hague de l’activité plutonium, la construction du réacteur Astrid, d’une puissance de 600MWé, soit quasiment un demi Superphénix, dont on peut craindre que la décision formelle de lancer les travaux soit donnée prochainement, quel qu’en soit le coût, le « rayonnement de la France »1 n’ayant pas de prix…

Ce réacteur, représenterait l’aboutissement de l’acharnement du CEA à développer une filière “française”, relativement autonome vis à vis des ressources en uranium, s’appuyant sur les stocks disponibles de plutonium à la Hague et d’uranium dit « appauvri » au Tricastin, avec la possibilité théorique de régénérer à profusion du plutonium.

Le pouvoir du CEA

Au delà du rôle que peut jouer EDF dans les débats sur la loi de la transition énergétique pour veiller à la sauvegarde du nucléaire, le vrai pouvoir dans ce domaine est assuré par le CEA sous la direction du Corps des Mines, la tradition polytechnicienne de Napoléon à de Gaulle d’asseoir la grandeur de la France sur la Technologie perdure. Et nos politiques s’en remettent à l’avis de ces experts pour se prononcer en ce domaine.

Le CEA avait perdu la bataille contre EDF avec l’abandon de la filière graphite gaz au profit de la filière Westinghouse à eau pressurisée (réacteurs PWR de la 2e génération, et EPR de la 3e). Cela s’était joué en 1969 et cela avait donné lieu à des grèves de protestation dans les centres et même à une grève de la faim.

Depuis, pour justifier le retraitement des combustibles usés à la Hague dont on extrait le plutonium, le CEA a obtenu (arbitrage Rocard) d’imposer le combustible au plutonium (MOX) dans une partie des réacteurs à eau (des 900MW), mais surtout son influence reste suffisamment puissante pour imposer à l’État des investissements considérables dans le développement de la 4e génération de réacteurs nucléaires.

La stratégie du CEA

Après les difficultés de fonctionnement et les nombreuses pannes de Phénix à Marcoule, et le fiasco de Superphénix à Malville, il n’était plus possible de présenter officiellement cette filière comme celle qui assurerait l’avenir du nucléaire français. Les nucléocrates s’entêtant, ils s’appuient sur le 3e volet de la loi “Bataille”2, c’est-à-dire celui de la “transmutation” des déchets radioactifs les plus encombrants à gérer. Ils obtiennent ainsi de l’État € 650 millions dans le cadre de l’Emprunt National de 2010 (Sarkosy-Rocard), pour l’étude d’un avant-projet de construction à Marcoule du réacteur Astrid.

En effet, officiellement, Astrid est destiné à montrer la capacité à “incinérer”, les actinides dits mineurs, atomes d’extrême radiotoxicité et de très longue vie (dizaines de millénaires), voisins du plutonium. On voit là la subtilité rassurante du langage, car on n’incinère pas des atomes comme des ordures : ils ne brûlent pas ! Par contre on peut les briser sous bombardement neutronique, c’est la “transmutation”, générant de ce fait de nouveaux éléments radioactifs de durée de vie moindre (dizaines de siècles), avec inévitablement de nouvelles nuisances.

Ce n’est en fait qu’une parade, le but réel étant d’aboutir au « nucléaire durable » car pouvant théoriquement fonctionner en « surgénération », c’est à dire produre autant ou même plus de plutonium qu’il n’en consomme. C’est le Graal3 !

Le défi pour le CEA consiste à convaincre les parlementaires de l’autoriser à bâtir Astrid et les équipements annexes, au nom de l’expérience de la France dans ce domaine. Le coût en a été estimé à plus de € 5 milliards, mais le coût réel final quel serait-il ?…

Dans le même temps des partenariats étrangers permettent de justifier le projet et de progresser. Un programme de recherche sur la prochaine génération de centrales, a été lancé en 2010 par le Forum International Génération 4, et le partenariat avec le Japon est acquis4.

L’« arnaque »

Un rapport scientifique du Sénat avait déjà exprimé à la fin des années 1990 que cette voie n’était pas crédible. La multiplicité des isotopes créés par les réactions nucléaires, et leurs difficultés à capter des neutrons pour être brisés, rendent très aléatoire cette technique. Tout physicien sait que la section efficace de capture d’un neutron par un noyau instable de produit de fission est dérisoire.

La transmutation est, certes, une réalité physique, mais sa transposition à l’échelle industrielle se heurte à un obstacle économique majeur. Elle impliquerait d’adjoindre aux réacteurs à eau 7 ou 8 RNR pour “incinérer” à un coût exorbitant une petite partie des déchets, car tous ne pourraient pas être ainsi transmutés…

Cette « arnaque » destinée aux politiques a permis de justifier le projet et un financement public.

L’arnaque est dénoncée par l’Autorité de Sûreté nucléair (ASN) mais la parade est trouvée !

L’ASN a émis en date du 4 juillet 2013 un Avis n° 2013-AV-0187 sur la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Nous en extrayons le texte ci-après.

