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Le nationalisme face à la mondialisation (Partie 2)

vendredi 11 décembre 2020, par Robert Bibeau (Date de rédaction antérieure : 11 décembre 2020).

La mondialisation libérale, comme l’appelle la gauche et la droite antimondialisation entraîne la résurgence des nationalismes qui seraient la panacée contre le chaos économique, politique, diplomatique, juridique, militaire, sanitaire et social qui bouleverse le monde capitaliste.

Plongeant dans les entrailles des mouvements socialiste-communiste-gauchiste nous allons exhumés quelques textes présentant les théories nationalistes sous un fard « révolutionnaire ». Il faut toujours garder en tête que ce ne sont pas ces idées et ces théories de gauche ou de droite qui ont façonné la mondialisation, mais que c’est l’histoire – la lutte des classes – qui a produit la mondialisation et engendré ces idées nationalistes chauvines cristallisées sous forme de théories se prétendant au service de la classe ouvrière, ce que nous contestons.

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Par Paul Mattick. NATIONALISME ET SOCIALISME 1

Dans ce chapitre nous analysons un important texte de Paul Mattick intitulé « Nationalisme et socialisme » publié en anglais dans The American Socialist en septembre 1959, en français dans Front Noir (février 1965) et dans ICO n° 99 en novembre 1970. Encore une fois nos commentaires sont identifiés par les lettres NDLR-Robert Bibeau.

Mattick écrit : « les socialistes non utopistes favorisèrent le capitalisme com¬me opposé aux vieux rapports sociaux de production, et saluèrent le nationalisme bourgeois dans la mesure où il pou¬vait hâter le développement capitaliste. Sans l’admettre ouvertement, ils n’étaient pourtant pas loin d’accepter l’impérialisme capitaliste (…) Ils étaient favorables aussi à la dispari¬tion des petites nations incapables de développer l’éco¬nomie sur une grande échelle (…) Ils soutenaient cependant les petites « nations progressistes » contre les grands pays réaction¬naires. (…) À aucun moment et en aucune occasion cependant, le nationalisme n’était considéré comme un ob¬jectif socialiste ».

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Partout le mode de production capitaliste s’est construit sur un marché à l’abri des frontières nationales, y compris en Union soviétique bolchévique, en Chine maoïste, au Vietnam, en Corée et à Cuba, et dans une vingtaine d’autres pays qui se sont proclamés socialistes. Ces frontières avaient vocation de préserver, pour un temps, les particularités tribales, féodales, paysannes, ethniques, religieuses et de commerce local, que le capitalisme devait broyer et détruire par la suite afin de se consolider, difficilement parfois, comme en fait foi l’accouchement des nationalismes au Moyen-Orient et en Afrique. Chacun est à même d’apprécier le résumé présenté par Mattick qui concentre la pensée socialiste utopiste petite-bourgeoise sur la question des luttes de libération nationale et contre « l’impérialisme politique » depuis Boukharine, Lénine, Trotski, Staline et Mao. Les gourous de l’orthodoxie marxiste-léniniste présentent l’impérialisme comme une politique de grandes puissances agressantes le nationalisme des petits pays bourgeois et chaque gauchiste milite contre « le retour de ces contrées au précapitalisme-féodal », processus historique de retour en arrière impossible de toute manière, que même les criminels de guerre américains ne sont pas parvenus à imposer aux Vietnamiens, et que les bouchers « Khmers rouges » ne sont pas parvenus à imposer aux Cambodgiens. De plus, il est malheureusement faux de prétendre comme le fait Mattick que « jamais le nationalisme n’a été considéré comme un objectif socialiste », qu’il suffise de se remémorer la Grande guerre Patriotique de l’URSS dirigée par le « Petit père des peuples ». NDLR-Robert Bibeau.