“Ainsi, l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) considère que les gains espérés de la transmutation des actinides mineurs en termes de sûreté, de radioprotection et de gestion des déchets n’apparaissent pas déterminants au vu notamment des contraintes induites sur les installations du cycle du combustible, les réacteurs et les transports, qui devraient mettre en œuvre des matières fortement radioactives à toutes les étapes. (…) “En conséquence, l’ASN considère que les possibilités de séparation et de transmutation des éléments radioactifs à vie longue ne devraient pas constituer un critère déterminant pour le choix des technologies examinées dans le cadre de la quatrième génération.”

Le récent rapport de la Commission Nationale d’Evaluation(CNE) de l’application de la loi sur la gestion des déchets radioactifs (rapport d’évaluation N°8, juin 14), permet d’avoir quelques informations, et … de se faire quelques soucis sur l’obstination du lobby :

— La Commission s’inquiète : « Si la France renonce à la filière RNR, le plutonium devra être considéré comme un déchet… » En fait, cette affirmation pourrait bien avoir pour objectif d’inquiéter les décideurs, et de préparer le changement d’objectif d’Astrid. La Commission soutient toujours la « capacité » pour les RNR de transmuter l’americium qui pollue dangereusement nos déchets, mais reconnaît que ce n’est pas gagné. Aussi n’est-ce plus cela qui justifierait la construction d’une « flotte » de RNR car une parade a été trouvée.

La parade. La Commission a trouvé comment sauver Astrid et la filière, il suffit de faire fonctionner les RNR en sous-génération, pour que leur mission soit de consommer le plutonium, de « l’incinérer ». De cette façon le projet reste éligible à la loi sur les déchets, au chapitre « Transmutation ».… On peut toutefois se demander si ce nouvel objectif reste cohérent avec la destruction des actinides encombrants, mais de toutes facons ne s’agit-il pas que de prétextes pour obtenir la construction d’Astrid, dont le CEA ferait ensuite ce qu’il veut ?

Mais qu’en est-il de la sûreté ?

La France dispose de deux institutions spécialisées dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection : l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) dont nous avons déjà parlé et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). L’ASN est prétendûment indépendante : ses prises de position sur les problèmes de sûreté nucléaire lient le Gouvernement tandis que l’IRSN procède surout à des contrôles de radioprotection. Ces deux institutions agissent souvent de concert, mais parfois l’une se démarque de l’autre.

C’est ce qui est arrivé le 30 avril 2015 lorsque l’IRSN a mis en doute, mais dans des termes équivoques, que la quatrième génération réponde aux exigences de l’ASN.

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) y déclare « ne peut pas se prononcer, à ce stade, sur la possibilité pour un réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium d’atteindre un niveau de sûreté significativement supérieur » à celui des réacteurs à eau sous pression de 3e génération, tel que l’EPR. Il s’emble néanmoins possible d’atteindre « un niveau de sûreté au moins équivalent« .

http://www.actu-environnement.com/a…

Où en est-t’on ?

Ce projet avance subrepticement, en partenariat avec le Japon, ce qui souligne la relation privilégiée liant les nucléaires francais et japonais, ce dernier étant en quelque sorte sous tutelle du premier. Ainsi le 21 mars dernier, le ministre de l’Industrie Hiroshige Seko et la ministre de l’Environnement et de l’énergie Ségolène Royal ont signé un accord de collaboration pour Astrid. Pour le Japon cela compense partiellement la mise à l’arrêt définitif en décembre 2016, du surgénérateur de Monju.

Ce réacteur à neutrons rapides était censé doter le Japon d’un programme complet de gestion de son combustible nucléaire en utilisant le plutonium extrait du combustible retraité. Les avaries à répétition ont eu raison de ce projet qui aura coûté 10 milliards d’euros, et n’aura produit de l’électricité que pendant 6 mois.

Des équipes travaillent sur le projet Astrid à Lyon, Cadarache, Marcoule, Saclay. Ainsi, à Cadarache, le réacteur Jules Horowitz est en construction pour tester les matériaux et alliages qui y seront utilisés (gaines de combustibles par exemple), mais il connaît lui aussi de lourds dépassements de coûts et de délais. Le budget initial de 500 millions d’euros atteint maintenant autour de 1,5 milliard d’euros, et le démarrage prévu initialement en 2014 aura lieu, au plus tôt, fin 2019.

A Marcoule, les terrains nécessaires à la construction sont retenus sur la commune de Chusclan ; de plus Atalante, institut de chimie séparative lié à l’Université de Montpellier y a été créé pour étudier la séparation du plutonium de ses voisins dits « actinides mineurs » Ce n’est pas chose facile : il s’agit de les séparer du plutonium, puis de les soumettre au bombardement neutronique pour les transmuter en radionucléides de vie moins longue (des siècles au lieu de millénaires….) et moins difficiles à gérer. Tout cela permet de faire passer « Astrid » comme « incinérateur » (!) des actinides qui, de ce fait, relèverait de la loi sur la gestion des déchets, ce qui lui permettrait d’être budgétisée, c’est-à-dire financée par l’Etat. La recherche se concentre actuellement sur la séparation de l’américium.

Comment se structure pour l’instant le projet ?

Par la loi du 28 juin 2006, le CEA s’est vu confier la maîtrise d’ouvrage du projet. Par la même occasion, son avant-projet a également bénéficié du financement au titre du programme d’investissements d’avenir (Sarkozy, Rocard). Le projet est découpé en lots d’études qui sont confiés à différents partenaires industriels, et une dizaine d’accords ont été signés avec Alsthom, Bouygues, Toshiba, EDF, et d’autres.

Astrid est conçu pour utiliser un combustible contenant 25 % de plutonium et il faut donc construire une usine pour l’élaborer, et ensuite une autre installation pour le gérer une fois usé*. La construction de ce réacteur considéré comme prototype, entraîne donc toute une nouvelle chaine de gestion !

La Commission Nationale d’Évaluation (CNE) mise en place par les lois Bataille-Revol-Birraux de 1991 et 2006 a été chargée d’aider à la tâche. Dans différents rapports, elle écrit : « La construction du réacteur Astrid doit s’accompagner de la mise en service d’un atelier de fabrication du combustible (AFC) Mox à La Hague… ». Au surplus, un atelier de retraitement du combustible Mox irradié dans Astrid est au programme ».

Et que dire de cet immense gâchis financier et de sa très grande dangerosité5,

La filière plutonium a déjà englouti des dizaines de milliards d’euros. Superphénix par exemple a, selon la Cour des Comptes, coûté 12 milliards d’euros jusqu’à 1997, donc sans compter le démantèlement en cours… Si les énormes crédits consacrés au nucléaire par l’État avaient été investis dans la maîtrise de l’énergie, l’isolation thermique des logements, le développement des renouvelables, tout cela entraînant la création de nombreux emplois, le pays ne s’en porterait-il pas mieux ? .

La combinaison de combustibles fortement chargés en plutonium et de sodium comme fluide de refroidissement fait d’Astrid et de ses descendants éventuels des machines particulièrement dangereuses. En effet, tous les isotopes du plutonium utilisé (lui-même issu du retraitement des combustibles irradiés des réacteurs actuels) sont toxiques et radioactifs. Toutes les activités de l’industrie du combustible d’un réacteur de type Astrid sont par conséquent à haut risque : il en va ainsi notamment de l’extraction du plutonium par le retraitement, du transport du plutonium et des combustibles neufs ou irradiés, de la fabrication des combustibles et de la gestion des déchets radioactifs).

Par ailleurs, le plutonium est le matériau de choix pour la réalisation d’armes nucléaires et il est clair que le développement d’une industrie du plutonium au niveau international ne ferait qu’aggraver le risque de généralisation de ces armes (la « prolifération » de l’arme nucléaire). De son côté, le sodium liquide réagit violemment avec l’eau (risque d’explosion) et brûle spontanément dans l’air.

Consacrer d’immenses ressources financières à un projet indéfendable sur les plans technologique, économique, politique et moral ne s’explique que par les fantasmes narcissiques d’une caste de technocrtates irresponsables cautionnées par quelques parlementaires qui ne le sont pas moins. Ce projet doit impérativement être abandonné : il y a mieux à faire avec l’argent public. Le réacteur surgénérateur au plutonium refroidi au sodium est de loin la technique la plus dangereuse et la plus chère que l’homme ait inventé pour faire chauffer de l’eau.

Par Pierre Péguin, Docteur ès sciences. Juillet 2017

ANNEXES

Rapsodie, à l’origine des RNR français.

Voici comment Wikipedia retrace les origines de la filière surgénératrice :

“Le concept de surgénérateur a été développé dès les débuts de l’énergie nucléaire. Aux États-Unis, Enrico Fermi propose le concept de surgénérateur dès 1945, et en 1946 est construit le petit réacteur rapide américain Clementine (refroidi au mercure). En 1951 se produit la première réaction nucléaire du premier réacteur américain refroidi au sodium, Experimental Breeder Reactor I (EBR1). En France, la construction de Rapsodie (20 MW thermiques) est lancée au centre de Cadarache en 1959, et ce réacteur produit sa première réaction nucléaire en 1967. Parallèlement, un autre surgénérateur Rachel est construit au centre CEA de Valduc et mis en route en 1961.”

Les surgénérateurs expérimentaux français sont conçus sur la base du prototype EBR1 susmentionné réalisé par les Etats-Unis. Commençons par Rapsodie. Le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) a pu dès 1957 concevoir un prototype, Rapsodie, à Cadarache, démarré en 1967, et arrêté en 1983. Ce petit réacteur nucléaire est le premier en France de la filière à neutrons rapides au plutonium et au fluide caloporteur sodium. Son but est de développer une utilisation civile du plutonium . De plus, les RNR peuvent, sous certaines conditions, être surgénérateurs, c’est à dire produire du plutonium en même temps qu’ils en consomment, voire plus qu’ils n’en consomment. C’est donc un eldorado qui paraît s’ouvrir, l’énergie surabondante pour des siècles, un des plus anciens fantasmes de l’humanité : la réalisation du movement perpétuel, voire celle de l’accélération perpétuelle.

Mais le 31 mars 1994, alors qu’une équipe effectue un travail de nettoyage dans un réservoir de sodium, celui-ci explose causant la mort de l’ingénieur René Allègre et blessant quatre techniciens. Il s’agit d’une réaction chimique violente due à la dangerosité inhérente au refroidissement par le sodium.