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Reprenons la pensée de Mattick. Il écrit « Ce nouveau nationalisme, qui secoue la domination occidentale et institue les rapports de pro¬duction capitaliste et l’industrie moderne dans des ré¬gions encore sous-développées, est-il toujours une force « progressiste » comme l’était le nationalisme d’antan ? Ces aspirations nationales coïncident-elles en quoi que ce soit avec les aspirations socialistes ? Hâtent-elles la fin du capitalisme en affaiblissant l’impérialisme occi¬dental ou bien injectent-elles une vie nouvelle au capi¬talisme en étendant au globe entier son mode de pro¬duction ? »

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Le grand capital et ses théoriciens ont insinué qu’il y aurait un rapport de domination occidental à l’encontre de la civilisation orientale. Ici, Mattick insinue que « le nouveau nationalisme institue les rapports de production capitaliste et l’industrie moderne dans les régions sous-développées ». Selon la théorie matérialiste dialectique prolétarienne c’est le développement des forces productives et des moyens de production qui assurent le développement d’un certain type de rapports de production (l’État-nation) et une idéologie (nationaliste bourgeoise) que les intellectuels bourgeois prénomment « civilisation occidentale » si elle est imprégnée d’artéfacts féodaux occidentaux et « civilisation orientale » si elle est imprégnée d’artéfacts féodaux orientaux. Ces rapports de production capitalistes – partout les mêmes puisque le mode de production capitaliste marchand et industriel est partout le même – à leurs tours, renforcent le procès de valorisation du capital et donc des moyens de production. Ainsi, c’est le développement industriel de l’Asie qui a permis l’émergence de rapports de production capitalistes nationaux (pendant sa phase d’émergence), en Chine notamment, pays qui a développé une industrie vigoureuse à l’abri de ses frontières nationales et qui aujourd’hui, en tant qu’État-nation capitaliste ayant atteint le stade impérialiste de développement, intègre le capital financier mondialisé. La Chine se fait maintenant la championne de la mondialisation (comme les États-Unis auparavant) et cherche à abattre les barrières tarifaires de ses concurrents afin de conquérir leurs marchés orientaux et/ou occidentaux. Le capitalisme est la condition du nationalisme qui le renforce jusqu’à ce que le capitalisme, parvenant au bout de ses contradictions, entre en phase impérialiste et fasse tomber les frontières nationales et répudie l’idéologie nationaliste. L’Union européenne offre une démonstration exemplaire de ce processus de mondialisation. NDLR-Robert Bibeau.

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Mattick ajoute « Cependant, à la fin du siècle, c’est l’impérialisme, non le nationalisme, qui était à l’ordre du jour. Les intérêts allemands « nationaux » étaient devenus des intérêts impérialistes rivalisant avec les impérialismes d’autres pays. Les intérêts « nationaux » français étaient ceux de l’Empire français, comme ceux de Grande-Bre¬tagne étaient ceux de l’Empire britannique. Le contrôle du monde et le partage de ce contrôle entre les gran¬des puissances impérialistes déterminaient des politi¬ques « nationales ». Les guerres « nationales » étaient des guerres impérialistes culminant en guerres mondia¬les ».

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Nouvelle démonstration (ci-haut) de la pensée socialiste-utopiste-bourgeoise à propos de l’impérialisme que Boukharine, Lénine et les bolchéviques ont légué à la IIIe Internationale et aux partis communistes nationalistes (eurocommunistes notamment) et que les trotskistes et autres opportunistes de gauche et de droite ont adopté. « C’est l’impérialisme et non le nationalisme qui est à l’ordre du jour de la bataille », écrit Mattick imaginant une opposition entre impérialisme et nationalisme qui sont pourtant les deux faces de la même chimère. L’impérialisme n’est pas une politique de grande puissance opprimant les petits pays nationalistes comme Boukharine l’a suggéré. Il n’y a pas de mode de production impérialiste français, britannique, allemand ou américain. L’impérialisme c’est le mode de production capitaliste (national) parvenu à maturité, il est partout le même. L’impérialisme moderne (capitaliste) c’est le capital financiarisé, globalisé et mondialisé qui tente futilement de compenser la dépréciation des moyens de production – la baisse du taux de valorisation du capital – par l’augmentation de la productivité du travail et ce faisant par la hausse de sa composition organique, ce qui le plonge plus profondément dans sa contradiction jusqu’à l’effondrement… l’effondrement et non pas jusqu’au rétablissement impossible de l’État-nationaliste-fétiche. Le propre de tout pays capitaliste, aussi petit ou aussi grand soit-il, est d’atteindre le stade ultime d’évolution capitaliste – le stade impérialiste où les rapports de production capitalistes ne peuvent plus assurer le développement des forces productives sociales, empêchant de ce fait le mode de production de se reproduire par la valorisation du capital ; laissant le prolétariat inutile, orphelin de son maître aliénant ; le forçant à s’émanciper ou à disparaître. C’est alors, non pas à l’échelle nationale – ce que les marxistes avaient compris instinctivement en dénonçant les velléités de construire le mode de production communiste dans un seul pays –, mais à l’échelle internationale que la révolution prolétarienne devra être menée. La politique révolutionnaire du prolétariat ne fait pas siennes les luttes de libération nationale démocratiques et bourgeoises qui ne sont que des guerres entre clans capitalistes pour le contrôle de l’appareil d’État bourgeois et pour le partage des sources de plus-value. NDLR-Robert Bibeau.

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Sur les traces de Paul Mattick, nous découvrons « Un socialisme international consistant, comme celui de Rosa Luxemburg, par exemple, s’opposait à « l’au¬todétermination nationale » des Bolchevicks. Pour elle, l’existence de gouvernements nationaux indépendants n’altérerait pas le fait qu’ils seraient contrôlés par les puissances impérialistes puisque ces dernières domi¬naient l’économie mondiale. Jamais on ne pourrait lut¬ter contre le capitalisme impérialiste ni l’affaiblir, en créant de nouvelles nations : mais seulement en oppo¬sant au supranationalisme capitaliste l’internationalis¬me prolétarien. Ces mouvements nationalistes appartien¬nent à la société capitaliste, exactement comme son im¬périalisme. Mais « utiliser » ces mouvements nationaux pour des buts socialistes ne pouvait signifier autre chose que les débarrasser de leur caractère nationaliste ».

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Comment une classe prolétarienne lilliputienne, inexpérimentée dans la lutte de classe sur les fronts économique, politique et idéologique, issue de moyens de production archaïques, à l’orée du capitalisme industriel ascendant, toujours en expansion dans de nombreuses régions, et n’ayant pas encore conquis certains pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ; comment cette classe émergente pouvait-elle imposer l’internationalisme prolétarien qu’elle ne soupçonnait même pas et qui ne viendrait qu’avec la phase impérialiste d’évolution du mode de production ? Car c’est bien l’impérialisme capitaliste qui forge la classe prolétarienne internationaliste à laquelle s’oppose aujourd’hui la gauche et la droite nationaliste chauvine. NDLR-Robert Bibeau.

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Et Mattick d’ajouter « La Première Guerre mondiale produisit la Révolution russe, et, quelles qu’aient été ses intentions primitives, elle fut une révolution nationale. Bien qu’elle attendit de l’aide de l’étranger, elle n’en apporta jamais aux forces révolutionnaires de l’extérieur, excepté lors¬que cette aide lui fut dictée par les intérêts russes nationaux. La 2e guerre mondiale et ses séquelles ame¬nèrent l’indépendance pour l’Inde et le Pakistan, la Révo-lution chinoise (…) Apparemment, l’époque de l’émancipation nationale n’est pas terminée, et il est évident que le courant de plus en plus fort contre l’impérialisme ne sert pas les fins socialistes révolutionnaires à l’échelle mondiale ».

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Quelle « libération » et quelle « autodétermination de classe » pour les prolétaires de l’Asie du Sud-Est, pour ceux d’Afrique et du Moyen-Orient ? Dans une analyse de classe prolétarienne de l’économie politique, chaque concept a une signification de classe. Ainsi, pour nous prolétaires révolutionnaires, le terme « libération » ne peut signifier que la libération de l’exploitation de classe, de l’aliénation de classe, du joug du mode de production capitaliste. En quoi les prolétaires d’Asie du Sud-Est, de Chine, d’Afrique, du Moyen-Orient, entre 1945 et 1975, ont-ils été émancipés ? On en vient ainsi à comprendre que les dirigeants socialistes, communistes, fronts unis patriotiques, fronts populaires et autres gauches bourgeoises nationalistes considèrent comme une « libération » le fait qu’ils se soient emparés de la direction de l’édification du capitalisme bourgeois dans leurs États nationaux respectifs. La classe prolétarienne, en cours d’internationalisation sous l’impérialisme moderne, connaît ses nouveaux geôliers, mais elle n’est toujours pas émancipée. NDLR-Robert Bibeau.