En effet cette filière utilise comme fluide caloporteur le sodium fondu qui présente l’avantage de permettre un fonctionnement à haute température et donc un bon rendement de la transformation de la chaleur du réacteur en électricité. Mais elle présente un énorme inconvénient : le sodium explose au contact de l’eau, et brûle au contact de l’air. De plus, en cas de fuite, cela peut provoquer un emballement des réactions nucléaires du cœur, pouvant conduire au scénario catastrophe de fusion.

Quant au plutonium, matière première, c’est la pire substance jamais élaborée par l’industrie, d’une très grande toxicité chimique comme tous les métaux lourds (rappelons-nous les assassinats au polonium). Émetteur alpha en se désagrégeant, il est d’une très grande radiotoxicité en cas d’inhalation de microparticules aériennes, ou d’absorbtion par ingestion. Pour disparaître naturellement il lui faut au moins 250’000 ans, pendant lesquels les générations futures auront à le gérer, comme si nous devions gérer les déchets de l’homo erectus.… qui étaient biodégradables… et c’est précisément la raison pour laquelle ils ne nous préoccupent en aucune façon.

L’étape suivante a été Phénix, à Marcoule

Fonctionnant de 1973 à 2009, avec de multiples problèmes et pannes, d’une puissance électrique de 250 MWé, Phénix a été géré conjointement par le CEA, pour des essais de transmutation de déchets radioactifs à vie longue, et par EDF pour la production d’électricité. Son démantèlement, actuellement en cours, est particulièrement délicat du fait que, contrairement aux autres réacteurs, il ne baigne pas dans l’eau mais dans du sodium liquide.

En fait ce réacteur a souvent été à l’arrêt du fait de nombreuses difficultés dont des fuites et des « petits » feux de sodium. Entre autre, en 2002, une explosion a eu lieu dans un réservoir raccordé à une cheminée qui débouchait sur la toiture de bâtiment. Elle aurait été causée par une réaction entre le sodium résiduel présent dans ce réservoir et de l’eau qui y aurait pénêtré accidentellement suite à des pluies abondantes.

Superphénix

Ce gigantesque surgénérateur, présenté comme une générateur de pré-série industrielle, qui devait devenir le fleuron de l’industrie nucléaire française, et dont l’histoire fut émaillée d’incidents techniques et de manifestations écologistes, sera finalement arrêté en 1997 par Lionel Jospin, alors Premier ministre, après 20 ans de polémiques. Construit sur la commune de Creys-Malville, près de Morestel, dans l’Isère, en une dizaine d’années, son histoire commence par la répression violente de la manifestation de juillet 1977, organisée par les comités Malville, réunissant des dizaines de milliers d’opposants dont de nombreux étrangers, allemands, suisses, italiens, etc., et qui vit la mort de Vital Michalon et de nombreux blessés dont trois mutilés. Ce projet pharaonique, qui devait être une vitrine, a subi une contestation très forte des écologistes ; contestation également des milieux techniques et scientifiques tant français qu’étrangers du fait de son sur-dimensionnement : 1’200MWé.

Souvent à l’arrêt, il a consommé bien plus d’électricité qu’il n’en a produit. Même arrêté, il fallait maintenir liquide (180°) le sodium, par chauffage électrique. Son gigantisme pharaonique est illustré par quelques chiffres : 5’500 tonnes de sodium, depuis lors inutilisables parce que contaminées, et qu’il faut, avec des précautions infinies enfermer dans du béton ; 5 tonnes de plutonium, sachant qu’avec 5Kg on peut faire une bombe ; mais aussi 20’000 tonnes d’acier, pour l’essentiel contaminé, ainsi que 200’000 m3 de béton.

Les difficultés rencontrées par cette filière sont liées aux conditions extrêmes auxquelles sont soumis les matériaux : corrosion sous tension, fluage et modifications des structures cristallines sous l’effet du rayonnement et de la température. Quant au coût, selon la cours des comptes, il est de 12 milliards d’euros, non compris le démantèlement.

….

Pour ses concepteurs issus de Polytechnique ou du Corps des mines, les réacteurs à eau n’étaient envisagés que comme une étape transitoire destinée à constituer un stock initial de plutonium ; le développement industriel de l’énergie nucléaire reposerait sur des réacteurs à neutrons rapides produisant eux-mêmes leur combustibles par surgénération.

***

Quelques données scientifiques

L’uranium naturel existe sous deux formes principales, l’isotope 235 (U 235) constituant 0,7% de l’uranium naturel, isotope dit fissile car pouvant se désintégrer naturellement et donc servir de “combustible” nucléaire, et l’isotope 238 (U238) dit fertile car il a la propriété de pouvoir se transmuter en plutonium (Pu 239) s’il capte un neutron émis justement par l’U 235.

C’est ainsi qu’a été conçu logiquement au Tricastin l’usine Georges Besse 1, destinée à « enrichir » l’uranium en isotope 235 de 0,7 à quelque 5%, de façon à disposer d’un combustible plus efficace pour les réacteurs à eau, et de façon aussi à fournir l’armée en uranium très enrichi, à quelque 90%, pour la bombe. L’uranium résiduel est dit « appauvri » (car il contient moins de 235, et plus de 238), il est tout aussi radiotoxique, et son utilisation en tête d’obus contamine à très long terme les zones de combat en Serbie, en Irak et ailleurs. Cette usine a consommé énormément d’électricité, celle fournie par trois réacteurs nucléaires conventionnels. L’usine Beorges Besse 1 a été arrêtée pour laisser la place à Georges Besse 2, équipée en centrifugeuses (comme en Iran…), moins gourmandes en électricité.

Il a fallu ensuite concevoir le « retraitement », destiné à extraire le plutonium formé dans le combustible usé des réacteurs conventionnels à eau. Après avoir été expérimenté à Marcoule, c’est l’usine de la Hague qui assure le retraitement des combustibles usés pour fournir tant le militaire que et le civil.

D’où vient le nom de « réacteur à neutrons rapides » ou RNR-Na ?

Dans les réacteurs à eau, celle-ci joue le rôle de modérateur à neutrons, tout en refroidissant le cœur. Dans les RNR tels Phénix, Superphénix ou Astrid, n’y a pas de ralentisseur de neutrons, ils sont donc dits “rapides”. La puissance et la chaleur dégagée par un tel réacteur peut être extraite par un métal en fusion, en l’occurrence le sodium.

Le sodium (Na) a été choisi pour ses capacités neutroniques (transparence aux neutrons), ses propriétés thermiques (capacité calorifique, températures d’utilisation) et son faible coût : il est obtenu par électrolyse du sel (NaCl). En outre, à 400°C, sa viscosité est voisine de celle de l’eau, ce qui facilite l’interprétation des essais hydrauliques réalisés sur maquettes en eau. Enfin, il fond à 98°C, et bout à 880°C, ce qui offre une grande plage de fonctionnement.

Mais le sodium a aussi de graves défauts : il brûle au contact de l’air et explose au contact de l’eau…

Pourquoi le Mox et le plutonium posent-t-ils problème ?

Le lobby dispose du plutonium retraité à la Hague ; faute d’avoir pu développer plus tôt la filière RNR, le CEA s’est tourné vers la fabrication du Mox à partir des années 90, à Cadarache puis à Marcoule. Il l’a imposé à EDF qui n’était pas enthousiaste, par un arbitrage gouvernemental (Rocard), afin de justifier la poursuite du retraitement des combustibles irradiés à La Hague. Actuellement, seule au monde, l’usine Melox de Marcoule en produit.

Le Mox est constitué d’un mélange d’oxydes de plutonium et d’uranium appauvri contenant 5 à 8% de plutonium. Il est utilisé actuellement dans 21 réacteurs des centrales françaises 900MW, les plus anciennes, pour un tiers de leur combustible, et l’EPR pourrait fonctionner avec du Mox (la Finlande a choisi de continuer avec le combustible classique pour le sien). L’EPR “moxé” à 100% serait susceptible de consommer trois tonnes de plutonium par an. Cela permet d’utiliser aussi les stocks d’uranium appauvri issu de l’usine d’enrichissement de Tricastin.

Le MOX est élaboré dans une usine dont on parle peu, MELOX, où est maniée de la poudre ultra-fine d’oxyde de plutonium et d’uranium pour les mettre sous forme de pastilles. C’est une autre cause de catastrophe potentielle non vraiment gérable si le confinement venait à être rompu et donc une cible potentielle pour terroristes.

Cette technologie présente d’énormes inconvénients, risques, difficultés d’exploitation et explosion des coûts. Outre son extrême dangerosité, la qualité du plutonium se dégrade dans le temps, formant d’autres isotopes moins fissiles qui rendent la conduite du réacteur plus délicate. Les pastilles de Mox sont plusieurs milliers de fois plus radioactives que celles d’uranium, rendant la fabrication, les manipulations et les transports infiniment plus dangereux. A la sortie du réacteur, il émet plus de radioactivité et de chaleur que le combustible classique, et il faudra attendre 60 à 100 ans avant de le conditionner comme déchet ! Enfin, le Mox entre en fusion beaucoup plus rapidement ( ce qui est arrivé au réacteur N°3 de Fukushima alimenté en Mox par Areva, et par conséquent du plutonium a été dispersé aux alentours !).

L’arrêt de la filière du plutonium est une exigence absolue.

***

L’industie du plutonium, c’est le mal absolu

Le cœur de Superphenix comportait 20% de plutonium. On nous parle de 25 % pour le projet Astrid. La bombe au plutonium de Nagasaki contenait 5 kg de plutonium métallique. Phénix en fonctionnement, utilisait 1’800 kg d’oxyde de plutonium ; il y en avait trois fois plus dans Superphenix. Pour Astrid ce pourrait être probablement de l’ordre de 3’500 kilos d’oxyde de plutonium dans le cœur.

La filière plutonium implique le retraitement à la Hague, celle-ci en « fonctionnement normal » rejette massivement de la radioactivité dans la mer et dans l’air. Toute les cotes de la Manche, françaises, anglaises, belges et néerlandaises sont contaminées par la radioactivité artificielle issue de La Hague (tritium, iode-129, ruthenium-106, américium 241, carbone-14, antimoine 125…) C’est le cas du Rhône contaminé par Marcoule, et dont on utilise l’eau pour irriguer le Languedoc… ce qui a pollué les rizières de Camargue en 1993, lors d’inondations.