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Paul Mattick s’enhardit et sentence « Ce que révèle réellement ce nouveau nationalisme, ce sont les changements structurels de l’économie capita¬liste mondiale et la fin du colonialisme du XIXe siè¬cle. Le « fardeau de l’homme blanc » est devenu un fardeau réel au lieu d’une aubaine. Les profits de la domination coloniale diminuent tandis que le coût de l’empire augmente ».

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Les prolétaires révolutionnaires rejettent fermement toute accusation raciste petite-bourgeoise gauchiste à propos du « fardeau de l’homme blanc ». Il y a l’homme blanc capitaliste qui opprime l’homme blanc prolétarien aussi bien que l’homme noir prolétarien. L’homme blanc prolétarien n’opprime pas l’homme noir prolétarien. Ils sont tous les deux opprimés et exploités par leurs congénères « raciaux », ethniques, religieux ou linguistiques. Ainsi, contrairement à ce qu’écrit Mattick, les profits de l’exploitation capitaliste dans les pays colonisés émergents – nouvellement arrivées au mode industriel de production et de reproduction – ne diminuent pas, ce sont les profits réalisés dans les pays dominants, les premiers capitalisés, les pays d’Occident, qui diminuent résultant de deux facteurs : A) le renchérissement du coût de reproduction de la force de travail social éduquée dans les pays industriellement avancés ; et B) l’augmentation de la composition organique du capital robotisé, mécanisé, numérisé – les capitalistes mécanisant la production afin d’augmenter la productivité et le taux d’exploitation de la force de travail afin de réduire la quantité globale de force de travail social dont le coût est en hausse.

Le nationalisme chauvin et réactionnaire ne vise qu’à faire accepter ces sacrifices à la classe ouvrière nationale. Les capitalistes blancs du nord n’ont pas hésité à délocaliser leurs usines du nord (blanc) vers le sud (noir) ou vers l’est (jaune) quand cela devenait profitable. Le capitaliste, tout comme le prolétaire, est internationaliste et il sait que le capital n’a pas de patrie, pas de couleur et pas d’odeur. Nous l’avons écrit et nous le répétons, une nation ou un peuple opprimé et une nation ou un peuple oppresseur ça n’existe pas. Sous le mode de production capitaliste, différentes classes sociales s’affrontent et de ces affrontements naissent les conditions d’exploitation et d’oppression de la classe prolétarienne métropolitaine et les conditions d’exploitation et d’oppression de la classe prolétarienne des pays-ex-colonies, aussi appelées pays capitalistes « émergents » maintenant qu’il est avantageux de les exploiter industriellement. Ce développement inégal et combiné est voué à être modifié comme le démontrent les constants phénomènes de délocalisation et de relocalisation industrielles. C’est en cela que le capital national devient mondial construisant son fossoyeur le prolétariat révolutionnaire international. Dans le passage qui suit, Paul Mattick expose précisément l’incompréhension profonde de l’ensemble de la gauche gauchiste, opportuniste et réformiste en ce qui a trait à l’impérialisme qu’il considère comme une évolution de la politique de domination des grandes puissances économiques du colonialisme au néocolonialisme. NDLR-Robert Bibeau.

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Mattick écrit « En général, le colonialisme ne paye plus, de sorte que, c’est en partie le principe du profit lui-même qui invite à reconsidérer le problème de la domination impérialiste. Deux guerres mondiales ont plus ou moins détruit les vieilles puissances impérialistes. Mais elles n’ont pas amené la fin de l’impérialisme qui, tout en prenant de nouvelles formes et expressions, maintient le contrôle économique et politique des nations fortes sur les fai¬bles (…) l’Amérique n’a pas été une puissance impérialiste dans le sens traditionnel. Elle s’est assuré le bénéfice du contrôle impérial, plus par la « diplomatie du dollar » que par l’intervention militaire directe ».