Le plutonium est transporté de La Hague à Marcoule par lots de 15 kg dans des conteneurs cylindriques qui contiennent 5 boites métalliques empilées pouvant contenir chacune jusqu’à 3 kg de plutonium sous forme de poudre d’oxyde. Dix conteneurssont placés sur un camion blindé pouvant donc contenir jusqu’à 150 kg d’oxyde de plutonium pur en poudre dans des boites scellées. Celles-ci sont conçues pour être manipulées à distance ainsi que le vissage et dévissage de leur couvercle.Ces conteneurs doivent supporter une chute de 9 m. Cela est équivalent à une vitesse de 50Kmh.

Les transports de Mox vont dans toute la France. Pour voyager, on les place dans deux assemblages logés dans des conteneurs de 5 mètres de long, pesant 5 tonnes, avec blindage neutronique. Il peuvent être disposés par 4 dans des camions blindés : 8 assemblages = 225 kg de Pu pour du Mox à 6,1% .

On imagine tous les risques de cibles terroristes que présentent ces transports !

Actinides mineurs « késako ? »

L’uranium existe à l’état naturel car sa période de désintégration est tellement longue, qu’il en reste depuis la formation de la Terre. Par contre les actinides dont il est question ici sont des éléments lourds artificiels générés par les réactions nucléaires dans un réacteur, à partir de la captation par l’uranium 238, d’un neutron. Ils n’existent pas à l’état naturel. Le plus important est le plutonium 239 qu’on extrait à la Hague. Par sa dangerosité, le plutonium est une horreur, probablement ce qu’il y a de pire dans ce que l’industrie génère.

Les actinides dits « mineurs », car en plus petite quantité, sont des éléments de la fin de la classification périodique des éléments (Tableau de Mendeleïev), tels que le curium, l’américium. Ils sont extrêmement radiotoxiques (émetteurs alpha) et à vie très longue, leur disparition spontanée par désintégration se compte en centaines de milliers d’années. Ils posent d’énormes problèmes non résolus. Ils ne sont donc pas si « mineurs » que ça !

Mais ils servent au CEA pour tenter de relancer la filière plutonium en la faisant passer comme susceptible de “briser” ou encore “incinérer” (comme si on pouvait brûler des atomes !) ces atomes, en réalité les transmuter en radionucléides prétendûment plus faciles à gérer. C’est là où est l’ « arnaque » car l’efficacité de cette technologie est limitée par son faible rendement, son coût à rallonges, son extrême dangerosité, et la formation inévitable de nouveaux déchets nucléaires à gérer ! La transmutation est, certes, une réalité physique, mais sa transposition à échelle industrielle est un leurre, elle se heurte à trop obstacles. Prendre ce prétexte pour justifier la construction d’Astrid relève de la malhonnêteté intellectuelle.

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Comment se structure pour l’instant le projet ?

Par la loi du 28 juin 2006, le CEA s’est vu confier la maîtrise de l’ouvrage en projet. Il en a également reçu le financement de l’avant-projet par le programme d’investissements d’avenir. Le pilotage du projet est assuré par la cellule projet Astrid de Cadarache.

Le projet est découpé en lots d’études que le CEA a confiés à différents partenaires industriels, et des accords ont été signés avec : EDF/SEPTEN assistance à l’équipe CEA de maîtrise de l’ouvrage, par une équipe basée à Lyon, AREVA NP ingéniérie de la chaudière nucléaire, des auxiliaires nucléaires et du contrôle-comande, ALSTOM POWER SYSTEMS, conception et construction de systèmes de conversion d’énergie, COMEX Nucléaire conception mécanique pour l’étude de différents systèmes, en particulier de robotique pour l’inspection en service du circuit primaire, conception diversifiée de mécanismes de barres, TOSHIBA, développement et la qualification de grosses pompes électromagnétiques pour les circuits secondaires de sodium, BOUYGUES, conception du génie civil de l’ensemble des bâtiments de l’îlot nucléaire (dont le bâtiment réacteur, les bâtiments auxiliaires nucléaires, les bâtiments de manutention du combustible) mais également de la salle des machines, abritant le groupe turbo-alternateur, EDF étend l’accord signé avec le SEPTEN aux activités de R&D et à l’expertise technique, JACOBS France, ingéniérie des infrastructures et des moyens communs du site, ROLLS-ROYCE, recherches d’innovation sur les échangeurs sodium-gaz et la manutention du combustible, ASTRIUM, méthodologies destinées à augmenter la disponibilité du réacteur, méthodologies issues de l’expérience des lanceurs de la fusée ARIANE et des missiles, etc.

Les équipes de CEA de Cadarache, tentent d’apprivoiser le sodium, sixième élément le plus abondant sur Terre mais seulement en tant que composant d’autres minéraux, comme le sel. Pour prévenir le principal danger, à savoir l’entrée en contact du sodium et de l’eau, de nouvelles turbines alimentées au gaz sont en cours de conception.

Et qu’en est-il de la sécurité ?

Alors que le prototype Astrid devrait, selon son cahier des charges, présenter une sûreté améliorée par rapport à un réacteur dit troisième génération (EPR), la liste des demandes de l’ASN à ce stade de la conception du projet est impressionnante : niveau des exigences de sûreté, prise en compte des agressions extérieures, risques liés au sodium. Et cela ne concerne que le prototype de réacteur et non les industries et activités liées au combustible.

Les principaux handicaps de sûreté sont : – Le coefficient de vide du sodium est positif dans certaines régions du cœur : dès lors tout accident d’assèchement du combustible après ébullition du sodium se traduit par une augmentation de puissance qui peut s’avérer brutale, voire explosive.

– Les grandes densités de puissance (cinq fois celle d’un REP) et la compacité du cœur le rendent très sensible aux défauts locaux de refroidissement pouvant conduire à la fusion d’un assemblage combustible.

– Contrairement à la plupart des autres types de réacteurs (REP par exemple), le cœur n’est pas dans sa configuration la plus réactive (celle qui accélère au mieux la réaction en chaîne). Cela veut dire que si, pour une raison quelconque (secousse sismique par exemple) les assemblages combustibles se rapprochaient les uns des autres ou si, à la suite d’une fusion partielle, les combustibles se rassemblaient dans une région du cœur, il y aurait une possibilité de formation de masses critiques conduisant à une accélération de la réaction en chaîne (excursion nucléaire) libérant une grande quantité d’énergie sous forme explosive. Un tel accident conduirait, en cas de rupture de l’enceinte de confinement, à la diffusion d’aérosols de plutonium hautement toxiques dans l’atmosphère, donc à une pollution radiologique durable puisque la demi-vie du plutonium est dépasse légèrement 24’000 ans.

Et le coût ?6

Les informations fournies par le CEA sur la question des coûts sont relativement brèves, mais sont estimées à 5 milliards d’euros par certains experts. Le CEA reconnaît que le coût d’investissement d’un réacteur de plus grande puissance de la filière serait nettement plus élevé que celui d’un réacteur à eau (de l’ordre de 30%, ce qui est probablement très optimiste). Mais, si l’on ajoute le coût, non évalué, des activités liées au combustible, on arrive à des estimations absolument rédhibitoires pour le coût de production du kWh.

Où en est-t-on ?

Ce projet avance subrepticement, en partenariat avec le Japon, ce qui contribue à le crédibiliser. Une relation privilégiée lie, en effet, les nucléaires francais et japonais, ce dernier étant en quelque sorte sous tutelle du premier. Signalons en passant le rôle tenu par a France dans la catastrophe de Fukushima aggravée par la présence de MOX dans l’un des réacteurs accidenté et sa participation à la gestion de la catatstophe.

Ainsi le 21 mars dernier, le ministre japonais de l’Industrie Hiroshige Seko et la ministre française de l’Environnement et de l’Energie, Ségolène Royal, ont signé un accord de collaboration pour le prototype ASTRID, qui devrait démarrer « dans les années 2030 » et dont le seul coût de développement coûtera au bas mot 5 milliards d’euros. Pour le Japon cela compense la mise à l’arrêt définitif en décembre 2016, du surgénérateur de Monju. Ce réacteur à neutrons rapides était censé doter le Japon d’un programme complet de recyclage de son combustible nucléaire, et utilisant le plutonium extrait du combustible retraité. Les avaries à répétition ont eu raison de ce projet qui a coûté 10 milliards d’euros depuis son lancement en 1986. Il n’aura produit de l’électricité que pendant six mois. Le démantèlement du RNR de Monju, prévu pour les trente prochaines années, coûtera bien plus des 3 milliards d’euros prévus.

D’après un article paru récemment dans la Revue Générale Nucléaire, des équipes du CEA travaiellent à Lyon, Cadarache et ailleurs aux nouvelles technologies qui permettront aux futures usines du cycle du combustible de répondre à la demande d’une nouvelle génération de réacteurs nucléaires : les réacteurs à neutrons rapides (RNR). À l’avenir, ces installations intégreront l’ensemble des opérations du cycle, depuis la réception et le traitement des combustibles irradiés jusqu’à la fabrication des assemblages combustibles.7

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ATALANTE

Tel est le nom poétique, comme celui d’Astrid, choisi pour désigner l’Institut de chimie séparative créé sur le site de Marcoule, lié à l’université de Montpellier, qui annonce travailler pour le “nucléaire durable”. But annoncé : extraction chimique des « actinides mineurs ». Il s’agit de les séparer du plutonium, afin de pouvoir les soumettre dans Astrid au bombardement neutronique pour les transmuter en radionucléides de vie moins longue et moins difficiles à gérer. Tout cela permet de faire passer « Astrid » pour un « incinérateur » (!) des actinides, et de relever ainsi de la loi sur la gestion des déchets, et donc d’être budgétisé, c’est-à-dire finacé par l’Etat.

Si actuellement l’uranium et le plutonium sont séparés industriellement à l’usine de la Hague, aucun autre procédé plus poussé de séparation des déchets n’existe sur le plan industriel. La recherche dans ce domaine a donc lieu exclusivement au sein d’ATALANTE, et elle se concentre actuellement sur la séparation de l’américium.

Le réacteur Jules Horowitz

Ce réacteur en construction à Cadarache connaît de lourds dépassements de coûts et de délais. Areva construit pour le CEA ce réacteur de recherche de 100 mégawatts, destiné d’une part à la production de radioéléments à usage médical – il remplacera le réacteur Osiris de Saclay, qui fermera à la fin de l’année –, mais aussi à la recherche pour les RNR (essais de matériaux et de gaines de combustibles). Le budget initial de 500 millions d’euros atteint maintenant autour de 1,5 milliard d’euros, et le démarrage prévu initialement en 2014 aura lieu, au plus tôt, vers la fin 2019.