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Les nations et les États-nations sont des résidus du mode de production capitaliste ascendant et ils sont appelés à disparaître au sein du « Melting pot » international. Les guerres ne peuvent « amener la fin de l’impérialisme » comme le prétend Mattick. Les guerres sont le résultat de l’évolution de l’économie politique impérialiste dans son développement contradictoire – dialectique – et constituent l’ultime tactique du système capitaliste pour tenter de surmonter ses contradictions. Contrairement à la théorie complotiste du « Choc civilisationnel », le capital ne court pas vers la guerre – il y est entraîné inexorablement par les lois de valorisation du capital. C’est la raison pour laquelle nous prolétaires révolutionnaires affirmons que l’on ne peut réformer le capitalisme et qu’il faut l’abattre sans rémissions. Pour ce qui est de la « diplomatie du dollar » qui aurait remplacé la « diplomatie de la canonnière », constatons simplement que les États-Unis sont intervenus militairement à 200 reprises depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ; que les capitalistes qui dominent ce pays ont mené leur pays à la guerre 220 années sur ses 240 ans d’existence  ! Il appert que la puissance militaire de l’Alliance impérialiste occidentale est très active dans la défense de ses intérêts – non pas nationaux –, mais des intérêts des capitalistes monopolistes internationaux, financiers notamment, via la diplomatie de la canonnière, du porte-avions, du missile et du drone. La diplomatie du dollar et la diplomatie de la canonnière sont deux tactiques complémentaires. NDLR-Robert Bibeau.

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Paul Mattick affirme ensuite « Aucune des puissances européennes n’est de force aujourd’hui à s’opposer à la dissolution complète de son empire, si ce n’est avec l’aide américaine. Mais cette aide soumet ces nations tout comme leurs posses¬sions étrangères, à la pénétration et au contrôle améri¬cains. Héritant de ce qu’abandonne l’impérialisme à son déclin, les États-Unis n’éprouvent pas le besoin de voler au secours de l’impérialisme ouest-européen « L’anticolonialisme » n’est pas une politique améri¬caine délibérément voulue pour affaiblir les alliés oc¬cidentaux (…), mais a été choisi dans la perspective de renforcer le mon¬de libre. »

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Le mode de production capitaliste américain n’est pas en guerre contre le mode de production capitaliste européen, russe ou chinois. Il existe une alliance d’entreprises concurrentes ayant atteint la phase monopoliste-impérialiste d’évolution capitaliste et elles sont toutes en compétition les unes contre les autres, mais aussi en concurrence contre les entreprises capitalistes « émergentes » et mondialisées de Chine et de l’Inde, etc. Ce ne sont pas les pays qui sont « émergents », ce sont les grandes entreprises des pays du sud qui se regroupent en conglomérats afin de collaborer et aussi de faire face aux monopoles occidentaux. C’est là où les pousse tout naturellement leur développement impérialiste.

Une enquête récente de l’ONG OXFAM révèle qu’ensemble les dix plus grosses corporations du monde ont des revenus plus importants que les revenus gouvernementaux de 180 pays combinés, c’est cela l’impérialisme-mondialiste. Ces immenses conglomérats s’échangent des biens de consommation, mais aussi des moyens de production – des capitaux – c’est à ce moment qu’interviennent les banques et les marchés financiers, et ils se partagent les marchés après d’âpres négociations sinon par la guerre. L’évolution très rapide des rapports de production capitalistes parmi ces conglomérats « émergents » et dans ces pays « émergents » les place déjà en position de conquérants vis-à-vis leurs anciens mentors occidentaux.

Le prolétariat doit-il prendre parti en faveur de ces capitalistes nationaux « émergents » ou en faveur des anciens capitalistes internationaux-mondialistes ? Ni l’un ni l’autre évidemment. Ainsi, la Chine qui n’a pas encore complété l’intégration de 350 millions de ses paysans à ses forces productives industrielles « nationales » est déjà en course pour la robotisation de sa production industrielle afin d’atteindre une plus grande productivité l’amenant à soutenir la concurrence impérialiste mondiale et à sacrifier des millions de prolétaires qui demain n’auront d’autre choix que de se révolter et de détruire – non pas la « nation chinoise », ou l’impérialisme chinois « émergent » –, mais le mode de production capitaliste en Chine, à titre de contribution à la révolution prolétarienne mondiale. NDLR-Robert Bibeau.

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Mattick enchaîne « Privés de possibilités impérialistes, l’Allemagne, l’Ita¬lie et le Japon n’ont plus de politique indépendante. Le déclin progressif des Empires français et britanni¬que a fait de ces nations des puissances de second ordre. En même temps, les aspirations nationales des régions moins développées et plus faibles ne peuvent se réali¬ser que si elles entrent dans les plans de conquête des impérialismes dominants ».

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En quoi l’Allemagne, l’Italie et le Japon furent-ils privés de capacités impérialistes ? La force d’une puissance capitaliste – en phase impérialiste – est à la mesure de ses capacités économiques, industrielles, commerciales, financières, et ultimement militaires. La Russie soviétique a enseigné ces choses à l’Allemagne hitlérienne. Les États-Unis de Roosevelt ont enseigné ces choses au Japon de Hirohito. La Chine produit et consomme la moitié des produits industriels du monde, ciment, énergie, caoutchouc, produit chimique, acier, cuivre, aluminium, etc. Ainsi, la Chine achète à elle seule la moitié des robots industriels mis en marché par l’Allemagne, le Japon et la Corée. La production industrielle chinoise représente 55 % du PIB de ce pays et occupent 45 % de sa main-d’œuvre salariée totale, soit 400 millions de prolétaires auxquels 350 millions autres attendant de se joindre, c’est deux fois la population totale des États-Unis. Aux États-Unis, 70% du PIB concerne la consommation des marchandises, que ce pays ne produit pas, et moins de 12% du PIB national provient de l’industrie, notamment de l’industrie de l’armement subventionnée et parasitaire. Moins de 12% du prolétariat américain œuvre dans l’industrie productive, heureusement son taux de productivité est très élevé. Cette puissance capitaliste, à son stade impérialiste déclinant, n’en a plus pour longtemps face à la montée en puissance de son remplaçant non pas national, mais international. Même si la Chine impériale ne souhaite pas se mettre de l’avant militairement elle sera forcée de le faire. NDLR-Robert Bibeau.

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Paul Mattick récidive et réaffirme avec obstination son incompréhension du concept d’impérialisme phase ultime de tout mode de production. Il écrit : « L’érosion de l’impérialisme occidental, dit-on, crée un vide du pouvoir dans les régions jusqu’alors subju-guées. (…) Les révolutions nationales dans les régions retardées du point de vue capitaliste sont des essais de moderni¬sation par l’industrialisation, soit qu’elles expriment simplement une opposition au capital étranger, soit qu’elles tendent à changer les rapports sociaux existants. Mais tandis que le nationalisme du XIXe siècle était un instrument de développement du capital privé, le nationalisme du XXe siècle est essentiellement un instrument de développement du capitalisme d’État. (…) le nationalisme actuel porte de nouveaux coups à un marché mondial (…) ».

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Les « révolutions » nationalistes dans les régions économiquement retardées n’ont jamais exprimé d’opposition au capital et n’ont pas changé les rapports sociaux capitalistes qu’ils ont plutôt raffermis. Le nationalisme n’est plus le mode spécifique et universel des rapports de production capitaliste, mais une modalité de développement idéologiquement orientée, dans un sens au siècle dernier, et dans un autre sens dans le siècle présent, au gré de l’imagination fertile des socialistes et des gauchistes. Le nationalisme a été et sera toujours l’idéologie de la classe bourgeoise ascendante –, quel que soit le pays ou le continent où il se développe. Au début, le nationalisme s’oppose au libre marché mondial, puis après une phase de capitalisation nationale, il souhaite son intégration multinationale dans le grand marché impérialiste mondialisé. Ceci fut vrai en Europe, berceau du capitalisme, en Amérique et en Océanie où il a été transplanté, et en Asie où il a été essaimé, et en Afrique où il a été imposé. NDLR-Robert Bibeau.

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Paul Mattick écrit ensuite « Derrière les mouvements nationalistes, il y a, bien sûr, la pression de la pauvreté, qui devient de plus en plus explosive à mesure qu’augmente la différence entre nations pauvres et riches. La division internationale du travail telle qu’elle est déterminée par la formation du capital privé implique l’exploitation des contrées les plus pauvres par les plus riches et la concentration du capital dans les pays capitalistes avancés. Le nouveau nationalisme s’oppose à la concentration du capital dé¬terminée par le marché, de manière à assurer l’industrialisation des pays sous-développés. (…) Aujourd’hui, entreprise pri-vée et contrôle gouvernemental opèrent simultanément dans chaque pays capitaliste, et dans le monde entier. De sorte que la subordination de la concurrence privée à la concurrence nationale est impitoyable (…) ».