Mais ce n’est pas tout !

La mise en route d’Astrid impliquerait la construction de plusieurs nouvelles installations industrielles, comme l’expliquent les auteurs de l’article de la Revue Générale Nucléaire que nous avons cité. Pour préparer un combustible à 25 % de plutonium, il faudra disposer d’une nouvelle usine autre que MELOX. La Commission Nationale d’Évaluation (CNE), dans son rapport 2010 (annexe p. 28) explique : « La construction du réacteur Astrid doit s’accompagner de la mise en service d’un atelier de fabrication du combustible (AFC) Mox à La Hague…« . Ensuite pour gérer ce combustible irradié, le rapport 2011 de la CNE (p. 14) prévoit : « un pilote de retraitement qui permette de tester les différentes opérations liées au recyclage du plutonium et de l’américium… démontrer que l’on maîtrise la dissolution du combustible irradié… avec des teneurs en actinides bien plus élevée que dans les combustibles REP. », et dans son rapport 2012, chapitre sur Astrid p. 13 : « Passage à la réalisation du projet… il est indispensable de conduire les actions suivantes : – Construction d’un pilote de retraitement… » ; et CNE 1re page du dernier rapport (nov. 2013) : « Dans un contexte économique tendu… Dans un second temps un atelier de retraitement du combustible Mox irradié dans Astrid« .

C’est donc toute une nouvelle chaine industrielle de fabrication puis de gestion de combustibles qui est à créer pour ces nouveaux élèments de très grande radioactivité.

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A l’étranger

« Le réacteur du futur » russe BN-800 dans l’Oural se trouve en tête de la liste des meilleures centrales nucléaires au monde d’après le magazine américain Power. Son exploitation commerciale aurait commencé. La Russie est actuellement le seul pays à utiliser des réacteurs à neutrons rapides. Cependant, l’Inde, la Chine et la Corée du Sud y travaillent.

Le cadre international de la coopération en matière de systèmes nucléaires de 4e génération est le GIF (Generation IV International Forum), dont l’objectif est la conduite des travaux de R&D nécessaires à la mise au point de systèmes nucléaires (réacteurs et cycle du combustible) répondant aux critères de durabilité de l’énergie nucléaire. Le Forum a sélectionné six concepts, à neutrons rapides ou à neutrons thermiques.

Pour le CEA, l’effort se concentre principalement sur les technologies de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na). Toutefois, il participe par ailleurs aux études sur le combustible et la sûreté d’un projet de réacteur expérimental à neutrons rapides refroidi au gaz, dénommé ALLEGRO, qui serait construit en Europe Centrale.

Comme nous l’avons déjà signalé, un accord a été signé avec le Japon sur la recherche et la conception d’Astrid. Il convient toutefoisde signaler que le Japon a « omis » de déclarer environ 640 kilogrammes de plutonium dans son rapport annuel à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour 2012 et 2013. La quantité non déclarée pourrait suffire à fabriquer jusqu’à 80 bombes nucléaires.

En Belgique, on a assisté en 2012 aux premiers pas de Guinevere, réacteur expérimental franco-belge couplé à un accélérateur de particules destiné à la surgénérer. 8Ce prototype n’est encore qu’une maquette, mais il préfigure Myrrha, un pilote préindustriel à un milliard d’euros, qui pourrait être opérationnel en 2023, à Mol, en Belgique dans le cadre d’une coopération avec le CNRS et le CEA.

Et la Suède envisage aussi un réacteur nucléaire expérimental de 4e génération.


1Gabrielle Hecht, Le rayonnement de la France. Energie nucléaire et identité nationale après la seconde guerre mondiale, ed Amsterdam 2014.

2Loi de programme n° 2006-739 du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

3 « Nous pourrions produire de l’électricité pendant plusieurs centaines d’années sans nouvelles ressources d’uranium naturel », a prétendu Christophe Béhar, vice-président du Forum International Génération IV, également l’un des directeurs au CEA. Il persiste dans l’illusion de la transmutation en prétendant que le RNR-Na peut consommer la majeure partie des déchets radioactifs à vie longue issus de l’uranium, simplifiant la question de leur stockage sous-terrain.

4Par ailleurs la France pousse le Japon, quasiment sous tutelle, à y relancer le nucléaire, client potentiel d’Areva. Pour cela elle soutient les mensonges abominables sur les conséquences sanitaires de la catastrophe de Fukushima.

5Cf. Bernard Laponche, “Une filière à haut risque et coût exorbitant”, 25 Mars 2015,Global Chance, Une expertise indépendante dans le débat sur la transition énergétique : ://httpwww.global-chance.org/ASTRID…

6Bernard Laponche, “Astrid : une filière à haut risque et coût exorbitant”, Global Chance, 25 Mars 2015.

7Laurent Paret et Emmanuel Touron , Les futures usines du cycle du combustible, Revue Générale Nucléaire, No du 4 juillet 2016, p.32-7)

http://www.sfen.org/fr/rgn/68-les-f…

8http://www2.cnrs.fr/presse/communiq…

Source : https://apag2.wordpress.com/2017/08…

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