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Sous couvert de théoriser le principe de l’impérialisme et de l’opposer aux aspirations nationales des « contrées pauvres » vis-à-vis des « contrées riches », selon la typologie des ONG de la charité, Mattick oppose le capitalisme national privé au capitalisme national public. L’État capitaliste serait une entité indépendante de la classe capitaliste dominante. Pour le dire autrement, il y aurait d’un côté la classe capitaliste et de l’autre l’État capitaliste dirigé par des bureaucrates et des caciques étatiques indépendants (l’État profond) ayant leur propre agenda de développement. Comme l’écrit Mattick, l’État capitaliste est un organisme issu du développement du mode de production – c’est un composant des rapports sociaux de production capitaliste – et en cela l’État bourgeois ne peut que répondre aux besoins de développement (de valorisation du capital) de ce mode de production. Il ne peut y avoir de subordination de la concurrence privée à la concurrence étatique nationale, les deux se complètent. Cet État ne s’enraye dans son fonctionnement qu’au moment où le mode de production empêtré dans ses contradictions s’enraye lui-même. On dit alors que les conditions objectives de la révolution sont réunies. NDLR-Robert Bibeau.

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Mattick ajoute « À la base des aspirations nationales et des rivalités impérialistes, se trouve le besoin réel d’une organisa¬tion mondiale de la production et de la distribution comme le géologue K. F. Mather l’a fait remar¬quer, la « terre est faite beaucoup plus pour être occupée par des hommes organisés à l’échelle mon¬diale, pouvant pratiquer au maximum à travers le mon¬de entier le libre-échange des matières premières et des produits finis, que par des hommes qui s’entêtent à élever des barrières entre régions, même si ces régions sont de grands pays ou des continents entiers ». Deuxiè¬mement parce que la production sociale ne peut se dé¬velopper pleinement, et libérer les hommes du besoin et de la misère que par la coopération internationale (…) ».

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Selon Mattick « si elle n’est pas utilisée à des fins humaines une lutte entre nations produira (…) l’élimination de la compétition capitaliste ». Tremblez capitalistes et prolétaires du monde entier, vous devez accepter la coopération industrielle sinon la compétition capitaliste disparaîtra. Mais, pourrait-on dire, c’est exactement ce que souhaitent les grands monopoles internationaux qui ont renié leur « nationalité » et qui font tout pour absorber leurs adversaires et éliminer leurs concurrents, où qu’ils se trouvent, sauf que les lois de l’économie politique capitaliste rendent la chose impossible, et que même si cet objectif était atteint il ne résoudrait pas la contradiction fondamentale du capital. Sous le mode de production capitaliste, il n’existe pas de contradiction telle que « les aspirations nationales opposées aux rivalités impérialistes ». Pourquoi ? Parce que l’impérialisme est l’aboutissement du développement capitaliste national. L’impérialisme est l’enfant du capitalisme national et comme son père – qu’il tue parvenu à maturité – l’impérialisme a vocation à s’étendre et à régner sur l’humanité capitaliste après le parricide du nationalisme trop restreint pour lui permettre de se reproduire.

Reprenons, le capital mondialisé se trouve à l’étroit dans la structure de gouvernance nationale et il cherche à briser ce carcan afin de se donner les conditions de sa reproduction. Or cette gouvernance nationale sert les intérêts de la petite bourgeoisie si nombreuse en société impérialiste avancée (dans le secteur tertiaire notamment). Cette gouvernance nationale fait aussi l’affaire du petit capital national pas encore monopolistique, mais qui aspire à le devenir à l’abri des frontières nationales devenues caduques pour le grand capital. Une guerre de classe éclate donc au sein de la bourgeoisie (petite – moyenne – grande) pour le contrôle de l’appareil d’État national ; le grand capital pour le faire éclater ; le petit capital et la petite bourgeoisie pour le préserver et le renforcer. Inévitablement, c’est le grand capital qui l’emporte, mais cette guerre de classe réactionnaire, interfactions bourgeoises, ne concerne pas la classe ouvrière révolutionnaire qui en prend acte, sans plus. Nous avons étudié cette guerre de classe entre le bloc capitaliste conservateur-Républicain et le bloc libéral-technologique-Démocrate à l’occasion des élections américaines https://les7duquebec.net/?s=les+mas… NDLR-Robert Bibeau.

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Poursuivons avec Mattick « Alors qu’une attitude positive à l’égard du nationa¬lisme trahit un manque d’intérêt pour le socialisme, la position socialiste sur le nationalisme est manifestement inefficace tout comme les pays qui en oppriment d’au¬tres. Une position antinationaliste intransigeante sem¬ble, tout au moins indirectement, appuyer l’impérialis¬me (…) les socialis¬tes n’ont pas pour rôle de fomenter les luttes pour l’au¬tonomie nationale ; comme l’ont démontré les mou¬vements de « libération » qui ont surgi dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale. (…) le nationalisme ne put être utilisé à des fins socialistes et il ne fut pas un bon moyen stra¬tégique pour hâter la fin du capitalisme ».

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Paul Mattick prétend qu’une lutte de classe contre le capitalisme national constituerait un appui à l’impérialisme, pourtant, ne faut-il pas mener la lutte anticapitaliste pour mener la guerre anti-impérialiste ? L’impérialisme ce n’est pas une puissance économique et politique étrangère. L’impérialisme est l’ultime étape de développement du mode de production capitaliste comme nous l’écrivions précédemment. En d’autres termes, chaque État capitaliste bourgeois, et chaque classe capitaliste nationale qui contrôlent cet État sont voués à évoluer jusqu’à s’intégrer dans une alliance impérialiste et à poursuivre ainsi leur lutte concurrentielle contre les autres États et contre les autres classes bourgeoises – mais surtout, contre la classe prolétarienne mondiale dont tous tirent leur plus-value. Cette intégration internationaliste se fait d’abord sur le plan économique par le biais du commerce, des investissements de capitaux (IDF), des tractations boursières, des échanges de monnaies, des prises de contrôle d’entreprises, des prêts, du crédit, de la dette, etc. Le prolétariat révolutionnaire n’a aucun contrôle sur cette guerre concurrentielle entre alliances capitalistes qui s’affrontent à travers la concurrence, il ne peut qu’en subir les conséquences. NDLR-Robert Bibeau.

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Paul Mattick écrit ensuite « Au contraire, le nationalisme détruisit le socialisme, en l’utilisant à des fins nationalistes. Ce n’est pas le rôle du socialisme de soutenir le na-tionalisme, même quand celui-ci combat l’impérialis¬me. Combattre l’impérialisme sans affaiblir simultané¬ment le nationalisme, ce n’est pas autre chose que combat¬tre certains impérialistes et en appuyer d’autres, car le nationalisme est nécessairement impérialiste ou illu¬soire. L’autodétermination natio¬nale n’a pas émancipé les classes laborieuses des pays avancés. Elle ne le fera pas non plus maintenant en Asie et en Afrique. Les révolutions nationales, l’Algé¬rienne, par exemple, apporteront peu aux classes pauvres, à part le droit de partager plus équitablement les préjugés nationaux. Sans doute, c’est quelque chose pour les Algériens, qui ont souffert d’un système colonial particulièrement arrogant. On peut prévoir les résultats possibles de l’indépendance algérienne en examinant le cas de la Tunisie et du Maroc, où les rapports sociaux exis¬tants n’ont pas changé, et où les conditions d’existence des classes exploitées n’ont pas été notablement amé¬liorées ».

********** Cette fois, nous sommes en accord complet avec Paul Mattick. NDLR-Robert Bibeau.

Notes

1. Paul Mattick (1959) Nationalisme et socialisme. Publié en anglais dans The American Socialist en septembre 1959, en français dans Front Noir (février 1965) et dans ICO n° 99 (novembre 1970).

Source : QUESTION NATIONALE ET RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE SOUS L’IMPÉRIALISME MODERNE. 142 pages • 15,5 € • EAN : 9782343114743

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